§.2. Des garanties judiciaires à l'exercice du
droit d'investissement privé
L'autorité judiciaire ( juge), gardienne des droits et
libertés fondamentaux : même si elle exprime un postulat optimiste
que la réalité vient parfois cruellement démentir, la
formule élégante et altière de l'article 150 de la
Constitution, doit au moins, être regardée comme un objectif
impérieux; car si les faits savent nous rappeler que l'intervention de
la justice n'est pas loin d'être toujours synonyme de garantie des
libertés, l'impossibilité d'en appeler à un juge en cas de
besoin, menace gravement l'exercice du droit d'investissement privé
à Goma, à titre de la liberté d'entreprendre33
comme droit fondamental34. Pour autant, la juridiction devait
rechercher à promouvoir l'effectivité de la garantie
nécessaire à l'exercice du droit d'investissement aux
sociétés commerciales comme droit fondamental vis-à-vis
des préposés de l'Etat, notamment l'Agence nationale de
renseignement dépendant directement de la Présidence de la
République et le Ministère public, relevant du Ministère
de la justice,
33 Dany Cohen, Le juge, gardien des libertés ?,
s.l, s.e, s.d, p.113.
34 Par exemple, lorsque les mesures de
contrainte comme le scellage des portes d'une entreprise, sont prises sur
décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité
judiciaire ". pareille mesure tire son fondement de disposition
étant également reprise dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, selon laquelle : "dans le cadre d'opérations de police
judiciaire, sous l'égide du parquet, il revient à
l'autorité judiciaire à savoir, le juge, conformément
à l'article 66 de la Constitution française, d'exercer un
contrôle effectif de forme et de fond des mesures, qui touchent à
une liberté publique comme la liberté d'entreprendre . Les
dispositions similaires de la CEDH (art. 5) visent essentiellement les mesures
privatives de liberté. En outre, l'article 5 de la CEDH se
réfère au juge, magistrat, ou au tribunal qui doivent garantir
indépendance et impartialité ; alors que l'article
préliminaire fait référence à l'autorité
judiciaire au sens de l'article 66 de la Constitution et qui comprend les
magistrats du siège et du parquet. Cependant, il ne faut pas se
méprendre sur cette différence. La jurisprudence
constitutionnelle garantit, dans les mêmes conditions que l'article 5 de
la CEDH, l'intervention d'un magistrat du siège (indépendant et
impartial) pour l'emploi de toutes mesures coercitives. Si le Procureur peut
décider et contrôler ab initio le scellage d'une
société commerciale pour suspicion relative à l'atteint
à la sureté intérieure de l'Etat, comme il
procéderait à des gardes à vue des personnes physiques,
c'est parce que la loi prévoit soit une remise en liberté, soit
une présentation devant un magistrat du siège dans un bref
délai (48 heures maximum pour le droit commun) pour ainsi
procéder à la détention préventive et dont la
prorogation du délai, n'est possible que par une ordonnance du
Président de la juridiction ( in fine de l'art. 27 de l' O.-L.
82-016 du 31 mars 1982, il est dit que s'il y a lieu de craindre la fuite
de l'inculpé, ou si son identité est inconnue ou douteuse ou si,
eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles, la
détention préventive est impérieusement
réclamée par l'intérêt de la sécurité
publique. Et l'art. 28 de la même ordonnance-loi congolaise, souligne que
la détention préventive est une mesure exceptionnelle.
Lorsqu'elle est appliquée, les règles ci-après doivent
être respectées. Lorsque les conditions de la mise en état
de détention préventive sont réunies, l'Officier du
Ministère public peut, après avoir verbalisé
l'inculpé, le placer sous mandat d'arrêt provisoire, à
charge de le faire conduire devant le juge le plus proche compétent pour
statuer sur la détention préventive. Si le juge se trouve dans la
même localité que l'Officier du Ministère public, la
comparution devant le juge doit avoir lieu, au plus tard, dans les cinq jours
de la délivrance du mandat d'arrêt provisoire. Dans le cas
contraire, ce délai est augmenté du temps strictement
nécessaire pour effectuer le voyage, sauf le cas de force majeure ou
celui de retards rendus nécessaires par les devoirs de l'instruction.
À l'expiration de ces délais, l'inculpé peut demander au
juge compétent sa mise en liberté ou sa mise en liberté
provisoire. Dans les cas prévus à l'article 27, alinéa 2,
le mandat d'arrêt provisoire spécifie les circonstances qui le
justifient. Et l'Art. 29 dispose que, la mise en état de
détention préventive est autorisée par le juge du tribunal
de paix. En fin, l'art. 30 de l'O.-L. 82-016 du 31 mars 1982, souhaite que
l'ordonnance statuant sur la détention préventive soit
rendue en chambre du conseil sur les réquisitions du Ministère
public, l'inculpé préalablement entendu, et s'il le
désire, peut être assisté d'un avocat ou d'un
défenseur de son choix.).
13
régie par excellence, avec pour mission, de garantir
l'administration de la justice qui, du reste, est un service public par
nature35.
En effet, le souci de conférer l'efficacité
nécessaire à l'exercice du droit d'investissement privé,
pour son existence, se conjuguait certainement avec la volonté de
permettre aux particuliers de jouer un rôle prépondérant
dans la vie sociale de la communauté, mais ce droit ne peut avoir de
sens que s'il s'exerce en toute liberté. C'est pourquoi le juge
congolais devient donc le vecteur indispensable du contrôle de la bonne
application du droit administratif par les autorités nationales,
notamment les magistrats de parquet qui, peuvent exécuter certains
ordres émanant du Ministère de Justice (Administration
publique)36 dont les mesures préventives contre le libre
exercice de certaines libertés fondamentales comme la liberté
d'entreprendre dont la substance est la liberté du commerce et de
l'industrie37 et qui constituent ce qu'on appelle l'essence de la
propriété. En réduisant la liberté d'entreprendre
en liberté fondamentale comme composante de la propriété,
à laquelle il est porté atteinte en cas de voie de fait,
l'arrêt Bergoend, non seulement pallie ce risque, mais
ramène à l'essentiel de ce qui justifie la compétence
judiciaire38.
Le juge constitutionnel français, a par ailleurs
soutenu dans la jurisprudence française du 16 janvier 1982 sur la
liberté d'entreprendre, que cette dernière a fluctué au
cours des vingt dernières années. Soulignant que les
tâtonnements ne portent pas sur le fondement de cette liberté
(cristallisé dans les dispositions de l'article 4 de la
Déclaration de 1789), mais sur son degré de protection, ainsi que
sur l'intensité du contrôle de sa limitation par le
Conseil39.
Pour résumer cette évolution, on peut dire
qu'à partir d'une formulation initiale protectrice (de 1982), le Conseil
a eu tendance à minorer progressivement la protection de la
liberté d'entreprendre au profit de l'intérêt
général40. Suivant le même angle d'idée,
le professeur BOURGOGUE soutient en fait, que la césure se situe entre
les droits intangibles et
35 P. Roger., Les institutions judiciaires, Paris,
Montchrestien, 1994, p.478.
36 L'article 10 du code d'organisation et
compétence judiciaires prévoit que les magistrats du parquet sont
placés sous l'autorité du Ministre de la justice (Art. 10 du
C.O.C.J). Cela signifie que chaque parquet est organisé d'une
manière hiérarchique et dépend en définitive du
ministre de la justice. Ainsi, le ministre de la justice n'a pas pour fonction
d'exercer lui-même l'action publique, mais par son pouvoir et sa position
hiérarchique, il dirige la politique pénale. Il a l'obligation de
veiller à la cohérence de son application sur l'ensemble du
territoire.
37 CE, ord., 12 nov. 2001, Commune de Montreuil-Bellay, n°
239840, Lebon p. 551; Dr. adm. 2002, n° 41, note M, p.67.
38 Ibidem.
39 Cons. Constitutionnel français, in Décision
n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, p.70.
40 Ibidem.
14
les autres, i.e. les droits conditionnels, ceux
susceptibles de faire l'objet de restrictions sous certaines
conditions41 et cela par réserve de la
loi.
Ce n'est que depuis 1997, que s'opère une
évolution inverse, débouchant sur le considérant
très ferme, figurant dans la décision de janvier 2001, relative
à l'archéologie préventive42. Désormais,
la liberté d'entreprendre n'occupe plus de rang subalterne, au sein des
libertés, et le Conseil vérifie que la conciliation
opérée par le législateur entre cette liberté et
d'autres exigences constitutionnelles, ou des motifs d'intérêt
général antagonistes, n'est pas excessivement ou inutilement
déséquilibrée43.
Considérant que, si postérieurement à
1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions
d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution
caractérisée à la fois par une notable extension de son
champ d'application à des domaines individuels nouveaux dont l'exercice
du droit d'investissement privé44 et par des limitations
exigées par l'intérêt général, les principes
mêmes énoncés par la Déclaration des droits de
l'homme, ont pleine valeur constitutionnelle tant en ce qui concerne le
caractère fondamental du droit de propriété, dont la
conservation constitue l'un des buts de la société politique et
qui est mis au même rang que la liberté d'entreprendre, la
sûreté et la résistance à l'oppression, qu'en ce qui
concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les
prérogatives de la puissance publique; que la liberté qui, aux
termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire
tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être
préservée, si des restrictions arbitraires ou abusives
étaient apportées à la liberté
d'entreprendre45.
Les magistrats de parquet peuvent ainsi, engager la
responsabilité de l'Etat congolais, dans leur comportement attentatoire
à l'exercice du droit d'investissement privé46
41 L. Burgorgue-Larsen, Les concepts de liberté publique
et de droit fondamental, Paris, Dalloz, s.d, p.403.
42 Le conseil constitutionnel français soutient
à ce sujet que, Considérant que le souci d'assurer " la
sauvegarde de la diversité commerciale des quartiers " répond
à un objectif d'intérêt général ; que,
toutefois, en soumettant à une autorisation administrative tout
changement de destination d'un local commercial ou artisanal entraînant
une modification de la nature de l'activité, le législateur a
apporté, en l'espèce, tant au droit de propriété
qu'à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4
de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, une atteinte
disproportionnée à l'objectif poursuivi ..." Formulation la plus
récente du considérant de principe sur la protection de la
liberté d'entreprendre : in Décision n° 2000-439 DC du 16
janvier 2001, §.20.p.85.
43 Conseil constitutionnel français, in
Décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000, p.102.
44 Au sens du droit commercial de
Sociétés, le capital social constitue la propriété
de la Société. Mais le droit de la propriété au
sens du droit constitutionnel moderne, s'étend sur la liberté
d'entreprendre qui consiste en libre exercice du commerce et de l'industrie
(cfr : supra) dont l'atteinte ne pouvait être envisagée que par le
monopole du marché. Mais pour ce qui nous concerne, notons que lorsque
les fruits du capital d'une société donnée servent pour un
entrepreneur par exemple à soutenir des activités contraires
à l'ordre public, le Ministère public peut s'imprégner de
faits et agir.
45 Conseil constitutionnel français, in
Décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, p.65.
46 Le magistrat instructeur recherche et constate
les infractions, procède aux enquêtes et à l'information
judiciaire, met en mouvement l'action publique et saisit la juridiction
compétente. Il ressort donc qu'en tant que
15
devant ses propres juridictions, via un mécanisme, que
nous tacherons de développer pour démontrer certainement, cette
responsabilité de l'Etat, pour violation manifeste à l'exercice
du droit d'investissement privé, comme un droit communautaire devant le
juge judiciaire (A) même si toute médaille a son revers et cette
« saisine » généralisée du fondamental «
produit un effet de perte de visibilité »47,
tant et si bien que le juriste, dont le goût pour la
systématisation n'est plus à démontrer, ne sait plus
très bien à quel saint se vouer. Si la protection effective des
droits fondamentaux est une condition inhérente à leur
statut48, il serait vain de tenter de circonscrire ce rôle
à une juridiction unique. De fait, à l'heure d'identifier le juge
des droits fondamentaux congolais, force est de constater que le texte
constitutionnel n'est pas d'un grand secours. Seule indication, l'article 150
de la constitution du 18 février 2006 confie à l'autorité
judiciaire la garde de « libertés fondamentales ».
Dès lors qu'une assimilation entre la liberté et les droits
fondamentaux dans leur ensemble n'est pas envisageable, il faut admettre qu'en
droit interne, aucune règle de compétence n'attribue point le
traitement de la totalité des litiges afférents aux droits
fondamentaux à un juge unique, car en droit de contentieux
administratif, si le contrôle juridictionnel de l'acte administratif
intervient, ce n'est que pour vérifier la légalité et
l'absence de toute violation aux droits fondamentaux pour sa
confirmation49. Le souci d'identification du juge des droits
fondamentaux est en outre compliqué par l'existence d'une protection
supranationale de ces droits, mais il n'empêcherait pas en
conséquence, dans un souci d'équilibrage des procédures,
le renforcement de la responsabilité de l'Etat congolais devant le juge
administratif (B).
magistrat instructeur, il réunit les preuves de
l'infraction, décerne des mandats en tant que Ministère Public,
il exerce l'action publique et par voie de conséquence, il est le
principal contradicteur dans le procès pénal. En procédure
pénale congolaise, le Ministère Public est en même temps
l'organe d'instruction et de poursuite. En effet, l'instruction n'a pas
seulement comme but principal l'interrogation de l'inculpé à
charge, elle peut être aussi menée à décharge s'il y
a lieu. Ainsi, lorsque le Ministère Public à lui-même joue
le rôle d'instruction et de poursuite, il y a lieu qu'un tel
système procédural ait comme conséquence le risque que
l'instruction soit menée uniquement à charge. Le Procureur de la
République en instruisant et en organisant les poursuite judicaires il
peut être tenté de ne chercher que des éléments lui
permettant de confondre l'inculpé qui apparaît dès ce stade
comme un coupable au grand mépris du principe de la présomption
d'innocence qui a toujours une valeur constitutionnelle, par conséquent,
la protection des libertés publiques ou celle des droits fondamentaux se
trouve mise en mal, du seul fait que pour la Société Kivu Market/
SPRL, une mesure conservatoire, intervenue à la diligence du Parquet
général, a débouchée sur le scellage de
l'entreprise durant plus de 10 mois, constituant ainsi une atteinte à la
liberté d'entreprendre, en ce sens que nous nous demandons si le
Ministère public disposait réellement des indices sérieux
de la culpabilité de la Société pour chef d'accusation
principale : l'atteinte à la sureté intérieure de
l'Etat,..... Pour ne pas envoyer l'affaire en fixation à fin qu'une
sentence de fermeture de la Société soit rendue.
47 G.DRAGO, « Les droits fondamentaux entre
juge administratif et juges constitutionnel et européens.»,
Revue mensuelle du JurisClasseur - Droit administratif, juin 2004,
p.7.
48 Cette exigence est d'ailleurs soulignée
à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen de 1789 : « toute société dans laquelle la
garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des
pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ».
49 J.WASSO MISONA, Droit administratif, Goma,
U.L.P.G.L, 2012, p..6.
16
A. Le juge judiciaire et l'exercice du droit
d'investissement privé comme droit fondamental
De toutes les façons, la plupart des actes du
ministère public sont mis en mouvement, par les autorités
nationales50. C'est pourquoi, en droit comparé, il n'est pas
surprenant d'apprendre que la Convention européenne des droits de
l'homme, consacre en son article 6, le droit d'accès à un
tribunal et que la Cour européenne se soucie de l'effectivité de
cet accès51. Parce que, l'autorité judiciaire doit
demeurer indépendante pour être à même d'assurer le
respect des libertés essentielles telles qu'elles sont définies
par le deuxième titre de la Constitution congolaise de 2006 et dans le
préambule de laquelle, le constituant réaffirme son attachement
à la Déclaration universelle des droits de l'homme, à
laquelle il se réfère », l'interprétation de ce
principe énoncé par la constitution, souligne clairement que
l'indépendance du juge judiciaire est la condition nécessaire
d'une protection effective des libertés fondamentales dont la
liberté d'entreprendre ou le libre exercice du droit d'investissement
privé. Ainsi, l'article 69 de la Constitution fait du Président
de la République le garant du respect de la constitution52 et
par ricochet, le gardien de l'indépendance de l'autorité
judiciaire, qui n'est soumis dans l'exercice de ses fonctions qu'à
l'autorité de la loi53, et prévoit indirectement qu'il
est assisté dans cette tâche par le Conseil supérieur de la
magistrature.
Et quiconque, cherche à prendre la mesure, de la
situation en R.D.C et de son évolution observe deux mouvements
contraires, dont il est difficile d'apprécier l'ampleur respective.
Le phénomène est d'ailleurs lié à
plusieurs évolutions, d'une part celle de la représentation que
le juge se fait de sa fonction, mais aussi celle de l'idée que s'en fait
le pouvoir politique, enfin celle des textes, dont le contenu est bien
sûr partiellement corrélé à la deuxième des
trois variables ainsi énoncées54.
L'indiscutable ambivalence des pouvoirs du juge au regard des
droits et libertés fondamentaux dont le droit d'investissement
privé, ne rend cependant compte que d'une
50 Voir à ce sujet C. BLUMANN et L. DUBOUIS, Droit
institutionnel de l'Union européenne, op. cit, § 696,
p. 413.
51 D. Cohen, Op.Cit, p.112.
52 Lire le deuxième alinéa de
l'article 69 de la constitution congolaise du 18 février 2006, tel que
modifié par l'article 1er de la Loi n° 11/002 du 20 janvier
2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la
République Démocratique du Congo.
53 Voir le deuxième alinéa de
l'article 150 de la constitution congolaise du 18 février 2006, tel que
modifié par l'article 1er de la Loi n° 11/002 du 20 janvier
2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la
République Démocratique du Congo.
54 D. Cohen, Op.Cit p.111.
17
partie du paysage à cet égard. L'épreuve
de la réalité montre que les situations courantes, où le
juge n'use pas ou use peu des pouvoirs qui lui sont dévolus, rend
partiellement platonique la protection qu'il est censé
incarner55. Même s'il peut arriver qu'une
société commerciale soit indexée pour atteinte à la
sureté intérieure de l'Etat, il s'agit de toute la
République qui en est impliquée. Cela ne suffit pas pour lui
priver de son droit d'accès au juge, en ce sens que, quelque personne
physique ou morale que soit-elle, bien qu'inculpée, sa
responsabilité ne peut être établie, que par le biais d'un
jugement régulièrement prononcé56. Parce qu'il
est soutenu par le constituant congolais, conditionnant que, toute personne
accusée d'une infraction est présumée innocente,
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
établie par un jugement définitif57.
Mais pour ce qui est de Kivu market SPRL, nous sommes surpris
de voir qu'en dépit des garanties judiciaires posées par la
constitution congolaise comme le droit de la défense étant
organisé et garanti58, elle a été
scellée pour des faits pénaux reprochés à son
gérant et n'a jamais été entendue par le juge. Alors que
toute personne au sens du droit constitutionnel, a le droit de se
défendre elle-même ou de se faire assister d'un défenseur
de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure
pénale, y compris l'enquête policière et l'instruction
pré juridictionnelle, le ministère public s'entête
d'envoyer l'affaire en fixation tout simplement parce que l'affaire semble
comporter des caractères politiques.
Comment pouvons-nous, apprécier la garantie protectrice
que le juge congolais, tendrait à l'exercice du droit d'investissement
privé, alors que le litige semble être bloqué par le
Ministère public ?
A juste titre, s'il faut parler des choses, dans leur
illustration concrète, le cas de la société Kivu market
S.P.R.L, réalisera bientôt un an de fermeture ou mieux de
scellage, sans
55 D.Cohen, Le juge, gardien des libertés?,
s.l, s.e, s.d,, p.112.
56 De façon générale, on
considère les tribunaux judiciaires comme les protecteurs naturels de
ces deux domaines. Ainsi, l'article 17 de la Constitution congolaise, dans la
combinaison de ses 2ème, 3ème et
4ème alinéas dispose : « Nul ne peut être
poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu'en vertu de
la loi et dans les formes qu'elle prescrit. Nul ne peut être poursuivi
pour une action ou une omission qui ne constitue pas une infraction au moment
où elle est commise et au moment des poursuites. Non plus, nul ne peut
être condamné pour une action ou une omission qui ne constitue pas
une infraction à la fois au moment où elle est commise et au
moment de la condamnation. » et à l'article 150, le constituant
constitue « l»autorité judiciaire , gardienne des droits
et libertés fondamentaux » , et assure le respect de ces principes
dans les conditions prévues par la loi. » Par ailleurs,
l'article 136 du Code de procédure pénale prévoit que,
dans les cas d'atteinte à la liberté individuelle, le juge
judiciaire est exclusivement compétent.
57 Lire le 9ème alinéa de
l'article 17 de la constitution du 18 Février 2006,
J.O RDC, n° spécial du 18 février
2006.
58 Le 3ème alinéa de
l'article 19 de la constitution du 18 Février 2006,
J.O RDC, n° spécial du 18 février
2006.
18
avoir été entendu par le juge59.
Pourtant le constituant congolais dit que « nul ne peut être ni
soustrait, ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un
délai raisonnable par le juge compétent »60. Tel
que soutenu par Pascal MBONGO : « Toute personne a droit à ce que
sa cause soit entendue par un tribunal établi par la loi,
indépendant et impartial, apte à décider selon une
procédure équitable, publique et raisonnablement rapide
»61. Parce que sous d'autres cieux, il est institué un
juge d'instructions aux pouvoirs étendus, dont la mission est de
rechercher toute la vérité, en procédant à des
interrogatoires, à des auditions des témoins et au besoin
à des perquisitions62.
La vérité à charge ou à
décharge de la Société doit être découverte,
pour que soit établie sa culpabilité pour écoper des
sanctions63 ou obtenir du juge, l'acquittement, comme ce fut le cas
dans l'affaire LAWLESS c. IRLAND, relative à l'internement
administratif, pour atteinte à la sureté de l'Etat en 1956,
poursuivi pour chef d'accusation, l'organisation des guérillas, le 14
mai 1957. En 1956, le Ministère de la Justice avait pris un
arrêté de détention à son encontre et de fermeture
de l'entreprise de bâtiment dans laquelle, il était
manoeuvré (la Cour, soulignait qu'une parfaite distinction entre Mr
LAWLESS et l'entreprise dans laquelle il travaillait, serait une meilleure
démarcation, sauf si le Ministère public prouve en fait, que
l'entreprise était co-auteur).
En fait, dans cette affaire, la Cour européenne des
droits de l'homme, avant d'en examiner le fond, d'abord, elle s'était
intéressée au délai de détention sans comparution
qui manifestement, devant le juge, apparaissait comme une mesure strictement
limitées aux exigences de la situation (c'est-à-dire, qu'elle
avait des connotations politiques), mais
59 Citons à titre jurisprudentiel, l'affaire
NEUMEISTER c. AUTRICHE, accentué sur le droit d'être jugé
dans le délai raisonnable ou même d'être
libéré pendant la procédure avait été
violée. De même, la durée de détention
préventive avait été outrepassée par le
Ministère public. Fritz NEUMEISTER, était directeur d'une
entreprise de transports (fermée) ; soupçonnés pour
escroquerie de grande envergure et inculpé le 23 février 1961
jusqu'en Novembre 1964, période à laquelle, l'affaire
était fixée et appelée en audience publique au Tribunal
pénal régional de Vienne, mais dont le procès a
donné lieu à 102 jours d'audience ; malheureusement,
renvoyée au 18 juin 1965 pour complément d'instructions puis
reprit le 4 décembre 1967. Dans sa requête du 12 juillet 1963,
Fritz invoqua plusieurs dispositions de la convention Européenne des
droits de l'homme dont l'article 5 §4 et 4, article 6 §1
centré sur le délai raisonnable de sa détention, et
l'égalité des armes. A la question relative, à la
violation manifeste de ces dispositions suscitées, la Cour
européenne des droits de l'homme, dans son arret du 27 juin 1968,
à la caute 193, estime ne pouvant pas s'assurer de la conformité
de cette période avec la convention ; cependant, elle en tient compte
dans l'appréciation du caractère raisonnable de la
détention puisque dans l'hypothèse d'une condamnation, elle
serait déduite de la peine infligée. Cfr : V.BERGER.,
Jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, Paris,
4ème édition, Dalloz, 1994.p.75.
60 Article 19 de la constitution du 18
Février 2006, J.O RDC, n° spécial
du 18 février 2006.
61 P. MBONGO., Qualité de justice, Paris,
Conseil Européen, s.l, s.e, 2007, p.49.
62 P. Roger., Op.cit, p.500.
63 Ibidem., p.500.
19
excessives. Car, rien n'avait empêché le
gouvernement de saisir les juridictions pénales ordinaires, les cours
criminelles spéciales à fin de les condamner64.
Comme ce fut le cas, dans les affaires successives de
Solange et Stork dans lesquelles, les actes
de la CECA avaient été annulés par les juges ordinaires
allemands des failles de la législation de la Haute Autorité peu
familiarisée avec le curseur de la protection des droits. En un mot,
avant Solange I, il y eut Stork ; autrement dit, il y eut une
argumentation articulée autour de la thématique des droits
fondamentaux, par une entreprise allemande devant un juge ordinaire, qui
décida de la relayer devant la Cour, grâce au mécanisme
préjudiciel65. Ceci consiste à montrer en suffisance
que l'accès au juge comporte des avantages de loin non
négligeables, ce qui nous incite à apprécier le pouvoir du
juge en tant que gardien des droits et libertés fondamentaux dans un
Etat de droit.
Le juge judiciaire, est-il l'unique gardien des
libertés publiques ou précisément, est-il le seul à
pouvoir garantir aux droits fondamentaux, le respect de leur libre exercice
?
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