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L' apport de l'arbitrage à  la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA


par BIKOI Jacques delor
Université de Yaoundé 2 - Master professionnel en Droit privé/option Droit, pratiques juridiques et judiciaires  2016
  

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Paragraphe 2 : La protection rigide de certains arbitres

Le législateur africain a consacré des dispositions dont l'objet est la surprotection de certains arbitres OHADA, notamment ceux de la CCJA. Ces dispositions tendent à ériger l'immunité diplomatique au bénéfice de ces derniers (A) ce qui selon nous conduit à s'interroger sur la pertinence d'un tel privilège(B).

A. L'érection de l'immunité diplomatique dans l'arbitrage CCJA

Organisation internationale dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de ses États membres, l'OHADA jouit de la capacité ainsi que des privilèges et immunités reconnus par le droit international public. Par conséquent, bien que n'étant pas une personne morale internationale mais une institution de l'organisation, la CCJA bénéficie des effets de l'immunité diplomatique propre à l'OHADA. Immunité que le législateur a étendu à son personnel à savoir les juges et les arbitres de la cour communautaire348.

Selon l'article 49 alinéa 1 du Traité OHADA, « (...) les juges de la Cour commune de justice et d'arbitrage ainsi que les arbitres nommés ou confirmés par cette dernière jouissent dans l'exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités diplomatiques ». L'idée qui traduit une telle extension est qu'à l'instar du juge étatique ou supra étatique, l'arbitre chargé d'une mission juridictionnelle doit bénéficier d'une protection visant à l'abriter de toute poursuite judiciaire susceptible d'intervenir après le prononcé de la sentence. Selon Pierre BOUBOU349, cette protection est la condition sine qua non de la sérénité qui convient à un juge. Dès lors en tant que tel, il est impérieux que l'arbitre dans l'exercice de sa mission

Dans cet article, cet imminent juriste camerounais explique que de nos jours, l'ordre juridique de l'État n'est plus le seul véritable ordre juridique ; qu'il existe aussi des ordres juridiques infra-étatiques ou transnationaux aussi chaque fois que l'on peut constater l'existence d'un ordre social, il existe un droit spécifique qui lui correspond. Dans sa démonstration, il poursuit que l'ordre juridique suppose également un « jus spécifique » efficace ce qui permet de l'envisager comme étant à la fois un ordre normatif et un ordre judiciaire. Dès lors l'OHADA étant constitué d'une communauté humaine à travers le regroupement des Etats, d'un ordre normatif issue des actes uniformes et d'un ordre judiciaire par la création de la CCJA qui est la cour suprême de l'organisation chargé de veiller à la bonne application et à la bonne interprétation des actes uniformes constitue un véritable ordre juridique.

348 P-G. POUGOUE, L'arbitrage dans l'espace OHADA, tiré à part du recueil des cours, Tome 380, 2010, BRILL NIJHOFF, p. 132.

349 P. BOUBOU, « L'indépendance et l'impartialité de l'arbitrage dans le droit OHADA », op.cit., p.7.

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juridictionnelle ne soit pas dans un état d'esprit le conduisant à redouter en permanence des actions initiées par les plaideurs de mauvaise foi. Il ressort donc que l'immunité diplomatique a pour conséquence procédurale l'irrecevabilité de toute action engagée à l'encontre des arbitres CCJA, même en cas de faute grave ou intentionnelle. L'intensité de ce privilège a été et continu d'être fortement critiqué par la doctrine du fait de son caractère peu pertinent.

B. Une immunité peu pertinente

Selon le Professeur Paul-Gérard POUGOUE, l'idée d'une immunité protégeant les arbitres dans l'exercice de leur mission juridictionnelle n'est pas en soi mauvaise. Toutefois il ne saurait s'agir d'une immunité « de forte intensité comme l'immunité diplomatique », mais plutôt d'une immunité « classique » destinée à les protéger des éventuelles actions en responsabilité pour les sentences qu'ils rendent, les rassurant ainsi que leurs éventuelles erreurs de jugements ne les conduiront pas devant les prétoires. Ils pourront donc, dans ces conditions, rendre la justice de manière sereine350. Dans le même ordre d'idée, le Professeur Philippe LEBOULANGER351 estime qu'il est choquant et incompatible avec l'exercice de la justice à laquelle l'arbitrage doit répondre, de soustraire un arbitre malhonnête ou malveillant de toute poursuite. Aussi selon lui, si l'on veut que l'arbitrage de la CCJA remplisse les promesses que ses promoteurs ont placé en lui, il est souhaitable de supprimer aux arbitres l'immunité diplomatique et qu'en attendant, la CCJA pourrait demander aux arbitres à nommer de renoncer au bénéfice de leur immunité diplomatique. Abdou DIALLO352 pour sa part relevait l'impertinence de la justification de l'immunité diplomatique des arbitres de la CCJA, en indiquant que si cette immunité s'appliquait uniquement aux juges, elle serait justifiée dans la mesure où ces derniers sont des fonctionnaires d'une organisation internationale. Or, les arbitres sont des personnes privées choisis et payés par les parties, en vue de résoudre leur différend.

En tout état de cause, en doctrine, deux raisons que nous partageons par ailleurs, militent en faveur de la suppression de l'immunité diplomatique des arbitres CCJA. D'une part, le fait d'être nommé par l'organisation internationale qu'est l'OHADA n'enlève en rien que les arbitres de cette Cour sont et demeurent des personnes privées contractuellement liées aux parties qui les désignent et les paient pour dire le droit. N'étant donc pas des

350 P. G. POUGOUE, L'arbitrage dans l'espace OHADA, Ibid.

351 Ph. LEBOULANGER, « L'arbitrage et l'harmonisation du droit des affaires en Afrique », Rev. Arb 1999, no 3, pp.577 et s., propos rapportés par P. BOUBOU, op.cit., p.8.

352 Ab. DIALLO, op.cit., pp. 231-232.

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fonctionnaires de l'organisation, ils ne sauraient profiter des avantages qui relèvent du statut d'agent diplomatique à l'instar des juges communautaires.

D'autre part, il peut arriver que l'arbitre CCJA se rende coupable des manquements intentionnels suffisamment graves qui préjudicient aux intérêts d'une partie au procès arbitral ; ce qui pourrait arriver en cas de dissimulation par l'arbitre des faits ou circonstances de nature à faire douter de son indépendance ou de son impartialité. Cette situation pourrait également se réaliser en cas de fraude ou de faute lourde commis par l'arbitre dans l'exercice de sa mission. Dès lors, vu sous cet angle, il est amer de constater que la volonté souterraine du législateur africain est d'éviter, au travers des immunités diplomatiques, des poursuites aux arbitres qui se livrent à de tels agissements. Aussi pensons-nous qu'en procédant ainsi, le législateur communautaire a lui-même érigé une règle incongrue qui entrave la sécurité judiciaire dans la procédure arbitrale, par le sacrifice des exigences de qualité de la justice et de la morale nécessaire à l'arbitrage, à l'hôtel d'une protection absolue de l'arbitre CCJA. Il est donc souhaitable que la réforme qui a commencée en 2017 en matière arbitrale se poursuive par la modification de l'article 49 du traité OHADA qui consistera en la suppression de l'immunité diplomatique aux arbitres CCJA ainsi qu'en son remplacement par la limitation de responsabilité à l'image de celle du règlement d'arbitrage CCI353.

353 V. art. 41 du règlement d'arbitrage CCI dans sa version de 2017. Cet article traite de la limitation de responsabilité et stipule : « Les arbitres, les personnes nommées par le tribunal arbitral, l'arbitre d'urgence, la Cour et ses membres, la CCI et son personnel, les comités nationaux et groupes de la CCI et leurs employés et représentants ne sont responsables envers personne d'aucun fait, d'aucun acte ou d'aucune omission en relation avec un arbitrage, sauf dans la mesure ou une telle limitation de responsabilité est interdite par la loi applicable ».

CONCLUSION DU CHAPITRE I

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Plusieurs limites normatives édulcorent l'efficacité de l'arbitrage OHADA. Déjà présentes dans les anciens textes applicables au plan communautaire, la reforme opérée en 2017 n'a pas aboutie au traitement de celles décriées dans le cadre de la présente étude.

En effet, une lecture minutieuse du Traité OHADA, de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et du règlement d'arbitrage CCJA permet de constater la présence de plusieurs silences et imprécisions législatifs non justifiés ou encore, l'ultra protection des arbitres de la CCJA, qui constituent autant de failles intrinsèques au socle normatif arbitral de l'OHADA. Celles-ci sont ou peuvent être à l'origine d'interprétations divergentes, d'incertitudes voire, de blocage de nature à fragiliser les bases de la sécurité juridique et judiciaire pourtant posées par le législateur africain. Dès lors, il est souhaitable que soient poursuivi les reformes normatives commencées en 2017. Seulement, quel sera l'impact de celles-ci, si rien n'est fait pour améliorer le cadre pratique de l'arbitrage OHADA qui connait également des dérives ?

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LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE

CHAPITRE II

Fondamentalement, la justice arbitrale développée dans l'espace OHADA a pour but de faciliter le règlement des différends entre partenaires d'affaires354. Or il arrive souvent que dans la pratique, ils se heurtent à plusieurs difficultés qui entravent leurs intérêts qu'ils croyaient sauvegarder en ayant recours à l'arbitrage de l'organisation. Ces difficultés que nous qualifions de scories d'ordre pratiques peuvent être classées en deux catégories à savoir, celles observables à la phase ante sententiam (section 1) et celles observables à la phase post sententiam (section 2).

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"