B - Les modes de contrôle
Le contrôle de constitutionnalité est
exercé soit par un tribunal constitutionnel88, soit par le
tribunal supérieur89 qui est le seul habilité à
déclarer l'inconstitutionnalité d'une loi. C'est le
contrôle exercé par le tribunal constitutionnel qui nous
intéresse dans cette étude. Selon EISENMANN Charles, ce
modèle permet la création d'une instance unique qui
présente essentiellement un double avantage : celui d'éviter les
divergences d'interprétations constitutionnelles susceptibles de
naître du travail des juridictions diverses ; une juridiction unique
permet de donner immédiatement une « vérité
constitutionnelles » et assure l'unité
jurisprudentielle90.C'est ce modèle européen que le
Tchad a hérité
Parlant justement des modes du contrôle, il convient
d'évoquer le contrôle qui intervient avant la promulgation de la
loi ou après la promulgation de celle-ci. Il s'agit du contrôle
a priori et le contrôle a posteriori.
Le contrôle de constitutionnalité a priori
de la loi est effectué par le juge constitutionnel sur saisine des
autorités habilitées à le faire. Il revient au
Président de la République, au président de l'AN et
à un dixième (1/10e) des députés de
saisir la Chambre constitutionnelle d'un recours en inconstitutionnalité
d'une loi non encore promulguée91. La Chambre
constitutionnelle dispose un délai bien précis pour rendre sa
décision92. Sa décision ne peut être remise en
cause.
Ce contrôle a priori a pour avantage
d'éviter la naissance de tout grief lié à
l'inconstitutionnalité de la loi. Les éléments contraires
à la Constitution sont supprimés du
88 C'est notamment le cas du Tchad, du Bénin,
du Togo, du Sénégal etc.
89 Tel est le cas de l'Argentine dotée d'une
Cour Suprême de Justice de la Nation (CSNJ). C'est à elle que
revient le dernier contrôle de constitutionnalité de la loi.
Cité par ALLAH-ADOUMBEYE, « Contrôle de
constitutionnalité des lois au Tchad », op., cit., p. 12.
90 EISENMANN Charles, La justice
constitutionnelle et la haute cour d'Autriche, 1928,
Réédité, Paris, Economica, 1986, p. 291. Cité par
KALUBA DIBWA Dieudonné, Du contentieux constitutionnel en
République Démocratique du Congo. Contribution à
l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice
constitutionnelle, Thèse de doctorat, Université de
Kinshasa, 2010, p. 93.
91 Article 61 de l'ordonnance
précitée.
92 Article 266 de l'ordonnance n°015/PR/2018,
« En matière du contrôle de constitutionnalité des
engagements internationnaux et des lois, la chambre constitutionnelle, saisit
d'un texte, statue dans quinze (15) jours.
Toutefois, à la demande du Gouvernement, et en cas
d'urgence, ce délai est ramené à huit (8) jours. Dans ce
cas, la saisine de la chambre constitutionnelle suspend le délai de
promulgation ».
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texte avant même d'avoir pu porter atteinte à un
justiciable. L'inconstitutionnalité est neutralisée. Ainsi,
VERDUSSEN Marc affirme que :« le rôle d'une Cour
Constitutionnelle, qui entend assurer pleinement son rôle de
contre-pouvoir, est d'écouter et, s'il échait de protéger
ceux dont leurs intérêts ont été
délaissés dans les hémicycles parlementaires et les
cénacles gouvernementaux »93.
Le contrôle a posteriori s'effectue sur renvoie des
juridictions ordinaires. Ici, la loi est entrée en vigueur. La
décision du Conseil Constitutionnel n°002/PCC/SG/001 sur
l'exception d'inconstitutionnalité soulevée par les victimes des
crimes et répression relative au dossier pénal ouvert contre les
agents de la Direction de la Documentation et de Sécurité (DDS)
de l'ex Président HISSEIN HABRÉ précitée est
révélatrice du contrôle a posteriori.
Malgré la volonté du législateur tchadien
d'accorder une marge d'intervention au citoyen dans la mise en mouvement du
contrôle de constitutionnalité, les dispositions
législatives précitées ne nous permettent pas de faire une
observation favorable en terme d'avancée démocratique de la
saisine directe du juge constitutionnel par les citoyens tchadiens comme c'est
le cas au Bénin94.
Le contrôle exercé par le juge constitutionnel
tchadien a une portée indéniable.
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