WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Pour une publicité efficace des sûretés réelles mobilières.


par Gaëtan Jouve
Université Clermont Auvergne - Master droit privé parcours droit civil 2019
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

- TITRE 2 -

DU RÔLE TRADITIONNEL DE LA PUBLICITÉ, DU CONSTAT DE SES LIMITES, ET DE SA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION

Pour une approche complète de la vocation de la publicité, il faut distinguer sa mission positive de son rôle négatif. Positivement, la publicité vise à fournir une information aux tiers. C'est ce que l'on peut nommer son utilité traditionnelle : informer (chapitre 1). Négativement, elle commande la sanction de l'inopposabilité qui vise à protéger les tiers selon des conditions très variables d'un ordre juridique à un autre. Le déclencheur de l'inopposabilité d'un acte qui fait le moins débat est le cas d'absence totale de publicité. Dans un régime optimisé de la publicité des sûretés mobilières, un tel exemple devrait confiner à une inopposabilité inconditionnelle, quels que soient les intérêts des tiers en présence. Cependant, même une publicité rigoureuse, du fait de ce que nous nommerons l'angle mort de la publicité personnelle, ne peut informer les sous-acquéreurs, que nous nommerons tiers aveugles à la publicité personnelle. Dès lors faut-il, au mépris du juste et de la sécurité juridique, sacrifier les intérêts de ces tiers ? Ou faut-il amputer les créanciers garantis de leurs droits de suite au risque de nuire gravement à l'efficacité des sûretés réelles mobilières ? Cette seule question démontre les limites de la publicité dans sa mission protectrice des tiers (Chapitre 2). Comme souvent face à un dilemme insoluble, la bonne solution est de ne pas se résoudre à trancher. En partant de l'exemple particulier des abondants travaux universitaires sur les sûretés sur stock, nous proposerons des alternatives au droit de suite quand les difficultés qu'il pose ne peuvent pas être traitées par la publicité. Une publicité efficace doit être consciente de ses lacunes. Ainsi la nécessaire évolution de cette matière commande-t-elle de supprimer les risques que nous ne pouvons prévenir (Chapitre 3).

- CHAPITRE 1 -

INFORMER LES TIERS, L'UTILITÉ TRADITIONNELLE DE LA PUBLICITÉ.

Il existe une multitude de bénéfices différents propres à la publicité des sûretés réelles mobilières. Chaque tiers intéressé par les affaires du constituant en fait un usage distinct. Nommer précisément une liste de tiers à qui s'adresse la publicité qui nous intéresse est purement impossible, car par définition la publicité s'adresse à une foule anonyme129. Il est néanmoins possible de former différentes catégories de tiers en fonction de l'intérêt que la publicité peut avoir à leurs yeux.

À cette étape, l'important est de retenir que limiter la vocation informative de la publicité à certaines catégories de bénéficiaires est purement contre-productif. Contrairement aux règles de droit qui imposent des notifications obligatoires, le coût économique des formalités obligatoires de publicité n'augmente pas corrélativement au nombre de bénéficiaires. Limiter les bénéfices d'information et de protection de la publicité en formant des catégories d'exclus revient à complexifier inutilement cette matière.

Ainsi si certains tiers doivent être informés de l'existence d'une sûreté réelle pour pouvoir mesurer le risque de leurs engagements quand il contracte avec le constituant ou l'un de ses ayants cause à titre particulier (Section 2), d'autres tiers dépendent de la publicité pour anticiper la dégradation de leurs situations (section 1).

Section 1 : Aider le tiers à anticiper l'aggravation de sa situation.

Considérons la convention constitutive d'un gage, ce contrat est loin d'être dénué d'effet pour nombre de tiers. Il ne faut pas retenir de la notion d'effet relatif des conventions issues du dogme de l'autonomie de la volonté que le contrat serait un monde alternatif construit par les cocontractants pour y vivre en autarcie. C'est d'autant plus vrai en matière de droit réel. Même si l'article 1199 du Code civil dispose que « le contrat ne crée d'obligation qu'entre les parties », l'affectation d'un bien à la garantie d'une créance est une opération qui est de nature à impacter la situation économique des tiers. En effet, l'article 1200 du Code civil ajoute que les tiers doivent « respecter la situation juridique créée par le contrat ». Pour Mathias LATINA, cela « illustre le rayonnement de la force obligatoire au-delà de la sphère contractuelle130 ». Ainsi même si le contrat ne met pas d'obligations à la charge de celui qui n'y a pas consenti, il s'agit d'un acte qui crée un réel juridique que tout agent économique rationnel désire prendre en compte pour penser ou repenser sa position dans une relation d'affaires.

Indirectement, la constitution d'une sûreté réelle, dans la mesure où elle affecte certains biens à la garantie d'une certaine créance, a vocation à altérer la solvabilité générale du constituant. Informer tous ceux qui pourraient voir leur droit de gage général amputé entre dans le cadre du rôle traditionnel et basique de la publicité.

Le créancier bénéficiaire d'une sûreté personnelle et le créancier chirographaire sont les tiers les plus éloignés de l'épicentre du séisme que constitue la création d'une sûreté réelle. Si

129« Dès que les destinataires d'une information sont connus, nous avons affaire à une notification, non pas à une publicité, et c'est alors un tout autre régime juridique qui s'applique », Intervention d'Alain SAYAG, dans le colloque « l'information légale dans les affaires : quels enjeux ? Quelles évolutions ? », préc.

130Mathias LATINA, « Principes directeurs du droit des contrats », Répertoire de droit civil, Dalloz, actualisation Janv. 2019, paragr. 144.

bien qu'on ne pense pas, de prime abord, à l'aggravation, pourtant évidente, de leurs situations. Prenons l'exemple d'un contrat de cautionnement, on comprend rapidement quel intérêt peut avoir le créancier garanti à être informé des gages sans dépossession que pourrait consentir sa caution au profit d'autres créanciers.

Le créancier bénéficiaire d'une sûreté personnelle se voit consentir un second droit de gage général sur le patrimoine de son garant. Une telle sûreté n'emportant pas de droit de préférence, dans le pire des cas, le créancier bénéficiaire d`une sûreté personnelle peut se voir primer dans ses droits par une multitude de créanciers privilégiés. Finalement, les sûretés réelles lui posent le même problème qu'à un créancier chirographaire. À ceci prêt que ce dernier, ne peut compter que sur son droit de gage général unique. Il est dès lors encore plus exposé aux risques de voir les droits réels s'accumuler sur le patrimoine de son débiteur. Autant de soustractions à la valeur sur laquelle il serait susceptible de se payer en cas de défaillance. Malgré la précarité de leurs situations, certains seraient tentés de laisser ces deux tiers en dehors des objectifs d'informations de la publicité des sûretés réelles mobilières. En effet, la CNUDCI rappelle que « Dans certains États, la sûreté produit effet dès sa constitution non seulement entre le constituant et le créancier garanti, mais aussi à l'égard des créanciers chirographaires131 ».

Il convient à notre sens de se garder d'une telle hiérarchisation dans les raisons qui poussent les tiers à désirer l'information. La publicité ne doit pas être un privilège accordé à une catégorie de tiers justifiant d'un intérêt particulier. Elle doit s'adresser à tous ceux qui se donneront la peine de la consulter. Ajoutons qu'un régime efficace de la publicité des sûretés réelles mobilières doit produire les mêmes effets, y compris ceux relatifs à l'inopposabilité, à l'égard de tous.

Le rôle de la publicité est d'éviter aux tiers de se méprendre quant à l'intérêt d'une opération en raison d'une trompeuse propriété apparemment non grevée du constituant. Or il n'est pas souhaitable qu'un créancier chirographaire qui a déjà consenti un crédit se complaise dans une situation illusoire de solvabilité de son débiteur alors même que celui-ci est en train de grever un à un chacun de ses biens.

La sûreté réelle est la sûreté la plus égoïste. Chaque bien mis en gage pour garantir une créance est un bien qui sera soustrait au droit de gage général des créanciers chirographaires. Incontestablement, leurs situations se dégradent à chaque nouvelle sûreté réelle. Il faut obligatoirement les en informer pour qu'ils puissent dans le pire des cas faire le deuil d'une créance sur laquelle ils ne peuvent plus raisonnablement compter. De surcroît, cette information pourra leur éviter de prêter davantage au constituant en se figurant que sa situation n'a pas changé depuis leurs premiers engagements.

Enfin, on peut se demander si « la publicité est l'appui de la vertu, la sauvegarde de la vérité, la terreur du crime, le fléau de l'intrigue132 », toujours est-il qu'en matière de sûretés réelles mobilières elle a vocation à éviter des arrangements et fraudes133 contraires aux intérêts des créanciers chirographaires. Cette raison suffirait à elle seule à arguer qu'il n'y a pas de tiers de seconde zone et que l'information via la publicité doit être accessible à tous. S'il apparaît que l'information est utile aux créanciers chirographaires déjà engagés, elle l'est tout autant pour ceux qui envisagent de consentir un prêt. En effet, « les créanciers

131« Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 110., paragr. 10.

132Maximilien ROBESPIERRE, « Discours par Maximilien Robespierre 17 avril 1792-27 juillet 1794 ».

133« L'obligation d'inscrire rapidement la sûreté sur un registre public ou d'accomplir une formalité supplémentaire équivalente réduit le risque qu'une prétendue sûreté ne soit en fait qu'un arrangement collusoire entre un constituant insolvable et un créancier bénéficiant d'un traitement préférentiel », « Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties », p. 110. Paragr. 11.

chirographaires fondent leur décision de prêter sur la santé financière générale du constituant, la présence ou l'absence de sûretés peut être l'un des facteurs pris en compte dans cette décision134 ». Les créanciers chirographaires ou bénéficiaires de sûretés personnelles ont besoin de la publicité des sûretés réelles mobilières pour évaluer les risques de leurs engagements.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"