B - La responsabilité pénale des
Ministres devant le juge
« Celui qui fait exécuter les lois doit y
être soumis ». Cette phrase, issue De l'Esprit des lois
de Montesquieu210 , met en évidence le fait que tous les
membres de l'Exécutif doivent être punis pour toutes les
infractions commises comme n'importe quel autre individu. La
responsabilité pénale est l'obligation de répondre des
infractions commises et de subir la peine prévue par les textes qui les
répriment. La Constitution de 2018 prévoit dans son article 108
al 2 que : « les membres du Gouvernement sont justiciables devant les
juridictions de
208 Ils ont été limogés par le
Président de la République à travers un communiqué
relayé sur les ondes des chaînes publiques dans la soirée
du mardi 31 mai. Ces deux personnalités faisaient pourtant partie du
Gouvernement pour avoir occupé de très hautes fonctions au sein
de l'exécutif et au niveau du cabinet présidentiel. « Il
est mis fin aux fonctions du ministre de l'aménagement du territoire
HAMIT MAHAMAT DAHALOB et du ministre des mines et de la géologie David
HOUDEINGAR »
209 OURO-BODI Ouro-Gnaou, « La responsabilité des
titulaires du pouvoir politique dans les pays d'Afrique noire francophone
», op. cit., p. 11.
210 MONTESQIUIEU, De l'esprit des lois, Barrillot,
Genève, 1748.
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droit commun pour les crimes et délits
économiques et financiers commis par eux dans l'exercice de leurs
fonctions ». De cette formulation, il est admis qu'un Ministre peut
voir sa responsabilité pénale engagée sur la base des
actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions. A ce niveau, il faut
dissocier les actes rattachés au Ministre de ceux qui lui sont
extérieurs. Pour connaître les actes accomplis dans l'exercice de
la fonction ministérielle et considérés, au regard de la
législation en vigueur, au moment de leur commission, comme étant
un crime ou un délit, le constituant a voulu confier cette
compétence aux juridictions de droit commun. La Cour Suprême
connaît également la responsabilité des Ministres pour la
haute trahison211. C'est l'ordonnance n°015/PR/2018 portant
attribution, organisation, fonctionnement et règles de procédures
devant la Cour Suprême qui détaille les procédures
d'engagement de la responsabilité pénale des ministres. Ainsi, la
mise en accusation du Président de la République et des membres
du Gouvernement est votée, au scrutin secret, à la
majorité de deux tiers (2/3) des membres de l'AN212. En cas
d'accusation, le Ministre est suspendu de ses fonctions. La suite de la
procédure devant la Chambre non permanente de la Cour Suprême est
la même que celle de l'engagement de la responsabilité du
Président de la République.
En effet, dans les faits, plusieurs ministres ont fait l'objet
des poursuites judiciaires. Ainsi, en décembre 2019, le Ministre
d'État, ministre Secrétaire Général de la
présidence KALZEUBE PAHIMI DEUBET avait été poursuivi
notamment pour tentative de détournement. KALZEUBE aurait
été soupçonné de malversation par l'Inspection
Générale d'État (IGE). Il avait été
convoqué le 01 décembre 2019 pour être entendu sur des
accusations de complicité d'escroquerie, abus de fonction et tentative
de détournement des deniers publics. Après quelques jours
passés en prison en attendant la décision de la Cour
Suprême, KALZEUBE PAHIMI DEUBET a été déclaré
non coupable par la Cour. Le 06 février 2020, le ministre SGP est
réhabilité dans sa fonction par le décret
présidentiel n°005/PR/2020213.
Dans la même veine, le Ministre de l'économie et
de la planification du développement, Dr ISSA DOUBRAGNE, a
été interpellé par l'IGE le 04 décembre 2019. Il
aurait été demandé au Ministre de rembourser conjointement
avec son Directeur général plus de 800 millions de FCFA. Chose
qui a semblée effective dans un bref délai.
En tout, l'engagement de la responsabilité des
Ministres apparaît important dans un État qui veut soumettre les
autorités aux lois établies. Cela a pour but de limiter
l'arbitraire des autorités dans l'exercice de leur fonction.
211 Article 157 al 5 de la Constitution.
212 Article 271 de l'ordonnance précitée.
213 Décret portant abrogation du décret
n°2050 qui a désigné le 09 décembre 2019 un
intérimaire au poste de Ministre d'État, Ministre
Secrétaire Général de la Présidence de la
République.
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