ANNEXE 3
COMPTE RENDU DE LA SÉANCE DE TRAVAIL avec M.
Romain OUATTARA, Chef du Département des Affaires
Juridiques et de la Coopération Internationale de la CENTIF-CI.
Propos recueillis, le 4 Novembre 2019 de 9h10 à 10h02, à la
CENTIF sis au II plateaux Vallon, Rue Eburnea.
1- À quoi sert la CENTIF ?
D'abord partons de sa dénomination
susmentionnée : la Cellule Nationale de Traitement de
l'Information Financière. La nécessité de sa
création a été formulée dans la recommandation 29
du Groupe d'Action Financière (GAFI). Et elle constitue un réseau
au sein de l'espace UEMOA et fait office de services de renseignement sous la
tutelle du Ministère de l'Économie et des Finances. La CENTIF
a mission de retracer le flux financier des mouvements de capitaux en vue
de détecter la traçabilité d'éventuels fonds qui
pourraient être utilisés à des fins terroristes. Mais,
elle
2- Qu'est ce qui a justifié le cadre légal
de la lutte contre le BC/FT?
Pour comprendre son cadre légal, partons de l'origine
de la lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme
(BC/FT). Elle a pris forme dans le contenu de la convention des Nations Unies
sur la substance de stupéfiant en date du 30 Mars 1961 (codifié
elle-même par la convention de la Haye en 1912 sur l'opium). Ainsi, c'est
en 1989 que s'affirme d'abord la lutte contre le blanchiment de capitaux pour
ensuite être crée en France vers 1990 le GAFI. Cette
dernière identifiait quarante (40) recommandations pour lutter contre
l'utilisation abusive des systèmes financiers à des fins de
blanchiment d'argent (au moyen de la drogue). À cette époque, la
lutte avait pour slogan « de combattre le criminel par la poche tout
en attaquant le produit du crime à l'effet de le
déposséder de son profit ».
Mais, le lien entre le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme trouve son point d'ancrage dès les attentats
post 2001. Il a été constaté que le produit d'un nombre de
crimes a probablement été blanchi en vue de perpétrer ces
attaques. En octobre 2001, le GAFI a étendu alors son mandat avec 9
recommandations spéciales portant sur la lutte contre le financement du
terrorisme et des organisations terroristes. Donc nous étions à
49 pour ensuite revenir à 40 après 2012. Et cela, suite à
une révision du GAFI de son approche fondée sur les risques en
vue de renforcer les obligations et adopter un ensemble de mesures souples. Il
s'agit de l'Évaluation portant sur le Risque dit EVR. Cette orientation
a nécessité l'adaptation d'un dispositif de la lutte contre le
blanchiment de capitaux en vue de prévenir l'usage de ses fonds dans le
circuit économique. Mais, en Afrique de l'ouest, cela a
débuté séparément dès 2002 par un
règlement UMOA et UEMOA pour ensuite se conformer aux recommandations du
GAFI en 2015. Il s'agit de la directive n°02/2015/CM/UEMOA relative
à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme.
3-
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Pouvez-vous présenter substantiellement le
dispositif de lutte en matière de BC/FT en Côte
d'Ivoire?
Ce dispositif est à la fois préventif et
répressif. En effet, il se présente dans le cadre d'une
coopération nationale avec une liste de professionnels assujettis dite
des `'correspondants'. Il s'agit des personnes physiques et morales comme les
institutions bancaires, les notaires, avocats, commerçants etc. Ces
derniers sont tenus à une obligation de vigilance dans
l'exécution de leur opération en lien avec le BC/FT. Ainsi,
toutes anomalies suspectes devraient être transmises à la CENTIF
pour facilitation de traitement. À cet effet, la CENTIF travail en
concertation avec ses assujettis en vue de détecter les
opérations de BC/FT. C'est pourquoi, à l'évidence de
toutes opérations suspectes, il est imposé à tous
assujettis de faire « une Déclaration d' Opération Suspecte
dit (DOS) ».
4- N'est-il pas difficile de détecter une
opération dite de blanchiment de capitaux en lien avec le financement du
terrorisme ?
Il n'est pas évident de détecter les cas de
financement de terrorisme. Cette opération est faite sur la base de
l'évaluation des risques. Mais, force est de constater, que ces
assujettis à la loi manquent de formations adéquates pour
faciliter l'échange avec la CENTIF. D'autres, ignorent même la
règlementation en la matière. C'est donc « le manque de
formation en la matière qui plombe l'efficacité du système
».
En exemple 1- Le problème sur l'évaluation de
risques.
Prenons le cas d'un banquier X qui aimerait effectuer une
transaction de réception d'un fonds ou de provenance de fond à
partir de l'État du Mali vers le Togo. L'évaluation de risques
prend en compte l'environnement des États et de la région. On
sait que l'État Mali est plus victime d'attaques terroristes et l'on
constate l'existence de groupes armés terroristes et que le Togo reste
un Etat en alerte de la menace terroriste. Tout correspondant soumis à
la DOS devrait être plus regardant dans le mouvement des
opérations en destination du Mali que du Togo. Dans le secteur bancaire,
cela passe par la vérification de certains critères comme
l'identité du donneur d'ordre, du destinataire et le lieu de
transaction. Il revient aux opérateurs de rechercher la liste des
entreprises ou entités qui ont fait objet de sanctions ou du moins qui
ont été mis sur liste noire par les autorités officielles
des États à risques. Cela permet de réduire les
transferts à risque de mouvements de fonds.
En exemple 2 - Difficultés de détections des cas
de financement du terrorisme.
Une situation a été constatée au Nord de
la Côte d'Ivoire avec une ONG militante qui s'adonnait à la
construction de mosquées à Korhogo. La CENTIF a été
saisie de ce cas aux fins d'analyses pour ensuite relayer ses conclusions
à la Direction des Services du Territoire (DST) et de la Direction des
Renseignements Généraux (DRG) en vue d'une ouverture
d'enquêtes. Mais, rien n'a pu être trouvé sur l'origine des
fonds qui pourraient servir au financement du terrorisme. Plusieurs cas de
possibles blanchiments de capitaux sont relayés et n'aboutissent pas
toujours à de possibles poursuites judicaire. Le plus difficile est
de prouver encore un lien avec le financement du terrorisme.
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5- Quel est donc le cadre de la coopération en
matière de blanchiment de capitaux, plus particulièrement entre
les CENTIF de l'espace UEMOA ?
Il est important de comprendre la coopération nationale
pour se projeter dans la coopération internationale. La
coopération nationale manque de dynamisme en nature au
caractère secret de l'information car l'outil de renseignement est
basé sur la confiance entre les détenteurs de l'information.
Mais, on constate une réelle réaction du politique dans le
but de mieux coordonner et concerter les stratégies de lutte
antiterroristes. Il s'agit de favoriser une coopération inter agence et
transmettre à qui de compétence. Le cadre de coopération
de la CENTIF institué dans l'espace UEMOA se distingue avec les autres
Cellules de Renseignement Financière (CRF) étrangères.
En effet, l'espace UEMOA n'admet pas de frontière. La
coopération est fixée sur un seul territoire; c'est dire que le
territoire Malien est le même que celui du territoire Ivoirien. Cela
facilite une collaboration sans conditions. À cet effet, il existe deux
modalités de collaborations : on parle de coopération
spontanée et de coopération sur demande.
Mais, pour ce qui est de la CENTIF avec les CRF
étrangère, on privilégie plus un cadre d'échange de
renseignements sur base d'accord entre Etats. Cette collaboration est
facilitée à la fois sur accord mais aussi sur demande au moyen de
la plateforme Egmond. Il est question d'une plateforme associative des services
de renseignements financière. Elle propose un cadre d'échange et
d'informations permettant de faciliter la coordination des traitements de
données entre CRF. Aussi, crée-t-il le besoin d'échanger
des informations. Dans ce sens, elle encourage par sa charte de
coopération à faciliter des accords entre CRF. Ce qui a permis de
mettre en place la plateforme Egmond Secure Web (ESW) en tant qu'outils de
renseignements.
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