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Le blanchiment de capitaux à  l'épreuve des crypto-actifs.


par Alexandra PUERTAS
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master 2 Droit Pénal International et des Affaires 2020
  

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I. La prévention du blanchiment de capitaux au moyen de crypto-actifs

15. - De la nature au régime - L'approche préventive de la lutte contre le blanchiment de capitaux au moyen de crypto-actifs se matérialise par un ensemble de règles de droit destinées à réglementer leur usage. En droit, la détermination du régime juridique d'une chose passe traditionnellement par une opération intellectuelle dénommée qualification juridique. Qualifier juridiquement une chose consiste à rattacher une situation factuelle à « une catégorie juridique existante parce qu'elle en a la nature et en emprunte donc le régime66 ». S'interroger sur la nature juridique des crypto-actifs revient donc à s'intéresser au régime juridique qu'elle induit.

Les crypto-actifs sont généralement définis au terme d'une classification tripartite en fonction de leurs usages67. Il convient dès lors de différencier les currency tokens, des utility tokens et des security tokens.

- Nature juridique des currency tokens - Les currency tokens, ou jetons de monnaie, sont définis à l'article L. 54-10-1, 2°, du Code monétaire et financier comme : « Toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ». En d'autres termes, ils désignent les crypto-actifs utilisés comme moyen d'échange ou détenus à des fins spéculatives tels que bitcoin ou ripple. Les currency tokens représentent la majorité des crypto-actifs émis sur le marché primaire et échangés sur le marché secondaire68. S'agissant de leur nature juridique, il semble davantage aisé de qualifier les currency tokens par voie d'exclusion.

66 BERGEL Jean-Louis, Théorie générale du droit, 5ème édition, Dalloz, 2012, 239 p.

67 WOERTH Eric, PERSON Pierre, BARROT Jean-Noël, BRICOUT Jean-Louis, COQUEREL Eric, DUFREGNE Jean-Paul, VIGIER Philippe, Monnaies virtuelles, Rapport au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, Assemblée nationale, janvier 2019, 61 p.

AUTORITE BANCAIRE EUROPEENNE, Report with advice for the European Commission on crypto-assets, 9 janvier 2019, 7 p.

68 WOERTH Eric, PERSON Pierre, BARROT Jean-Noël, BRICOUT Jean-Louis, COQUEREL Eric, DUFREGNE Jean-Paul, VIGIER Philippe, op. cit.

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En effet, les currency tokens ne peuvent pas, d'une part, prétendre à la qualification juridique de monnaie, le cours légal étant réservé en France à l'Euro69 (C. mon. fin. art. L. 111-1). Cette affirmation est confortée par la définition retenue en droit interne à l'article L. 51-10-1 du Code monétaire et financier qui dispose que les actifs numériques utilisés comme moyen d'échange « ne possède pas le statut juridique d'une monnaie ». D'autre part, les currency tokens ne peuvent être rattachés ni aux instruments financiers, faute d'entrer dans l'une des catégories visées par l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, ni aux créances, faute d'émetteur70. Cependant, certains crypto-actifs dits centralisés71, sont contrôlés et émis par une autorité centrale. Dans ce cas, la qualification de créance semble opportune.

Du point de vue de l'Union européenne, les currency tokens peuvent être qualifiés de monnaie électronique au sens de l'article 2 de la directive 2009/110/CE, tel que transposée à l'article L. 315-1 du Code monétaire et financier, sous réserves de remplir diverses conditions72. Ils doivent être stockés électroniquement, avoir une valeur monétaire, représenter une créance sur l'émetteur, être délivrés à la réception de fonds, émis dans le but d'effectuer des transactions de paiement et acceptés par des personnes autres que l'émetteur. Dans ce cas, ils relèvent également de la qualification de « fonds » au sens de l'article 4 de la directive 2015/2366 dite directive sur les services de paiement 2. Toutefois, à défaut de remplir un business model bien particulier, la majorité des activités impliquant des currency tokens n'entrent pas dans le champs d'application de la législation de l'UE sur les services de paiement qui comprend notamment des exigences de KYC. Il apparaît alors étonnant de constater que la Cour de Justice de l'Union Européenne n'hésite pas à qualifier « la devise virtuelle bitcoin » de moyen de paiement, lorsqu'il s'agit de soustraire l'activité de change de bitcoins à la TVA73, ou encore la Banque de France qui, tout en refusant de qualifier les currency tokens de moyen de paiement, considère que l'activité qui consiste à les convertir en monnaie ayant cours légal entre dans le champs de la

69 CORBION-CONDE Lycette, « De la défiance à l'égard des monnaies nationales au miroir du bitcoin », Revue de Droit bancaire et financier, mars 2014, dossier 13, n°2.

70 ALMASEANU Stephen, « Le traitement pénal du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles », Gazette du Palais, 30 août 2014, n°242, 11 p.

71 GAFI, Virtual currencies: Key definitions and potential AML/CFT Risks, juin 2014, 7 p.

72 AUTORITE BANCAIRE EUROPEENNE, Report with advice for the European Commission on crypto-assets, 9 janvier 2019, 13 p.

73 CJUE, 5e ch., 22 octobre 2015, aff. C-264/14, Hedqvist.

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règlementation des services de paiement74. Ces qualifications opportunes contribuent à obscurcir la nature juridique des currency tokens75.

En tout état de cause, il apparait que les currency tokens peuvent être qualifiés de biens meubles (C. civ. art. 527) en ce qu'il sont susceptibles d'appropriation et cessibles76. En effet, le titulaire d'une clé privée peut user librement des currency tokens envoyés sur sa clé publique (usus). Il peut en outre jouir de l'accroissement de leur valeur économique (fructus) et en disposer librement (abusus). Il exerce ces droits de manière exclusive puisqu'il est le seul à pouvoir accéder aux currency tokens associés à sa clé publique, au moyen de sa clé privée. Dans un arrêt récent en date du 26 février 2020 (n°2018F00466), le tribunal de commerce de Nanterre a confirmé cette thèse en qualifiant le bitcoin de bien incorporel fongible et consomptible dans le cadre d'un litige portant sur un contrat de prêt de bitcoins qui opposaient deux sociétés77. Enfin, à la lumière de la loi PACTE du 22 mai 2019, les currency tokens doivent être considérés comme une nouvelle catégorie de biens meubles incorporels dénommée actif numérique.

- Nature juridique des utility tokens - Les utility tokens, ou jetons de service, sont une forme de crypto-actifs émis dans le cadre d'une Initial Coin Offering (ICO) qui n'est autre que le pendant, sur une blockchain, d'une Initial Public Offering (IPO) par laquelle une société ouvre son capital à des investisseurs sur un marché boursier78. En d'autres termes, les utility tokens sont un type de jetons numériques, émis dans le cadre d'une levée de fonds effectuée sur une blockchain, et auxquels les investisseurs souscrivent en échange, généralement, de la remise de crypto-actifs. Ces derniers peuvent ensuite être revendus sur un marché secondaire à des fins spéculatives.

74 BANQUE DE FRANCE, Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l'exemple du bitcoin, 5 décembre 2013.

75 BALI Mehdi, « Les crypto-monnaies, une application des block chain technologies à la monnaie », Revue de Droit bancaire et financier, n°2, janvier 2015, étude 8.

76 TERRE François, SIMLER Philippe, Droit civil - Les biens, 10ème édition, Dalloz, 2018, 60 p. ; COURBE Patrick, LATINA Mathias, Droit civil - Les biens, 8ème édition, Dalloz, 2016, 5 p.

77 MOREIL Sophie, « Le tribunal de commerce de Nanterre prend position sur la nature du prêt de bitcoins », Gazette du Palais, 9 juin 2020, n°21, 61 p.

78 NJABOUM Jessica Joyce, « Régime juridique des ICOs et nature juridique des tokens », Revue internationale des services financiers, 2020, n°1, 58 p.

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L'article L. 552-2 du Code monétaire et financier, créé par loi PACTE du 22 mai 2019, les définit sous le terme de jetons comme : « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ». Cette définition large met en lumière le caractère protéiforme des jetons. En effet, un jeton est avant tout ce que son créateur souhaite qu'il soit puisqu'il peut représenter tout droit réel ou personnel79.

Les utility tokens se distinguent d'autres jetons dénommés security tokens en ce qu'ils octroient à leur détenteur un droit d'user des biens et/ou des services du porteur de projet qui les a émis80. Leur émission s'inscrit dans des méthodes dites de « marketing captif » en permettant de cibler, à la fois des investisseurs et, des clients intéressés par les services que le porteur de projet souhaite développer81. A titre illustratif, un utility token pourrait servir de moyen de paiement afin d'acquérir les biens et services proposés par le porteur de projet qui les a émis, à l'image des miles d'AirFrance ou des cagnottes fidélités dans la grande distribution. Il pourrait également octroyer à leur détenteur des réductions sur les biens et services proposés.

La nature protéiforme des utility tokens complexifie leur analyse juridique. De nouveau, il convient de les définir par voie d'exclusion. D'une part, les utility tokens ne sont pas des instruments financiers au sens de l'article L. 211-1 du Code monétaire et financier, à défaut d'entrer dans l'une des catégories visées par ledit article. D'autre part, le doute persiste entre retenir la qualification de créance ou de bien. Certains auteurs font valoir que les currency tokens sont des créances non monétaires en ce qu'ils accordent à leurs détenteurs un droit personnel en vertu duquel ils peuvent exiger de l'émetteur un droit d'usage sur des biens et services déterminables82. Toutefois, les currency tokens n'étant pas nécessairement émis par une personne morale83, il devient alors difficile d'y voir un droit personnel en

79 LEGEAIS Dominique, Fascicule 535 : actifs numériques et prestataires sur actifs numériques. JurisClasseur Commercial, Lexis Nexis, 14 octobre 2019.

80 AMF, Synthèse des réponses à la consultation publique portant sur les Initial Coin Offerings (ICO) et point d'étape sur le programme « UNICORN », février 2018, 3 p.

81 Ibid.

82 DE VAUPLANE Hubert, « La qualification juridique de certains tokens en titre de créance », Revue trimestrielle de droit financier, n°4, 2017 ; NJABOUM Jessica Joyce, op. cit.

83 L'émetteur de jetons qui souhaite que son ICO porte le visa de l'AMF doit nécessairement être constitué sous la forme d'une personne morale établie ou immatriculée en France (C. mon. fin. art. L. 552-5). Pour le reste, les ICOs peuvent être générés par un algorithme ou être émis par une communauté ou une organisation n'ayant pas la personnalité morale.

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l'absence de droit contre une personne84. D'autres auteurs considèrent que les currency tokens sont des biens meubles incorporels dès lors qu'ils sont appropriable et immatériel85. Cette qualification converge avec celle retenue par l'AMF qui considèrent que les tokens sont appropriables « dans la mesure où ils peuvent être appréhendés par leurs souscripteurs86 ».

- Nature juridique des security tokens - Les security tokens sont également des crypto-actifs pouvant être émis dans le cadre d'une Initial Coin Offering (ICO). A la différence des utility tokens, les security tokens confèrent à leurs détenteurs des droits politiques et/ou financiers analogues à ceux octroyés par des titres financiers (droit de vote et droit aux dividendes notamment)87. En ce sens, une partie de la doctrine considère que les security tokens peuvent s'analyser « comme des créances représentatives de somme d'argent »88. Toutefois, d'autres auteurs considèrent que faute de conférer un droit de créance contre un émetteur personne morale, les security tokens ne peuvent pas être rattachés aux titres de créances (C. mon. fin. art. L. 213-1 A) et plus généralement aux titres financiers89. En effet, les security tokens n'étant pas nécessairement émis par un émetteur personne morale, leur rattachement systématique est donc exclu.

Il n'en reste pas moins que l'Autorité des Marchés Financiers (AMF), au terme « d'une analyse privilégiant la substance du titre sur sa forme90 », n'exclut pas qu'un security token puisse être qualifié de titre financier « dès lors qu'il incorpore des droits analogues à ceux qui sont classiquement compris dans un titre de capital ou un titre de créance91 ». Toutefois, une telle qualification emporterait

84 NJABOUM Jessica Joyce, op. cit. ; SOLERANSKI Louis, « Réflexions sur la nature juridique des tokens », Bulletin Joly Bourse, 1er mai 2018, n°3, 191 p.

85 Ibid.

86 AMF, Synthèse des réponses à la consultation publique portant sur les Initial Coin Offerings (ICO) et point d'étape sur le programme « UNICORN », février 2018, 9 p.

87 WOERTH Eric, PERSON Pierre, BARROT Jean-Noël, BRICOUT Jean-Louis, COQUEREL Eric, DUFREGNE Jean-Paul, VIGIER Philippe, Monnaies virtuelles, Rapport au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, Assemblée nationale, janvier 2019, 62 p.

88 SOLERANSKI Louis, op. cit.

89 BONNEAU Thierry, « Tokens, titres financiers ou biens divers ? » Revue de Droit bancaire et financier, janvier 2018 ; LACROIX Frédérick, « Les places financières alternatives : propos relatifs aux approches régulatoires concernant les plateformes de crowfunding et d'échanges de bitcoin », in FRISON ROCHE Marie-Anne (dir.), Internet, espace d'interrégulation, Dalloz, 2016.

90 AMF, op. cit., 6 p.

91 AMF, op. cit.

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l'application de l'ensemble des règles applicables aux offres au public de valeurs mobilières au sens de la directive MiDIF 2 (2014/65/EU), dont les transpositions divergentes par les états membres92 laissent craindre un risque de regulatory shopping.

16. - De l'activité au dispositif LCB - En définitive, le caractère multiforme des crypto-actifs, combiné à l'évolution rapide et permanente de leurs usages, ne permettent pas de les rattacher à une catégorie juridique existante puisqu'aucune n'est pleinement satisfaisante. Gény et Duguit dénonçaient déjà les risques liés à la classification qui, par des conceptions purement intellectuelles, conduit à donner au droit « une raideur incompatible avec la complexité du réel et la souplesse de la vie ».

L'analyse de la nature juridique des crypto-actifs met en évidence le fait que le législateur se préoccupe davantage de les réglementer, que de les qualifier en tant que tels. Cela conduit parfois à leur appliquer des régimes relatifs à des opérations portant sur certains biens, tout en leur déniant la nature de ces derniers. Cette réglementation « au compte-goutte » conduit nécessairement à un manque de cohérence et de clarté du sujet dans son ensemble.

En matière de lutte contre le blanchiment, le législateur, après avoir défini largement ce qu'il faut entendre par crypto-actifs93, a consacré une nouvelle catégorie d'acteurs financiers, celle des prestataires de services numériques94. La loi PACTE du 22 mai 2019 vise à lutter contre l'utilisation des crypto-actifs à des fins de blanchiment en assujettissant lesdits prestataires aux obligations de lutte contre le blanchiment prévues aux articles L. 561-2 et suivants du Code monétaire et financier, dès lors qu'ils exercent une des activités listées à l'article L. 54-10-2 dudit code.

92 AUTORITE EUROPENNE DES MARCHES FINANCIERS, Initial coin offerings and crypto-assets, 9 janvier 2019, p. 18 et suiv.

93 Le terme actif numérique a été privilégié à celui de crypto-actif par le législateur (C. mon. fin. art. L. 552-2).

94 LEGEAIS Dominique, Fascicule 535 : actifs numériques et prestataires sur actifs numériques. JurisClasseur Commercial, Lexis Nexis, 14 octobre 2019, 85°.

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Ces activités sont les suivantes :

- Le service de conservation, pour le compte de tiers, d'actifs numériques ou d'accès à des actifs

numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;

- Le service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal ; - Le service d'échange d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques ; - L'exploitation d'une plateforme de négociation d'actifs numériques.

Il s'agit enfin des services suivants :

- La réception et la transmission d'ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers ;

- La gestion de portefeuille d'actifs numériques pour le compte de tiers ;

- Le conseil aux souscripteurs d'actifs numériques ;

- La prise ferme d'actifs numériques ;

- Le placement garanti d'actifs numériques ;

- Le placement non garanti d'actifs numériques.

Il semblerait que le législateur ait opté pour une approche fondée sur les risques, telle que recommandée par le Groupe d'Action Financière (GAFI)95, afin de fixer le curseur règlementaire au regard des risques de blanchiment de capitaux associés à chaque activité.

En ce sens, dès 2014, l'Autorité Bancaire Européenne (ABE) recommandait d'inclure, dans le champ d'application des assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux (LCB), les plateformes d'échange de crypto-actifs contre monnaie ayant cours légal ainsi que les fournisseurs de services de portefeuille96.

Ces recommandations furent suivies par le Parlement européen et le Conseil qui ajoutèrent les fournisseurs de service de wallet, ainsi que les plateformes d'échange crypto-actifs contre monnaie

95 GAFI, Guidance for a Risk-Based Approach to Virtual Assets and Virtual Asset Service Providers, juin 2019.

96 AUTORITE BANCAIRE EUROPEENNE, Opinion on `virtual currencies', 4 juillet 2014.

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ayant cours légal (dite monnaie fiat), aux assujettis à la règlementation LCB, dans le cadre de l'adoption de la cinquième directive anti-blanchiment (2018/843), transposée en droit interne par l'ordonnance (2020-115) et les décrets (2020-118 / 2020-119) du 12 février 2020. Cependant, la loi PACTE du 22 mai 2019 est allée plus loin en prévoyant un double volet sur les crypto-actifs, le premier concerne les prestataires de services sur actifs numériques (A), et le second, l'encadrement des Initial Coin Offerings (B).

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A. L'assujettissement des prestataires de services sur actifs numériques aux obligations de lutte contre le blanchiment

17. - Délimitation du sujet - L'assujettissement des prestataires de services sur actifs numériques aux obligations LCB sera étudié, dans la présente partie, sous le seul prisme des activités de conservation pour le compte de tiers d'actifs numériques (C. mon. fin. art. L. 54-10-2, 1°), ainsi que les activités d'échange d'actifs numériques contre monnaie ayant cours légal et intra-actifs numériques (C. mon. fin. art. L. 54-10-2, 2° et 3°).

18. - Définition - Le décret d'application de la loi Pacte du 21 novembre 2019 (n°2019-1213) est venu apporter des précisions quant à la notion de service de conversation d'actifs, qui est proposé par ce qu'il est courant d'appelé les fournisseurs de portefeuille ou wallet providers. En effet, l'article D. 5410-1, 1°, du Code monétaire et financier dispose que : « Constitue le service de conservation d'actifs numériques pour le compte de tiers le fait de maîtriser, pour le compte d'un tiers, les moyens d'accès aux actifs numériques inscrits dans le dispositif d'enregistrement électronique partagé et de tenir un registre de positions, ouvert au nom du tiers, correspondants à ses droits sur lesdits actifs numériques ». En d'autres termes, les wallets providers sont des prestataires de services sur actifs numériques qui proposent à leurs clients de conserver, pour leur compte, les moyens d'accès à leurs crypto-actifs, à savoir leurs clés cryptographiques privées. Parmi les leaders du marché, il est possible de citer des compagnies comme Binance (maltaise), Blockchain.com (anglaise), Coinbase (américaine), Coinhouse (française), GreenAddress (maltaise), Xapo (suisse), etc. Cependant, il convient de préciser que sont exclus de cette définition les fournisseurs de portefeuilles dits fournisseurs de solutions de self-custody, tels que Ledger (française) ou Trézor (tchèque), qui vendent à leurs clients des supports de stockage amovibles (semblables à des clés USB) pour stocker leurs clés privées hors ligne. En effet, ces sociétés ne maîtrisent pas, au sens de l'article D. 54-10-1, 1°, du Code monétaire et financier, les moyens d'accès aux actifs numériques de leurs clients puisqu'ils ne détiennent ni ne contrôlent, directement ou indirectement, les clés cryptographiques de ces derniers.

Enfin, le décret d'application du 21 novembre 2019 a clarifié ce qu'il faut entendre par service d'achat ou de vente d'actifs numériques en monnaie ayant cours légal et service d'échange intra-actifs numériques. Le premier est défini à l'article D. 54-10-1, 2°, du Code monétaire et financier comme : « le fait de conclure des contrats d'achat ou de vente pour le compte d'un tiers portant sur des actifs numériques en monnaie ayant cours légal, avec, le cas échéant, interposition du compte propre du prestataire de service ». Le second renvoie quant à lui au : « fait de conclure des contrats prévoyant

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l'échange pour le compte d'un tiers d'actifs numériques contre d'autres actifs numériques, avec, le cas échéant, interposition du compte propre du prestataire de service » (C. mon. fin. art. D. 54-10-1, 3°)

19. - Enregistrement obligatoire - L'article L. 54-10-3 du Code monétaire et financier soumet les fournisseurs de service de portefeuille ainsi que les plateformes d'échanges d'actifs numériques contre monnaie ayant cours légal, dite monnaie fiat, à une obligation d'enregistrement préalable auprès de l'AMF. Cet enregistrement permet de s'assurer que ces derniers remplissent effectivement les obligations LCB auxquels ils sont soumis en vertu de l'article L. 561-2 du Code monétaire et financier. En effet, l'enregistrement est précédé d'un double contrôle de l'ACPR, puis de l'AMF, portant notamment sur la mise en place d'une « organisation, de procédures et d'un dispositif de contrôle interne » propres à assurer le respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux (C. mon. fin. art. L. 54-10-3).

Il convient de souligner que les plateformes d'échange intra-cryptos ne sont pas visées par la cinquième directive anti-blanchiment (2018/843) et ne figurent pas parmi les assujettis aux obligations LCB listaient à l'article L. 561-2 du Code monétaire et financier. L'AMF contrôlera le dispositif LCB de ces plateformes à la condition qu'elles sollicitent l'agrément optionnel prévu à l'article L. 54-10-5 du Code monétaire et financier. Cependant, il convient de préciser que cette réglementation est amenée à évoluer au regard de l'obligation faites au Gouvernement (après avis de la Banque de France, de l'ACPR et de l'AMF) de remettre au Parlement, avant le 23 novembre 2020, un rapport destiné à étudier l'opportunité de rendre obligatoire cet agrément au vu de l'avancement des débats européens, des recommandations du GAFI et du développement international du marché des actifs numériques97.

En tout état de cause, lorsque le contrôle de l'AMF a lieu, son effectivité est assurée d'une part, par les nombreux éléments, destinés à prouver la réalité et l'étendue du dispositif anti-blanchiment, que doit contenir le dossier d'enregistrement ou d'agrément98, d'autre part, par l'octroi à l'AMF d'un droit de communication de tout document ou toutes informations utiles à l'exercice de sa mission (C. mon. fin. art. L. 54-10-3).

97 Art. 86 de la loi PACTE ; MARRAUD DES GROTTES Gaëlle, « Loi PACTE : point sur l'encadre des prestataires de services sur actifs numériques », Wolters Kluwer France - Actualités du droit, 23 mai 2019.

98 Les éléments relatifs au dispositif anti-blanchiment devant être contenus dans le dossier d'enregistrement ou d'agrément sont listés dans l'instruction 2019-23 de l'AMF.

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Aujourd'hui, tous les wallets providers et les plateformes d'échanges fiat-crypto ayant commencé leur activité à compter du 24 mai 2019 doivent obligatoirement, au préalable, s'enregistrer auprès de l'AMF ; les autres ont jusqu'au 18 décembre 2020 pour se mettre en conformité99. Concrètement, la procédure d'enregistrement se matérialise par l'envoi d'un dossier, contenant un certain nombre d'informations, à l'AMF, qui procède ensuite à son instruction. L'AMF transmet ensuite le dossier, dans un délai de cinq jours ouvrés, à l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) pour avis. L'ACPR dispose alors d'un délai de trois mois à compter de la réception du dossier complet pour transmettre son avis à l'AMF qui, dans un délai de six mois, prendra la décision, ou non, d'enregistrer le requérant (C. mon. fin. art. D. 54-10-3). L'obligation d'enregistrement s'avère persuasive puisque les prestataires qui exerceraient sans avoir été, au préalable, enregistrés par l'AMF encourent une peine de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende (C. mon. fin. art. L. 572-23). De plus, le fait de communiquer à l'AMF des renseignements inexacts est passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende (C. mon. fin. art. L. 572-24).

Enfin, l'AMF peut d'office ou à l'initiative de l'ACPR radier tout prestataire qui ne respecterait plus ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment (C. mon. fin. art. L. 54-10-1). Cette faculté lui est également reconnu s'agissant du retrait, à titre temporaire ou définitif, de l'agrément d'un prestataire (C. mon. fin. art. L. 54-10-5).

20. -- Étendu des obligations LCB -- Conformément à l'article L. 561-2 du Code monétaire et financier, les fournisseurs de service de wallet ainsi que les plateformes d'échanges fiat-crypto sont soumis au dispositif anti-blanchiment prévu aux articles L. 561-1 à L. 561-36-4 du Code monétaire et financier.

L'effectivité de ce dispositif est contrôlée par l'AMF lors de l'instruction des demandes d'enregistrement et de visas des prestataires de services sur actifs numériques.

Ce dispositif distingue trois types obligations auxquels sont soumis les assujettis : l'obligation de mettre en place des systèmes d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment, des obligations de vigilance à l'égard de la clientèle et des obligations de déclaration.

99 Loi PACTE, art. 86, X ; AMF, « Obtenir un enregistrement / un agrément PSAN », sur AMF [en ligne], publié le 2 juin 2020, https://www.amf-france.org/fr/espace-professionnels/fintech/mes-relations-avec-lamf/obtenir-un-enregistrement-un-agrement-psan-0#Liste des PSAN enregistrs auprs de lAMF.

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- L'obligation de mettre en place des systèmes d'évaluation des risques - L'approche par les risques est le concept central du dispositif préventif de lutte contre le blanchiment de capitaux. Figurant à la première place des recommandations du GAFI, elle consiste, en partant d'un socle d'obligations de vigilance, à les adapter (à la hausse ou à la baisse) au regard des risques de blanchiment induits par chaque opération100.

Pour mettre en oeuvre cette approche, les prestataires de services sur actifs numériques ont l'obligation de mettre en place un dispositif d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment en tenant notamment compte : « des risques associés à la clientèle, à la nature des produits et des services fournis, aux canaux de distribution envisagés et aux zones géographiques d'activité101 ». Enfin, ils ont l'obligation de désigner une personne responsable de la mise en oeuvre de ce dispositif (C. mon. fin. art. L. 561-32).

- Les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle - Les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle (C. mon. fin. art. L. 561-4-1 à L. 561-14-2) ont pour finalité de permettre aux assujettis de détecter des anomalies dans les relations d'affaire avec leurs clients au regard des risques visés dans leur procédure d'évaluation interne. Ces anomalies devront faire l'objet d'investigations de la part des assujettis, et déboucher le cas échéant sur une déclaration de soupçon à TRACFIN. L'AMF contrôle également le sérieux de ces diligences clients en imposant aux requérants de les décrire dans leurs dossiers d'enregistrement ou d'agrément102.

Le dossier doit notamment comporter :

- La description des modalités d'identification et de vérification de l'identité des clients et, le cas échéant, des bénéficiaires effectifs, avant l'entrée et durant toute la durée de la relation d'affaire

(C. mon. fin. art. L. 561-5, art. R. 561-5 et suiv.) ;

100 CUTAJAR Chantal, Fascicule 10 : blanchiment - prévention du blanchiment, JurisClasseur Pénal des Affaires, Lexis Nexis, 24 juillet 2020, mis à jour le 31 janvier 2017.

101 AMF, Instruction AMF - DOC-2019-23 - Régime applicable aux prestataires de services sur actifs numériques, 3 juin 2019, 5 p.

102 Ibid.

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- La description des mesures de vigilances complémentaires lorsque le client est à distance ou est une personne politiquement exposée (C. min. fin. art. L. 561-10 tenant notamment aux mesures renforcées de certification et de vérification de l'identité du client) ;

- La description des procédures permettant de distinguer les relations d'affaires et les clients occasionnels, notamment pour les activités de change ;

- La description des procédures permettant d'identifier les clients réalisant des opérations d'échange entre actifs numériques dont la plus élevée des contre-valeurs en monnaie ayant cours légal excède 1000 euros ;

- La description des éléments d'information recueillis et vérifiés au titre de la connaissance du client (identité adresse du domicile, activités professionnelles, revenus103, etc.) ou de la relation d'affaires (provenance et destination des fonds, justification économique104, etc.)

- L'obligation de déclaration à Tracfin - Enfin, les prestataires de service sur actifs numériques doivent porter une attention particulière à toute opération paraissant être liée au blanchiment, et notamment celle particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite (C. mon. fin. art. L. 561-10-2). En présence d'opération portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elle provienne notamment d'une infraction de blanchiment de capitaux, les prestataires ont l'obligation de la déclarer, dès sa détection, à la cellule de renseignement financier nationale (C. mon. fin. art. L. 561-15). Là encore, l'AMF exige des prestataires de services sur actifs numériques de détailler leurs dispositifs relatifs aux opérations suspectes afin d'en contrôler la pertinence105.

En définitive, les prestataires de service sur actifs numériques, à l'exception des plateformes d'échange intra-cryptos, sont soumis aux mêmes obligations de vigilance que les établissements financiers dont l'effectivité est contrôlée par l'AMF et l'ACPR, voir uniquement par l'AFM pour les prestataires sollicitant le visa optionnel.

103 Art. 1er de l'arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l'art. R. 561-12 du Code monétaire et financier

104 Ibid.

105 AMF, Instruction AMF - DOC-2019-23 - Régime applicable aux prestataires de services sur actifs numériques, 3 juin 2019,

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