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Pour une publicité efficace des sûretés réelles mobilières.


par Gaëtan Jouve
Université Clermont Auvergne - Master droit privé parcours droit civil 2019
  

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Section 2 : Deux remèdes accompagnés d'effets secondaires.

Quand on compare les avantages et les inconvénients de l'assiette universalité de la sûreté globale à ceux de l'assiette étendue au produit retenue par la CNUDCI. La seconde apparaît préférable du point de vue de la protection du sous-acquéreur de bien meuble, même si elle n'est pas sans soulever d'importantes difficultés en matière de publicité.

1. La réalisation de la sûreté globale. Tout au long de sa vie, la sûreté globale joue

189Ibid.

190« le terme « produit » désigne tout ce qui est reçu en relation avec un bien grevé. Il englobe non seulement ce qui est reçu de la vente ou d'un autre acte de disposition, du recouvrement, de la location ou de la mise sous licence du bien grevé . Il englobe aussi les fruits naturels et civils ou les revenus, les indemnités d'assurance, les droits nés d'un vice, de l'endommagement ou de la perte du bien grevé, et le produit du produit », « loi type de la CNUDCI sur les sûretés mobilières », p. 5, consultable sur le site de la CNUDCI : https://uncitral.un.org/sites/uncitral.un.org/files/media-documents/uncitral/fr/ml st f ebook.pdf

191« Source d'insécurité, la solution de la sûreté spéciale est de plus à contre-courant de la tendance actuelle gouvernant la plupart des réformes modernes en matière de sûretés mobilières. Ces projets consacrent un régime unique de sûreté, suffisamment large pour couvrir l'hypothèse des sûretés sur stocks, rendant ainsi inutile le recours à un régime spécial autonome. », Jean-François RIFFARD, « Sûretés mobilières et Stocks : ou l'Art et la Manière de résoudre la Quadrature du Cercle », préc., p. 151.

192Ibid., p. 140.

son rôle à merveille, en relâchant des biens circulant exempts de tout droit réel. Cependant lors de sa réalisation elle génère un risque insurmontable pour les sous-acquéreurs. Ainsi Yannick BLANDIN envisage-t-il une cristallisation de l'assiette de la sûreté globale en cas de défaillance du constituant. Ainsi les actes de disposition du constituant « postérieurs à la défaillance seront déclarés inopposables au créancier et ne pourront donc être invoqués ni par le constituant, ni par les tiers et particulièrement les ayants cause à titre particulier193 ». Ayant anticipé les conséquences désastreuses pour les tiers bénéficiaires des opérations de disposition sus-citées Yannick BLANDIN reconnaît que « l'équité commandera de ne faire produire effet à cette inopposabilité vis-à-vis des tiers qu'à compter de l'accomplissement d'une inscription modificative sur un registre public194 ».

Prenons l'exemple de Primus achetant un bien à Secundus. Le bien est une composante de l'assiette universalité d'une sûreté globale que Secundus a consentie au bénéfice de Tertius. Deux hypothèses sont envisageables. Soit Primus a acquis le bien antérieurement à la formalité obligatoire de publicité et dans ce cas il a réussi à soustraire légalement le bien à l'assiette universalité. Le constituant Secundus se retrouve alors avec une somme d'argent entre ses mains tout en sachant que son créancier Tertius s'apprête à lui retirer la capacité de gérer l'assiette de la sûreté en se ménageant l'inopposabilité de tous ses actes futurs de disposition. À l'inverse, Primus peut avoir consenti à l'achat d'un bien grevé antérieurement à la défaillance de Secundus et à l'accomplissement des formalités obligatoires de publicité par Tertius. Dans ce cas, la vente sera inopposable à Tertius qui pourra saisir le bien entre les mains de Primus exactement comme si Secundus n'avait jamais renoncé à en être propriétaire.

On ne peut que s'accorder à la conclusion de Yannick BLANDIN quant à l'efficacité de ce dispositif. « La sûreté sera efficace en dépit de l'absence de droit de suite sur les éléments de l'assiette universalité : le créancier pourra revendiquer les éléments transmis, ceux-ci n'ayant, à son endroit, jamais quitté l'ensemble objet du droit réel de garantie195 ». En effet, ce mécanisme de protection des intérêts du créancier semble encore plus brutal, à l'égard des tiers, que le droit de suite.

On pourrait cependant s'en satisfaire. Après tout, l'acquéreur d'un bien issu de l'assiette universalité est pleinement en mesure de vérifier196 en temps réel la publicité qui pourrait être faite de la défaillance du constituant. On peut arguer qu'il peut renoncer à son achat jusqu'à la dernière seconde, le blocage de l'assiette universalité étant sans contexte une raison valable de rompre les pourparlers avec le constituant. Bien plus difficile est l'acceptation des effets de cette inopposabilité à l'encontre des sous-acquéreurs. En effet, même s'il reconnaît que les sous-acquéreurs n'ont aucun moyen fiable de s'informer du blocage de l'assiette universalité197 et de l'indisponibilité pour le constituant des biens qui la constitue, cet auteur entend bien les soumettre au même régime que celui des ayants cause à titre particulier du constituant.

Après analyse, il semblerait que la sûreté globale et son assiette universalité soient en

193Yannick BLANDIN, « Sûretés et bien circulant contribution à la réception d'une sûreté globale », th. préc., paragr. 265.

194Ibid.

195Ibid.

196Cela suppose un registre centralisé et informatisé, seul modèle de régime viable à l'ère du numérique. 197« Il est souvent proposé que la publicité du gage ne protège le gagiste que contre les ayants cause à titre particulier, les sous-acquéreurs pouvant encore se prévaloir de la protection fournie par l'article 2276 du Code civil. En matière de sûreté globale, l'inopposabilité sera erga omnes que le tiers soit un ayant cause à titre particulier du constituant ou non. », Yannick BLANDIN, « Sûretés et bien circulant contribution à la réception d'une sûreté globale », th. préc., paragr. 412.

mesure de traiter les symptômes de l'angle mort de la publicité personnelle, mais incapables de régler le problème de fond en garantissant une totale protection aux sous-acquéreurs. Elle constitue toutefois une source potentielle d'inspiration, car même si elle ne résout pas totalement cette problématique elle demeure largement préférable à la situation actuelle. En effet avec la sûreté globale la menace des droits réels pour les intérêts des tiers est efficacement neutralisée tant que la sûreté est pendante. Enfin, il faut ajouter que la probabilité d'une mise sur le marché par le constituant de biens problématiques en cas de gel de l'assiette universalité serait tout de même grandement réduite par l'effet dissuasif de l'infraction pénale pensée par Yannick BLANDIN, le détournement de sûreté globale198.

Même si le recours à la sûreté globale n'est pas la piste qui emporte notre conviction, sa réception par le législateur constituerait sans nul doute une amélioration de la situation générale des tiers face à la publicité des sûretés réelles mobilières.

2. L'assiette extensible et la problématique des biens métamorphes. Du point de vue de la protection des tiers, le principe de l'achat libre de toute sûreté dans le cadre du cours normal des affaires prôné par la CNUDCI, et défendu par Jean François RIFFARD, apparaît comme la solution à privilégier, notamment car elle vocation à s'étendre à toute la matière la ou la solution prônée par Yannick BLANDIN est limité au seul cadre des sûretés sur biens circulants.

Toutefois si la solution proposée par la sûreté globale à la problématique de l'angle mort de la publicité personnelle a montré ses limites à l'épreuve du temps199, la solution de la suppression du droit de suite grevant les biens acquis dans le cours normal des affaires souffre également des limites d'un cadre restrictif200. La question du droit de suite est loin d'être totalement réglée, car il subsiste en cas d'acquisition hors cadre du cour normal des affaires. En effet, ce n'est pas parce que le créancier acquiert des droits sur le produit de la disposition des biens grevé que ces derniers sont automatiquement libérés de sa sûreté201. Cette précision s'impose, car comme la CNUDCI l'a fait remarquer, tous les actes de disposition du constituant ne donnent pas lieu à la naissance d'un produit. Tel est le cas si le constituant transmet le bien grevé à titre gratuit. Ajoutons que « Dans de nombreux cas, le produit a peu de valeur, voire n'en a pas du tout, pour le créancier en tant que sûreté (par exemple une créance qui ne peut être recouvrée parce que la situation financière du débiteur ne le permet pas)202 ». En outre même si un produit a de la valeur, il peut être dilapidé par le constituant. Dans le même ordre d'idée, « il se peut qu'un autre créancier ait pris une sûreté

198Les actes entrepris à compter de la défaillance du constituant seraient constitutifs de l'infraction de détournement de sûreté globale . Une infraction que Yannick BLANDIN imagine en ces termes : « L'infraction pénale nouvelle qui pourra être dénommée « détournement de sûreté globale » devra s'inspirer du modèle fourni par l'infraction de détournement de gage » ibid., paragr. 390.

199Nous avons démontré plus haut que si la sûreté globale via son assiette universalité empêchait la mise sur le marché par le constituant de bien grevé par des droits réels durant toute sa durée, elle perdait cet intérêt lors de sa réalisation. Le gel de l'assiette universalité emportant des conséquences graves pour les sous-acquéreurs sans que ceux-ci aient de réels moyens de s'en informer.

200Comme évoqué précédemment, la suppression du droit de suite ne concerne que certaines opérations bien définies. À ce propos, la CNUDCI énonce que dans les états qui ont choisi cette approche « lorsqu'une vente de stocks a lieu en dehors du cours normal des affaires du constituant ou lorsqu'elle porte sur un bien autre que des stocks, l'exception ne s'appliquera pas; cette vente n'éteint pas les sûretés », « Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 208, paragr. 67.

201« Alors que des États ont adopté différentes approches pour concilier les intérêts des créanciers garantis et ceux des personnes achetant des biens grevés aux constituants non dépossédés, la plupart prévoient que la sûreté devrait survivre au transfert même si le créancier garanti peut aussi faire valoir un droit sur le produit », « Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 207, paragr. 64.

202« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 207, paragr. 63

sur le produit en tant que bien initialement grevé et soit prioritaire sur ce produit203 » ou que le produit ne soit tout simplement pas identifiable. Finalement, il apparaît que le créancier ne perd son droit de suite que quand le bien grevé est aliéné dans le cours normal des affaires du constituant. Ce qui est tout à fait cohérent, car c'est justement dans ces conditions particulières que le créancier souffre le moins du remplacement204 des biens grevé.

Malgré ce bémol, tant que l'on se situe dans le cadre l'acquisition dans le cours normal des affaires, les droits réels du créancier garanti sont efficacement confinés au patrimoine du seul débiteur. Piégés par le cycle des aliénations et des extensions successives de l'assiette aux produits, ils ne sont plus en mesure d'inquiéter les tiers qui peuvent dès lors commercer en pleine confiance. Or c'est justement à l'aune de notre capacité à générer confiance et transparence que nous devons évaluer l'efficacité d'un système de la publicité des sûretés réelles mobilières. Toutefois, ce n'est pas parce que la règle de la prise du bien libre de toute sûreté en cas d'acquisition dans le cours normal des affaires résout le problème des tiers confrontés au droit de suite des créanciers garantis dans la plupart des cas que nous ne devons pas nous intéresser au sort de la minorité de tiers qui ne peut pas en bénéficier.

En effet si l'évidence et le bon sens commandent de protéger celui qui se rend chez le cordonnier pour acheter une paire de souliers, la recherche de la transparence et de l'efficacité commande d'informer l'acheteur d'outillage, le donataire, le légataire205, la foule des créanciers chirographaires et en règle générale tous les autres tiers qui pourraient y avoir intérêts.

C'est à l'aune de cette exigence que surgit un nouveau problème, un effet secondaire de l'extension de l'assiette au produit des biens grevés. « Le produit pouvant prendre la forme d'un bien d'une autre nature que le bien initialement grevé, il peut alors exister une distorsion entre la description du bien tel qu'elle figure dans l'avis d'enregistrement et le produit sur lequel va porter la sûreté206 ». Autrement dit, les biens, grevés par les droits réels initiaux207, ont vocation à se métamorphoser au gré de l'extension de l'assiette de la sûreté.

Pour cerner le problème, il suffit de considérer cet exemple fourni par la CNUDCI, « Une personne susceptible d'acheter une trayeuse au constituant ne comprendra pas nécessairement qu'un avis inscrit mentionnant une sûreté sur le matériel agricole mobile (à savoir les biens initialement grevés) couvre également la trayeuse en tant que produit208».

On touche du doigt la distorsion évoquée par Jean-François RIFFARD, du fait de l'extension de l'assiette au produit et au produit du produit il est fort probable que l'on obtienne rapidement un avis inscrit dont la description n'a plus grand-chose à voir avec les

203Ibid.

204L'acquéreur qui achète un bien dans le cours normal des affaires l'achète libre de toute sûreté. Le créancier garanti perd donc ses droits réels sur ces bien initiaux pour en gagner d'autres sur leurs produits. C'est la seule occasion où l'on peut réellement parler de remplacement des biens grevés, toutes les autres devant être analysées comme une pure extension de l'assiette.

205Ce besoin d'information des donataires et légataires constitue un exemple simple, une donation où un legs pouvant être accompagné de charges, nul ne saurait dénier à ces tiers (qui ont acquis leurs droits hors cadre du cours normal des affaires du constituant) le droit d'être informé correctement vis-à-vis de ce à quoi ils s'engagent.

206Jean-François RIFFARD, « Sûretés mobilières et Stocks : ou l'Art et la Manière de résoudre la Quadrature du Cercle »,op. cit., p. 143.

207« Raisonner en termes d'assiette de la sûreté et d'extension de celle-ci aux biens venant en remplacement conduit en fait à considérer ces derniers comme des biens futurs, inclus ab initio et de lege feranda dans l'assiette de toute sûreté mobilière », Jean-François RIFFARD, « Sûretés mobilières et Stocks : ou l'Art et la Manière de résoudre la Quadrature du Cercle », op. cit., p. 140.

208« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 132, paragr. 90.

biens grevés209. Dès lors, aucun tiers ne sera en mesure de s'informer correctement, l'avis obsolète décrivant des biens qui ont déjà quitté le patrimoine du constituant. Une « nouvelle quadrature du cercle » se pose alors en ces termes « Doit-on faire prévaloir l'information des tiers, et la fiabilité du registre en exigeant une réactualisation « en temps réel » de l'information publiée ?210 » ou alors doit-on garantir l'opposabilité d'une sûreté « sur un produit identifiable quand bien même celui-ci se présenterait sous la forme d'un bien non visé dans l'avis d'enregistrement, et ce, au risque de saper les principes qui sous-tendent les règles d'opposabilité ?211 ». Jean François RIFFARD répond à ce dilemme en avançant le compromis retenu par la CNUDCI. Le créancier aura l'obligation d'enregistrer avant un certain délai « un avis de modification de l'enregistrement initial afin de faire apparaître, dans la description des biens grevés, le nouveau produit. À défaut, sa sûreté sur les biens acquis en remploi d'une autre nature que les biens d'origine ou des espèces, deviendra inopposable aux tiers212 ».

En conclusion, même si l'extension de l'assiette de la sûreté au produit des biens grevés suppose des difficultés, d'aucuns diraient des défis213, en matière de publicité, il nous apparaît impossible de construire un régime efficace de la publicité des sûretés réelles mobilières sans traiter la question de l'angle mort de la publicité personnelle, à minima en ce qui concerne ses effets directs sur le consommateur. À ce propos, Romain BOFFA dénonce avec une pointe d'ironie cette problématique en droit positif actuel : « S'il faudra du temps pour inviter le consommateur de meubles à consulter systématiquement le fichier informatique (du registre), il en faudra encore plus pour lui expliquer qu'il doit subir la sûreté même sans avoir pu la connaître »214. Non seulement un système qui ferait supporter un droit de suite concurrent au sous-acquéreur aveugle à la publicité personnelle ne serait pas efficace, mais il serait de surcroît injuste et inconcevable politiquement et économiquement.

209Quand l'avis initial décrit les biens grevés et leurs produits futurs de manière habile, la question ne se pose pas. En effet, en formulant l'inscription de manière astucieuse il est possible de la faire durer dans le temps sans qu'elle perde sa faculté à informer correctement les tiers sur la nature et le nombre des biens grevés à un instant T.

210Jean-François RIFFARD, « Sûretés mobilières et Stocks : ou l'Art et la Manière de résoudre la Quadrature du Cercle »,op. cit., p. 144

211Ibid.

212Jean-François RIFFARD, « Sûretés mobilières et Stocks : ou l'Art et la Manière de résoudre la Quadrature du Cercle »,op. cit., p. 145

213Outre « Le Défi de la Continuation de la Sûreté et l'Opposabilité aux Tiers » que nous avons évoqué succinctement, Jean-François RIFFARD propose des réponses aux différentes problématiques pratiques qui accompagnent sa solution. Jean-François RIFFARD, « Sûretés mobilières et Stocks : ou l'Art et la Manière de résoudre la Quadrature du Cercle », op. cit.

214Romain BOFFA, « L'opposabilité du nouveau gage sans dépossession », op. cit. paragr. 23.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo