CONCLUSION CHAPITRE II
40
La vigilance implique que les professionnels identifient tous
les clients avec lesquels ils veulent établir une relation d'affaire,
sauf que le dispositif communautaire anti-blanchiment contient des failles car
ayant négligé la réalité des activités
menées dans l'informel, pourtant étant la caractéristique
des activités menées dans la sous-région. Ces failles
s'étendent à l'inadaptabilité du cadre d'identification
des clients soumis au agents immobiliers ; pour pallier à cela les
agents immobiliers doivent participer personnellement à travers leurs
formations et informations sur les risques de blanchiment, et les États
doivent s'impliquer davantage par la conformité des textes nationaux
régissant la profession aux exigences communautaires et aussi à
répartir les ressources disponibles pour gérer les risques
observés dans le secteur immobilier. Par ailleurs, il est
appréciable que le législateur ait prévu des sanctions
administratives et disciplinaires, mais il est important que ces sanctions
soient bien organisées pour donner de la rigueur à la
vigilance
En plus de l'action de l'État, le législateur
communautaire doit penser à l'adaptabilité du Règlement
aux exigences du secteur immobilier. Le secteur financier ayant une forte
réglementation en la matière, il serait facile pour les criminels
d'utiliser les secteurs négligés. Il est donc nécessaire
d'éviter que les blanchisseurs usent le secteur immobilier pour
dissimuler l'origine de leur fonds, car cela impactera gravement
l'économie.
Pour éviter que les délinquants usent des
vulnérabilités du système anti-blanchiment, il est
nécessaire que le cadre institutionnel de déclaration
d'opération soit adapté. La connaissance du laxisme des CRF dans
le traitement des déclarations peut encourager les criminels à
commettre plus d'acte car ayant la certitude que leur acte n'encourt aucune
punition après dénonciation.
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE
41
Aux termes de cette partie, un constat confirme une de nos
hypothèses : il existe un cadre normatif de lutte impliquant les agents
immobiliers. Il en ressort par ailleurs que, les agents immobiliers peuvent
véritablement effectuer une vigilance face à leurs clients et
déclarer toute opération dont ils suspectent l'objet ; leurs
obligations sont posées par le dispositif communautaire, même s'il
n'est pas clairement exprimé, on voit quand même la volonté
du législateur de faire participer les professionnels de l'immobiliers.
En effet, les agents immobiliers sont astreints à une surveillance
générale de toute opération, mais aussi face à
certaine opération, à raison du risque qu'elle présente,
ceux-ci sont astreint à une vigilance accrue. On constate alors une
modulation de l'obligation de vigilance, qui peut être faible ou accrue
devant un type de relation ou de client.
Par ailleurs, lorsque toute diligence a été
effectué, et que la transaction ou le client présente des risques
de blanchiment de capitaux, l'agent immobilier est assujettis à une
autre obligation dans ce cas, celle de déclarer à l'organisme
compétent les soupçons qu'éveillent la transaction.
42
PARTIE II : L'ASSUJETTISSEMENT OPPORTUN DES
AGENTS IMMOBILIERS À LA DÉCLARATION DES
OPÉRATIONS
SUSPECTES
43
La déclaration de soupçon est un moyen de
prévention dans la LBC/FT. A partir des déclarations faites, des
investigations seront menées par les autorités compétentes
et pourront aboutir à la sanction d'infraction de blanchiment de
capitaux85.
La définition du soupçon est le premier
aspect86 de l'obligation de déclaration d'opération
suspecte. Cette notion n'a ni été défini par le GAFI, ni
par les différents textes communautaires87, ni par les textes
nationaux créant les organismes en charge de recevoir les
déclarations88, ce qui est déplorable et devait
être revu au regard du rôle déterminant que joue le
soupçon dans la lutte contre le blanchiment. Le soupçon peut
être défini comme « une opinion défavorable
à l'égard de quelqu'un, de son comportement, fondée sur
des indices, des intuitions, mais sans preuves précises
»89 ; il peut par ailleurs être défini comme
« la simple conjoncture ou une opinion défavorable
fondée sur des indices ou des éléments de vraisemblances.
Il s'agit de signes apparents qui indiquent une probabilité.
Appliqué au blanchiment, il s'agit d'une défiance ou d'une
incompatibilité entre l'opération projetée et ce qui est
connu du client »90.
La Recommandation 20 du GAFI pose clairement l'obligation de
déclaration des opérations suspectes à la charge des
personnes assujetties, lorsqu'elles suspectent ou alors, a des motifs
raisonnables de suspecter que les fonds affectés à une
transaction sont le produit d'une activité criminelle ou seraient
destinés à une telle activité.
La déclaration de soupçon a pour
intérêt d'informer les autorités de poursuite de
l'existence des faits susceptible d'être constitutifs de blanchiment.
Afin de rendre le dispositif de détection du blanchiment le plus
efficace possible, il est important de l'associer à une autre dimension
en faisant intervenir des pouvoirs publics. L'intervention en amont permet de
rendre la répression plus efficace. Les dispositions
communautaires91 et nationales92, obligent
85
https://kalieu-elongo.com.
86 Le second aspect est la définition de
l'éventail des activités criminelles suspectes déclencheur
de déclaration de soupçon.
87 On peut voir là le Règlement CEMAC
de 2003, le Règlement COBAC de 2005, le Règlement CEMAC de
2016.
88 Au Cameroun c'est le décret du 31 mai
2005. Au Gabon en 2005 par le décret n° 000739/PR/MEFBP du 22
Septembre 2005, la RCA a institué son ANIF en 2005, celle de la
Guinée Equatoriale a été institué en 2007, le Tchad
en 2007 par le décret n° 101/PR/PM/MFEP/07 du 02 Février
2007, celle du Congo a été institué par le décret
n° 2008-64 du 3 mars 2008.
89 GUITTON (G.), In Banque et Droit 2003,
n° 88, p. 8. Cité par TSOBGNI DJOUMETIO (N. L.), op. cit.,
p. 164
90 DEFFERRARD (F.), « Les
métamorphoses de la législation anti-blanchiment »,
Gaz. Pal., Doctrine, 23 et 24 octobre 2009, p. 7.
91 Règlement CEMAC de 2016, articles 18, 83.
44
conformément aux indications
internationales93, les agents immobiliers à donner l'alerte
au blanchiment de capitaux dans deux situations : lorsque le professionnel a
connaissance des actes matériels de blanchiment, il est tenu de le
dénoncer, et lorsqu'il a des soupçons sur l'accomplissement
d'actes constitutifs de blanchiment94. Des dispositions de l'article
83 Règlement CEMAC de 2016, l'agent immobilier est tenu de
déclarer des opérations immobilières qu'il suspecte
d'être un moyen de blanchiment. Le législateur communautaire a
ainsi posé les bases de la déclaration de soupçon.
L'obligation de déclaration est à
l'évidence l'élément essentiel de l'ensemble du
système anti-blanchiment. Elle consiste à associer de
manière autoritaire à la poursuite d'éventuelles
infractions, les professionnels amenés à intervenir dans les
opérations financières. En imposant ce devoir de «
déclaration des opérations suspectes », le
législateur communautaire n'a fait que se conformer aux textes
internationaux, notamment les recommandations du GAFI95 qui font
obligations aux institutions financières de déclarer aux cellules
de renseignement financier(CRF), toutes opérations dont, elle suspectent
ou ont des motifs de suspecter que les fonds proviennent d'une activité
illégale96 au regard du montant, de la fréquence, de
la qualité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire.
Les contours de cette obligation restent flous, car la notion
d'opération suspecte fait largement appel à la
subjectivité des professionnels concernés. Ainsi l'agents
immobilier est tenu de déclarer toute opération qui lui semble
être un moyen de blanchiment (Chapitre 1). Posant ainsi les bases de
l'obligation de déclaration de soupçon, le législateur
communautaire recherche l'efficacité de la lutte, mais le cadre de cette
obligation contient encore quelques failles (Chapitre1).
92 Décret n° 2005 du 31 mai 2005 portant
organisation et fonctionnement de l'ANIF.
93 Voir article 7 de la convention de Palerme
entrée en vigueur le 29 septembre 2009.
94 NGUIFFEU TAJOUO (E. L.) La lutte contre la
criminalité financière en zone CEMAC, Etude à la
lumière du modèle européen, op. cit., p.
76.
95 BEER (C. J.), op. cit., p.13.
96 Recommandation du GAFI n° 20, février
2012.
CHAPITRE I : L'IMPORTANCE DE LA DÉCLARATION DES
OPÉRATIONS SUSPECTES
45
L'obligation de déclaration est à
l'évidence l'élément essentiel de l'ensemble du
système anti-blanchiment. Elle consiste à associer, de
manière autoritaire à la poursuite d'éventuelles
infractions, les professionnels amenés à intervenir dans les
opérations financières. En imposant ce devoir de «
déclaration des opérations suspectes », le
législateur communautaire n'a fait que se conformer aux textes
internationaux, notamment les recommandations du GAFI97 qui font
obligations aux institutions financières de déclarer aux cellules
de renseignement financier (CRF), toutes opérations dont, elle
suspectent ou ont des motifs de suspecter que les fonds proviennent d'une
activité illégale98.
Afin d'encourager les agents immobiliers à
dénoncer davantage les faits suspects qu'ils auraient connaissance au
cours de l'exercice de leur profession, le législateur à penser
à leur exonérer de leur responsabilité lorsqu'ils agissent
de bonne foi, et de faire assumer cette responsabilité à l'Etat,
s'il existe un préjudice moral ou matériel résultant du
blocage des opérations ayant fait l'objet de déclaration.
Si aucun problème ne se pose en cas de
dénonciation, car les éléments matériels de
l'infractions sont constatés. Les difficultés naissent lorsqu'il
s'agit de la déclaration des opérations suspectes. Les contours
de cette obligation restent flous, car la notion d'opération suspectes
fait largement appel à la subjectivité des professionnels
concernés. Cela étant, il convient tout d'abord de
déterminer le régime des obligations déclaratives
(Section1), ensuite les règles qui président à
l'exécution de ces obligations (Section 2).
Section 1 : Le régime de l'obligation de
déclaration de soupçon
Les dispositions tant communautaires, qu'internationales
anti-blanchiment, obligent les agents immobiliers astreints à une
vigilance, à donner alerte s'ils ont de simple soupçon sur la
nature de l'opération que le client sollicite ou les fonds qui seront
utilisés. Le cadre de ces
97 BEER (C.J), op.cit., P.13.
98 Recommandation du GAFI N°20, de février
2012
46
obligations (Paragraphe1), ainsi que l'encadrement du devoir
du secret professionnel (Paragraphe 2) ont été prévu
à nouveau par le législateur communautaire en 2016.
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