La carrière du fonctionnaire au Tchad.par NDONAYE KOINGAR ALLANGOMBAYE Université de Dschang Cameroun - Master en droit public 2019 |
Paragraphe 2 : Les droits inhérents à la qualité de fonctionnaireLa titularisation a pour principal effet la soumission du fonctionnaire à l'ensemble des droits (A) et obligations (B) qui lui sont attachés. A. Les droits du fonctionnaireA l'instar de tous les citoyens, le fonctionnaire jouit de tous les droits et libertés consacrés par la Constitution et éventuellement par le Statut général. Dans l'exercice de ses fonctions, l'agent public titulaire bénéficie des droits ou prérogatives qui sont, d'une part, des droits matériels, et d'autre part, des libertés publiques. En effet, les droits du fonctionnaire comprennent le droit à la rémunération, le droit à la pension et le droit à la protection, mais aussi et surtout du droit aux récompenses. Ainsi, la rémunération est une créance juridiquement protégée, une obligation pour l'administration143(*). Elle est une somme d'argent principale que reçoit le fonctionnaire de l'Etat ou de la personne publique à laquelle il est rattaché, de façon périodique et régulière, en contre partie des services qu'il rend dans son emploi. La rémunération est définie par l'article 2 du Décret n° 242/PR/PM/MFB/2011 du 21 mars 2011 fixant le régime de rémunération des fonctionnaires au Tchad comme étant l'ensemble des émoluments auxquels les fonctionnaires peuvent prétendre en contre partie du travail accompli. Elle se rattache donc à la nécessaire contre partie du service fait. Ce dernier s'apprécie à la date de la prise de service du fonctionnaire. C'est ainsi que l'article 13 du Statut général de la Fonction Publique du Tchad stipule que tout fonctionnaire a droit, après service fait, à une rémunération. Et, l'article 9 du Décret n° 242/PR/PM/MFB/2011 du 21 mars 2011 fixant le régime de rémunération des fonctionnaires au Tchad de distinguer trois (3) éléments de la rémunération du fonctionnaire. Il s'agit du salaire de base (constitué du traitement indiciaire majoré de bonification généralisée proportionnelle ou forfaitaire), des indemnités (destinées à encourager l'exercice de certains emplois et/ou à compenser des sujétions spéciales inhérents à l'emploi exercé) et des primes (destinées à rétribuer des efforts et/ou les performances particuliers). Quant au droit à la pension, il est consacré à article 126 du Statut général de la Fonction Publique. En application de cet article, c'est le Décret n° 157/PR/69 du 11 janvier 1969 portant codification des pensions des fonctionnaires civils et militaires du Tchad qui est toujours en vigueur144(*). En effet, après l'admission à la retraite, le fonctionnaire a droit à la pension qui est une créance que l'administration ne peut ni supprimer, ni modifier. S'agissant du droit à la protection, il est aménagé dans l'optique de protéger le fonctionnaire aussi bien à l'égard des tiers qu'à l'égard de l'administration. C'est ainsi qu'à l'égard des tiers, et à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, les fonctionnaires doivent être protégés contre les menaces, outrages, injures, diffamations, violences et voies de fait. A la lecture de l'article 11 de la loi n° 017 précitée, cette responsabilité incombe à l'Etat qui doit réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. Toujours dans l'optique de la protection, la responsabilité de l'Etat se substitue de plein droit à celle du fonctionnaire condamné pour faute professionnelle commise dans ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Dans ce cas, l'Etat dispose de l'action récursoire à l'encontre de son agent. A l'égard de l'administration145(*), le fonctionnaire dispose de la possibilité de contester ses décisions par le truchement des recours administratif et juridictionnel146(*). Un droit tout aussi important du fonctionnaire est celui à la récompense consacré par l'article 137 du Statut général de la Fonction Publique147(*). Ce droit permet alors de reconnaitre le professionnalisme du fonctionnaire et de l'encourager à s'impliquer davantage dans le travail bien fait. Il constitue aussi l'une des formes de la motivation du fonctionnaire. Il convient de préciser in fine, que la qualité juridique de fonctionnaire permet à l'agent d'assumer les fonctions de contrôle et de direction, d'être avancé, d'accéder à la position de détachement et de disponibilité, d'avoir droit au congé régulier148(*), d'accéder à la formation professionnelle149(*). Pour ce qui est des libertés, l'ambition des grandes civilisations est sans doute de faire des hommes libres. Et il est du devoir de l'Etat de garantir l'exercice des libertés publiques aux fonctionnaires. Mais la liberté totale, absolue est utopique. Raison pour laquelle, les libertés des fonctionnaires sont encadrées. C'est ainsi que dans les systèmes d'inspiration française, les dispositions constitutionnelles et légales reconnaissent aux fonctionnaires la jouissance de l'ensemble des droits et libertés accordés à tous les citoyens150(*), sans que la participation au service public n'ait à cet égard, d'effet réducteur ou discriminatoire. C'est pourquoi au Tchad, en vue d'assurer la représentation et la défense de leurs intérêts matériels et moraux, les fonctionnaires peuvent librement se constituer en syndicat ou association. Mêmement, ils peuvent adhérer à une association et/ou à un syndicat professionnel légalement constitué. C'est donc la liberté syndicale consacrée à l'article 29 de la Constitution en vigueur, en vertu de laquelle sont crées : le Syndicat des Enseignants du Tchad, le Syndicat National des Enseignants et Chercheurs du Supérieur du Tchad, l'Union des Syndicats du Tchad, etc. Quant au droit de grève, il est d'inspiration constitutionnelle151(*), légale152(*) et jurisprudentielle153(*). Toutefois, ce droit doit s'exercer dans le cadre des lois154(*) qui le réglementent. Cette réglementation intervient dans le souci de concilier l'exercice de ce droit avec la continuité de service public cher au Professeur Louis ROLLAND. Et la grève elle-même se définit comme une cessation concertée et collective du travail dont l'objet peut être soit la revendication d'une amélioration des conditions de travail, soit le soutien d'une action sociale155(*). En dépit de ces consécrations, la réalité montre que l'exercice de ce droit reste perfectible156(*). La liberté d'opinion pour sa part, est consacrée par l'article 10 du Statut général de la Fonction Publique. * 143 OWONA (J.), Droit de la Fonction Publique camerounaise, op.cit. , p. 163. * 144 Il ressort de l'article 9 de ce décret que le droit à la pension n'est acquis qu'après 15 ans de service effectif. * 145 L'idée de protection du fonctionnaire à l'égard de l'administration est apparue très tôt en France comme en témoigne le rapport de JEANNENEY (J.) de 1907 selon lequel « la situation des fonctionnaires [...] n'a de valeur que si elle n'est point précaire, que si elle est à l'abri des fantaisies, des injustices, de l'arbitraire toujours possible du pouvoir, que si elle est gouvernée par les règles fixes dont le respect soit assuré, que si pour tout dire en un mot, le fonctionnaire peut opposer au pouvoir son droit [...] (JO, chambre des Députés, 2ème séance ordinaire du 11 juillet 1907, in Conseil d'Etat, Rapport public, Paris, La Documentation française, 2003, p. 233). * 146 Article 113 de la loi n° 017 précitée stipule que : « Les décisions infligeant les sanctions administratives sont susceptibles de recours gracieux ; si après un mois, le fonctionnaire sanctionné n'obtient pas de suite, il introduit un recours en premier lieu devant la Commission Administrative Paritaire concerné puis, en cas de non satisfaction, devant le comité consultatif de la fonction publique. Si dans un délai de quatre (4) mois à partir de la date de la requête introductive de recours gracieux, aucune solution satisfaisante n'a pu être trouvée au fonctionnaire incriminé, et si celui-ci s'estime lésé, il peut introduire un recours contentieux devant les tribunaux administratifs compétents ». * 147 « Le fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, s'est particulièrement distingué par son dévouement, par sa probité et sa contribution à l'accroissement du rendement du service dont il relève peut recevoir les récompenses suivantes: lettre de félicitation et d'encouragement, témoignage de satisfaction, honorariat, décoration ». * 148 Article 53 à 55 de la loi n° 017, précitée. * 149 Article 58 de la loi n° 017, précitée. * 150 Article 7, de la loi n° 017, précitée. * 151 Le Préambule de la Constitution de française de 1946 dispose que : « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ». Article 30 de la Constitution tchadienne du 04 mai 2018. * 152 Article 9 de la loi n° 017, précitée. * 153 Arrêt Dehaene, LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DELVOLVE (P.), GENEVOIS (B.), Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, op.cit. , p. 398. * 154 Lire la loi n° 032/PR/2016 du 31 décembre 2016 portant modification de la loi n° 008/PR/2007 du 09 mai 2007 portant réglementation de l'exercice du droit de grève dans les services publics. * 155 NAGOUM (Y.), Fonctionnaire, droits et devoirs, Edition CEFOD, N'Djamena, 1991, p. 45. * 156 Pour preuve, nous citons les multiples cas d'arrestation des syndicalistes : le cas du Secrétaire général de l'Union des Journalistes Tchadiens (UJT), Eric TOPONA le 07 mai 2013, information disponible sur www.jeuneafrique.com, consultée le 01er juin 2019 à 01H42 min ; YOUNOUS MAHADJIR, membre du bureau exécutif de l'Union des Syndicat du Tchad (UST) a bravé des multiples pressions liées à l'exercice du syndicalisme. Pour ses choix et ses prises de positions, il a payé un lourd tribut allant des suspensions de salaire, aux arrestations, sans oublier les peines d'emprisonnements durant lesquelles il sera souvent victime de torture, information disponible sur www.amnesty.org consultée le 01er juin 2019 à 01H52 min. |
|