B - La nomination et le renouvellement du mandat
La nomination et le renouvellement du mandat des juges
apparaissent souvent comme des situations qui pourront porter atteinte au
principe de l'impartialité des juges. Comme partout ailleurs, les juges
tchadiens ne sont pas à l'abri de ces situations. C'est la Constitution
tchadienne qui consacre le mécanisme de nomination des juges à la
Cour Suprême. Mais ce
259 Ibidem.
79
mécanisme de nomination n'augure pas assez
l'impartialité du juge dans l'exercice de ses fonctions. Le principe de
nomination des juges interpelle des principes juridiques fondamentaux :
l'indépendance judiciaire, l'impartialité des juges, la
démocratie voire la transparence.
Au niveau de la Cour Suprême, le pouvoir de nomination
des juges est partagé entre deux (2) autorités politiques que
sont le Président de la République et le Président de
l'AN260. Ce mécanisme de nomination, bien que
constitutionnellement consacré, parait peu efficace pour permettre aux
juges d'exercer leurs missions en toute liberté. Dans une telle
hypothèse, la liberté de choix de l'autorité de
nomination, bien que restreinte, est néanmoins certaine, et on peut
craindre que la personne nommée se sente redevable envers
l'autorité qui l'a choisie.
En ce qui concerne les autres juges, c'est le CSM et le
Président de la République qui détiennent le pouvoir de
nomination. L'article 153 de la Constitution dispose que : « les
magistrats sont nommés par décret du Président de la
République après avis conforme du Conseil Supérieur de la
Magistrature. Ils sont révoqués dans les mêmes conditions
». En effet, le processus de nomination des juges n'est pas
susceptible de faire naître de soupçon raisonnable quant à
l'indépendance d'esprit de ceux-ci. Les juges se sentiront redevables
envers l'autorité de nomination. Même s'il convient de souligner
que le Président doit recueillir l'avis du CSM, il faut dire cependant
que le CSM est présidé par le Président lui-même et
le Ministre de la justice est en le premier vice-président. Cette
position ne semble pas empêcher le Président de choisir qui il
veut.
Pour ne pas dégrader l'image de la justice, il importe
que ceux qui sont nommés selon un processus susceptible de compromettre
leur impartialité apparente, leur indépendance puisse se
vérifier en ce qui concerne le déroulement de leur
carrière; ils doivent être à l'abri des décisions
arbitraires qui pourraient leur être imposées pour sanctionner une
trop grande indépendance d'esprit ou le manque de soumission envers
l'Exécutif dont ils auraient fait preuve dans une affaire donnée
ou dans plusieurs261.
L'impartialité du magistrat peut être mise en
doute en raison des caractéristiques des avancements262 et du
renouvellement de mandat263 à durée limitée. La
participation du pouvoir exécutif dans ce processus peut amener les
justiciables à douter de l'indépendance
260 Article 158 de la Constitution.
261 DUPLE Nicole, « Les menaces externes à
l'indépendance de la justice », op. cit., p.12.
262 Article 152 de la constitution « le Conseil
Supérieur de la Magistrature propose les nominations et les avancements
des magistrats ».
263 Article 158 alinéa 4 de la Constitution.
80
d'esprit du juge qui espère le renouvellement de son
mandat. Alors, il faudra que le mandat des juges soit long et non renouvelable
pour leur permettre de travailler en toute impartialité.
|