ANNEXE 2
COMPTE RENDU (1) DE LA SÉANCE DE TRAVAIL avec
le Commissaire de Police M. Hyacinthe Ekra DJEZOU, ancien Chef de
la Cellule du Contre-terrorisme de la Direction des Renseignement
Généraux (DRG), actuel Sous-Directeur des Investigations à
la DRG et Formateur en détection des signes de la radicalisation.
Propos recueillis à son bureau au sein des locaux de la DRG, sis
à Abidjan-cocody, en date du 9 octobre 2019, de 11h 06 à 14h.
En prélude à notre collaboration pratique, nous
avions remercié le Sous-Directeur qui, malgré son emploi du temps
chargé à bien voulu prendre attache avec nous en vue de partager
ses expériences et apporter sa pierre à l'édifice de notre
mémoire. Avant de planter le décor de notre travail, il nous a
proposé un rafraichissement pour débuter la séance de
travail.
Pour lui, le terrorisme est un phénomène
multiforme. La problématique même du phénomène
réside dans la difficulté à trouver une définition
consensuelle. Vous devriez prendre connaissance des résolutions prises
par le conseil paix et sécurité (CPS) de l'UA et de la CEDEAO
pour justifier la promotion de la coopération sous régionale. Ce
pourquoi, nous vous remettrons notre Mémoire de fin de cycle des
Commissaires de Police : La police ivoirienne face au défi du
terrorisme sous régionale, DFENP, 2014-2016, 60 p.
Motivation de l'échange
Selon l'article 1 de la charte d'accueil du public et
d'assistances aux victimes de la Police ivoirienne : « le policier est
au service de la population. Il assure la sécurité des personnes
et des biens sur tout le territoire ivoirien». Alors, toutes
atteintes portées contre les personnes et les biens impliquent
l'organisation de l'intervention de la police nationale. Or, nul ne saurait
ignorer les actes terroristes commis par les groupes terroristes sur
d'innocentes victimes et les destructions de certains biens. Bien que, la
Côte d'Ivoire ne soit pas une victime récurrente de tels actes, on
a en mémoire le fait qu'elle a subit la première attaque
terroriste de son histoire le 13 Mars 2016 à Grand-Bassam. De ce fait,
elle reste en alerte. Ainsi, des questions méritent
éclaircissement.
Questionnaire de la séance de
travail
1- Quels est le dispositif mis en place par la Côte
d'Ivoire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ?
La Cote d'Ivoire appréhende la lutte contre le
terrorisme sous deux angles : la prévention et la répression.
Cela est compris par un double processus. D'un côté, l'aspect
législatif qui renvoie aux ratifications des textes internationaux et
connexe dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Et de l'autre
côté, l'aspect opérationnel qui pointe du doigt toutes les
forces de défense et de sécurité (FDS) appuyées
d'un appareil décisionnel depuis la présidence en matière
de lutte contre le terrorisme tout en respectant le protocole d'intervention au
moment de l'opération.
2-
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Quels sont alors les services
spécialisés en matière de lutte contre le terrorisme et
pourquoi parlez-vous de protocole d'intervention ?
La complexité du terrorisme exige une diversification
de compétences. C'est ainsi que trois unités issues de trois (3)
corps différents s'organisent pour conduire ensemble les
opérations antiterroristes sur le territoire ivoirien. Au niveau des
Forces Spéciales de l'Armée, on a le Groupe de Recherche,
d'Assistance, d'Intervention et de Protection (GRAIP). Au sein de la
Gendarmerie Nationale, est constituée l'Unité d'Intervention
de la Gendarmerie Nationale (UIGN). Pour ce qui est de la Police
Nationale, on a la Force de Recherche et d'Assaut de la Police (FRAP).
Aussi, sont coordonnées les activités de ces trois forces
par les le Conseil National de Sécurité (CNS) ; qui est
un organe présidé par S.E.M. Le Président de la
République de Côte D'ivoire (RCI). À ces unités
spécialisées ci-dessus, s'ajoute le Centre de Coordination
des Décisions Opérationnelles (CCDO). C'est une unité
d'interventions mixte qui a été mise en place en 2013 pour
combattre la criminalité et le grand banditisme.
L'intervention de ces forces s'inscrit dans le cadre d'un
dispositif dénommé « bouclier d'ivoire » qui est une
opération de lutte contre le terrorisme sur tout le territoire national.
Un dispositif coordonné par le Comité Interministériel
de Lutte Anti-Terroriste (CILAT) qui regroupe tous les ministères et
structures intervenant dans la gestion d'un acte terroriste. En effet,
c'est le protocole d'intervention du CILAT qui désigne la force leader
et les moyens engagés en fonction de la zone géographique
d'interventions et de la spécificité de l'acte terroriste.
Inversement, si elle permet de réprimer l'acte, elle sert à
consolider le dispositif préventif.
3- Qu'en est-il de la phase préventive dans le
cadre de la lutte contre le terrorisme sur le territoire ivoirien?
La prévention est essentiellement une mission
dévolue aux services de renseignements. À cet effet, la
Côte d'Ivoire compte sept (7) services de renseignements. La
prévention nécessite une coopération
interministérielle et inter services sur la base d'une obligation de
renseignement. Et le renseignement en matière de prévention du
terrorisme est coordonné par un organe logé à la
Présidence de la République : il s'agit de la Coordination
National du Renseignement (CNR).
4- Comment est coordonnée cette collaboration
depuis la présidence ? Le CNR coordonne au quotidien les sept
(7) services de renseignements (SR).
Ainsi, on note deux (2) SR au niveau du
Ministère de la Sécurité et la Protection civile
que sont : Direction des Renseignements Généraux
(DRG) et la Direction de la Surveillance du Territoire
(DST). On a trois (3) SR au Ministère de la
Défense dont : le Bureau du Renseignement
Militaire (BRM), la Direction Générale du
Renseignement et de la Sécurité de la Défense
(DGRSD) et le Groupe de Documentation et de Recherche de la
Gendarmerie Nationale (GDR). Il existe un (1) SR
au Ministère de l'Economie et des Finances
dénommé la Cellule Nationale de Traitement des
Informations Financière (CENTIF). Enfin, on a aussi un
(1) SR au niveau du Ministère en charge du Budget et du
portefeuille de l'État qui est la Direction de l'Analyse
du Risque, du Renseignement et des Valeurs (DARRV).
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En plus de la CNR logée à la Présidence,
on note également la Direction des Services Extérieurs
(DSE) de la Présidence qui a en charge le
renseignement extérieur. Elle met l'accent sur la coopération
inter-États et surtout la coopération avec leurs homologues de la
sous-région.
5- Quels ont été les mesures
préventives prises ?
Des actions ont été régulièrement
menées en matière de lutte antiterroriste. En effet, le
caractère même du terrorisme oblige les États à
coopérer et à mutualiser leurs efforts. Des initiatives ont
été prises dans le cadre de la CEDEAO. Aussi, lancé en
2017 par le Président Ghanéen, l'initiative d'Accra est une
plateforme collaborative entre cinq États (5) - le Togo, Ghana, Burkina
Faso, Côte D'ivoire et le Benin. Il s'agit de partage des bonnes
pratiques sur le renseignement afin de venir à bout du terrorisme. Par
exemple, la Côte D'ivoire a décidé de mettre l'accent sur
la lutte contre la radicalisation. Pour cela, elle a mis sur pied un outil de
codification des signes contenue dans un manuel de compréhension du
phénomène dit: La mallette pédagogique de
détection des signes de la radicalisation liée à l'Islam.
Celle-ci est diffusée auprès des policiers, gendarmes, des
leaders religieux et communautaires dans l'optique de prévenir la
radicalisation pouvant conduire au terrorisme dit djihadiste.
6- Pouvez-vous nous résumez ces bonnes
pratiques dans cet outil de codification des signes de la radicalisation
?
Le manuel est le fruit de recherches et d'expertises
résultant d'échanges entre plusieurs experts en
sécurité et défense, acteurs civils, autorités
religieuses et universitaires de la Côte D'ivoire et de la France. La
mallette comprend deux parties essentielles que sont :
généralités sur l'Islam et une détection des signes
de la radicalisation.
7- À vous entendre Commissaire, plus
prévenir que réprimer serait votre slogan ?
Les deux sont nécessaires. Mais, en Côte
d'Ivoire, la prévention devrait être accrue puisqu'elle est moins
couteuse et serait plus efficace.
8- Pensez-vous que la pauvreté est une des causes
du terrorisme selon vous ?
Il faudrait nuancer certains propos. Pour nous « la
pauvreté est une cause de la radicalisation et c'est la radicalisation
qui peut conduire au terrorisme ».
9- Quel est votre mot de fin dans le cadre de la
lutte contre le terrorisme en Afrique de l'ouest ?
Je note que ce fléau ne fait que se propager dans le
sahel et en Afrique de l'ouest malgré les moyens militaires que les
États ne cesse de déployer pour venir à bout du
terrorisme. En effet, d'abord localisé au Mali, le
phénomène terroriste a gagné le Burkina Faso en 2016 pour
s'y installer durablement. La Côte D'ivoire a connu une attaque en 2016
et l'on a observé l'enlèvement des touristes Français dans
le parc national de la pendjari au Benin par des terroristes. Face à
une telle situation, ne devrions-nous pas envisager d'accorder beaucoup plus
d'attention à l'aspect préventif de la lutte.
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