6.1.4. LES LANGUES LOCALES : BASE DE LA PÉDAGOGIE
DES LANGUES ÉTRANGÈRES
Les enquêtés (3,97%) ont aussi affirmé que
« le bon départ de l'éducation commence par la langue locale
», « elle passe avant toute langue étrangère ».
Ces enquêtés qui ont pour L1 une langue locale, juge que la langue
locale est la base de l'éducation, de l'apprentissage des langues
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étrangères. Pour mieux apprendre les langues
européennes il faut bien maitriser les langues locales et celles-ci
serviront de base à l'apprentissage, à la pédagogie de
celles-là.
L'enseignement d'une langue qu'on ne maitrise pas passe
nécessairement par une langue qu'on comprend bien. Si les locuteurs des
langues locales veulent mieux apprendre les langues de «grande diffusion
», elles doivent être enseignées dans les langues locales
qu'ils parlent. C'est pourquoi Paul Nzété écrit :
« Beaucoup de ceux qui s'intéressent aux
langues africaines (notamment les Européens) cherchent plutôt
à répondre à la question suivante qu'ils se posent d'un
air préoccupé : comment mieux enseigner une langue
étrangère (européenne en l'occurrence), il faut commencer
par l'enseignement de la langue maternelle (pour que la langue
européenne prenne le relais après) ; deuxièmement, pour
mieux enseigner la langue européenne , il faut tenir compte des
structures de la langue maternelle de l'enfant, notamment pour mieux
prévoir les faits d'interférences.43 »
Si nous voulons enseigner les langues locales ou maternelles,
nous souhaiterons qu'elles restent dynamiques, et nous trouverons qu'il est
nécessaire de les sauvegarder.
6.1.5. UTILITÉ DES LANGUES LOCALES POUR LES
NON-LETTRÉS
Si les langues véhiculaires du pays sont
maitrisées par tous les lettrés, il n'en est pas ainsi des
illettrés, plus particulièrement des personnes adultes.
43 Nzété, Paul, Les langues
africaines pour quoi faire ? Revue du CELCO, no 6/7, UMNG,
FLSH, DIMI, 1984-1985, p.4.
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7,95% des enquêtés ont évoqué les
raisons suivantes pour la conservation des langues locales : « pour causer
en famille, et en secret », « pour la confidentialité des
causeries devant un étranger », « pour parler avec les
locuteurs de ces langues », « pour la communication », «
tout le monde ne parle pas les langues véhiculaires », « pour
communiquer avec les adultes. »
Nous ressortons les fonctions de communion et de communication
dans ces réponses. Les langues locales permettent de s'intégrer
aux communautés qui les parlent car l'intégration à une
communauté ou à une société passe par la langue.
Certains enquêtés jugent que tout n'est pas à dire devant
tout le monde ou devant n'importe qui. Il existe certains messages
spécifiques à la famille, qu'il faut passer en secret. Ainsi, la
langue vernaculaire renforce et rend plus étroits les liens familiaux
car « la solidarité entre les membres d'une même famille,
la cohésion, passent à travers la langue en ce que celle-ci est
l'outil par excellence de communion.44 »
Les illettrés ne sont pas isolés du reste de la
société, ils sont en contact avec le reste de la population du
pays ; « les gens sont appelés à se déplacer d'un
endroit à un autre... on peut voyager soit pour satisfaire une
curiosité, soit pour travailler ou pour une autre raison. Où
qu'on aille, il sera impératif que l'on communique avec
l'autre.45 » Les enquêtés ont conscience du
fait que si les individus veulent directement communiquer avec les personnes
qui n'ont pas la maitrise des langues véhiculaires, ils n'ont pas
d'autres possibilités que d'acquérir la langue locale du milieu,
de la maitriser. C'est pourquoi il est nécessaire de la sauvegarder.
Les personnes qui n'ont jamais été à
l'école, qui n'ont jamais eu l'occasion d'apprendre les langues
véhiculaires ont besoin de communion et de communication. Les seuls
codes qui leur sont accessibles sont les langues
44 Talani Nanitelamio, op.cit., p.100.
45 Talani Nanitelamio, op.cit., p.98.
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locales ou maternelles. En famille, elles communient en ces
différentes langues, s'il y a lieu de communiquer une information
à un étranger, c'est encore en ces langues.
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