La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.par Keumaye Tchiakika Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020 |
2 - La consolidationLa consolidation, selon le Dictionnaire français LAROUSSE, vient du verbe consolider, qui veut dire rendre plus solide, raffermir davantage. Elle est également la réunion de l'usufruit à la nue-propriété. Ce concept est accompagné des notions voisines telles que la contribution, la préservation, la promotion et la protection. La préservation vient du verbe préserver qui veut dire garantir quelque chose d'un mal qui pourrait lui arriver25. La contribution désigne tout un ensemble des efforts ou des apports faits à une chose pour la rendre plus solide. La promotion est également une notion voisine à la consolidation. Elle désigne l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour promouvoir un bien, un service ou un évènement. Tandis que la protection, du latin protecio, qui est une action de protéger, de défendre quelqu'un contre un danger, un mal, un risque26. Exemple : réclamer la protection des lois. Durant ce travail, la définition qui sera retenue de la consolidation est le fait de rendre plus solide. 3 - État de droitTout État se réclamant l'étiquette démocratique et libérale aménage son pouvoir pour une finalité principale, notamment la mise en place d'un État de droit à l'effet de s'insurger contre l'arbitraire des gouvernants27. D'origine allemande (Rechtsstaat), l'État de droit apparait dans les travaux de certains auteurs comme un système institutionnel dans lequel la puissance publique est soumise au droit. Il a été défini au début du vingtième siècle par le juriste autrichien HANS Kelsen comme un État dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s'en trouve limitée. L'État de droit est un État dont les autorités politiques et administratives (centrales et locales) agissent en se conformant 24 AVRIL Pierre et GICQUEL Jean, Lexique du droit constitutionnel, op. cit., p. 88. 25 www.wikipédia.com, consulté le 25 juillet 2020. 26 www.Larousse.fr, consulté le 25 juillet 2020. 27 DOUNA NANG-WEYE Dieudonné, L'apport du parlement à l'État de droit au Tchad, Mémoire de Master, Université de Dschang, 2018, p.12. 9 aux règles de droit, et dans lequel tous les individus bénéficient également de droits et de libertés fondamentaux. Supposant notamment l'indépendance de la justice, l'État de droit subordonne le principe de légitimité au principe de légalité et protège contre l'arbitraire du politique28. Ainsi, la théorie de l'État de droit connait aujourd'hui des nouvelles configurations29. Elle met en relief le sens du terme de l'État de droit du point de vue formel et du point de vue substantiel. D'un point de vue formel, l'État de droit s'entend de tout État qui est limité par le droit, et qui n'est habilité et légitimé à agir que dans le cadre de celui-ci30. Cette conception formelle repose donc sur l'idée du respect de la norme juridique ou du respect de la règle de droit. Elle se forge autour du principe de légalité et s'appuie sur une structure juridique ordonnée et sur le postulat de la séparation équilibrée des pouvoirs31. Elle renvoie à la définition que les auteurs allemands ont donné à la notion d'État de droit. Seulement, cette conception formaliste semble quelque peu insuffisante pour rendre compte de la substance même de l'État de droit. Le Professeur KAMTO Maurice relève que si l'État de droit c'est le respect de la norme, alors dans le régime totalitaire, il y'a État de droit dans la mesure où l'on respecte les lois mêmes si elles sont tyranniques32. Cette remarque favorise l'importance d'une conception substantielle. Du point de vue substantiel, l'État de droit est un État qui est limité par le droit. Il s'agit pour l'État de se soumettre à un droit porteur des valeurs libérales et démocratiques. La conception substantielle repose essentiellement sur la sécurité juridique, les droits et les libertés fondamentaux. 28 ABDELKERIM Marcelin, « La présidentialisation du système parlementaire tchadien », Paris, Edilivre, 2016, pp. 8-9. 29 CHEVALLIER Jacques, L'État de droit, 6ème édition, Paris, LGDJ, 2017, p.160. L'auteur fait observer que de la conception purement formelle, reposant sur l'idée de la hiérarchie des normes, le défi des régimes totalitaires a conduit au dépassement de cette conception de l'État de droit au profit d'une conception matérielle, substantielle qui privilégie la protection des droits fondamentaux par rapport aux risques d'arbitraire du pouvoir. 30 SOKENG DONFACK Léopold, « A la recherche de l'État de droit, notion, acception, application », communication au colloque de la CIB, Yaoundé, Palais de congrès, 2016, p.1. 31 L'indépendance de la justice se trouve au coeur du système de l'État de droit. Elle est sous-jacente au régime de la séparation des pouvoirs et est au service de la sauvegarde des droits et libertés. Conçue à l'origine pour combattre l'absolutisme qui caractérisait les monarchies de droit divins, la séparation des pouvoirs a pour but ultime de protéger la personne humaine contre la tyrannie que peut porter toute forme de souveraineté, y compris la souveraineté populaire. Si l'office du juge n'est pas l'objet immédiat de la théorie de LOCKE et de MONTESQUIEU, KANT posa quant à lui expressément le principe d'une séparation équilibrée des pouvoirs avant d'en déduire l'exigence d'indépendance de la justice. Pour plus de détails, voir LOCKE John, Traité du gouvernement civil, Traduction de David MAZEL, Paris, Flammarion, 1992, p.251 ; MONTESQUIEU, De l'esprit des lois, Paris, Flammarion, 1979, pp. 294 et suivant ; KANT Emmanuel, Métaphysique des moeurs, Doctrine du droit, Doctrine de la vertu, Traduction de RENAUT Alain, Paris, Flammarion, Tome 2, 1994, pp.48 et suivant. 32 NGATTI Etienne, La contribution du Conseil Constitutionnel à la consolidation de l'État de droit au Cameroun, Mémoire de Master, Université de Dschang, 2018, p 13. 10 Selon MPUTU Jean-Pierre, l'État de droit dans son sens objectif serait celui qui fonctionne sur la base des règles de conduite, justes équitables, consensuelles et préalablement édictées et sanctionnées par ce qu'on a coutume d'appeler « le pouvoir », en vue de régir les relations entre les citoyens33. Conçu dans l'intérêt des citoyens, l'État de droit a pour but de le prémunir et de le défendre contre l'arbitraire étatique. Cela se traduit par un pouvoir d'agir devant une autorité juridictionnelle à l'effet d'obtenir l'annulation, la reformation ou, en tout cas, la non application des actes administratifs qui auraient porté atteinte aux droits de l'individu. C'est dans ces objectifs que CONAC Gérard affirme que l'État de Droit, c'est l'existence des « magistrats capables de juger l'État, qu'il s'agisse des actes administratifs (ce qui est le cas du Conseil d'État...) ou qu'il s'agisse des actes et abus possibles du législateur, c'est le rôle du Conseil Constitutionnel »34. C'est dire que « ...l'État ne crée pas la loi pour d'autres, mais bien pour tous y compris lui-même. Il ne pourrait appeler avec succès au respect de la loi s'il ne la respecte pas lui-même »35. Nous pouvons, avec le Professeur VUNDUAWE, rappeler que l'État de droit implique trois (3) choses : que les actes des autorités publiques soient soumis au droit et à des règles préétablies, que tous les actes des autorités administratives et autres soient soumis au contrôle d'un juge compétent et indépendant, que son système politique soit démocratique36. Le terme État de droit est en connexité avec l'expression État légal. Selon Toupictionnaire, le dictionnaire de politique, l'expression « État légal » désigne un système politique dans lequel l'État est soumis au principe de la légalité. La loi est alors considérée comme la seule expression de la volonté générale voulue par le peuple souverain par l'intermédiaire de ses représentants au Parlement37. Alors, l'État de droit est un mécanisme visant le raffermissement des principes démocratiques à travers la mise en commun des critères donnés à la notion de l'État de droit dont on a notamment le respect des normes juridiques, selon la hiérarchie, dans un pays. 33 MPUTU Jean Pierre, « L'étude du caractère d'État de droit de la RDC : coquille vide ou réalité ? », Annales de l'Université de Kinshasa, 2011, P.24. 34 CONAC Gérard. (Dir), L'Afrique en transition vers le pluralisme, Paris, Economica, 1993, p.79. 35 KAMTO Maurice, L'urgence de la Pensée, réflexions sur une précondition du développement en Afrique, Yaoundé, Mandara, 1993, p.104. 36MPUTU Jean Pierre, « L'étude du caractère d'État de droit de la RDC : coquille vide ou réalité ? », op., cit., 2011, p.35. 37 Voir www.Toupictionnaire.org, consulté le 25 juillet 2020. 11 Ainsi, l'État tchadien, dans sa quête perpétuelle de l'État de droit, a toujours semblé enclin à satisfaire à ces exigences. C'est pourquoi la Constitution tchadienne du 04 mai 2018, tout en réitérant le principe de la primauté38 du droit, a pris en compte les réformes institutionnelles permettant de garantir une bonne démocratie. La définition des termes clés nous conduit à la délimitation de l'étude. |
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