Paragraphe 2 : La nécessité de
l'appréhension de certaines informations
Lorsque l'identification du client est terminée,
l'agent immobilier devrait aussi être astreint à l'obligation de
connaitre l'objet et la nature de la relation d'affaire (A) ainsi que
l'obligation de conserver tous documents liés à l'identification
(B) ceci pour permettre des investigations ultérieures.
A- L'omission de l'assujettissement des agents
immobiliers à l'obligation de connaissance de l'objet et la nature de la
relation d'affaire
Ni le Règlement de 2003 ni celui de 2016, ne met
à la charge des agents immobiliers l'obligation de rechercher l'objet ou
la nature de la relation d'affaire qu'il s'en va nouer avec le client. Par
contre, les institutions financières y sont clairement assujetties. Mais
pourquoi exclure les autres assujettis tels que les professionnels de
l'immobilier à une telle mesure qui n'est pas sans importance dans le
processus de vigilance auquel ils sont astreints ? La connaissance de l'objet
de la relation est importante pour le professionnel car ceci lui permettra de
connaitre les réelles intentions de son client, si les opérations
de ce dernier visent à blanchir ou non de l'argent.
En effet, la connaissance de l'objet de la relation d'affaire
tombe sous le sens qu'un professionnel vigilant doit avant tout
s'intéresser à la nature des opérations qu'il propose
à ses clients, au risque que ces derniers les utilisent à des
fins de blanchiment des capitaux. La relation d'affaire est établie
lorsque le professionnel assujetti engage une relation professionnelle ou
commerciale qui est censée au moment où le contact est
établi, s'inscrire dans une durée44. La relation peut
résulter d'un contrat selon lequel plusieurs opérations
43 Cf. arts. 31, 11, paragraphe 1.b) et 30, point 3 de
la 4e directive anti-blanchiment de l'UE.
44 BERR (J. C.), op. cit., p. 14. Voir
article L561-2-1 du code monétaire et financier Français.
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successives seront réalisées entre les
contractants ou qui crée entre ceux-ci des obligations à
exécution successives.
Tout comme il est nécessaire pour l'assujetti
préalablement à l'entrée de la relation d'affaire d'avoir
des informations sur l'identité du client, il est aussi
nécessaire qu'il recueille des informations sur l'objet ou la nature de
la relation. Ainsi les agents immobiliers de la sous-région CEMAC,
professionnels assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux
en Afrique Centrale, doivent, avant d'entrer en relation avec leur client,
recueillir des informations relatives à la nature et à l'objet de
cette relation, et toute autre information pertinente sur le client.
De même, ils doivent pendant toute la durée de la
relation, exercer dans la limite de leurs droits et obligations une vigilance
constante et pratiquer un examen attentif des opérations
effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes
avec la connaissance actualisée qu'ils ont de leurs clients. Ceci pour
maitriser de bout en bout la relation établie et cela permettra de
détecter des opérations visant à blanchir de l'argent.
Le législateur communautaire a établi un cadre
de vigilance excluant certains assujettis sans raison de certaines obligations
; tel est le cas de l'exclusion des agents immobiliers à la
nécessité de conserver les documents après la fin d'un
contrat.
B- L'exclusion marquée des agents immobiliers
de l'obligation de conservation des pièces et documents
Le Règlement CEMAC de 2016 ne soumet pas explicitement
les agents immobiliers à la conservation les documents après
cessation des activités avec un client, mais partant de la
qualité d'assujetti à la lutte contre le blanchiment de capitaux
et à l'intérêt de la conservation des documents, les agents
immobiliers pour prévenir les risques de blanchiment doivent tout comme
les institutions financières conserver par écrit les documents
liés à une relation même après la cessation de
celle-ci.
En vue de permettre d'éventuelles investigations
ultérieures, il est fait obligation aux professionnels assujettis de
conserver des documents pertinents relatifs à leur activité. Il
en va ainsi 10 ans45 après cessation de toute relation des
documents concernant l'identification de leurs clients habituels ou
occasionnels.
45 L'article 13 du Règlement de 2003 fixait
la durée de conservation des documents à 5 ans après la
cessation de toute relation avec le client. Le nouveau Règlement CEMAC
de 2016 a prorogé ce délai à 10ans.
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Les agents immobiliers doivent aussi conserver tous les
documents et pièces relatifs aux opérations qu'ils ont
effectuées. Ainsi, le problème des opérations suspectes
non déclarées ne se pose plus. Aussi, la question du contenu des
transactions passées avec la clientèle pouvant permettre de
retracer à un moment donné, les opérations passées
par un client ayant un passé criminel irréprochable mais faisant
désormais l'objet des poursuites pour participation à des projets
criminels ne se pose plus46.
Il ressort de l'article 38 du Règlement CEMAC que la
conservation des documents et pièces a cette importance, qu'elle permet
la reconstitution de l'ensemble des transactions réalisées par
une personne physique ou morale et qui pourront être liées
à une opération qui fera l'objet de déclaration de
soupçon. La conservation des pièces et documents est
doublée d'une obligation au secret ou à la confidentialité
; ainsi ces documents ne peuvent être communiqués qu'aux quelques
entités prévues par le Règlement. Il s'agit des
autorités judiciaires, les agents de l'État chargés de la
détection et de la répression des infractions liées au
blanchiment de capitaux agissant dans le cadre d'une procédure
judiciaire, aux autorités de contrôle et à
l'ANIF47.
Les mesures de vigilance précitées sont
effectuées généralement avant toute entrée dans une
relation d'affaire. Mais à côté, sont établies des
mesures de vigilances plus spécifiques face à certains clients ou
opérations.
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