B- Pour l'incitation des agents immobiliers à la
déclaration de soupçon
Les différents textes ont prévu un traitement
spécial aux professionnels assujettis à la déclaration de
soupçon, ceci pour les inciter à plus de dénonciation ou
de déclaration. De ce
119 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.), La lutte contre la
criminalité financière en zone CEMAC, Etudes à la
lumière du modèle européen op. cit., p. 80.
120 Cf. Directive européenne n° 90/308 du 10 juin
1991 modifiée par la directive n° 2001/97 du 04 décembre
2001, qui a fortement inspiré le législateur CEMAC.
121 En effet, l'article 101 al.1 renchérit en disposant
que les agents ne doivent pas, au nom du secret professionnel refuser de
fournir des informations requises dans le cadre d'une enquête portant sur
des faits de blanchiment, ordonnée par l'autorité judiciaire.
122 L'article 87 qui traite de la confidentialité de la
déclaration de soupçon, fait obligation à tous les membres
de la chaine de déclaration, de garder secret le contenu de la
déclaration et de ne divulguer aucune information relative sauf à
des personnes désignées. En cas de violation de cette obligation,
des sanctions peuvent être prononcée à l'encontre de
l'agent immobilier.
123 Le détail de l'article 102 du Règlement CEMAC
de 2016 renseigne davantage.
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fait, le Règlement CEMAC124 exempt tout
agent immobilier qui aurait fait des déclarations de bonne foi ou
après avoir effectué la transaction suspectée a
porté ceci à la connaissance de l'ANIF.
L'article 88 pose le principe de l'exemption de
responsabilité des déclarations faites de bonne foi. En effet, il
dispose que les personnes ou les dirigeants et préposés des
agents immobiliers, qui, de bonne foi, ont transmis des informations ou
effectué toute déclaration, sont exempts de toutes poursuites
pénales125. En outre, aucune action en responsabilité
civile ou pénale ne peut être intentée, ni aucune sanction
professionnelle prononcée contre les dirigeants et
préposés des agents immobiliers ayant déclaré les
opérations suspectes de bonne foi, même si des décisions de
justice rendues sur la base des déclarations n'ont donné lieu
à aucune condamnation126.
Par ailleurs, aucune action en responsabilité civile ou
pénale ne peut être intentée contre les personnes
assujetties à la déclaration, en raison des dommages
matériels ou moraux qui pourraient résulter du blocage d'une
opération127 telle que prévu à l'article
74128 du règlement de 2016.
L'exonération de l'agent s'étend à
l'exécution de certaines opérations. En effet, lorsqu'une
opération suspecte a été exécutée et sauf
cas de collusion frauduleuse avec le ou les auteurs du blanchiment, l'agent
immobilier, ainsi que les préposés ou les
dirigeants129, sont dégagés de toute
responsabilité et aucune poursuite pénale du chef de blanchiment
de capitaux ne peut être engagée à leur encontre, à
condition que la déclaration ait été faite de bonne
foi130. Il en est de même lorsque l'agent a effectué
une opération, à la demande des services d'enquête agissant
en cas d'opposition à l'exécution d'une opération
suspecte.131
L'exonération de la responsabilité de l'agent
immobilier, vise ainsi à les faire participer davantage à la
lutte contre le blanchiment des capitaux, en déclarant tout fait qu'il
aurait eu connaissance dans la relation d'affaire, relayant ainsi le devoir de
discrétion au second plan. Et le législateur a pensé
à une protection absolue de ces professionnels, car après avoir
déclaré
124 Voir les articles 88 et 89 du Règlement CEMAC de
2016.
125 Art. 88 alinéa1du Règlement CEMAC de 2016.
126 Art. 88 alinéa 2 du Règlement CEMAC de 2016.
127 Art. 88 alinéa 3 du Règlement CEMAC de 2016.
128 Qui traite de l'opposition à l'exécution d'une
obligation ayant fait l'objet de déclaration.
129 Il s'agit ici des agences immobilières.
130 Cf. article 89 al. 1 du Règlement CEMAC de 2016.
131 Article 89 al.2.
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toutes transactions suspectes, ils sont exempts de
responsabilité pour violation du secret professionnel132
telle qu'il ressort de l'article 102.
Le législateur communautaire, en protégeant les
agents immobiliers par la levée du secret professionnel et
l'exonération de la responsabilité des déclarants de bonne
foi, a mis à la charge de l'État la responsabilité de tout
dommage causé aux personnes et découlant directement d'une
déclaration de soupçon faite de bonne foi, mais qui s'est
avérée inexacte133. Par ailleurs, la
responsabilité de l'État est aussi retenue, lorsque l'agent
immobilier a effectué une opération à la demande des
autorités judiciaires, des agents de l'État chargés de la
détection et de la répression des infractions liées au
blanchiment, au financement du terrorisme et de la prolifération, ou les
agents agissant dans le cadre d'une procédure judiciaire, aussi lorsque
l'opération a été demandé par
l'ANIF134.
L'obligation de déclaration de soupçon
s'exécute selon certaines modalités qui méritent une
étude attentive.
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