B/- la posture jurisprudentielle
L'étude de celle-ci permet d'apprécier
le juge administratif, en ce sens qu'il fait office de bouche de la loi
à travers le suivisme des textes (1), ou alors qu'il fait oeuvre de
création par les ajouts jurisprudentiels (2).
1) Le suivisme des textes
Le législateur camerounais est le
représentant de tout le peuple et par conséquent, ses actes ont
une portée générale et impersonnelle. Au regard de cela,
il faut penser que le juge administratif est, si non contraint d'appliquer la
loi telle qu'elle se présente sans rien ajouter.
Dans le jugement NLEND NLEND EBEDE Jean
suscité, il faut remarquer que le juge est resté fidèle au
texte car il applique fidèlement la loi. Cette dernière dispose
que dès enregistrement de la requête, le Président
désigne un rapporteur qui sous son autorité, dirige l'instruction
de l'affaire.180S'agissant du juge, il la reprend dans ces termes :
«Attendu que, lorsqu'on dit que la procédure administrative est
de type inquisitoire, cela signifie qu'elle est dirigée par le juge
».
179 CHAPUS (R), droit du contentieux
administrati~, op.cit. P.767
180 Article 37(1), loi 2006/022 du 29 décembre
2006 et article 9(1), loi 75/17 du 8 décembre 1975
Mémoire de DEA Présenté et soutenu par
N~ZANA NTIGA Athanase Roland 63
L'application du principe du contradictoire dans la
procédure administrative contentieuse au Cameroun
De plus, dans le jugement ONGUENE OBAMA Jean
suscité ; le juge confirme le caractère écrit de la
procédure, car cette dernière se fait par l'échange des
mémoires, qui sont ouverts aux débats oraux à l'audience,
bien qu'ils aient un rôle secondaire.
Il faut encore noter des cas de fidélité
du juge au texte de loi. Le jugement SOCADA181 reprend les pouvoirs
du juge dans la durée de l'instruction, dans la participation à
la recherche de la preuve et la prescription des délais pour la
production des mémoires ; tel que le dit la
loi182.
In fine, le juge administratif camerounais
fait office de bouche de la loi, il applique le texte à la lettre.
Néanmoins, il faut aborder sa position en cas de silence de la
loi.
2) Les ajouts jurisprudentiels
Les textes de loi, ne sont pas toujours complets et
précis, d'où l'oeuvre créatrice du juge qui fait de lui un
suppléant du législateur.
Ainsi, un juge administratif qui se trouve face au
silence de la loi, ou alors à l'obscurité des textes de loi est
tenu de statuer sur le litige à lui soumis, sous peine de déni de
justice183. Il est alors sommé de créer, ou tout
simplement de régler le litige pendant devant lui.
Du fait des pouvoirs d'instruction du juge
administratif, et surtout dans la manifestation de la vérité, il
lui arrive très souvent d'inverser la charge de la preuve et pour cela
il faut un commencement de preuve. Cette condition désigne une
circonstance à laquelle est subordonné l'accomplissement d'une
action. Le commencement de preuve apparait ainsi comme étant la
circonstance à laquelle est subordonnée l'intervention du juge,
mieux l'inversion de la charge de la preuve. L'intervention du juge est
assujettie à un effort minimum du requérant, à moins qu'il
ne s'agisse d'un véritable moyen d'ordre public. Le Professeur DEBBASCH
pense que « le juge n'utilise son pouvoir inquisitorial que s'il
trouve dans l'argumentation du demandeur, des éléments de nature
à justifier cette mise en mouvement »184, et
PLANTEY d'écrire que : « si des présomptions
sérieuses, précises et
181 Jugement n°27/CS/CA du 24 février 1983,
SOCADA c/ Etat du Cameroun
182 Articles 37 à 40, 65, 72,77 et 83 ; loi
2006/022 du 29 décembre 2006
183Article 147 du code
pénal camerounais
184DEBBASCH (C),
« la charge de la preuve devant le juge administratif» Dalloz,
Chronique I, 1983, P.47
Mémoire de DEA Présenté et soutenu par
M~ZAMA MAGA Athanase Roland- 64
L'application du principe du contradictoire dans la
procédure administrative contentieuse au Cameroun
concordantes résultent des arguments du
requérant, la juridiction invite l'administration à 'expliquer
»18s
Le juge administratif camerounais, dans le jugement
KISOB ACH ID I186renverse la charge de la preuve à la suite
de la production d'un commencement de preuve ; il prend une position similaire
dans le jugement NJINE NGANGLEY.187 Ce renversement de la charge de
la preuve par le juge administratif a pour finalité de réduire
l'inégalité des parties au procès.
En ce sens, dans le jugement SOCRATE
Clonaris,188 le juge a tenté de pallier les effets
néfastes de cette inégalité des deux parties au
procès. Il utilise ses prérogatives dans certains cas au
bénéfice du justiciable privé. D'après le
professeur COLSON « L'annonce d'un procès opposant un
administré à la puissance publique fait penser au combat que
David devait livrer à Goliath »,189 c'est la raison
pour laquelle le juge adapte ses exigences en matière de preuve aux
possibilités réelles et différentes des parties à
l'instance.
La consécration du caractère
inquisitoire par les textes et la jurisprudence élève la forte
puissance du juge dans la conduite du procès, alors il est donc
nécessaire de voir les facteurs et implications de
l'inquisitoire.
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