Régulation des marchés financiers face à la cryptomonnaie en droit positif congolais avec un regard du droit européenpar Aristide NGONGA Université de Kinshasa - Licence en Droit 2020 |
§2. De la nécessité d'un encadrement juridique des cryptomonnaiesLe premier enjeu majeur est de définir une réglementation et un contrôle, non pas tant des monnaies virtuelles en tant que telle, mais de l'utilisation qui en est faite, ce qui n'est pas si simple. La première grande difficulté de cette tâche vient de la nécessaire utilisation d'internet, qu'il est donc difficile de contrôler. De plus, dans les cas de transactions illégales, ces dernières sont le plus souvent réalisées sur le darknet l'ensemble des pages internet non référencées sur les navigateurs de recherche - qui représente 80% d'internet, et échappe à tout contrôle. La seconde difficulté provient du système pair à pair du réseau Bitcoin. En effet un tel système peut difficilement être régulé car il résulte de l'accord de volontés des utilisateurs entre eux, et ne nécessite aucune entité centrale pour fonctionner. Il apparaitrait donc que seule une action sur les acteurs tiers du système, comme les plates-formes d'échange de monnaie par exemple, peut être envisagée. Il faut cependant noter que cette solution ne permet pas de réglementer l'utilisation effective de cette monnaie sur internet. En cas de fraude, seule une intervention des forces de l'ordre pourrait alors stopper les activités illicites. Cette question de la réglementation du Bitcoin a une importance internationale du fait de l'utilisation d'internet. Si les différents Etats, notamment des pays du G20, ne parviennent pas rapidement à une réflexion commune et à une entente minimale sur ce sujet, le risque est de voir apparaître une non-coordination des juridictions et un arbitrage réglementaire. Or il est difficile pour les différents pays de la planète d'avancer ensemble sur ce sujet. Certaines juridictions ont déjà commencé à réglementer voire interdire le Bitcoin et son utilisation, quand d'autres commencent à peine à y réfléchir. Définir le champ au plus vite des autorités compétentes pour agir dans ce domaine ainsi que les textes de lois serait pourtant essentiel pour limiter les risques de fraude liés à l'utilisation du Bitcoin. La question de la réglementation du Bitcoin est complexe et vaste. Que faut-il exactement réguler les transactions ? Les caractéristiques de la monnaie (son anonymat, son émission automatique ...) ? Ou faut-il agir en amont, en palliant les faiblesses du système ? Si les avis divergent, une opinion est cependant unanimement partagée : il ne faut surtout pas complètement interdire son utilisation. Le risque d'une interdiction complète de la cryptomonnaie et de son utilisation pourrait en effet avoir comme première conséquence de promouvoir fortement son attrait et son développement souterrain. En outre simplement interdire le Bitcoin ne résoudrait en rien la question présente. En effet une multitude de monnaies rivales similaires au Bitcoin se sont déjà développées (Litecoin, Worldcoin, Mastercoin par exemple), et de nouvelles technologies apparaissent sans cesse dans ce domaine. Les futures législations devront donc se positionner au-delà d'une simple interdiction d'une monnaie en particulier pour s'étendre sur un terrain global. De plus, dans quelle mesure peut-on réguler le Bitcoin sans lui faire perdre son objectif premier ? Les utilisateurs du Bitcoin évoquent le plus souvent deux facteurs clés pour justifier leur adhésion au système : l'idéologie proposée par cette monnaie de contourner le système bancaire actuel et ses multiples intermédiaires - la recherche de frais de transactions faibles. Le défi est dès lors d'instaurer une régulation qui permettra de contrôler les défaillances possibles du système tout en conservant et protégeant ses divers avantages. Malgré les nombreuses critiques qui peuvent lui être adressées, force est de constater que le système du Bitcoin propose un bénéfice majeur : celui de réaliser des transactions rapides, y compris des micros transactions, à moindre coût, sans bureaucratie ni frais de transaction excessifs. Quelle orientation alors prendre pour relever cette double contrainte ? Une des propositions les plus plébiscitées est de s'attaquer au défi posé par l'anonymat proposé par le système, tout en permettant le développement des « trust-less transfers » (transactions sécurisées de pair à pair sans pour autant avoir de multiples garanties sur la confiance que l'on peut accorder aux différents acteurs impliqués. Le problème des généraux byzantins). De cette manière, les législateurs permettraient d'encourager l'utilisation des nouvelles technologies avec un fort impact social. Cela favoriserait en effet la concurrence dans le domaine de l'offre des services financiers qui serait particulièrement bienvenue dans le secteur des cartes de crédit et des virements bancaires, aujourd'hui monopole des institutions bancaires traditionnelles - et ainsi promouvoir le bien-être des utilisateurs. La plus grande source d'inquiétude pour les législateurs semble donc être l'anonymat des acteurs des transactions. Identifier ces acteurs permettrait de contrôler les fraudes fiscales, les risques de blanchiment d'argent, et améliorerait la protection des utilisateurs. L'Etat aurait entre autre un rôle à jouer pour donner des lignes directrices et des conseils de prévention à tous ceux qui souhaiteraient utiliser ces monnaies sur les risques associés et les précautions à prendre. 3 axes principaux semblent donc se démarquer pour orienter les régulations à venir : - Encourager l'usage des nouvelles technologies qui permettent d'améliorer la Concurrence au sein du secteur des moyens de paiements ; - Rendre obligatoire l'identification des acteurs des transactions réalisées en monnaies virtuelles ; - Assurer une protection minimale aux utilisateurs. Toutefois une question majeure reste encore en suspens. Réfléchir à une future régulation du Bitcoin est une bonne chose, mais comment réguler ce qui n'est pas encore défini ? Cette première étape n'est pas des plus aisées. Le statut juridique et réglementaire des monnaies virtuelles n'a pas encore été clairement défini aujourd'hui et pose de nombreuses questions. Le Bitcoin n'est ni une monnaie légale, ni un moyen de paiement couvert par la loi n°18/019 du 9 juillet 2018 rélative aux systèmes de paiement et de reglement-titre en RDC159(*). Il n'est pas non plus considéré comme un moyen de paiement par le Code monétaire et financier français, car la monnaie n'est pas émise contre remise de fonds. Plusieurs propositions sont donc possibles pour qualifier le Bitcoin. Il peut être considéré comme produit extrabancaire, comme marchandise, ou encore par exemple comme mesure financière servant de support à des contrats financiers. Les interrogations sur ce sujet sont aujourd'hui nombreuses, mais tant qu'un cadre légal ne sera pas posé pour encadrer cette monnaie, aucune protection ne sera possible pour la réguler en tant que moyen de paiement. De la même manière, comme le Bitcoin n'est juridiquement pas qualifié, il ne peut être pris en compte de manière comptable que comme un actif physique et non comme un actif financier, ou comme monnaie/trésorerie. Il n'est pas évident de réussir à valoriser une trésorerie détenue en monnaie virtuelle, ou bien un produit ayant pour sous-jacent une monnaie virtuelle. Il y a lieu de noter qu'à notre avis il existe deux mécanismes possible si l'on tient à réguler les cryptomonnaies ou à s'approprier de la situation. D'autant les Etats avaient le seul monopole de création de la monnaie ; mais si les privés se sont emparés du jeu, l'État par contre demeure le seul maître à bord capable de contrôler le jeu qu'il soit créé par lui ou par des privés. Le cas des matières premières qui facilitent les échanges -l'or n'était pas extrait que par l'Autorité suprême mais il était le seul à déterminer sa valeur-. Tout comme cet exemple les États du monde, la RDC en particulier doit : 1. Faciliter la création d'infrastructures certifiées d'information et de conseillers financiers formés aux actifs numériques et pourrait réduire les risques de LA cybercriminalité et de fraude en ligne. Cela en passant par la surveillance des échanges de ces actifs ce qui nécessite des investissements importants dans la technologie pour détecter toute transaction suspecte. De cette façon les Etats peuvent passer par la création des structures chargée de contrôle, canalisation et vulgarisation des cryptomonnaies au sein des peuples. Ces structures vont intégrer chaque cryptomonnaie créées l'identifier, insérer des normes d'ordre publiques et recueillir les données essentielles afin de repérer les transactions illégales à venir. Il y a lieu de voir dans la création des cryptomonnaies une bonne intention, celle de contourner les interruptions intempestives des services financiers actuels ou leurs limites dans la desserte, soit les limites frontalières et les frais transactionnelles élevées et donc les États en encadrant ses structures, à cette charge de conserver ces acquis. 2. Les Etats doivent lancer leurs propres monnaies virtuelles, A défaut de se voir partager les pouvoirs régaliens -la création de monnaie- de cette façon ils pourront la contrôler, gérer son cours et retracer les transactions faites, le cas de Nigeria en afrique qui s'est vu confrontée par le flux des utilisateurs (premier pays au monde en bitcoin) à créer sa propre cryptomonnaies pour faire face à cette situation et ne pas en ressortir perdant du siècle.160(*)Car une simple campagne d'avertissement des pièges d'investissement sur les marchés des cryptomonnaies ou l'information de la différence entre les monnaies réelles à laquelle s'est livrée les gouvernements depuis ces derniers jours n'a reussi qu'à éveiller la curiosité du plus grand public et ainsi augmenter le code de popularité des cryptomonnaies au sein de la population ce qui a paru aux yeux du monde comme une publicité alors que le but était de décourager.161(*) 3. Si déterminer le nature ou la forme juridique des cryptomonnaies est une question des siècles, une solution est plutôt possible. Lorsque les structures nationales seront créées elles étudieront en profondeurs la fonction possible qui conviendraient à ces inventions soit alors si la dénomination « monnaie » est trop lourde étant donné que c'est une pure invention privée lorsque les Etats créeront des cryptomonnaies ou s'en approprierons l'utilisation la difficulté ne se posera plus. La qualification juridique sera automatiquement liée. 4. Soit carrément, comme pour les e-commerce, autrefois la démarche serait de partir d'une autorégulation comme solution pour aboutir à un contrôle des cryptomonnaies ; l'on peut voir dans cette position une solution novatrice et prometteuse. Il se n'agit pas de la démission de la collectivité de son rôle mais d'un assouplissement. L'autorégulation facilitera la pose de la première pierre ce qui va ouvrir le chemin vers une rencontre des opérateurs du secteur et l'Etat. Ce qui de facto aboutir à une certification de l'autorégulation, un mécanisme qui se montre parfois plus efficace surtout dans le domaine des affaires.162(*) L'adoption d'une loi qui passe par ce mécanisme serait plus flexibles et réunificatrice mieux inclusive. Les Etats gendarmes recherchaient la sécurité et la sécurisation des personnes et leurs biens, l'état interventionnisme recherche la protection du panier de la ménagère (pouvoir d'achat) et la défense des territoires nous pensons que nos solutions s'intègrent dans le même sens. * 159 Loi n°18/019 du 9 juillet 2018 rélative aux systèmes de paiement et de reglement-titre, journal officiel RDC, 23 juillet 2018, n° spécial, col.53 * 160 https://www.lepoint.fr « Le Nigéria lance l'eNaira, version numérique de sa monnaie », 26 octobre 2021 à 09h15 consulté le 28/03/2022 à 18h10 * 161 https://www.village-justice.com, ADONI NYAMUKE, « Enjeux de la régulation des cryptomonnaies dans le monde », 15 juin 2021. Consulté le 28/03/2022 à 18h20 * 162 JEAN-MARIE CHEFFERT, « Le commerce éléctronique: autorégulation et asymétrié d'information », Revue ubiquité-Droit des technologies de l'information-n°12/2002, Namur, p.2 |
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