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Le droit de veto au conseil de sécurité des nations-unies entre gage juridique d'une paix internationale d'exclusion et blocage politique du règlement des conflits.

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par Xavier MUHUNGA KAFAND
Université catholique du Congo (UCC) - Licence en droit  2015
  

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B. Le flux d'utilisation du droit de veto au Conseil de Sécurité

Depuis la création de l'ONU, la majorité de vetos au Conseil de Sécurité a été exercée par l'Union Soviétique. Depuis la chute du Mur de Berlin, les Etats-Unis ont été ceux qui ont le plus fréquemment utilisé ce droit de veto. En effet, entre 1946 et 2006, on constate une inversion entre les Etats-Unis et l'Union Soviétique (puis la Russie) puisque dans les trois premières décennies les premiers ont utilisé ce moyen seulement douze fois - dont aucune fois dans les deux premières -, contre cent treize fois pour les seconds, alors que dans les trois dernières décennies les premiers en ont fait usage soixante-dix fois, contre dix fois pour les seconds, dont deux dans la dernière décennie142(*).

Après la victoire de la révolution communiste en Chine, en octobre 1949, les Etats-Unis ayant imposé le maintien de l'ancien gouvernement nationaliste, au Conseil de Sécurité, la délégation de l'Union Soviétique pratiqua en signe de protestation la politique de la « chaise vide ». L'abstention avait alors valeur de veto. Mais les quatre autres grands lors du déclenchement de la guerre de Corée, en juin 1950, n'en tinrent pas compte et considérèrent que c'était au nom des Nations Unies que l'administration TRUMAN intervenait. Quand l'URSS décida quelques mois plus tard de reprendre son siège pour opposer catégoriquement son droit de veto, les Américains contournèrent la difficulté en faisant voter l'assemblée générale où ils détenaient la majorité. La France, pour sa part, a souvent pratiqué la politique de « la chaise vide » entre 1956 et 1964, pour diverses raisons.

Toutefois, la réalité ne colle pas tout à fait à la lettre de la Charte puisque selon elle, tous les membres permanents doivent voter de manière affirmative pour qu'une résolution soit adoptée. Dans la pratique, depuis la guerre de Corée, seul le vote négatif est considéré comme un veto. L'abstention ou l'absence d'un membre permanent lors d'un vote au Conseil de Sécurité a dans les faits valeur d'approbation. Ceci a l'avantage inattendu de permettre à un membre permanent d'exprimer son désaccord sur une décision sans pour autant la bloquer par son abstention.

En quinze ans - entre 1989 et 2004 -, dix-neuf vetos ont été mis dont :

Les Etats-Unis : treize fois - onze fois pour ou par rapport à Israël, une fois par rapport à la Bosnie-Herzégovine, une fois par rapport au Panamá - ;

L'Union Soviétique devenue la Russie : trois fois - deux fois par rapport à Chypre, une fois par rapport à la Bosnie-Herzégovine -.

Jusque fin février 2011, le veto a été utilisé 264 fois avec, par ordre d'importance143(*) :

· 124 fois par l'Union Soviétique/Russie ;

· 82 fois par les Etats-Unis ;

· 32 fois par le Royaume-Uni ;

· 18 fois par la France ;

· 6 fois par la Chine.

Jusque fin février 2014, le veto a été utilisé 267 fois avec, par ordre chronologique :

· 1945-1955 : 33 fois ;

· 1956-1965 : 60 fois ;

· 1966-1975 : 37 fois ;

· 1976-1985 : 13 fois ;

· 1986-1995 : 8 fois ;

· 1996-2005 : 83 fois ;

. 2006-2012 : 31 fois ;

. 2013-2014 : 2 fois.

A la lisière de ces détails sur le rythme dynamique de l'usage brut du droit de veto au Conseil de Sécurité à travers l'histoire, une analyse segmentée tenant compte des aspects particuliers de chaque Etat usager de ce droit s'avère utile pour une meilleure approche de la réalité à ce sujet.

1. L'URSS/ la Fédération de Russie

Dans les premières années des Nations Unies, le commissaire de l'URSS et futur ministre des Affaires étrangères, Viatcheslav MOLOTOV, avait tellement bloqué de projets de résolution qu'il était surnommé « Monsieur veto ». Dans les faits, l'Union soviétique est responsable de près de la moitié de vetos dans l'histoire des Nations Unies, dont 79 dans les dix premières années (soit plus du tiers de la totalité). Il voulait empêcher l'admission de nouveaux membres car les Etats-Unis et les autres membres de l'ONU refusaient d'admettre les Républiques socialistes soviétiques. Depuis la chute de l'Union soviétique, la Russie a utilisé son veto très sporadiquement.

2. Les Etats-Unis

Les Etats-Unis utilisaient pour la première fois leur droit de veto en 1970 à propos de la crise en Rhodésie. Et la première fois qu'ils utilisèrent seuls leur droit de veto fut en 1992, pour éviter une résolution censurant Israël. Depuis lors, les Etats-Unis sont devenus le plus important utilisateur du veto, principalement contre des résolutions critiquant la politique d'Israël. C'est une cause de friction continuelle entre l'Assemblée générale et le Conseil de Sécurité.

3. Le Royaume-Uni

En 1956, avec la France, le Royaume-Uni utilisait pour la première fois son veto contre une résolution sur la crise du canal de Suez. Ils finirent par se retirer de la zone après que les Etats-Unis eurent provoqué une session d'urgence de l'Assemblée générale, comme le prévoit la Résolution 377 de l'Assemblée générale. Le Royaume-Uni a également utilisé unilatéralement son veto à 7 reprises à propos de la Rhodésie.

4. La France

La France utilise son droit de veto de manière sporadique. Elle l'a utilisé seule pour la dernière fois en 1976 sur la question de l'indépendance des Comores, quand l'île de Mayotte resta sous souveraineté française grâce à un référendum local. Elle l'a utilisé pour la dernière fois collectivement, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ses traditionnels alliés, en 1989 sur la question de l'invasion de Panama par les Etats-Unis. La menace d'un veto français contre une nouvelle résolution sur l'Irak en 2003 et une entrée en guerre a été une source de brouille diplomatique et politique entre la France et les Etats-Unis.

5. La Chine

Entre 1946 et 1971, le siège chinois au Conseil de Sécurité est occupé par la République de Chine, exilée à partir de 1949 sur l'île de Taïwan. Une seule fois le veto fut utilisé par la Chine, pour s'opposer à l'admission de la Mongolie aux Nations unies. La République de Chine considérait que la Mongolie faisait partie intégrante de la Chine. Du fait de la pression soviétique, la Mongolie finit par entrer à l'ONU en 1960. Et après l'expulsion de la République de Chine en 1971, suite à la Résolution 2758 de l'Assemblée générale des Nations unies, le premier veto de la République populaire de Chine sera exercé le 25 août 1972 contre l'admission du Bangladesh aux Nations unies. La République populaire s'est servie cinq fois de son droit de veto.

Il sied de remarquer que l'utilisation de la plupart de ces vetos aura eu la conséquence commune de bloquer soit la résolution directe d'un conflit armé dans le moule du droit international, soit le dépassement d'une crise sociopolitique tentaculaire, soit encore l'autodétermination des peuples de certains Etats et l'admission de ces derniers aux institutions internationales, dans une allure isolationniste. Revêtant un visage nouveau, l'utilisation du veto participe aujourd'hui, dans une fréquence non moins considérable, à assurer une « impunité gratuite » au non respect des règles de droit international par les membres permanents du Conseil de Sécurité ou par leurs alliés fidèles ainsi qu'un feu vert complice à la perpétration des violations ignobles des droits humains dans les zones de conflits armés aux seules fins de servir les intérêts de grandes puissances144(*).

* 142 http://www.un.org//utilisation-du-veto-à-l'onu-879052-html, page consultée le 30 novembre 2014 à 16h 07'.

* 143 http://www.globalpolicy.org//le-droit-de-veto-au-conseil-de-sécurité-de-l'onu-246477,html, page consultée le 23 octobre 2014 à 19h 45'.

* 144 De VISSCHER, C., Théories et réalités en droit international public, op.cit., pp. 54-56.

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