B - L'injusticiabilite des autres actes
administratifs
288 Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative, CE,
Ass. 2 mars 1962, Rubin de Servin, 19ème
édition, Dalloz, p. 536.
289 Article 7 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des
Peuples (CADHP).
290 Article 13 de la Constitution.
291 Article 25 de la Constitution.
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Certains actes administratifs, de par leur nature,
bénéficient des immunités juridictionnelles. D'abord,
l'acte administratif est un acte qui, considéré sous l'angle de
ses caractères propres du point de vue formel, est toute décision
prise par une autorité administrative. Du point de vue matériel,
est un acte visant un individu ou des individus identifiés ou
identifiables292. Considéré sous l'angle de son
régime juridique, l'acte administratif est tout acte relevant du droit
administratif et de la compétence de la juridiction administrative, que
cet acte soit unilatéral ou conventionnel, qu'il émane ou non
d'une autorité administrative293. Il est à remarquer
que d'après cette dernière définition, les actes
administratifs sont des actes faisant grief, c'est-à-dire susceptibles
d'être contestés devant le juge administratif, soit par un recours
pour excès de pouvoir, soit par un recours de plein contentieux lorsque
ceux-ci portent atteinte aux droits des individus. Mais force est de constater
que certains de ces actes sont injusticiables.
L'étude de la jurisprudence administrative
française révèle l'existence des nombreux actes
administratifs insusceptibles de recours contentieux. Malgré leur
extrême diversité, un nombre restreint des raisons communes
explique leur inattaquabilité. Ces actes engendrent naturellement un
défaut de protection juridictionnelle des administrés. Ils
constituent une atteinte à leur droit au juge. Le juge administratif est
donc tiraillé entre ces exigences contradictoires.
Il existe des actes pour lesquels le juge administratif se
déclare incompétent pour connaître les litiges les
concernant. Il s'agit des actes parlementaires par exemple. Les actes
parlementaires sont ceux qui sont pris par les bureaux ou les présidents
des assemblées parlementaires dans le cadre de la gestion interne de
leur assemblée respective. Ils peuvent être les actes
sanctionnant, suspendant, révoquant un agent de l'AN. Ces actes ne
doivent être confondus ni avec les actes législatifs ni avec les
actes de gouvernement. Ils ne constituent pas des actes législatifs
puisqu'ils ne peuvent être rattachés à la conduite de la
procédure d'adoption des lois. Ils ne constituent pas non plus des actes
de gouvernement car ils sont purement internes aux assemblées alors que
la catégorie évoquée tend plutôt à recenser
les actes qui mettent en cause les relations entre les pouvoirs. En France, le
Conseil d'État refuse de contrôler ces actes pour le motif que ces
actes se situent en dehors du « domaine de l'appréciation des
tribunaux »294.
292 GUINCHARD Serge et DEBARD Thierry, Lexique des termes
juridiques, op. cit.,p.64.
293 Ibidem.
294 Le CE français estime que l'élection de deux
membres de l'Assemblée à siéger au parlement
européen n'est pas susceptible de recours (CE, 27 mars 1996,
Antagnac).
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Au Tchad, ni la Constitution ni la loi n°2011/PR/2013
portant code de l'organisation judiciaire n'ont expressément fait
mention des actes administratifs insusceptibles de recours devant le juge
administratif. Mais la jurisprudence française et camerounaise nous
permet de mieux analyser cette situation pour des raisons que le système
de droit dans ces pays est presque le même.
Ainsi, l'injusticiabilité de ces actes présente
une conséquence grave sur les droits fondamentaux des citoyens. Cela
porte atteinte au droit à un procès équitable. Le droit
à un procès équitable est au coeur de la doctrine
juridique, car c'est un élément central et essentiel de
l'État de droit, en tant qu'organisation de la soumission collective,
c'est-à-dire les institutions collectives et privées et les
personnes qui habitent cet État, au droit295. Et comme l'a
affirmé le Professeur NGUELE ABADA Marcelin296, la
construction d'un État de droit démocratique suppose la
manifestation de la volonté d'être régi par le droit,
à l'exclusion de toute autre manoeuvre et, partant, la garantie d'un
ordre social fondé sur la liberté et l'égalité.
C'est également édifié un ordre juridique cohérent
à partir et autour de la Constitution et organiser la sanction des
violations du droit grâce à des juridictions qualifiées et
totalement dévouées à la cause du droit297.
La protection constitutionnelle de certaines autorités
participe également à la limitation de la protection des droits
fondamentaux des citoyens.
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