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L' apport de l'arbitrage à  la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA


par BIKOI Jacques delor
Université de Yaoundé 2 - Master professionnel en Droit privé/option Droit, pratiques juridiques et judiciaires  2016
  

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Section 3 : Le renfort du juge public, facteur d'efficacité de l'arbitrage

OHADA

C'est un truisme que la sécurité judiciaire s'accommode mal à l'inefficacité de la justice. Une efficacité amplement recherchée en matière arbitrale où, la prégnance de la volonté des parties pourrait dans certains cas entrainer des effets pervers. C'est pourquoi le législateur africain a érigé le juge public en juge de renfort dans l'arbitrage étant entendu, qu'« il y a pas de bon arbitrage sans bon juge »279. De cette thèse, il ressort que l'efficacité de l'arbitrage dépend en grande partie de la qualité du juge qui y intervient. Mais de quel juge s'agit-il ? Il s'agit d'un juge biface qui intervient parfois comme « juge d'appui », parfois

279 J. P. ANCEL, « Le contrôle de la sentence », in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Op.cit., p. 189.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 68

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comme « juge de contrôle ». C'est un assistant technique280 à l'arbitrage qui se distingue selon que l'on soit dans l'arbitrage traditionnel (Paragraphe 1) ou dans l'arbitrage spécifique CCJA (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le renfort du juge public dans l'arbitrage traditionnel

L'arbitrage traditionnel dans l'espace OHADA est constitué d'une part de l'arbitrage ad hoc(A) et des arbitrages rendus par les institutions internes281(B).

A. Le juge public dans l'arbitrage ad hoc

Dans l'arbitrage ad hoc, le juge public n'est nul autre que le juge étatique qui apporte son soutien à l'arbitrage. L'AUA lui confère des compétences d'attribution qui lui permettent d'intervenir avant, pendant et après l'instance arbitrale. Avant l'instance, le juge étatique peut intervenir lors de la constitution du tribunal arbitral. Ainsi, l'AUA prévoit que les parties peuvent choisir un arbitre ou un collège constitué de trois arbitres. Dans la première hypothèse, l'arbitre unique est désigné d'après la commune volonté des parties et à défaut par le juge compétent de l'État partie. Dans la seconde hypothèse, chaque partie nomme un arbitre et les deux arbitres ainsi nommés désignent le troisième arbitre. Si une partie ne procède pas à la désignation d'un arbitre dans un délai de trente (30) jours suivant la date de réception d'une demande à cette fin émanant de l'autre partie, ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délais de trente jours suivant leur désignation, ce dernier sera désigné par la juridiction compétente de l'État partie. Lorsque les parties ont prévu la désignation de deux arbitres, le tribunal arbitral est complété par un troisième arbitre choisi d'un commun accord par les parties, à défaut par les arbitres choisis et en cas de désaccord de ces derniers, par la juridiction compétente de l'Etat partie. En tout état de cause, la désignation par le juge étatique ne pourra se faire que sur demande de la partie la plus diligente282. Le juge étatique intervient également en cas d'urgence reconnue et motivée pour prononcer des mesures provisoires et conservatoires lorsque le tribunal arbitral n'est pas encore constitué, à condition pour lui de ne pas statuer au fond du litige283. Cette règle a déjà

280 L'expression est de Ph. FOUCHARD in « La coopération du président du tribunal de grande instance à l'arbitrage », RCV. Arbitrage, 1985, p.9.

281 Centre d'arbitrage du GICAM (CAG), Centre national d'arbitrage (CNA), Centre d'arbitrage de Côte d'ivoire (CACI) etc.

282 Art 6 NAUA.

283 Art 13 al.4 NAUA.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 69

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été rappelée par le juge camerounais en ces termes : « Conformément à l'article 13 de l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à la compétence du juge étatique, en l'espèce le juge des référés, pour prendre des mesures conservatoires lorsqu'il y a urgence et que cette mesure (...) ne préjudicie pas au fond »284. Il ressort donc qu'avant l'instance arbitrale, le juge étatique peut intervenir soit pour vaincre tout blocage susceptible de paralyser la constitution du tribunal arbitral, soit pour sauvegarder les intérêts des parties relativement à l'administration ou la conservation des preuves, au maintien des relations des parties pendant le cours de la procédure et enfin à la préservation d'une situation de fait ou de droit donnée285.

Pendant l'instance arbitrale, dès lors que les parties n'ont pas réglé la procédure de remplacement de l'arbitre récusé, réputé incapable, décédé ou démissionnaire et au cas où le tribunal arbitral ne parvient pas à régler ces incidents de procédure, la solution sera apportée par le juge compétent de l'État partie à la demande de la partie la plus diligente286. Ce dernier pourra également, en cours d'instance, autoriser les mesures provisoires ou conservatoires. Toutefois, sa compétence à ce niveau est concurrente avec celle de l'arbitre. Ainsi, la partie qui sollicite lesdites mesures dispose du choix d'adresser sa requête soit au juge étatique, soit au tribunal arbitral. Cependant, il est avantageux de saisir le juge étatique eu égard de ce que contrairement aux sentences arbitrales qui nécessites pour leur exécution l'exéquatur du fait de l'absence d'impérium octroyé à l'arbitre, les décisions du juge étatique font l'objet d'une exécution rapide, ce qui favorise une meilleure sauvegarde des intérêts du demandeur. Le juge étatique peut également proroger le délai légal ou conventionnel de l'arbitrage à la demande de l'une des parties ou du tribunal arbitral287.

Après l'instance arbitrale, le juge étatique intervient pour accorder l'exéquatur288, autoriser l'exécution forcée, interpréter ou rectifier les erreurs matérielles qui affectent la

284 Cour d'appel du Littoral, Arrêt no 092/ REF du 09 Mai 2007, Aff. TENE Job c/ PENGHOUA Emmanuel et KAMKEN François, in répertoire OHADA, jurisprudence et bibliographie, 2006-2010, p. 25.

285 P. BERNADI, « Les pouvoirs de l'arbitre »in Mesures conservatoires et provisoires en matière d'arbitrage international, publication CCI no 519, p.24. V. ég. G. K. DOUAJNI, « Les mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage OHADA », Rev. Cam. Arb., no8, Janvier- Février- Mars 2000, pp.3-s.

286 Art 6.al.3 NAUA.

287 Art 12 al.2 NAUA.

288 Art.30 et s. NAUA.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 70

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sentence si le tribunal ne peut plus être réuni289 ou pour connaitre du recours en annulation de la sentence290.

B. Le juge public dans l'arbitrage institutionnel interne

L'arbitrage institutionnel interne est celui qui se déroule sous l'égide des organismes d'arbitrages existants à l'intérieur des États. Le droit OHADA de l'arbitrage autorise les parties à s'en remettre à de tels organismes pour le règlement de leurs différends. Seulement, le choix d'un organisme d'arbitrage emporte obligation pour les parties de se soumettre à son règlement d'arbitrage291. En effet, dans l'arbitrage institutionnel interne, la présence du juge étatique n'est pas aussi intense que dans l'arbitrage ad hoc. Dans ce type d'arbitrage, le juge étatique saisi par une partie pourra intervenir pour accorder les mesures provisoires ou conservatoires sans qu'une telle action ne remette en cause la convention d'arbitrage292. L'intervention du juge étatique est également nécessaire à défaut d'exécution spontanée pour accorder l'exequatur à la sentence arbitrale rendue par l'institution d'arbitrage.

En somme, on peut retenir que le renfort du juge étatique est un facteur d'efficacité de l'arbitrage traditionnel dans l'espace OHADA.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus