Sous-section 2 : L'application du consensualisme dans les
sûretés conventionnelles
La place accordée par législateur OHADA au
consensualisme est assez nuancée dans la mesure où ce principe y
apparait dans les dispositions de l'AUS mais ce consensualisme est un
consensualisme assez ambigu (paragraphe 1) et son association à un
formalisme de protection pour en assurer l'efficacité (paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Un consensualisme ambigu
Les sûretés prévues par l'AUS sont pour la
plupart d'entre elles d'origine conventionnelle et devraient en principe
être soumises à la liberté contractuelle et donc par
ricochet au principe du consensualisme.
Ceci dit, on remarque toutefois qu'en droit des
sûretés OHADA, le consensualisme connait une existence assez
controversée. Ainsi, l'article 13 de l'AUS qui consacre la
définition du cautionnement met un trait sur le consentement du
créancier qui doit donner son accord pour que le contrat de
cautionnement soit valable. C'est ce qu'on peut lire dans ces dispositions :
« la caution s'engage envers le créancier qui accepte ».
Autrement dit, sans l'acceptation du créancier, l'offre de cautionner
n'est pas valable.
En effet, le cautionnement doit résulter d'un consensus
entre le créancier et la caution. On remarque cependant en
matière de cautionnement qu'il existe une grande ambiguïté
sur la portée des règles de forme d'autant plus que l'acceptation
préalable du créancier atteste à juste titre que le
cautionnement est un contrat consensuel qui se forme dès la rencontre de
l'offre et de l'acceptation ; il n'est donc pas exigé un écrit.
Seulement, l'écrit a une importance capitale notamment pour la preuve
même de l'existence du contrat : le cautionnement est soumis au principe
de la preuve par écrit. Cette position est renforcée par
l'article 1449 qui rejette la simple parole donnée qui
représente ici le consensualisme non pas en bloc mais avec
réserve dans la mesure où l'article 14 fait mention d'un
formalisme non pas de validité mais un formalisme probatoire pour
attester de l'existence du contrat de cautionnement en cas de contestation :
« le cautionnement ne se présume pas » peut-on lire. Cette
exigence se comprend aisément car le cautionnement est un acte grave
d'autant plus que : qui cautionne paye, dit l'adage. Il faut donc
49 Art.14.- Le cautionnement ne se présume pas, quelle que
soit la nature de l'obligation garantie. Il se prouve par un acte comportant la
signature de la caution et du créancier ainsi que la mention,
écrite de la main de la caution, en toutes lettres et en chiffres, de la
somme maximale garantie couvrant le principal, les intérêts et
autres accessoires. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la
somme exprimée en lettres.
MAVY CHRISTOPHE LEONEL. A 25
que l'intention du contractant soit exprimée d'une
façon non douteuse ; une manifestation tacite de volonté que l'on
voudrait découvrir dans un comportement de la prétendue caution
ou dans des circonstances de la cause ne suffirait pas pour constater un
cautionnement.
Ces règles s'appliquent également aux autres
sûretés conventionnelles comme la garantie autonome qui
obéit également aux dispositions du droit commun des contrats tel
qu'établies par le COCC50 sénégalais. Ces
règles sont d'abord relatives au consensus qui doit exister entre le
garant et le bénéficiaire, consensus manifesté par un
consentement intègre et exempt de tout vice où chacune des
parties à pleine conscience de la portée de ses obligations avant
de s'engager en faveur de l'autre. Elles sont ensuite, relative, ces
règles à l'objet de l'engagement et à la cause. Ce
consensualisme tel qu'établi par l'AUS ne peut avoir pleine mesure que
lorsqu'il est renforcé par un soupçon de formalisme dans la
mesure où rien ne doit être laisser au hasard surtout pour le
créancier qui veut recouvre sa créance à
l'échéance. Il doit mettre toutes les chances de son
côté s'il veut se faire payer à terme en exigeant une
sûreté mais une sûreté forte, qui en principe ne
devrait souffrir d'aucune contestation quant à son existence au moment
de son exécution. C'est dans ce sens que pour donner toute leur
efficacité aux sûretés, le législateur OHADA a
combiné le consensualisme apparent de l'AUS à un formalisme net
pour renforcer son efficacité.
Paragraphe 2 : Un consensualisme renforcé par
l'existence d'un formalisme de protection L'association du
consensualisme avec le formalisme contractuel doit être d'abord
perçue comme un coup de maitre de la part du législateur OHADA
dans la mesure où les sûretés en soi sont des garanties
assez graves et sensibles et comme tel, on ne saurait laisser leur existence
subordonnée à une simple parole donnée qui pourrait
être balayée d'un simple revers de la main. C'est dans cette
optique que le formalisme a été imposé par les
rédacteurs de l'AUS pour donner plus de force et de
véhémence à ces sûretés. Toutefois, le
formalisme proposé par le législateur OHADA est d'abord un
formalisme de protection si l'on considère par exemple la situation de
la caution illettrée.
En effet, l'article 14 al 2 de l'AUS dispose : « La
caution qui ne sait ou ne peut écrire doit se faire assister de deux
témoins qui certifient, dans l'acte de cautionnement son identité
et sa présence et attestent, en outre, que la nature et les effets de
l'acte lui ont été précisés. La présence des
témoins certificateurs dispense la caution de l'accomplissement des
formalités prévues par l'alinéa précédent
». Il est clair à bien d'égards qu'à la lecture cet
article, il en
50 Code des obligations civiles et commerciales
MAVY CHRISTOPHE LEONEL. A 26
ressort que l'exigence des deux témoins certificateurs
pour attester justement de la présence de la caution est un moyen de
protection de la caution illettrée contre certains abus de la part du
créancier. Ces deux témoins sont là comme pour renforcer
la capacité d'une personne dont le consentement ne pourrait pas
être donné en toute connaissance de cause.51
Ce formalisme est ensuite plus un formalisme probatoire qu'un
formalisme de validité dans la mesure où on l'exige juste pour la
preuve de l'existence du contrat de sureté.
Dans les sûretés réelles par exemple, en
matière de gage, outre l'existence d'un consensualisme
entériné par le consentement, l'article 96 préconise
l'existence d'un écrit dont le manquement conduirait le contrat à
son annulation mais également la dépossession du débiteur
de la chose meuble objet du gage qui serait remise au créancier gagiste
renforçant ainsi ses droits car la dépossession rend le gage
opposable aux tiers mais aussi aux autres créanciers du
débiteur.
|