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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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Paragraphe 2 : La portée du contrôle de constitutionnalité

CONAC Gérard affirmait que : « la suprématie constitutionnelle est le trait le plus évident des régimes qui ont réussi à se consolider »95. Le respect du principe de la hiérarchie des normes se trouve être le principal enjeu de la mise en oeuvre de l'État de droit. Le contrôle de constitutionnalité est apparu comme nécessaire ou du moins utile à la consolidation de l'État de droit. Dans son ouvrage classique, HAURIOU Maurice expliquait l'importance qu'il fallait accorder au principe de la soumission de l'État au droit. Pour lui, ce principe contribue à la réalisation de l'État de droit, car la rédaction d'un statut constitutionnel entraîne la distinction des lois constitutionnelles et des lois ordinaires, la subordination de ces dernières et, par-là, la subordination du droit gouvernemental au statut96. Aujourd'hui, le contrôle de

93 VERDUSSEN Marc, « Les douze juges, la légitimité de la justice constitutionnelle », Bruxelles, Édition Labor, 2004, p. 11. Cité par ALLAH-ADOUMBEYE, « Contrôle de constitutionnalité des lois au Tchad », op. cit., p. 13.

94 AIVO Frédéric Joël, « Contribution à l'étude de la garantie juridictionnelle des droits fondamentaux : retour sur vingt ans de jurisprudence constitutionnelle au Bénin », Afrilex, 2010, p.7.

95 CONAC Gérard, « portrait du Chef de l'État », Pouvoir, 1983, N°25, p.125.

96 HAURIOU Maurice, Principe de droit public, 2ème édition, 1916, Paris, Sirey, p.165. Cité par DIALLO Fatimata, Le juge constitutionnel dans la construction de l'État de droit au Sénégal, Mémoire de maîtrise, Université GASTON Berger de Saint-Louis, 2007, p. 44.

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constitutionnalité est devenu le critérium des démocraties modernes au même titre que la séparation des pouvoirs, l'indépendance du pouvoir judiciaire, le pluralisme des partis politiques et la liberté d'expression97.

Ainsi, le contrôle de constitutionnalité participe de la garantie des droits fondamentaux (A) et à l'ajustement de l'ordre juridique interne (B).

A - La garantie des droits fondamentaux

La fonction essentielle du juge constitutionnel est la protection des droits fondamentaux contre le législateur ; essentielle, non seulement par l'intérêt qu'elle présente pour les citoyens mais aussi pour la réalisation de l'État de droit98.

Si, dans d'autres pays comme le Bénin, on ne peut pas nier les prérogatives de la Cour Constitutionnelle béninoise en matière de la protection des droits fondamentaux99, il en va autrement pour le Tchad. Ni la Constitution ni l'ordonnance n°015/PR/2018 donnent expressément attribution au juge constitutionnel tchadien le droit de protéger les droits fondamentaux des citoyens consacrés constitutionnellement. La Chambre constitutionnelle, dans sa décision n°003/CS/CC/2018100, s'est déclarée incompétente pour statuer sur la censure des réseaux sociaux par l'État tchadien (liberté d'expression et d'opinion). Toutefois, quoiqu'on dise sur cette grossièreté, la Constitution tchadienne aborde la question dans sa globalité et en donne compétence à la haute juridiction de contrôler la constitutionnalité des lois avant leur promulgation. Cette technique de contrôle permet de vérifier que la loi votée est conforme à la Constitution et donc ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux de l'homme. De même lorsque l'inconstitutionnalité échappe à la loupe du juge constitutionnel, elle pourra être rattrapée sur le terrain de son application par le procédé du contrôle a

97 DIALLO Fatimata, Le juge constitutionnel dans la construction de l'État de droit au Sénégal, op. cit. ; p. 45.

98 ROUSSILLON Henry, Le Conseil Constitutionnel, Dalloz, 6ème édition, 2008, p. 51.

99 Ainsi que le rappelle chaque fois la Cour Constitutionnelle béninoise, selon l'article 3 al.3 de la Constitution, « toute loi, tout texte règlementaire et tout acte administratif contraire à ces dispositions sont non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour Constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels ». C'est à la suite de ce texte que l'article 117 al. 1 tiret 1.3 dispose qu'elle : « statue obligatoirement sur la constitutionnalité des lois et des actes règlementaires censés porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine et aux libertés publiques et, en général, sur la violation des droits de la personne humaine »

100 La chambre constitutionnelle de la Cour Suprême s'est déclarée, dans sa décision du 11 décembre 2018, incompétente à statuer sur la censure des réseaux sociaux par l'État tchadien. Elle a rendu sa décision suite à sa saisine par une requête introduite par des organisations de la société civile pour atteinte aux libertés d'opinion et d'expression (article 28 de la constitution). Cette requête de la société civile tchadienne reçue au greffe le 27 novembre 2018, visait à mettre un terme au préjudices liées aux libertés d'opinion et d'expression, droits constitutionnels prévus et protégés.

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posteriori reconnu aux citoyens et consacré par l'article 61 de l'ordonnance n°015/PR/2018 précitée.

Le contrôle de constitutionnalité des lois se trouve au coeur de la matière des droits et libertés des individus. D'après FAVOREU Louis, « ce contrôle, quelles que soient la forme ou la procédure utilisée, est peu fait pour donner satisfaction directement aux individus. Sa justification et donc sa légitimité, consiste surtout à remplir un certain nombre de fonctions à caractère général absolument indispensable pour le fonctionnement des institutions dans un État moderne et assurer la promotion et la protection des droits fondamentaux »101.

Au regard de cette conception, les juges constitutionnels africains, à l'instar des juges constitutionnels américains et européens, rendent des décisions assez importantes visant à protéger les droits fondamentaux de l'homme. Mais au Tchad en particulier, le juge constitutionnel n'a rendu aucune décision spécifique, à notre connaissance, en matière de protection des droits fondamentaux. Néanmoins, sa décision n°010/CC/SG/2014 sur la requête du député KEBZABO Saleh et 28 autres relative au projet de loi portant code pastoral en République du Tchad est importante bien des égards. Cette décision est transversale car elle concerne non seulement l'inconstitutionnalité dudit code, mais elle intègre également le principe d'égalité des citoyens devant la loi102 et la sacralisation de la propriété privée103. Dans cette affaire, les requérants demandent au CC de déclarer non conforme à la Constitution la loi portant code pastoral en République du Tchad votée à l'AN le 11 novembre 2014 au motif que « la loi portant code pastoral consacre la rupture de l'égalité des citoyens devant la loi, le principe de l'inviolabilité de la propriété privée consacré par l'article 41(ancien) de la Constitution est violé... ». Après avoir jugé la requête recevable, le CC constate la violation de la Constitution et déclare anticonstitutionnel le projet de loi portant code pastoral en République du Tchad. Par l'exercice de ce contrôle de constitutionnalité, le juge constitutionnel était amené à apporter la précision sur la portée de certains droits constitutionnellement consacrés, en particulier le principe d'égalité, le principe de l'inviolabilité de la propriété privée et le droit de fixer librement son domicile ou sa résidence en un lieu quelconque du territoire national reconnu aux tchadiens. Certaines de ces libertés font partie des conventions ratifiées par le Tchad. Ces conventions font partie du bloc de

101 FAVOREU Louis, Cours constitutionnelles, Coll. Que sais-je ?, Paris, PUF, 1992, p.27.

102 L'article 13 de la Constitution dispose que « Les tchadiens de deux sexes ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Ils sont égaux devant la loi ».

103 Article 45 de la Constitution : « la propriété privée est inviolable et sacrée. Nul ne peut être déposséder que pour cause d'utilité publique dument constatée et moyennant une juste et préalable indemnisation ».

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constitutionnalité. Il s'agit de la Déclaration Universelle de Droits de l'Homme et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et du Peuple

Le contrôle de constitutionnalité ne participe pas seulement de la préservation des droits fondamentaux des citoyens mais, il concourt également à l'ajustement de l'ordre juridique interne.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard