B - L'efficacité diminuée de la CNDH en
période de crise
La limitation d'ordre juridique de la protection non
juridictionnelle peut être également le fait des circonstances
exceptionnelles. La théorie des circonstances exceptionnelles, qui
consiste à admettre que dans certaines circonstances et conditions, de
très graves urgences, politiques ou sociales, le pouvoir exécutif
puisse s'affranchir du respect intégral et pointilleux de la loi dans sa
généralité et des libertés fondamentales en
particulier, afin de préserver les services publics et les
intérêts supérieurs de l'État. Autrement dit, les
circonstances exceptionnelles sont une condition mais aussi une excuse pour
appliquer un
278 Article 5 de l'ordonnance n°024/PR/2018.
279 Article 38 de l'ordonnance précitée.
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régime de légalité constituant ainsi un
obstacle à la garantie des droits et des libertés ; il s'agit
ainsi d'une limitation du droit par le droit280.
La liberté « est le droit de faire tout ce que
les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire tout ce qu'elles
défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres
auraient tout de même ce pouvoir », c'est ainsi que Montesquieu
définit la liberté et ses limites dans son célèbre
ouvrage De l'esprit des lois281. L'affirmation de
Montesquieu semble être un paradoxe à la première vue, mais
elle apparait ensuite comme évidente. L'article 12 de la Constitution du
04 mai 2018 dispose que : « les libertés et les droits
fondamentaux sont reconnus et leur exercice garanti aux citoyens dans les
conditions et les formes prévues par la Constitution et la loi
». Comme pour dire que les libertés fondamentales sont des
situations garanties par le droit, et aux noms desquelles chacun est
maître de soi-même et exerce comme il veut mais avec certaines
limites. Une liberté, c'est en réalité l'exercice sans
entrave de telle faculté ou activité garantie par le droit, telle
que par exemple la liberté de la presse ou la liberté de
circulation.
Mais, il est cependant des situations apportant certaines
limites aux garanties de ces droits et libertés fondamentaux. Il s'agit
des circonstances exceptionnelles qui sont cette fois posées à
l'article 96 de la même Constitution, et aux noms desquelles
l'État intervient pour fixer avec contraintes, des limites d'ordre
juridique pour assurer l'ordre social. En période de circonstance
exceptionnelle, tous les types de dérogations au principe de
légalité en général et des violations des droits
fondamentaux en particulier peuvent être autorisés. C'est ainsi
que l'administration peut enfreindre les droits.
Dans des telles circonstances, les exigences des garanties de
l'intérêt général et des libertés ne sont pas
les mêmes qu'en période normale et entrainent forcement des
perturbations
au niveau des droits et libertés des citoyens. Face
à ces circonstances, les pouvoirs de la CNDH sont réduits car
elle ne peut agir efficacement du simple fait qu'il s'agit, pour le
Gouvernement, de répondre aux menaces dont le pays fait face.
La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux au
Tchad se trouve limitée. Mais il y a également certains obstacles
qui viennent en limiter davantage cette protection.
280 GUISWE Norbert, « Les limites de la protection non
juridictionnelle des droits de l'homme en droit positif camerounais »,
op. cit., p. 8.
281 Montesquieu, De l'esprit des lois, cité
par GUISWE Norbert, « Les limites de la protection non juridictionnelle
des droits de l'homme en droit positif camerounais », op. cit., p. 8.
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