Paragraphe 2 : Le renfort du juge public dans
l'arbitrage CCJA
Tout comme l'arbitrage ad hoc, l'arbitrage
institutionnel CCJA est fortement marqué par l'assistance du juge
public, à la différence que si dans le premier type d'arbitrage
il s'agit essentiellement du juge étatique, dans le second, le
règlement d'arbitrage CCJA prévoit que ce juge soit en principe
la CCJA (A) et de façon exceptionnelle, le juge compétent de
l'État partie (B).
A. La CCJA comme juge public de principe dans «
l'arbitrage CCJA »
En effet, le principe est le même que dans un arbitrage
ad hoc. L'intervention du juge public se fait avant, pendant et
après l'instance arbitrale.
289 Art. 22 al. 5 NAUA.
290 Art. 27. NAUA.
291 Art. 10 al.1 NAUA.
292 V. art 26.3 du règlement d'arbitrage CAG, art. 22
du règlement d'arbitrage CACI, art. 30 al.2 du règlement
d'arbitrage du centre d'arbitrage et de médiation de l'OAPI.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Avant l'instance, la CCJA peut être appelé
à prêter son concours lors de la constitution du tribunal, en
nommant des arbitres en lieu et place des parties ou des arbitres qui ne
s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre.293 Elle
peut également intervenir en vue d'examiner les demandes de
récusation introduites dans les trente (30) jours qui suivent la
réception par le requérant de la notification de la nomination ou
de la confirmation de l'arbitre par la Cour294.
A la phase de l'instance, la CCJA pourra apporter son appui au
cas où, une demande de récusation est introduite pour des faits
découverts en cour de procédure295.La
compétence de la Cour est également établie en cas de
remplacement de l'arbitre pour cause de décès, de
démission ou d'incapacité296.
A la phase post arbitrale, c'est-à-dire après le
rendu de la sentence arbitrale, la CCJA peut éventuellement intervenir
pour nommer un arbitre unique en vue de statuer sur le recours en
interprétation, rectification ou complément de sentence en cas de
désaccord entre les parties sur la nomination d'un nouveau tribunal
lorsque l'ancien ne peut plus être réuni. Elle intervient
également pour accorder l'exéquatur297 à la
sentence et pour connaitre du recours en annulation298 de cette
dernière, du recours en tierce opposition299 ou à
défaut d'accord entre les parties et si le tribunal ne plus être
saisi pour nommer un nouveau tribunal arbitral300.
B. Le juge étatique comme juge public exceptionnel
dans l'arbitrage
CCJA
L'article 10-1 alinéa 3 NRA/ CCJA prévoit la
possibilité pour une partie de saisir le juge étatique
compétent au cas où l'urgence des mesures provisoires et
conservatoires ne permettrai pas au tribunal de statuer rapidement. Cette
compétence est concurrentielle à celle du tribunal arbitral,
aussi le requérant aura à choisir entre l'arbitre CCJA et le juge
étatique, son choix étant guidé tant par la nature des
mesures sollicitées que par la possibilité de leur
exécution plus ou moins facile.
293 Art.3.3 NRA/ CCJA.
294 Art. 4.2.1 NRA/ CCJA.
295 Ibid.
296 Art. 3 et 4 NRA/ CCJA.
-297 Lire à ce titre l'article 30 du nouveau
règlement d'arbitrage CCJA.
298 Art. 29.1 NRA/ CCJA.
299 Art. 33 NRA/ CCJA.
300 Art. 32 NRA/ CCJA.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
En définitive, on peut retenir que l'efficacité
du système d'arbitrage OHADA est largement tributaire du soutient que
lui apporte le juge public, dont le rôle est de contribuer au bon
déroulement des procédures arbitrales. Juge étatique ou
CCJA, sa présence tant dans l'AUA que dans le RA/ CCJA témoigne
de la volonté du législateur de garantir aux acteurs
économiques la sécurité judiciaire en leur assurant,
l'accès à des arbitrages dont l'efficacité serait
difficilement mise en cause.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
CONCLUSION DU CHAPITRE II
La sécurité judiciaire est un besoin constant
dans la vie juridique. Elle s'entend de la manière dont la justice est
rendue et suggère que celle-ci soit crédible, équitable,
transparente, capable de dire le droit avec compétence et de
sécuriser les justiciables. Recherchée avec le plus
d'acuité dans le contentieux économique, la
sécurité judiciaire est une exigence sans laquelle aucun
État ne peut véritablement prétendre au
développement économique. Elle constitue l'une des raisons
d'être de l'OHADA et c'est elle qui justifie la place particulière
du droit de l'arbitrage communautaire vis-à-vis des autres règles
harmonisées.
En effet, il est évident que les systèmes
judiciaires des États parties au Traité OHADA présentent
de nombreuses défaillances qui dégradent le climat des affaires.
Vu sous ce prisme, l'arbitrage OHADA ne peut qu'être une solution idoine
au problème de l'insécurité judiciaire dans la mesure
où, tout d'abord, il est marqué par la célébration
de l'autonomie de la volonté qui favorise la participation active des
parties dans l'organisation, le déroulement et le sort de leur
procédure arbitrale. Ainsi, elles peuvent se prémunir contre tous
les aléas susceptibles de nuirent à leurs
intérêts.
En outre, l'arbitrage OHADA est soumis aux principes
directeurs d'une bonne justice ; ce qui garantit aux investisseurs des
procès arbitraux justes et équitables dans l'espace communautaire
et enfin, l'assistance du juge public permet de renforcer l'efficacité
des procédures arbitrales.
C'est dire en définitive qu'on peut affirmer eu
égard des argumentations qui précèdent que, dans une
certaine mesure, l'arbitrage OHADA contribue à la sécurité
judiciaire des activités économiques dans les États
parties.
CONCLUSION DU TITRE I
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le développement économique est largement
tributaire de la sécurité juridique et judiciaire. Sans pour
autant soutenir que l'arbitrage est la seule matière à pouvoir
contribuer à la réalisation de cet objectif, force est de
reconnaitre que dans l'espace OHADA, il occupe une place fondamentale.
Pour ce qui est de la sécurité juridique, avant
le 11 Mars 1999, le droit de l'arbitrage était parfois absent, parfois
incomplet, où même encore contradictoire et inadapté dans
la plupart des États africains. Cette situation s'expliquait non
seulement par le choix législatif opéré par ces derniers
lors de leur accession à l'indépendance ; les uns ayant
optés pour la continuité passive, les autres pour la
continuité active, mais également par la caducité des
quelques règles arbitrales disponibles dans certains États. Ce
qui avait donc pour conséquence l'insécurité juridique qui
rendait l'environnement impropice aux affaires. Ainsi, la supranationalisation
du système d'arbitrage OHADA, son originalité ainsi que son
modernisme ont permis d'obtenir un droit accessible, prévisible, stable
et adapté. En clair, un droit de l'arbitrage qui contribue à la
sécurité juridique dans l'espace juridique
intégré.
Au plan de la sécurité judiciaire, la
célébration de l'autonomie de la volonté, l'exigence du
respect des principes directeurs d'une bonne justice et le renfort du juge
public ont permis d'améliorer la qualité de la justice arbitrale
dans les États parties. Une qualité qui permet au système
d'arbitrage OHADA de contribuer à la sécurité judiciaire
dans l'espace communautaire.
On peut donc en définitive conclure que le
système d'arbitrage OHADA contribue à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace juridique
intégré. Seulement cette contribution reste perfectible.
UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A
LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS
L'ESPACE JURIDIQUE INTEGRE
TITRE II
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le terme perfectible renvoie à ce que l'on peut
parfaire et donc à ce qui présente des limites qui demandent des
solutions pour être parfait. Aussi, si tant est vrai que comme nous
l'avons démontré, le système d'arbitrage OHADA contribue
d'une certaine manière à la sécurisation des
opérations économiques dans l'espace intégré, il
reste de constater que cette contribution bien que nécessaire
présente un certain nombre de scories. Quelles sont-elles et comment les
améliore- t-on ? La réponse à cette interrogation
suggère d'examiner d'une part les scories d'ordre normatif (chapitre I)
et d'ordre pratique (chapitre II) d'autre part.
LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF
CHAPITRE I
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Afin de permettre à son système d'arbitrage de
contribuer efficacement à la sécurisation des activités
économiques, le législateur africain s'inspirant largement du
droit français et des règles matérielles de l'arbitrage
international,301 s'est doté de règles modernes et
originales302. Seulement, force est de constater que celles-ci
laissent transparaitre des défaillances qui compromettent l'objectif
recherché c'est-à-dire la sécurité juridique et
judiciaire, afin non seulement de conserver les investissements existants, mais
également d'attirer beaucoup plus d'autres. Ces défaillances que
nous qualifions d'ordre normatif se traduisent par des silences (section 1),
des imprécisions et enfin l'hyper protection de l'arbitre CCJA (section
2).
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