Paragraphe 2 : La libre détermination des
modalités de l'arbitrage
Le consentement confère aux parties d'énormes
libertés qui leurs permettent de se prémunir des éventuels
vices procéduraux susceptibles d'entraver leurs intérêts.
Ainsi, lorsqu'elles auront opté pour le recours à l'arbitrage,
leur volonté sera prépondérante dans l'organisation de la
procédure arbitrale (A) procédure dont elles pourront librement
décider du sort (B).
A. La prégnance de la volonté des parties
dans l'organisation de la procédure arbitrale
En matière arbitrale, le législateur africain a
hissé la volonté des parties au-dessus de tout, de telle sorte
qu'on puisse voire en la puissance de la volonté une source de
sécurité judiciaire. Ainsi, en constituant librement leur
tribunal, en déterminant le droit applicable au litige, en fixant les
missions du tribunal arbitral, la durée de la procédure ou encore
en se prononçant sur l'exercice des voies de recours contre la sentence,
les parties posent elles-mêmes les conditions favorables à la
sécurité de leurs intérêts.
Tout d'abord, s'agissant de la constitution du tribunal
arbitral, les parties fixent librement le nombre d'arbitres dans les conditions
prévues à l'AUA174. Elles pourront donc choisir
l'arbitrage à un arbitre ou l'arbitrage collégial à trois.
En cas d'arbitrage par trois, chaque partie désignera un arbitre et le
troisième sera nommé par les deux arbitres choisis. Dans le cas
d'un arbitrage par un seul arbitre, ce dernier est désigné en
principe par les parties
173 La régularité ici tient des conditions de
formation d'un contrat, de l'arbitrabilité du litige ou encore de
l'absence d'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire.
174 V. art. 5 AUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 46
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'un commun accord175. Si les parties ont
prévues un tribunal composé de deux arbitres, le troisième
arbitre sera nommé d'un commun accord par les parties. À
défaut d'accord des parties sur la désignation du
troisième arbitre, cette désignation sera faite par les deux
arbitres précédemment choisis et cas de mésentente de ces
derniers par le juge compétent de l'État partie176 .
Le législateur africain a placé la désignation des
arbitres sous l'emprise de la volonté des parties, de sorte que ceux-ci
soient nommés, remplacés ou révoqués
conformément à leur convention177. Cette règle
s'applique tant aux arbitrages ad hoc que pour les arbitrages
institutionnels dont la volonté des parties s'exprime dans le choix de
l'institution et donc de son règlement178. Dans le cadre de
l'arbitrage autonome CCJA, conformément à l'article 10
alinéa 1 AUA179, les parties opéreront leur choix sur
la liste des arbitres établies par la Cour180.
Il ressort donc que l'arbitre est un juge choisi par les
parties et que ce choix est la traduction de la confiance qu'ils expriment
à son égard. Dans leur choix, les parties seront certainement
guidées par les compétences professionnelles de l'arbitre,
notamment son expérience et sa maitrise des questions qui fondent le
litige, par ses qualités personnelles à savoir la bonne
moralité, l'éthique ou encore par sa
réputation181. La faculté de choisir librement son
arbitre apparait donc comme un gage de sécurité judiciaire que
procure l'arbitrage OHADA aux investisseurs.
En outre, la volonté des parties est
prééminente en ce qui concerne la détermination du droit
applicable au litige. Le système d'arbitrage OHADA leur permet de
choisir en toute liberté le droit applicable tant à la
procédure arbitrale qu'au fond du litige182.
S'agissant de la détermination de la loi applicable
à la procédure, l'article 14 alinéa 1 AUA dispose :
« les parties peuvent, directement ou par référence à
un règlement d'arbitrage, régler la procédure arbitrale.
Elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de
leur choix ». Ainsi, les parties ont trois options.
Premièrement, elles peuvent
175 V. art.6 AUA.
176 V. art.6 alinéa 2 et 3 AUA.
177 V. art. 6 alinéa 1 AUA.
178 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, « Arbitrage selon l'Acte
uniforme relatif au droit de l'arbitrage », in Encyclopédie du
droit OHADA, P-G. POUGOUE (Dir.), Lamy, 2011, p. 239.
179 Cet article dispose que « le fait pour les
parties de s'en remettre à un organisme d'arbitrage les engagent
à appliquer le règlement d'arbitrage de cet organisme, sauf pour
les parties à en écarter expressément certaines
dispositions, en accord avec ledit organisme ».
180V. art. 3.2 RA/CCJA.
181 F. Y. NICEPHORE, op.cit. pp. 192-197.
182V. art 15 al. 1 AUA et 17 al. 1 RA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 47
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
régler directement la procédure arbitrale en
rédigeant l'ensemble des dispositions relatives à l'introduction,
à l'instruction et au jugement de l'affaire ; il s'agira en quelque
sorte d'élaborer un « code de procédure arbitrale
»183. Toutefois, bien que cette possibilité soit
séduisante, elle peut s'avérer dangereuse étant entendu
que les parties ne sont pas très souvent des juristes. De ce fait, elles
peuvent oublier de ressortir certaines dispositions pertinentes ou encore faire
preuve de maladresse dans l'élaboration des règles de
procédure184.
Deuxièmement, les parties peuvent soumettre la
procédure à un règlement d'arbitrage de leur choix. Dans
ce cas, la prééminence de leur volonté se traduit par la
décision de recourir audit règlement.
Troisièmement enfin, les parties peuvent soumettre la
procédure arbitrale à une loi de procédure
étatique. Celles-ci étant d'ordinaire exhaustives et
cohérentes, un tel choix aura pour avantage de mettre les parties
à l'abri des incohérences et de l'oubli185.
S'agissant du droit applicable au fond du litige,
conformément aux règles posées par le droit international
privé186, cette question ne se pose pas dans un arbitrage
purement interne, c'est-à-dire celui dont tous les
éléments sont situés dans un seul État de l'OHADA.
En revanche, lorsque le différend présente un
élément d'extranéité, les parties sont libres de
choisir le droit qui devra s'appliquer au fond. Très souvent, lorsque le
contrat présente un élément d'extranéité,
les parties recherchent le droit qui sécurisera le mieux leur
transaction. Cette faculté leur est donc reconnue en droit OHADA.
Dès lors, elles pourront librement opérer leur choix en cas
d'internationalité du litige.
De plus, la prégnance de la volonté des parties
se traduit par la libre fixation de la mission des arbitres. Les parties
peuvent ainsi demander au tribunal arbitral de statuer en droit ou leur
attribuer les pouvoirs d'amiable compositeur187. Selon Emmanuel
PUTMAN, lorsque les parties ont confiées à l'arbitre la mission
de statuer en droit, « il n'y a pas de difficultés relatives
à son pouvoir quant aux règles de droit : il doit les appliquer.
Il ne peut d'ailleurs pas usurper des pouvoirs d'amiable compositeur et statuer
en équité, lorsqu'il n'a reçu pour
183 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, op.cit., p. 262.
184 Ibid.
185 Ibid., pp.262-263.
186 En droit international privé, la question de la
règle de conflit ne se pose pas en matière interne. Dès
lors dans un conflit qui ne présente aucun élément
d'extranéité, l'option d'un droit autre que celui de
l'État dont les parties sont issues constitue une fraude à la loi
qui sera sanctionnée par son éviction, motif pris de ce qu'elle
serait contraire à l'ordre public international.
187 V. art.15 al.2 AUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 48
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
mission que de statuer en droit »188.
L'arbitre statuant en droit est donc tenu de se conformer à la
règle de droit, il doit l'appliquer de manière stricte. Ne pas le
faire serait outre passer sa mission et exposer sa sentence à
l'annulation. Tel est la position adoptée par la CCJA dans l'affaire
Société Nestlé Sahel contre Société
commerciale d'importation AZAR et SALAME, dite (SCIMAS)189.
En l'espèce, le tribunal avait reçu des parties
mission de statuer en droit et donc d'appliquer le Droit ivoirien, mission
qu'il avait outrepassé en statuant en équité, ce qui a
conduisit à l'annulation de la sentence, la Cour estimant que le
tribunal ayant jugé en équité alors qu'il n'avait pas
reçu des parties, le pouvoir de statuer en amiable compositeur.
En revanche, lorsque l'arbitre a reçu des parties les
pouvoirs d'amiable compositeur, il est autorisé à statuer
« ex aequo et bono », c'est-à-dire en conscience ou
selon son savoir et entendement, il peut donc statuer en
équité190. Le pouvoir de statuer en
équité ne signifie pas que l'arbitre est tenu de faire
abstraction du droit lorsqu'il tranche l'affaire. Il s'agit plutôt d'un
pouvoir qui lui permet de prendre en compte les circonstances
particulières qui caractérisent le litige afin d'établir
un équilibre entre les parties. L'équité ne s'opposant pas
au droit, l'arbitre amiable compositeur pourra rechercher la solution dans le
droit s'il juge la démarche utile. La Cour d'arbitrage de la CCI a
d'ailleurs rappelé cette règle en jugeant que «
l'équité consiste dans le pouvoir de dévier et modifier la
rigueur du summum jus par rapport à des éléments de
circonstance et des situations particulières, qui ne sont pas tenues en
considération et qui n'ont pas d'influence d'après le droit. Ceci
n'empêche pas l'arbitre de pouvoir appliquer le droit strict quand
celui-ci coïncide dans le cas concret avec l'équité. En
effet le droit positif et l'équité sont deux règlements
qui coexistent et parfois coïncident, le deuxième est plus grand et
contient en lui le premier plus petit. »191
Les parties disposent enfin de la faculté, à
travers la convention d'arbitrage, de se prémunir contre les lenteurs en
déterminant les délais impartis au tribunal arbitral pour rendre
sa sentence192 ; ou encore de renoncer à l'exercice du
recours en annulation contre la sentence arbitrale, à condition que la
renonciation soit à la fois conforme à l'ordre public
188 E. PUTMAN, Contentieux économique, PUF,
1ereéd., 1998, p. 262.
189 C.C.J.A, arrêt n°28/2007 du 19 juillet 2007,
Société Nestlé c/Société commerciale
d'importation Dite (SCIMAS), RTDA, Avril-Juin 2009, n°867, pp.226-256.
190 E. PUTMAN, op. cit., p. 264.
191Affaire no 4467/ 1984, Clunet, 1984, 924; V.
ég. E. PUTMAN, op.cit., p. 268. 192 V. art.12 al.1 AUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 49
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
international193 et expressément
prévue. Cette dernière condition est une contribution de la CCJA
en vue de trancher le débat relatif aux conditions de validités
de la renonciation à l'exercice du recours en annulation. À cet
effet, elle affirma dans l'arrêt Société NESTLE Sahel c/
Société commerciale d'importation AZAR et SALAME
précédemment citée qu' « attendu que la
convention d'arbitrage conclue par les parties, bien qu'ayant prévu que
tous différends découlant du présent contrat ou en
relation avec celui-ci (...) seront tranchés définitivement
suivant le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage de l'OHADA ne saurait interdire le recours en contestation de
validité de la sentence initié par la société
Nestlé Sahel dès lors que comme indiqué à l'article
29.2 du Règlement précité, il ne ressort pas de ladite
convention, une renonciation expresse audit recours ;que la locution adverbiale
définitivement qui est purement usuelle, ne saurait impliquer à
elle seule, la renonciation au recours en contestation de validité
spécialement prévu par le Règlement d'arbitrage
susvisé, recours auquel les parties ne peuvent renoncer que par une
disposition expresse de la convention d'arbitrage; que tel n'étant pas
le cas en l'espèce, il y a lieu de rejeter l'exception
d'irrecevabilité soulevée par la SCIMAS ».
En tout état de cause, les parties pourront
opérer leur choix lors de la conclusion de la convention d'arbitrage, au
moment de la demande d'arbitrage, ou encore lors de la rédaction de
l'acte de mission de l'arbitre. En effet, une convention d'arbitrage bien
conçue194 doit contenir le choix des parties relativement aux
modalités de l'arbitrage. Toutefois en pratique, il arrive souvent que
les parties se contentent de renvoyer à l'arbitrage les litiges
susceptibles de naitre de leur relation contractuelle. Dans ce cas, elles
pourront fixer le nombre d'arbitres et procéder à leur
désignation au moment de la constitution du tribunal. Elles pourront
également à ce moment déterminer le droit applicable au
litige, le siège du tribunal, les délais etc. Si le choix n'est
pas entièrement opéré à ce moment, les arbitres
pourront inviter les parties à le faire lors de la rédaction de
l'acte de mission.
En définitive, il ressort de ce qui
précède que le système d'arbitrage OHADA consacre la
prégnance de la volonté des parties quant à l'organisation
de leur arbitrage. Ainsi, la mise à profit d'une telle
possibilité permettrait aux acteurs économiques de poser les
balises d'une sécurité judiciaire tant recherchée dans la
pratique des affaires.
193 V. art.25 al.3 AUA et 29.2 RA/CCJA.
194 V. P. LALIVE ; « L'influence des clauses arbitrales
», in Les contrats entre Etats et personnes privées
étrangères, op.cit., p. 577.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 50
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
B. La prégnance de la volonté des parties
quant au sort de la procédure arbitrale : la sentence arbitrale d'accord
parties
La sécurité judiciaire implique que la justice
soit rendue de telle sorte qu'elle soit de nature à ne pas compromettre
les droits des justiciables. Dans l'arbitrage, la volonté des parties
contribue énormément à la réalisation de cet
objectif. Les parties qui peuvent organiser la procédure, peuvent
également en décider du sort à elle
réservée. Ainsi considéré, lorsqu'une
procédure arbitrale est mise en oeuvre et que son déroulement est
effectif, les parties peuvent décider de conclure un accord amiable qui
règle leur différend et rétablit la concorde entre elles
si elles estiment que mener la procédure jusqu'à son terme
pourrait leur être préjudiciable. À travers cet accord,
elles peuvent tout simplement éteindre la procédure arbitrale ou
décider que leur décision soit constatée sous forme de
sentence195.
En droit OHADA de l'arbitrage, cette possibilité
octroyée aux parties de décider du sort de la procédure
arbitrale est prévue196. Selon l'AUA qui s'applique à
l'arbitrage ad hoc et plus précisément en son article 19
alinéa 3, « si les parties se mettent d'accord au cours de la
procédure arbitrale, elles peuvent demander au tribunal arbitral que cet
accord soit constaté en la forme d'une sentence rendu d'accord parties.
Cette sentence a le même statut et produit les mêmes effets que
toute autre sentence mettant fin au différend ». Le
règlement d'arbitrage CCJA reprend les mêmes termes, même
s'il ne fait pas expressément allusion au statut et aux effets de la
sentence arbitrale d'accord parties197. En tout état de
cause, on retient le caractère facultatif de la constatation de l'accord
en la forme d'une sentence. L'usage par le législateur OHADA du verbe
« pouvoir » signifie que les parties qui ont
transigées ou conclu un accord de conciliation, voire de
médiation, ont soit la possibilité de mettre tout simplement un
terme à la procédure, soit de demander que l'accord soit
constaté par une sentence. Dans la première hypothèse,
l'accord qui règle le litige de manière définitive ne
pourra recevoir force de chose jugée qu'après homologation par le
juge et apposition de la formule exécutoire. Le tribunal arbitral devra
tout simplement constater l'accord et mettre fin à la
195 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité
de l'arbitrage commerce international, Litec, 1996, p.757.
196 L'ancien AUA de 1999 était muet sur
l'éventualité d'une extinction amiable de la procédure
arbitrale et mieux encore de la sentence arbitrale d'accord parties. Le
Professeur J-M. TCHAKOUA relevait d'ailleurs à ce titre la
curiosité d'un tel silence, aussi écrivait-il qu'« il y
a là une attitude pleine d'énigme au sujet d'une institution qui
cherche depuis longtemps une plus forte reconnaissance officielle de son
identité ». V. J. M. TCHAKOUA, « Le statut de la sentence
arbitrale d'accord parties : les limites d'un déguisement bien utile
», Juridis périodique, no51, juillet- Aout- Septembre
2002, p. 80.
197 V. art 20 RA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 51
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
procédure arbitrale. On assistera alors à une
forme de radiation de l'affaire du rôle comme cela se fait devant les
tribunaux étatiques.
Dans la seconde hypothèse, si les parties le demandent,
le législateur africain exige que le tribunal arbitral constate l'accord
amiable en la forme d'une sentence arbitrale rendue d'accord parties et soumet
cette dernière au même régime d'efficacité que les
sentences rendues à l'issue du délibéré arbitral.
Seulement, est-il interdit à l'arbitre de s'abstenir de constater
l'accord en la forme d'une sentence s'il dispose d'un motif légitime et
sérieux ? Autrement dit, l'arbitre est-il tenu de rendre une sentence
d'accord partie dès lors que les parties le sollicitent ?
Contrairement à d'autres
règlementations198, on peut reconnaitre que le système
d'arbitrage OHADA laisse perplexe sur la question. Cependant nous convenons
avec le Professeur Jean-Marie TCHAKOUA que, bien que l'arbitre soit tenu par la
volonté des parties, il conserve, même en l'absence de texte, la
possibilité de soulever une objection pour ne pas mettre en forme un
accord qui serait contraire à l'ordre public199 étant
entendu qu'en le faisant, il exposerait la sentence d'accord partie soit au
refus de l'exequatur200, soit au recours en annulation pour
contrariété à l'ordre public
international201par la partie de mauvaise foi. Entant que gardien de
l'ordre public au même titre que le juge étatique, l'arbitre doit
veiller à son respect durant tout le déroulement de la
procédure arbitrale.
Tout compte fait, l'exercice du pouvoir décisionnel de
conclure un accord qui tranche définitivement le litige soumis à
l'arbitrage n'est rien d'autre que la manifestation du principe du
dispositif202 qui, comme le soutient le professeur TCHAKOUA,
« trouve un terrain très favorable dans l'instance arbitrale
où on donne une importante place à la volonté des
198 L'article 30 de la loi-type de la CNUDCI sur l'arbitrage
commerciale international prévoit que, si durant la procédure
arbitrale les parties s'entendent pur régler le différend, le
tribunal met fin à la procédure et, si les parties lui en font la
demande et s'il n'y voit pas d'objection, constate le fait par une sentence
arbitrale rendue d'accord parties. Dans le même esprit, l'article 43
alinéa 2 du règlement d'arbitrage du CIRDI énonce que
« si les parties dépose le texte complet et signé du
règlement intervenu auprès du secrétariat
général et demande par écrit au tribunal de l'incorporer
à sa sentence, le tribunal peut procéder à cette
incorporation ». Toujours dans la même logique, l'article 28 du
règlement d'arbitrage de la CACI prévoit que « si les
parties se mettent d'accord en cours de procédure, le tribunal peut
rendre une sentence arbitrale d'accord parties ». Au
bénéfice de toutes ces dispositions, on retient le
caractère non obligatoire de se soumettre à la volonté des
parties. Le mot « peut » signifiant que l'arbitre peut
s'abstenir de constater l'accord dans une sentence lorsqu'il dispose d'un motif
légitime et sérieux.
199 J. M. TCHAKOUA, op.cit., p. 82.
200 V. art.31 al.4 AUA et 30.5-a RA/ CCJA.
201 V. art. 26-e AUA et 29.2-e RA/ CCJA.
202 Sur ce principe V. H. MOTULSKY, «
Prolégomènes pour un futur code de procédure civile : la
consécration des principes directeurs du procès civil par le
décret du 9 septembre 1971 », D., 1972, p.91.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 52
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
parties »203. Les parties prennent
l'initiative de la procédure arbitrale, elles en règlent le
rythme, et peuvent y mettre un terme204. Aussi choisiront-elles la
voie de l'accord certainement dans le but de se soustraire aux aléas du
règlement par l'arbitre, surtout si elles l'ont constituée
amiable compositeur205. Une telle force de leur volonté leur
permet donc de sécuriser leurs intérêts comme elles le
désirent.
En définitive, il ressort de ce qui
précède que la célébration de l'autonomie de la
volonté dans l'arbitrage OHADA constitue une source de
sécurité judiciaire dans la mesure où elle permet aux
parties de prévenir les incertitudes judiciaires susceptibles de porter
atteinte à leurs intérêts. Aussi lorsque les parties ont
exprimé leur consentement et réglé toutes les questions
relatives à la mise en oeuvre de leur arbitrage, la procédure
pourra débuter et pourra être conduite jusqu'à son terme
soit par une sentence d'accord parties, soit par une sentence issue du
délibéré arbitral. En tout état de cause, le
législateur Africain soumet la procédure arbitrale au respect des
principes directeurs d'une bonne justice, afin de garantir un procès
juste et équitable aux parties.
Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux
principes directeurs d'une bonne justice, gage des procès justes et
équitables
La sécurité judicaire nous l'avons
déjà indiqué suppose que la justice soit rendue de
manière à sécuriser les intérêts des parties
au procès. Pour arriver à ce résultat, la justice doit
garantir aux justiciables des procès justes et équitables.
À la fois une nature contractuelle et juridictionnelle, l'arbitrage est
une justice rendue par des personnes privées moyennant une
rémunération. Entant que telle, elle est soumise aux principes
qui régissent la justice rendue par les juridictions étatiques.
Dans l'espace OHADA, le législateur supranational pour garantir la
sécurité judiciaire des opérations économiques
soumet ses deux types d'arbitrage aux principes directeurs d'une bonne justice
qui sont en réalité des exigences que nous classerons en deux
groupes notamment celles qui sont consubstantielles à la fonction
juridictionnelle (Paragraphe 1) d'une part, et celles qui sont de nature
procédurales (Paragraphe 2) d'autre part.
203 J- M. TCHAKOUA, op.cit., p.82.
204 Ibid.
205J-M. TCHAKOUA, op.cit., p. 87.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 53
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Paragraphe 1 : les exigences consubstantielles
à la fonction juridictionnelle : l'indépendance et
l'impartialité
S'il importe en premier lieu de ressortir la signification du
principe d'indépendance et d'impartialité(A), il sied
également de présenter les moyens par lesquels le
législateur africain assure son efficacité(B)
A. Signification du principe
Bien plus que de simples obligations, qui s'imposent au
titulaire de la fonction juridictionnelle, l'indépendance et
l'impartialité constituent l'essence même de la fonction de juger.
Par conséquent, ce n'est que parce que l'arbitre est indépendant
et impartial qu'il peut valablement connaitre d'une affaire206.
L'indépendance suppose une absence de
subordination207. Ce qui signifie que l'arbitre ne peut être
lié aux parties qui l'ont désigné. Selon la jurisprudence
française, « l'indépendance de l'arbitre est de
l'essence de sa fonction juridictionnelle, en ce sens que d'une part, il
accède dès sa désignation au statut de juge, exclusif de
tout lien de dépendance, notamment avec les parties, et que d'autre
part, les circonstances invoquées pour contester cette
indépendance doivent se caractériser par l'existence de liens
matériels et intellectuels, une situation de nature à affecter le
jugement de l'arbitre en constituant un risque certain de prévention
à l'égard de l'une des parties à l'arbitrage
»208. N'est donc pas indépendant l'arbitre contre
qui il est établie l'existence d'un lien matériel et intellectuel
de dépendance ou toute situation de nature à affecter son
indépendance d'esprit et sa liberté de jugement209.
L'impartialité suppose l'absence de parti pris, de
préjugé, de préférence, d'idée
préconçue. Il s'agit d'une exigence consubstantielle à la
fonction juridictionnelle dont le propre est de départager les parties
de façon juste et équitable210. Selon Alexandre KOJEVE
cité par Thomas CLAY, « un homme aura beau être
intelligent, énergique, prévoyant, beau ou autre chose, on ne le
choisira pas s'il est présumé être partial. (...)
Inversement si on le
206 F. N. YOUGONE, op.cit., p.203.
207 G. CORNU, Vvocabulaire juridique, op.cit.,
p. 482.
208 Sur les différentes décisions des
juridictions françaises qui définissent la notion
d'indépendance, V. FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit., p.583.
209 P. BOUBOU, « L'indépendance et
l'impartialité de l'arbitrage dans le droit OHADA », Rev. Cam.
Arb., no9, Avril- mai- Juin 2000, p.4.
210 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit.,
p.468.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 54
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
sait « juste », on peut fermer les yeux sur tous
les autres défauts »211. Cette affirmation
témoigne de l'importance qui est attachée à
l'impartialité de toute personne exerçant une fonction
juridictionnelle. Partant de ce fait, Parce qu'il est investi d'une mission
juridictionnelle, l'arbitre se doit d'être impartial. Il doit
complètement effacer son origine, ses convictions, sa religion et sa
culture face aux parties et dans le prononcé de la
sentence212. C'est dire que l'arbitre est tenu de s'abstenir de tout
favoritisme, qu'il a l'obligation stricte de n'avantager aucune partie et de ne
statuer que sur des raisons qui tiennent au bien-fondé des
prétentions présentées par les parties213.
L'impartialité serait donc une disposition de l'esprit, un état
psychologique par nature subjectif214, dont l'objet est de
prévenir l'arbitre à l'égard de l'une des
parties215. Les tribunaux ont eu à se prononcer sur la notion
d'impartialité de l'arbitre. C'est le cas du tribunal
fédéral Suisse qui a eu à rejeter les accusations de
suspicion de partialité portées contre un arbitre, au motif que
celles-ci ne reposaient que « sur le seul sentiment subjectif d'une
partie et non sur des faits concrets propres à justifier objectivement
et raisonnablement la méfiance chez une personne réagissant
normalement »216.
Pour FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, il existe en pratique
deux séries de circonstances constamment invoquées à
l'appui des demandes de révocation d'arbitre pour défaut
d'impartialité. En premier lieu, le fait que l'arbitre
désigné a déjà connu du litige ou d'un litige
connexe dans un arbitrage antérieur. Il est alors reproché
à l'arbitre de ne plus disposer de l'objectivité et de la «
candeur » qui doit caractériser tout juge lorsqu`il est saisi d'un
nouveau litige. En second lieu, le soupçon de partialité est
alimenté par une attitude antérieure de l'arbitre, qu'une partie
considère comme hostile à son égard, par exemple dans un
débat d'ordre général, qui serait contraire aux
intérêts de cette partie. Mais pour être admis comme cause
de récusation, le demandeur doit pouvoir prouver que les propos
allégués sont de nature à établir une
inimitié de l'arbitre à son égard ou qu'ils
relèvent d'un préjugé à l'égard de ses
thèses.
211 V. Th. CLAY, « L'indépendance et
l'impartialité de l'arbitre et les règles du procès
équitable », in L'impartialité du juge et
l'arbitre, Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.
216.
212 V. M. de BOISSÉSON, Le droit français de
l'arbitrage interne et international, Paris, GLN-Joly, 1990, p. 787, V.
eg. F.N. YOUGONE, op.cit., p.204.
213 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.468.
214 FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit., p.582.
215 11 Mai 1992, Bull. ASA, 1992, p.382, spécialement
p.392, cité par FOUCHARD, GAILLARD, GOLDMAN, op.cit., p.585.
216 Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 55
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
En matière internationale, la nationalité de
l'arbitre peut contribuer à créer un doute dans l'esprit des
parties. C'est pourquoi il est recommandé de prévoir que le
troisième arbitre ou l'arbitre unique soit de nationalité tierce
par rapport aux parties217. En effet en matière
internationale, il est bien établi que les parties ont très
souvent tendance à choisir comme arbitre un ressortissant de leur pays
ce qui ne devrait en rien remettre en cause son impartialité car, pour
reprendre le Professeur Pierre MAYER, « l'arbitre n'étant pas
dans le camp d'aucune des parties sur le terrain politique, religieux ou
idéologique. Dans toute la mesure du possible, il doit s'efforcer,
surtout s'agissant d'un arbitre unique, ou du président d'un tribunal
arbitral de faire abstraction de la plus grande sympathie qu'il éprouve
pour les valeurs défendues par l'une des parties, lorsqu'elles opposent
une civilisation ou un système politique à une autre, dont est
issue l'autre partie »218.
Si selon certains auteurs, l'indépendance et
l'impartialité sont quasiment indissociables219, la
première qualité laissant présumer la
seconde220, d'autres soutiennent que ces concepts peuvent à
la fois être et ne pas être liés. Dans le premier cas, celui
qui n'est pas indépendant n'est pas impartial et dans le second, celui
qui est indépendant peut cependant ne pas être
impartial221.
Gaston KENFACK DOUAJNI est encore plus radical car selon lui,
« il serait hypocrite de penser que l'arbitre désigné
par une partie puisse être aussi indépendant que doit l'être
le président du tribunal ou l'arbitre unique »222.
L'auteur indique qu'on peut bien être dépendant et être
impartial et que des lors, l'impartialité devrait être la seule
qualité à exiger d'un arbitre. En tout état de cause, le
législateur africain a opté pour la réunion des deux
exigences ; Aussi peut-on lire à l'article 7 alinéa 3 AUA que
« l'arbitre doit (...) demeurer indépendant et impartial
vis-à-vis des parties ». L'article 4.1 RA/CCJA quant à
lui dispose que « tout arbitre nommé ou confirmé par la
Cour doit être et demeurer indépendant vis-à-vis des
parties ». Il ressort donc que dans les deux textes, l'insistance sur
le mot « demeurer » se fait remarquer. Ce qui signifie que
l'arbitre doit fournir les garanties
217 FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit. p. 588.
218 P. MAYER, « La règle morale dans l'arbitrage
international », in Etudes offertes à Pierre Bellet,
Paris, Litec, 1991, pp. 396- 397.
219F.N. YOUGONE, op.cit., p. 206.
220 P. MEYER, Droit de l'arbitrage, collection droit
uniforme africain, JURISCOPE, pp. 151-152.
221 D. MOUGENOT et J. V. COMPERNOLLE, «
Déontologie de l'expert judiciaire », in manuel de l'expertise
judiciaire, ANTHEMIS, p. 230.
222G. KENFACK DOUAJNI, « De la
nécessité pour les arbitres originaires des pays en
développement et en transition, de participer à la mondialisation
de l'arbitrage », Rev. Cam. Arb., no33, Avril-Mai-Juin 2006,
OHADATA D-08-62.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 56
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'indépendance et d'impartialité non seulement
au moment de sa désignation mais également tout au long de la
procédure arbitrale jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale.
Sa neutralité doit demeurer à l'égard de toutes les
parties, quelle que soit celle qui les a désignés et quelle que
soit la façon dont ils ont été
désignés223. Cette exigence posée par le
législateur africain n'est rien d'autre que la manifestation de sa
volonté qui est de garantir la sécurité judiciaire dans
l'arbitrage OHADA. Cette volonté est d'autant plus manifeste dans la
mesure où, il a prévu des moyens tendant à assurer
l'efficacité de l'exigence d'indépendance et
d'impartialité.
B. Les moyens tendant à assurer
l'efficacité de l'exigence d'indépendance et
d'impartialité
A l'instar des législations modernes, pour garantir aux
parties l'accès à un arbitre indépendant et impartial, le
législateur africain a prévu des moyens à la fois d'ordre
préventif (1) et curatif (2).
1. Le moyen d'ordre préventif
En droit OHADA de l'arbitrage, la prévention du risque
de dépendance et de partialité de l'arbitre est assurée
par l'obligation de révélation.
Absente en matière de justice étatique,
l'obligation de révélation a été consacrée
dans l'arbitrage en général et dans celui de l'OHADA en
particulier dans l'optique de renforcer la crédibilité de ce mode
alternatif mais juridictionnel de règlement des litiges. Il s'agit d'un
moyen de sécurité judiciaire donc l'efficacité à
notre avis parait indiscutable.
Dans l'arbitrage de droit commun régit par l'AUA,
« Tout arbitre pressenti informe les parties de toute circonstance de
nature à créer dans leur esprit un doute légitime sur son
indépendance et son impartialité et ne peut accepter sa mission
qu'avec leur accord unanime et écrit »224. Le
règlement d'arbitrage CCJA est dans la même lancée quand il
prévoit que « avant sa nomination ou sa confirmation par la
cour, l'arbitre pressenti révèle par écrit au
223 P. BOUBOU, op.cit., p.5.
224 Art 7 al.4 NAUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 57
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Secrétaire général toute circonstance
de nature à soulever des doutes légitimes sur son
impartialité ou son indépendance »225.
Il résulte de ces textes que l'arbitre qui suppose en
sa personne une cause de récusation doit en informer les parties et
éventuellement la CCJA si l'arbitrage en question est conduit sous
l'égide de cette Cour. Il s'agit d'une obligation permanente au regard
du fait qu'elle dure toute la procédure arbitrale jusqu'au
prononcé de la sentence arbitrale226. Cependant, quelle est
la nature des faits devant être révélés par
l'arbitre ?
En effet, comme l'indiquait un auteur227, l'ancien
Acte uniforme utilisait, de manière assez peu heureuse, l'expression de
« cause de récusation »228pour
circonscrire l'obligation d'information des arbitres, ce qui laissait planer un
doute sur l'étendu de l'obligation de révélation.
Était-ce à dire que l'arbitre n'était tenu de
révéler que les faits qui, pour un juge, seraient de nature
à entrainer sa récusation ? En d'autres termes, le statut de
l'arbitre serait-il, sur ce point, calqué sur celui des juges ? Une
réponse négative s'est à juste titre imposée en
doctrine.
À ce titre, selon Marc HENRY229, la
récusation doit être ici entendue dans un sens
général et non dans le sens technique qui lui est attribué
pour les juges par les codes de procédure civile. La législation
uniforme ne renvoyait donc pas sur ce point aux codes de procédure
civile des États membres OHADA. Pour lui, les arbitres n'étant
pas assimilables aux magistrats, rien ne justifie que les causes de
récusation à eux appliquées soient calquées sur
celles des magistrats. Ainsi, du fait de l'utilisation des termes «
indépendance et impartialité », il sied
d'écarter toute restriction qu'impliquerait la notion de
récusation telle qu'appliquée aux juges étatiques. Les
arbitres doivent donc révéler tout fait de nature à
pouvoir susciter un doute légitime dans l'esprit des parties quant
à leur indépendance ou leur impartialité. C'est d'ailleurs
fort heureusement la nouvelle formule consacrée par les reformes
225 Art 4.1.3 NRA/CCJA.
226 Art.4.1.5 NR/CCJA : « L'arbitre doit
immédiatement faire connaitre par écrit au secrétaire
général de la cour et aux parties, les faits et circonstances de
même nature qui surviendraient entre sa nomination ou sa confirmation par
la cour et la notification de la sentence finale ». V. ég.
Art.7 al.4 NAUA : « A partir de la date de sa nomination et durant
toute la procédure arbitrale, l'arbitre signale de telle circonstance
aux parti ».
227 M. DIAKITE, op.cit., p. 276.
228 Art 7 al.2 AAUA.
229 M. HENRY, « Le devoir d'indépendance de l'arbitre
», Paris, LGDJ. 2001, p. 218.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 58
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
de 2017230. Ils ne sont cependant pas tenus de
révéler une situation notoirement connue. Une circonstance ne
doit en effet être révélée que pour autant qu'elle
est ignorée231.
En tout état de cause, lorsque la
révélation est faite, l'arbitre ne pourra accepter sa mission
qu'avec l'accord unanime et écrit des parties232. L'exigence
d'un écrit dans ce cas n'est pas fortuite. Le Professeur LEBOULANGER
soulignait qu'elle « est sans doute une sage précaution, qui
évitera des tentatives de récusation à des fins purement
dilatoires, mais qui pourra, à l'inverse, être une source de
blocage, si une des parties refuse de donner son accord
»233. En somme, la finalité de l'obligation de
révélation est de garantir la sécurité judiciaire
dans l'arbitrage en permettant d'une part, aux parties de mettre en exergue
leur consentement par l'acceptation l'arbitre ou par sa révocation.
D'autre part, cette obligation permet de neutraliser toute contestation
à un stade ultérieur de la procédure, si les parties
n'exercent pas leur droit à temps ou le font sans succès.
2. Le moyen d'ordre curatif
À titre curatif, l'AUA autorise la récusation de
l'arbitre et laisse le soin aux parties de régler la procédure
qui permettra d'aboutir à cette récusation234 . Ce
texte précise également que si les parties n'ont pas
réglé la procédure de récusation, il appartiendra
au juge compétent de l'État partie de statuer sur cette
demande.
La récusation n'est admise que pour une cause
révélée après la nomination de
l'arbitre235. Si la partie qui demande la récusation de
l'arbitre avait accepté la nomination de ce dernier en étant au
courant de la cause qu'elle invoque plus tard comme motif de récusation,
ladite demande sera déclarée irrecevable comme
tardive236.
Si après la nomination d'un arbitre, une partie
découvre que celui-ci ne remplit pas les conditions
d'indépendance et d'impartialité requises pour juger, elle peut
le récuser237.
230 Voir à ce titre les articles 7 al. 4 NAUA et 4.1.3
NRA/CCJA.
231 M. HENRY, op.cit., pp.220 et s.
232 Art 7 al.2 AAU et
233 Ph. LEBOULANGER, « Présentation
générale des actes sur l'arbitrage », in l'OHADA et les
perspectives de l'arbitrage en Afrique, op.cit., p. 75.
234Art 8 al.1 NAUA. 235Art 8 al.4 NAUA.
236 P. BOUBOU, op.cit., p. 6.
237 Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 59
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le règlement d'arbitrage CCJA est assez précis
sur les conditions et la procédure de récusation. Aussi
indique-t-il que la récusation de l'arbitre peut être
fondée sur un « défaut d'indépendance ou sur tout
autre motif »238. La demande de récusation est
introduite par l'envoi au secrétariat général d'une
déclaration précisant les faits et circonstances sur lesquels se
fonde cette demande239.Pour être recevable, la demande de
récusation doit être introduite par la partie soit dans les
trente(30) jours suivant la réception par celle-ci de la notification de
la nomination ou de la confirmation de l'arbitre par la Cour, soit dans les
trente(30) jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la
demande de récusation a été informée des faits et
circonstances quelle évoque à l'appui de sa demande de
récusation, si cette date est postérieure à la
réception de la notification susvisée240. La CCJA ne
peut se prononcer sur la recevabilité et sur le bien-fondé de la
demande récusation qu'après que le secrétaire
général de la cour ait mis l'arbitre concerné, les parties
et éventuellement, les autres membres du tribunal arbitral, en mesure de
présenter leurs observations par écrit dans un délai
approprié241. Lorsque la Cour admet la récusation,
elle doit procéder au remplacement de l'arbitre242.
En définitive, la récusation est une sanction
qui intervient lorsque la mesure préventive qu'est l'obligation de
révélation n'a pas été respectée par
l'arbitre. Ces moyens permettent de rétablir le lien de confiance entre
l'arbitre et les parties et sont donc facteur de sécurité
judiciaire car favorisant l'efficacité de l'exigence de
l'indépendance et l'impartialité entant qu'élément
consubstantiel à la fonction juridictionnelle de l'arbitre.
Paragraphe 2 : Les exigences de nature
procédurale : le respect du contradictoire et l'exigence de
célérité
Nous examinerons tour à tour le principe du
contradictoire (A) et l'exigence de célérité dans
l'arbitrage OHADA (B).
238 Art 4.2 NRA/CCJA.
239 Ibid.
240Art 4.2.2 NRA/ CCJA.
241 Art 4.2.3 NRA / CCJA.
242 Art 4.3.1 NRA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 60
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
A. Le contradictoire dans l'arbitrage OHADA
Le principe du « contradictoire » figure en
bonne place parmi les principes consacrés, établis pour assurer
aux parties la garantie d'un procès équitable243. Il
évoque le respect des droits de la défense et implique que dans
un procès, nulle partie ne peut être jugée sans avoir
été entendue ou appelée. Entant que premier facteur d'une
justice de qualité, le contradictoire innerve l'instance et doit
être observé, tant au seuil que pendant le cours de la
procédure. Au seuil de l'instance, ce principe implique le droit pour
toute personne d'être informée de façon claire et
régulière du procès qui lui est fait. Au cours de
l'instance il exige que toutes les parties aient la possibilité
d'organiser leur défense. C'est dire que le contradictoire crée
pour les parties, aussi bien des obligations réciproques que des
obligations à l'égard du juge. Cette règle
n'échappe pas à la procédure arbitrale, l'arbitrage
étant doté d'une nature juridictionnelle.
En droit OHADA de l'arbitrage et plus spécifiquement
dans l'arbitrage de droit commun, le principe du contradictoire est
consacré par l'article 9 AUA qui prévoit que les parties soient
traitées sur un pied d'égalité et que chacune d'elle ait
toute possibilité de faire valoir ses droits. Il est donc interdit au
tribunal arbitral de fonder sa décision sur des moyens, explications ou
documents invoqués ou produits par les parties si celles-ci n'ont pas
été à même d'en débattre
contradictoirement244. Aussi si à l'égard des parties
le contradictoire suppose que durant toute la procédure arbitrale,
celles-ci s'entre-communiquent en temps utile les pièces ou documents
nécessaires à la manifestation de la vérité afin
que ceux-ci soient débattu contradictoirement, il interdit à
l'arbitre de rendre des décisions sur des faits non débattus, le
droit d'être entendu par le tribunal arbitral étant un droit
consacré.
Le règlement d'arbitrage de la CCJA n'est pas en reste.
En effet, pour les arbitrages se développant sous l'égide de
cette Cour, les mémoires et toutes communications écrites
présentés par les parties, ainsi que toutes les pièces
annexes, sont fournies en autant d'exemplaire qu'il y a de parties plus un pour
chaque arbitre ainsi qu'une copie électronique envoyée au
Secrétariat Général245. Toute notifications ou
communications du secrétariat Général et du tribunal
arbitral sont faites à l'adresse où à la dernière
adresse connue de la partie qui en est destinataire ou de son
représentant, telle que communiquée par celle-ci ou par
243 Ces principes sont communément appelés
« principes directeurs du procès ».
244 Art. 14 al. 7 NAUA.
245 Art 12. 1 NRA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 61
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
l'autre partie, le cas échéant. Elle peut
être effectuée par remise contre reçu, lettre
recommandée, service de transport, courriel ou par tout autre moyen
électronique permettant de fournir la preuve de l'envoi246.
Lorsqu'elle est valablement faite, la notification ou la communication est
considérée comme acquise quand elle a été
reçue par l'intéressé ou par son
représentant247.
Après examen des écrits des parties et des
pièces versées par les parties au débat, le tribunal
arbitral entend contradictoirement les parties soit à la demande de
l'une d'elles, soit d'office. Il peut, s'il l'estime nécessaire, les
entendre séparément. Dans ce cas, l'audition de chaque partie a
lieu en présence des conseils des deux parties248.
Il faut cependant noter qu'en matière de
contradictoire, le plus important n'est pas la comparution de la partie
défenderesse, mais qu'elle soit appelée. Des lors, si un plaideur
informé refuse le débat contradictoire, cela n'empêche pas
le prononcé de la sentence. Aussi, a-t-il été jugé
que « doit être rejeté l'argument tiré du
non-respect du principe du contradictoire des lors qu'il est prouvé
qu'une partie a été régulièrement notifiée
de la composition du tribunal arbitral et de la tenue des instances arbitrales
auxquelles elle ne s'est pas présenté et que par ailleurs cette
partie n'apporte aucun élément justifiant de sa
défaillance à l'instance arbitrale »249.
Il résulte donc de tout ce qui précède
que le principe du contradictoire, gage du procès équitable, est
fortement affirmé dans le système d'arbitrage OHADA. Le
législateur en a fait un principe d'ordre public au point où sa
violation par l'arbitre entrainerait l'annulation de la sentence
arbitrale250. La Cour d'appel de Pointe Noire l'a rappelé
dans l'affaire COFIPA INVESTMENT BANK CONGO contre Société
COMADIS CONGO en ces termes : « Des dispositions combinées des
articles 9 et 14 alinéas 5 et 6 AUA, il résulte que le respect de
la contradiction par l'arbitre, et dont l'inobservation est sanctionnée
par l'annulation de la sentence, d'une part, de l'obligation qui lui est faite
d'accorder à chacune des parties la possibilité de faire valoir
ses prétentions, connaitre celles de son adversaire et procéder
à leur discussion, et d'autre part, de l'interdiction de se fonder sur
des moyens relevés d'office
246 Art 12.2 NRA/ CCJA.
247 Art 12.3 NRA/CCJA.
248 Art 19.1.2 et 19.1.5 NRA/CCJA.
249 Cour d'Appel du Centre, Arrêt no 199/ CIV
du 28 Avril 2010, affaire Société ARAB CONTRACTOR c/CABINET
F.MBA.SARL, Ohadata J-12-73. V. eg. Répertoire de jurisprudence OHADA,
2012, p.11.
250 V. art.26 NAUA et 29 NRA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 62
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
sans que les parties n'aient été au
préalable invitée à en discuter, ou de procéder
seul à des investigations personnelles. En l'espèce, l'arbitre a
lui-même seul procédé à une enquête sans
associer les parties, ni même soumettre à la discussion de
celles-ci les éléments de faits ou de droit recueillis lors de
cette investigation. Il a manifestement des lors inobservé le principe
du contradictoire, et sa sentence encours annulation
»251.C'est dire que le respect du principe du
contradictoire dans l'arbitrage est au coeur de la pensée
législative et judiciaire dans l'espace OHADA. Son respect permet
d'améliorer la qualité de la justice arbitrale. Une
qualité nécessaire pour la sécurité judiciaire des
activités économiques dans l'espace juridique
intégré.
B. L'exigence de la célérité dans
l'arbitrage OHADA
Fondamental, mais parfois négligé ou mal
appliqué, le principe de célérité constitue
l'épine dorsale du droit processuel, étant entendu qu'une justice
rendue tardivement est une justice de mauvaise qualité car conduisant
très souvent au « paradoxe d'une partie juridiquement gagnante,
et, économiquement perdante »252. Vu dans ce sens,
les lenteurs judiciaires ne peuvent qu'être source
d'insécurité judiciaire.
Consacré par la charte africaine des droits de l'homme
et des peuples comme le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable253, le principe de célérité
suggère de réfléchir sur le rythme, voire le temps de la
procédure ; l'objectif étant de distinguer « les temps
utiles, qui améliorent la qualité de la procédure, et les
temps morts qui doivent disparaitre »254.
Au coeur de la réflexion en droit OHADA, les reformes
de 2017 apportées en matière arbitrale n'ont pas fait fi des
délais de procédure, organisant minutieusement ceux-ci dans
l'optique de prévenir les lenteurs judiciaires en matière
arbitrale et de neutraliser au maximum les manoeuvres dilatoires des parties et
même des juges intervenant dans une procédure arbitrale. Des lors,
soucieux de proposer des procédures arbitrales qui répondent aux
attentes des justiciables, pour qui ce mode de règlement des
différends est cher, le législateur africain a posé un
remarquable accent sur les délais tant dans la phase « ante
sententiam » que dans les phases « sententia » et
« post sententiam ».
251 Cour d'appel de Pointe-Noire, Arrêt no du
4 Mars 2005, COFIPA INVESTMENT BANK CONGO c/ Société COMADIS
CONGO, Ohadata J-13-73.
252 C. BARRERE, « Temps (point de vue de
l'économiste) », in Cadiet (L.) Dir., Dictionnaire de la
justice, 2004.
253 V. art.7 al.1-d CADHP
254 S. AMRANI-MEKKI, « Le principe de
célérité », Revue française d'administration
publique 2008/ 1, n° 125, p.52.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 63
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Dans l'arbitrage ad hoc et à la phase ante
sententiam constituée du moment de la constitution du tribunal
arbitral et celui de l'instance, en cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque
partie nomme un arbitre et le troisième est désigné par
les deux autres. Le délai de désignation est de trente (30) jours
à compter de la demande à cette fin émanant de l'autre
partie. En cas de désaccord des deux arbitres sur le choix du
troisième, les parties disposent d'un un délai de trente (30)
jours à compter de leur désignation pour saisir la juridiction
compétente de l'État partie aux fins pour elle de mettre un terme
à la carence255. Cette dernière dispose à son
tour d'un délai de quinze (15) jours à compter de sa saisine pour
rendre sa décision qui ne peut faire l'objet d'aucun recours. Ce
délai peut être raccourci par la législation de
l'État partie256. En effet, le délai imposé au
juge étatique pour mettre un terme au blocage susceptible de survenir
lors de la constitution du tribunal arbitral constitue une nouveauté
étant donné que l'ancien Acte uniforme était silencieux
sur cette question ; ce qui est une mesure préventive qui favorise la
neutralisation des manoeuvres dilatoires à cette phase de la
procédure arbitrale.
En matière de récusation, le législateur
africain a encore fait preuve d'un énorme pragmatisme en imposant un
délai de trente (30) jours au juge étatique saisi d'une demande
de récusation pour rendre sa décision ; délai dont le
non-respect est sanctionné par le dessaisissement de ladite juridiction
au profit de la CCJA257. Cette nouvelle mesure est salutaire compte
tenu de l'environnement judiciaire des Etats parties au traité OHADA
fortement marqué soit par l'engorgement des prétoires, soit par
les errements des magistrats qui parfois se laisse emporter par le vent de la
corruption qui souffle sur eux, les poussant à effectuer des renvois
incessants dont le seul but est de trainer le procès au
bénéfice d'une partie de mauvaise foi. Le législateur
africain impose également que toute cause de récusation soit
soulevée dans un délai qui ne saurait excéder trente (30)
jours à compter de la découverte du fait ayant motivé la
récusation par la partie qui entend s'en
prévaloir258.
L'instance arbitrale est également marquée par
des délais stricts. Aussi, si les parties n'ont pas conventionnellement
fixé un délai pour leur arbitrage, le législateur
africain
255 Art 6 al.4-a NAUA. Ce délai est le même au
cas où les parties ne s'accordent pas sur la désignation de
l'arbitre unique.
256 Art 5 al.5 NAUA.
257 Art 8 al.1 NAUA.
258 Art 8 al.3 NAUA. Il sied d'indiquer que cette mesure a
fait l'objet d'une réécriture. L'article 7 alinéa 4 de
l'ancien AUA faisait mention du terme `'sans délai». Cette
imprécision peu favorable à l'exigence de
célérité a à juste titre été
corrigée par la prévision d'un délai fixe et précis
qui est de trente (30) jours.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 64
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
plafonne la durée de la procédure à six
(06) mois à compter du jour où le dernier arbitre a
accepté sa mission. Toutefois, le délai d'arbitrage, qu'il soit
légal ou conventionnel, peut être prorogé, soit par accord
des parties, soit à la demande de l'une d'elles ou du tribunal arbitral,
par la juridiction de l'État partie259. En outre, en cas de
difficulté liée au caractère manifestement nulle ou
manifestement inapplicable de la convention d'arbitrage, la juridiction
étatique dispose d'un délai maximum de quinze (15) jours pour
statuer en dernier ressort sur sa compétence, décision ne pouvant
faire l'objet que d'un pourvoi en cassation devant la CCJA260. En
effet, l'absence remarquable de délai accordé au juge
étatique pour statuer sur sa compétence, et la possibilité
d'interjeter appel contre sa décision en la matière dont faisait
état l'AUA de 1999261 allait en contradiction avec le
caractère de l'arbitrage qui se veut rapide. La fixation d'un
délai maximum de quinze (15) jours et la mise à l'écart du
principe du double degré de juridiction en matière de
compétence du juge étatique est une innovation salutaire, eu
égard de la mise en harmonie entre la législation arbitrale OHADA
et l'objectif de sécurisation judiciaire des parties.
Dans la phase sententia, au cas où la sentence
arbitrale nécessite d'être interprétée ou
rectifiée du fait des erreurs ou omissions qui l'affectent, ou
même encore lorsque le juge a omis de statuer sur un chef de demande, les
parties disposent de trente (30) jours à compter de la notification de
la sentence pour formuler leur requête. Le tribunal arbitral aura alors
quarante-cinq jours (45) jours pour statuer dans le premier cas sur la demande
d'interprétation ou de rectification des erreurs matérielles, et
dans le second cas pour rendre une sentence additionnelle262.
La phase post sententiam est également
marquée par le principe de célérité. L'AUA
prévoit à ce titre un délai pour introduire un recours en
annulation de la sentence arbitrale. Les parties peuvent donc introduire ce
recours dès le prononcé de la sentence querellée,
possibilité qui cesse dans le mois de la signification de la sentence
munie de l'exéquatur. La juridiction compétente est tenue de
statuer dans un délai ne pouvant excéder trois (03) mois et comme
en matière de récusation, faute pour elle de respecter ce
délai, elle se verra dessaisie au profit de la CCJA qui pourra
être saisie dans les quinze (15) jours suivants. La Cour communautaire
259 Art.12 NAUA.
260 Art.13 al.2 NAUA.
261 V. art 13 ancien AUA.
262 Art.22 al.2-4. NAUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 65
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
dispose à son tour de six (06) mois à compter de
sa saisine pour statuer263. Il s'agit également d'une
nouvelle mesure qui vise non seulement à prévenir de
manière efficace les manoeuvres dilatoires des acteurs du procès
arbitral, mais également de toute autre forme de lenteur de nature
à préjudicier aux créanciers de l'exécution de la
sentence arbitrale.
L'arbitrage institutionnel CCJA ne déroge pas au
principe de célérité. Le législateur africain n'a
ménagé aucun effort pour encadrer les délais de
procédure applicables à ce type d'arbitrage. Aussi, lorsqu'une
partie a adressé une demande d'arbitrage au Secrétaire
général de la Cour, le ou les défendeurs disposent de
trente (30) jours à compter de la date de la notification de la demande
pour adresser leurs réponses264. Au cas où le
défendeur aurait formé une demande reconventionnelle dans sa
réponse, le demandeur pourra alors, dans les trente (30) jours de la
réception de ladite réponse, répondre par une note
complémentaire265. Lors de la constitution du tribunal
arbitral, le règlement d'arbitrage CCJA prévoit un délai
de trente (30) jours dans lequel les parties doivent désigner l'arbitre
unique. Ce délai court à partir de la date de notification de la
demande d'arbitrage à l'autre partie. À défaut d'accord
entre les parties dans l'intervalle de ce délai, l'arbitre est
nommé par la Cour266 . Si les parties n'ont pas fixé
d'un commun accord le nombre d'arbitre et que la Cour juge nécessaire la
constitution d'un tribunal collégial, le règlement d'arbitrage
sus indiqué octroie un délai de quinze (15) jours aux parties
pour désigner leurs arbitres267. Lorsque plusieurs demandeurs
ou défendeurs doivent présenter à la Cour des propositions
conjointes pour la nomination d'un arbitre et que celles-ci ne s'accordent pas
dans les délais impartis, la Cour peut nommer la totalité du
tribunal arbitral268. La demande de récusation doit, à
peine de forclusion être introduite soit dans les trente (30) jours
suivant la réception par la partie qui la sollicite de la notification
de la nomination ou de la confirmation de l'arbitre par cour, soit dans les
trente (30) jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la
demande de récusation a été informée des faits et
circonstances qu'elle évoque à l'appui de sa demande, si cette
date est postérieure à la réception de la notification
susvisée269. Après réception du dossier, le
tribunal arbitral convoque les parties ou leurs représentants, ainsi que
leurs conseils à une réunion de cadrage aussi rapidement que
possible et au plus tard dans les quarante-cinq (45) jours de sa
263 Art.27 NAUA.
264 Art.6 al 1 NRA/ CCJA
265 Art.7 NRA/ CCJA
266 Art.3.1.2 NRA/ CCJA.
267 Art.3.1.4 NRA/ CCJA.
268 Art.3.1.5 NRA/ CCJA.
269 Art.4.2.1 NRA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 66
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
saisine270. Le calendrier prévisionnel de la
procédure arbitrale y sera fixé et il précisera les dates
de remises des mémoires respectifs jugés nécessaires et,
le cas échéant, la date de l'audience à l'issue de
laquelle les débats seront déclarés clos. Cette date de
l'audience ne doit pas être fixée au-delà de six (06)
mois271. Sauf prorogation ordonnée par la Cour d'office ou
à la demande du tribunal, la sentence est rédigée et
signée dans les quatre-vingt-dix (90) jours qui suivent l'ordonnance de
clôture des débats272. Toutefois, la Cour examine le
projet de sentence et rend son avis dans un délai d'un (01) mois suivant
la date sa saisine273. Comme dans l'arbitrage ad hoc, au
cas où la sentence arbitrale nécessite d'être
interprétée ou rectifiée du fait des erreurs ou omissions
qui l'affectent, ou même encore lorsque le juge a omis de statuer sur un
chef de demande, les parties disposent de trente (30) jours à compter de
la notification de la sentence pour formuler leurs requêtes. Le
Secrétaire général communique, dès réception
la requête au tribunal et à la partie adverse afin pour elle
d'adresser ses observations au tribunal et à la partie adverse dans un
délai de trente (30) jours. Après avoir examiné
contradictoirement les points de vue des parties et les pièces
éventuellement soumises, le tribunal est tenu dans les quarante-cinq
(45) jours de sa saisine d'adresser le projet de sentence additionnelle ou
rectificative à la Cour. Si une partie désire introduire un
recours en annulation de la sentence, cette action sera recevable dès le
prononcé de ladite sentence et cessera de l'être dans les deux
(02) mois de sa notification274. La Cour statuera dans les six (06)
mois de sa saisine275. La sentence arbitrale est susceptible
d'exéquatur dès son prononcé. Celui-ci peut
également être accordé dans les quinze (15) jours du
dépôt de la requête, par une ordonnance du président
de la Cour ou du juge délégué à cet effet. Cette
procédure est non contradictoire276. S'agissant des mesures
provisoires ou conservatoires, la décision d'exéquatur en la
matière est rendue dans les trois (03) jours suivant le
dépôt de la requête à la Cour277. En cas
de refus de l'exéquatur, la partie requérante pourra saisir la
Cour dans les quinze (15) jours de la notification du rejet de sa
requête. Ce délai est réduit de trois (03) jours lorsque le
recours est relatif aux mesures provisoires ou conservatoires278.
270 Art.15.1.1 NRA/ CCJA.
271 Art.15.1.2-f NRA/ CCJA.
272 Art.15.4 NRA/ CCJA.
273 Art.23.2.2 NRA/ CCJA.
274 Art.29.3 NRA/CCJA.
275 Art.29.4.2 NRA/CCJA.
276 Art.30.1 et 30.2.1 NRA/CCJA.
277 Art.30.2.5 NRA/CCJA.
278 Art.30.3 NRA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 67
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Il ressort de ce qui précède que le
système d'arbitrage OHADA est fortement imprégné de
l'exigence de célérité. Elle existe à toutes les
phases du procès arbitral, que ce soit à la phase ante
sententiam, que dans les phases sententia et post
sententiam. Le législateur africain a minutieusement encadré
les délais de procédure de telle sorte que l'arbitrage
n'excède pas une durée de six (06) mois, sauf convention
contraire des parties. Un tel souci de célérité a le
mérite de mettre en musique le système d'arbitrage de
l'organisation et l'objectif de cette dernière qui est de garantir la
sécurité judiciaire aux investisseurs à travers
l'arbitrage.
En définitive, la sécurité judiciaire
dépend de la qualité de la justice. Une justice protectrice,
rendue de façon juste et équitable. Ainsi, soucieux
d'améliorer le climat des affaires dans l'espace OHADA, le
législateur africain a soumis son système d'arbitrage aux
principes directeurs d'une bonne justice, parmi lesquels les principes
d'indépendance et d'impartialité, du contradictoire et de
célérité. Consacrés avec autorité dans l'AUA
et le règlement d'arbitrage de la CCJA, ils constituent le gage des
procès justes et équitables en matière arbitrale et
contribuent à l'amélioration de la qualité de la justice
arbitrale dans l'espace OHADA. Toutes choses qui permettent au système
d'arbitrage communautaire de contribuer à la sécurité
judiciaire des activités économiques dans l'espace juridique
intégré. Toutefois, cette contribution aurait-elle
été suffisamment pertinente si elle avait fait fi du renfort du
juge public ?
|