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Pour une publicité efficace des sûretés réelles mobilières.


par Gaëtan Jouve
Université Clermont Auvergne - Master droit privé parcours droit civil 2019
  

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Section 2 : L'exemple critiquable du fichier national des gages sans dépossession,

Selon la CNUDCI, « Un fichier électronique est le moyen le plus efficace et le plus pratique pour les États adoptants d'appliquer la recommandation du Guide sur les opérations garanties selon laquelle ce fichier devrait être centralisé et unifié223 ». Autrement dit, le registre efficace serait une base de données informatisée. En droit positif français, le fichier national des gages sans dépossession est ce qui se rapprocherait le plus de cet idéal. Il n'en demeure pas moins éminemment perfectible, de sorte que nous ne nous inspirerons que très modérément de cet exemple. L'article 9 du décret n° 2006 -- 1804 du 23 décembre 2006 dispose qu'« Il est créé un fichier électronique national sur lequel est mentionnée l'existence des inscriptions prises en application de l'article 2338 du Code civil ».

Commençons par le premier défaut de ce fichier, le plus évident et le plus facilement remédiable : comment ne pas regretter que le fichier national des gages sans dépossession ne s'attache, comme son nom l'indique, qu'à la seule publicité des gages sans dépossession régis par les articles 2333 et suivant du Code civil ? Quid, entre autres, du gage de stocks, régis par les articles L. 527-1 et suivant du code de commerce ? Ainsi le fichier national des gages sans dépossession a-t-il souffert, dès sa naissance, de la vision octogonale non unitaire du droit des sûretés que nous avons pu aborder plus haut224. Aujourd'hui, il pèche par sa nature lacunaire incapable qu'il est d'informer les tiers en présence d'une sûreté spéciale. Cette imperfection n'est qu'une manifestation parmi tant d'autres du casse-tête de la vision non unitaire de la matière. Toutefois, même en présence d'un droit des sûretés éclaté « une élémentaire logique aurait voulu que l'on crée un registre national pour tous les gages sans dépossession, quels qu'ils soient225 ». A ce propos, sur demande du ministère de la Justice, une commission constituée sous la houlette de l'Association Henri Capitant a entrepris de solutionner ce désagrément. À l'occasion d'un avant-projet de réforme qui s'articule autour des dix points clés, il propose notamment une « amélioration du régime de la publicité des sûretés mobilières par la centralisation de l'inscription de toutes les sûretés mobilières spéciales sur le registre créé par le décret n° 2006-1804 du 23 décembre 2006226 ». Incontestablement, il s'agirait d'un progrès, mais le remède est-il suffisant ? À vrai dire, nous n'en sommes pas convaincus dans la mesure ou le fichier national des gages sans dépossession est affecté d'un second défaut. Un défaut structurel.

À l'étude des dispositions du décret du 23 décembre 2006, il apparaît que les usagers n'ont jamais eu accès directement au registre contenant l'information relative aux inscriptions des différents gages sans dépossession sur le territoire. S'il se rend sur le site d'information du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce227, l'usager sera face à une simple interface fort limitante dans ses possibilités de recherche. Cette interface est étrangère à la notion de registre efficace entendu sous la forme d'un grand livre accessible à tous en écriture et en lecture comme pourrait le proposer la blockchain. L'article 10 du décret sus-cité dispose que « Le greffier du tribunal auprès duquel un gage est inscrit conformément à l'article 1er reporte par voie électronique sur le fichier prévu à l'article précédent le nom du constituant ainsi que la catégorie à laquelle appartient le bien affecté en garantie. » Quant à

223« Guide de la CNUDCI sur la mise en place d'un registre des sûretés réelles mobilières », op. cit., p. 34, paragr. 82.

224Voir supra. Partie 1, Titre 1, Chapitre 3 : L'approche globale et fonctionnaliste de la notion de sûreté 225Pierre CROCQ, « Droit des sûretés », Dalloz, 2008, recueille Dalloz, 2008, p. 2104.

226Xavier DELPECH, « Propositions de réforme du droit des contrats spéciaux et du droit des sûretés », Dalloz, AJ contrat 2017, p.404.

227www.cngtc.fr

lui, l'article 12 dispose que « S'il existe des inscriptions prises au nom du constituant sur le bien décrit, le Conseil national en informe le demandeur et lui indique le greffe compétent pour obtenir, à ses frais, la délivrance de l'état de ces inscriptions ». À la lecture combinée de ces deux articles, il faut conclure que l'usager qui visite le site n'a pas la possibilité d'écrire sur le véritable registre. Cette prérogative étant réservée aux greffiers malgré la charge de travail inutile que cela implique. L'usager ne peut pas non plus consulter le véritable registre, tout juste a il accès gratuitement à une copie lacunaire. Ce système pose plusieurs problèmes, d'une part si la CNUDCI met en garde contre le registre papier c'est notamment pour éviter le risque d'erreur lié au processus de la transcription228. En l'espèce, le fichier n'a que l'apparence d'un registre informatisé, car il est issu en substance d'un support papier. Dès lors, la transcription opérée par les greffes des tribunaux de commerce apparaît comme une étape inutile lors de l'inscription et la nécessaire demande de consultation payante qui suit apparaît comme une étape inutile lors de la consultation. En somme, les greffes se sont immiscées entre l'utilisateur et son registre ce qui ne saurait être la fonction d'un conservateur efficace229.

Pour ce qui est du caractère onéreux de la « délivrance de l'état de ces inscriptions », il nous apparaît que ce surcoût n'existe que parce que le fichier des gages sans dépossession n'a pas su se détacher de son support papier et de l'inscription par enregistrement de documents. Le registre efficace devrait donner libre accès aux avis inscrits dans leurs intégralités, et cela potentiellement gratuitement. La gratuité d'utilisation et le financement par la publicité commerciale étant la norme sur internet, il nous semble intéressant de creuser ces pistes quant au financement du registre230.

Entre autres limitations, soulignons que quiconque souhaitant s'informer de la situation patrimoniale d'un particulier, afin de jauger sa capacité à honorer ses obligations par exemple, doit impérativement connaitre la date de son anniversaire231 ! L'article 11 b) du décret de 2006 dispose que « Pour consulter le fichier national, le requérant indique les éléments suivants : (...) S'il s'agit d'une personne physique non-commerçante ou d'un constituant à titre non professionnel : ses nom, prénoms, date et lieu de naissance et son domicile ». Or si la CNUDCI admet la possibilité d'ajouter la date de naissance dans l'avis d'inscription de la sûreté afin de parer à l'hypothèse où plusieurs constituants du même nom auraient grevé des biens similaires elle ajoute évidemment que « Le Guide sur les opérations garanties ne recommande cependant pas d'utiliser ces informations complémentaires comme critère de recherche232 ». Dans le même ordre d'idée, il faudra impérativement connaitre la

228À propos de l'usage d'un registre informatisé la CNUDCI affirme que « Cette approche est le moyen le plus efficace de donner suite à la recommandation du Guide sur les opérations garanties selon laquelle le système devrait être conçu pour réduire au minimum le risque d'erreur humaine (...), puisqu'elle dispense le personnel du registre de saisir dans le fichier du registre les informations figurant sur un avis papier et élimine ainsi le risque d'erreur lié à la transcription. », « Guide de la CNUDCI sur la mise en place d'un registre des sûretés réelles mobilières », op. cit., p. 34, paragr. 83.

229La CNUDCI rappelle que « L'accès direct réduit considérablement les frais de fonctionnement et de maintenance du système », « Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », op. cit., p. 165. Il ne semble pas y avoir de bonne raison à empêcher les usagers d'accéder directement au registre, surtout quand on s'attarde sur le caractère dissuasif des sanctions relatives aux inscriptions erronées ou malveillantes que nous avons pu évoquer plus haut. Dans le même ordre d'idée, « L'accès électronique direct élimine notamment tout délai entre la soumission d'un avis au conservateur du registre et la saisie effective dans la base de données des informations contenues dans l'avis ».

230Voir infra,

231Avec le système de publicité personnelle proposé par le fichier national des gages sans dépossession il est impératif de connaître la date de naissance complète du constituant personne physique pour pouvoir l'identifier et ainsi procéder à une recherche.

232« Guide de la CNUDCI sur la mise en place d'un registre des sûretés réelles mobilières », op. cit., p. 74,

ville de naissance du constituant-personne physique. Il existe bien une fonction « rechercher dans le site pour renseigner automatiquement le formulaire », mais elle ne permet que de substituer un numéro SIREN/SIRET à la rubrique problématique ce qui ne sera d'aucun secours si le constituant est un non professionnel. S'il faut bien admettre que cette hypothèse est marginale, on ne comprend pas pourquoi le fichier ne serait pas assorti d'un moteur de recherche capable de fournir les différents avis correspondant à un nom et à un prénom.

Outre les difficultés relatives au formulaire destiné à identifier le constituant, le site exige que l'usager renseigne la « catégorie de bien gagé ». L'article 11 2 ° du décret de 2006 dispose que : « Pour consulter le fichier national, le requérant indique les éléments suivants : Sur le bien : la catégorie à laquelle le bien appartient par référence à la nomenclature prévue au 6 ° de l'article 2. Chaque consultation ne peut porter que sur une même personne et une même catégorie de biens ». Une fois encore on comprend mal pourquoi une même consultation ne devrait renseigner que sur une catégorie de bien. Pourquoi serait-il impossible d'avoir une vue d'ensemble des droits grevant le patrimoine du constituant ? Ce genre d'information peut évidemment intéresser n'importe quel créancier chirographaire. C'est à croire que le fichier n'a été pensé que pour les tiers désireux d'acquérir des droits sur des biens potentiellement grevés. Or nous avons démontré que la notion de tiers intéressé par la publicité des sûretés mobilières était bien plus vaste que cela. Enfin, on ne peut pas croire que cette limitation ait été placée à dessein233, car il demeure possible pour qui s'arme de patience d'effectuer une recherche pour chacune des 18 catégories de bien afin de se faire une image globale des engagements pris par le constituant. Cette tâche étant particulièrement fastidieuse on peut s'interroger quant à l'opportunité du développement d'une application mobile qui effectuerait automatiquement ces 18 recherches afin d'en fournir une synthèse à son utilisateur.

En conclusion, le registre efficace devrait à notre sens être conçu comme un registre purement informatisé. Il ne devrait pas exister de base de données qui fournit une information lacunaire et difficile d'accès aux usagers, le registre devrait lui-même être cette base de données. Quand on considère le principe de base de l'inscription par simple avis on voit décroitre l'importance du support papier. En effet si le système du fichier national des gages sans dépossession souffre des défauts que nous lui avons trouvés, c'est entre autres choses parce que toutes inscriptions supposent l'enregistrement de l'acte original constitutif de la sûreté. Tant que l'inscription par enregistrement de document sera privilégiée, le registre ne pourra se départir de l'image d'une étagère poussiéreuse croulant sous les dossiers épais. La modernité commande un registre accessible en lecture et en écriture par tous, cela ne devrait choquer personne dans la mesure où nous avons déjà établi que l'inscription ne doit pas avoir pour vocation de prouver l'existence d'une sûreté. Afin d'aboutir à une réelle dématérialisation du registre, nous devons nous lancer sur la piste de la Blockchain, un mode de certification qui brille par sa capacité à se passer d'intermédiaire. Saura-t-elle générer un registre capable de minimiser le rôle des conservateurs pour que les utilisateurs aient enfin accès à une consultation et une inscription direct à moindre coût ?

paragr. 167.

233Afin de s'assurer que chacun ne prenne que les informations qui l'intéressent directement, afin que les affaires du constituant ne soient pas exposées au vu de tous par exemple.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci