Section.2. La responsabilité de l'Etat pour le
fait de ses préposés: cas du Parquet pour restriction abusive
En ce domaine, où le juge civil est normalement le juge
compétent (à l'exception des actes de la justice administrative),
la loi est intervenue et oblige à distinguer deux sortes
même si elle peut avoir été commise
à l'occasion de son service, dans la jurisprudence TC, 2 juin 1908,
Morizot, Leb.p.597, cond. A.Tardieu. cité par le Professeur WASSO MISONA
; il a été soutenu en troisième catégorie de faute
personnelle, que c'est toute faute commise à l'occasion de service, mais
constituant un acte inadmissible ou inexcusable, en l'occurrence le financement
de rébellion à l'occasion de gestion d'une entreprise.
74 De même, il convient de rappeler, que
depuis l'arrêt Tomaso Greco (CE 10 février 1905), la puissance
publique est responsable des activités de police, ce qui permet au
justiciable d'obtenir réparation pour le préjudice qu'il a subi.
Cité par le professeur J.WASSO MISONA, in Droit administratif, Goma,
U.L.P.G.L, 2011-2012, p.136. (Inédit).
75 P.WEIL, Les conséquences de l'annulation
d'un acte administratif pour excès de pouvoir, Paris, Université
de droit Paris II Panthéon-Assas, 1952, p.303.
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d'actes judiciaires: les actes des tribunaux et les actes de
la police judiciaire soumis à l'autorité du Ministère
public. Mais, ces derniers nous intéresseront le plus.
Ainsi, la responsabilité de l'État pour les
actes de la fonction judiciaire restreignant d'une manière ou d'une
autre, l'exercice d'un droit reconnu à l'échèle
fondamental, comme le droit d'investissement privé et sa
justiciabilité, peut être établie. Et comme, la justice est
en soit, un service public par nature, mieux, c'est un pouvoir public par
essence du constituant qui l'érige en une des institutions de la
République76, mais qui est indépendante de pouvoirs
exécutif et législatif, le libre accès à la justice
ne devrait pas en être limité.
En fait, quand les organes de la puissance publique agissent,
certes, il en va de soi qu'il y ait des atteintes à l'exercice de
certains droits fondamentaux, au motif de la sauvegarde et du
rétablissement de l'ordre public. Là, il n'y aurait pas de
débat à faire. Mais, face aux actes comme ceux du parquet
général, portant atteinte, au libre exercice des droits
fondamentaux, notamment la restriction abusive à l'exercice du droit
d'investissement privé par scellage des portes de la
Société Kivu market; par une mesure jugée
d'excessive77, car, va-t-elle, non seulement à l'arrestation
et détention préventive du gérant d'une
Société commerciale de droit congolais, mais aussi, elle va
jusqu'à sceller les portes de la Société, comme si,
celle-ci s'identifiait en la personne du gérant78. Cette
atteinte peut être démontrée par la théorie de voie
de fait (§.1), et aboutir ainsi à l'établissement de la
responsabilité de l'Etat pour le fait des actes des
préposés du Ministère de la Justice (§.2).
§.1. Atteinte à l'exercice du droit
d'investissement privé par voie de fait
En quoi consiste la théorie de voie de fait? Et quelle
est sa portée vis-à- vis des garanties protectrices au libre
exercice du droit d'investissement privé ?
On parle de voie de fait, lorsque la puissance publique comme
le parquet, a porté une atteinte grave à une liberté
fondamentale, comme l'exercice du droit d'investissement privé ou au
droit de propriété, soit par une décision manifestement
insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à
l'administration, soit par l'exécution irrégulière d'un
76 Article 68 de la Constitution du 18
février 2006, J.O RDC, n° spécial du 18
février 2006.
77 Le scellage de la Société Kivu market
sous le R.I.N 11591/R.M.P 5054/P.G 024/TM/012.
78 La caute 5 du RMP5054/P.G 024/TM/012, le
Ministère public motive la Co inculpation du gérant de
Kivu-market avec la Société Kivu-market.
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acte. Le juge judiciaire est alors compétent pour
constater l'existence de la voie de fait, la faire cesser et fixer des
indemnités. La propriété comporte en elle, trois attributs
dont, le droit d'usage, de jouissance et de disposition. L'ensemble de ces
éléments se rapporte à la liberté d'entreprendre
que nous soutenons en ce que celle-ci, consiste en « la liberté
d'exercer une activité professionnelle, commerciale ou industrielle et
donc d'accéder à ce type d'activités »79,
portant essentiellement à la profession des actes de commerce.
Au regard des faits relatifs à l'expropriation pour
cause d'utilité publique et de la réquisition ; parce que ces
dernières désignent la situation dans laquelle le pouvoir
publique dépossède un particulier de sa propriété
privée immobilière ou mobilière sans indemnisation
préalable, juste et équitable.
Il est impérieux, de souligner qu'elles ne sont pas les
seules voies par lesquelles, l'autorité publique, peut violer les droits
et libertés fondamentaux comme l'exercice du droit d'investissement
privé par voie de fait car la doctrine moderne enseigne qu'il peut y
avoir l'atteinte à un quelconque droit fondamental par voie de fait
même sans emprise80 et cela par manque de droit. Car en ce qui
concerne l'exercice du droit d'investissement privé basé sur le
principe de la liberté d'entreprendre, or ce principe tend promouvoir la
liberté du commerce et de l'industrie consistant en élimination
de toute tentative monopolistique du marché et cela par voie du fonds de
commerce81 de la société Kivu market. Nous en
évoquons, parce que c'est la théorie en vertu de laquelle, nous
avons à apprécier la responsabilité de l'Etat
engagée par ses préposés ; dès lors que le
Ministère public, organe de poursuite de l'appareil judiciaire, relevant
du ministère de la justice, via son acte d'informations nationales,
procède, au scellage d'une société commerciale, pour des
suspicions selon lesquelles, le gérant de la société Kivu
market aurait encouragé la rébellion du m23,par participation
financière, et par ricochet, la société elle-même.
Eschassériaux, rappelle de sa même façon que « plus ce
pouvoir est grand, plus vous devez lui fixer des limites, et l'empêcher
de devenir dangereux aux libertés, dont la liberté
d'entreprendre; une autorité sans bornes est bientôt
absolue82 ».
Les conventionnels (c'est-à-dire, les associés),
ne doivent pas oublier le risque des abus de l'Administration et le
problème de la responsabilité des « fonctionnaires publics
». Le juge
79 D. FERRIER., La liberté d'entreprendre in
Libertés et droits fondamentaux, Paris, Dalloz 16ème
éd, 2009.
80 J.WASSO MISONA., Contentieux administratif, Goma,
U.L.P.G.L, 2013-2014, p.40. (Inédit).
81 Notons qu'au regard du droit des
sociétés, le fonds de commerce consiste dans un ensemble des
moyens permettant au commerçant d'attirer et de conserver la
clientèle. (Cfr : article 103 de l'acte Uniforme OHADA relatif au droit
des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt
économique). Et lorsqu'une entreprise est scellée pour des faits
pénaux reprochés à son gérant, une fois ré
ouverte, peut-elle espérer reconquérir un jour la
clientèle des congolais qui aujourd'hui se culpabilisent d'avoir
alimenté Kivu market par leurs achats quotidiens pour aller soutenir les
ennemis de la République ?
82Cité par P. ROLLAND., La garantie des
droits fondamentaux, Dijon, EUD, 2003. p.180.
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judiciaire n'est compétent que dans le cas où
cette mesure est irrégulière. C'est alors lui qui
détermine les indemnités pour les préjudices nés du
scellage. Il est commandé par la constitution, qu'une personne soit
déferrée à un juge. Car, dans le cas contraire, il faut un
puissant effort d'imagination pour voir dans un organe du gouvernement dont le
parquet, une autorité de poursuite, et un juge impartial.
De ce fait, par la théorie de voie de fait, nous
pouvons dégager deux hypothèses dans lesquelles, il peut
être établi la responsabilité de l'Etat, lorsque celle-ci
résulte de la mesure excessive prise par le parquet et des
opérations faites par la police judiciaire .
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