L'effectivité du droit des investissements direct étranger au Camerounpar Loïc MESSELA Université Catholique d''Afrique Centrale - Master 2 en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2018 |
Section II: Les principes de consécration communautaireEn raison de la taille modeste des marchés des pays d'Afrique Centrale, l'intégration régionale est essentielle pour attirer des investisseurs étrangers. Le degré de libéralisation du commerce extérieur est l'un des critères pris en compte par les investisseurs pour s'implanter dans un pays66. Dans cette optique, les Etats de la sous-région Afrique Centrale ont ratifié le traité CEMAC67 de manière à impulser une nouvelle dynamique juridique en matière de droit 64 Encyclopédie Dalloz commercial concurrence déloyale, n°90, cité par ARCELIN-LECUYER (L), Le droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et européen, PUR, 2e édition, 2013, pp 332, p.11 65 L. ARCELIN-LECUYER, Le droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et européen, PUR, 2e édition, 2013, p 332, p.11 66 D'après R. CHARVIN, la libéralisation du commerce extérieur comprend ; les tarifs douaniers, les barrières douanières déguisées, les quotas à l'importation, la disponibilité en devise pour les importations mais aussi pour les entreprises. Tiré de CHARVIN (R), L'investissement international et droit au développement, Op. cit. p. 35 67 La CEMAC est l'organisation communautaire des pays d'Afrique Centrale. Elle a succédé à l'UDEAC (Union Douanière et Economique de l'Afrique Centrale). Cette organisation régionale a vu le jour le 16 Mars 1994 à la suite de la signature à Ndjamena du traité l'instituant. Parmi ses missions, l'on décèle la création d'un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens des capitaux et des services. Page 22 de l'intégration via la création d'un marché commun68 (PARAGRAPHE 1). Il existe d'autres instruments juridiques qui favorisent l'incitation à l'investissement notamment l'OHADA (PARAGRAPHE 2). Paragraphe 1: la création d'un marché communIl convient de rappeler qu'un marché est le lieu de confrontation entre les offres et les demandes, qui donnent lieu à l'établissement d'un prix public pour les produits, des titres ou des services69. L'intégration régionale est porteuse de nombreux avantages en termes d'économie d'échelle, d'accroissement des échanges dans la sous-région, l'attrait de capitaux étrangers, gains de bien-être des populations et réduction de la pauvreté entre autre70. La consécration d'un marché commun se fait à travers l'existence d'une liberté de circulation des facteurs de production au sein de ce marché (A), et en l'adoption d'un tarif extérieur applicable à tous les acteurs investisseurs (B). A) La liberté de circulation des facteurs de production La libre circulation dans un marché suppose l'existence ou la consécration de quatre libertés : la liberté ou le droit d'établissement, la libre circulation des capitaux, la libre circulation des personnes, des marchandises et des services71. Cependant l'investisseur est principalement concerné par la liberté d'établissement. L'établissement est considéré en droit international comme l'installation d'un étranger dans un pays avec l'intention de s'implanter pour y exercer une activité autre que salariale. Elle est prévue à l'article 27b72 de la convention régissant l'Union Economique de l'Afrique 68 E.P MEMPHIL NDI, « Attractivité économique des investissements directs étrangers en zone CEMAC : harmonisation des instruments juridiques aux règles internationales », thèses de Droit, Université de Nice Sophia Antipolis, 2015, p. 427 69 M. PEYRARD, J. PEYRARD, Dictionnaire de finance, 2ème édition, Vuibert, 2001, p. 158 70La CEMAC met en oeuvre la libre circulation des personnes, article consulté sur le site www.afriqueinfo.com, consulté le 24 Octobre 2018 à 11:38. Dans le même sens, l'intégration régionale peut être considérée comme le regroupement de plusieurs économies d'une région dans le but de réaliser des projets économiques ayant une portée commune. Elle offre un cadre propice au développement des économies d'échelle, considéré dans la nouvelle théorie du commerce international comme l'une des principales sources d'avantage comparatif ; E. MOUSSONE, « Potentiel de marché d'investissement des pays de la CEMAC », www.cairn.info, consulté le 25 octobre 2018 à 10:20. 71 C. NOURISSAT, B. DE CLAVIERE-BONNAMOUR, Droit de la concurrence Libertés de circulation Droit de l'Union - Droit interne, 4ème édition, Dalloz, Paris, 2013, P. 597, pp 81 et ss 72 Qui dispose : « le droit d'établissement comporte l'accès pour les investisseurs de la sous-région, aux activités non-salariés et à leur exercice ainsi que l'acquisition, la constitution et la gestion d'entreprises, dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement » Page 23 Centrale (UEAC). Elle donne la possibilité à un investisseur étranger de s'installer librement dans un pays de la sous-région pour exercer une activité commerciale. En-sus, l'investisseur étranger devrait jouir des mêmes droits que les investisseurs nationaux dans le pays d'établissement. Cette liberté est assortie au standard du traitement national du droit international, traitement qui suppose l'éradication des discriminations dans les rapports avec les opérateurs économiques locaux et les étrangers. Le champ matériel de cette liberté se distingue de la liberté de circulation des travailleurs, car cette liberté ne concerne que les activités qui s'exercent en dehors d'un quelconque lien de subordination avec un employeur. B) L'adoption d'un tarif extérieur commun Cette expression traduit d'une union douanière au sein des Etats membres de la CEMAC. Le même tarif est appliqué aux marchandises originaires des pays tiers. Les pays membres de l'union douanière adoptent une même nomenclature tarifaire, statistique et les mêmes droits de douane ceci suivant une classification prédéfinie. La fiscalité des produits dépend de leur classification. ? Catégorie 0 (biens sociaux relevant d'une liste limitative) ; ? Catégorie 1 (biens de première nécessité, matières premières de base, biens d'équipement, intrants spécifiques) ; ? Catégorie 2 (produits intermédiaires73) ? Catégorie 3 (biens de consommation finale) En zone CEMAC, ce tarif est de 0, 2% pour la première catégorie, 10% pour la deuxième et 20% pour la troisième74. La politique commune en matière de tarification externe vise : la promotion et la protection de la production communautaire ; l'ouverture de l'union vers l'extérieur entre autre. 73 Produit ayant suivie un début de transformation mais qui nécessitent un autre traitement avant tout usage 74 Commission économique pour l'Afrique, bureau sous régional pour l'Afrique Centrale, prospectus intégration régionale, 25ème session du comité inter-état, Libreville, 2007, p. 7 ; cité par A. SOMMO PENDE, « L'intégration sous régionale en CEMAC à l'épreuve de la liberté de circulation des biens et des personnes », Mémoire de Master en Gouvernance et Politique Publiques, Université Catholique d'Afrique Centrale, 2010, Page 24 Paragraphe 2: l'uniformisation du droit des affaires par la consécration du droit OHADA L'harmonisation traduit une : « Opération consistant à unifier des ensembles législatifs différents par l'élaboration d'un droit nouveau empruntant aux uns et aux autres »75. Après interprétation de la dénomination de l'organisation, on pourrait croire que les initiateurs de l'OHADA ont retenue l'harmonisation comme mode d'intégration juridique. Dans les faits on se rend pourtant compte qu'il s'agit d'une unification du droit des affaires76, pour la simple raison que les actes uniformes OHADA se substituent aux législations nationales des Etats parties et sont d'application directe sur le territoire de chacun d'entre eux. Dans le but d'accroitre leur attractivité économique et la sécurité juridique au sein de leurs Etats, les pays d'Afrique subsaharienne ont décidé d'unifier l'ensemble des dispositions régissant leur droit des affaires. Ainsi, est né le 17 Octobre 1993 à Port Louis le traité instituant l'OHADA. L'harmonisation décidée par les Etats vise à instaurer un climat de confiance propice aux investissements. D'après un auteur77, "la sécurité juridique est une composante essentielle du climat favorable à l'investissement". Afin de démontrer la plus-value que constitue l'adhésion du Cameroun à cette organisation, nous aborderons tour à tour la sécurité juridique des investissements (A) puis la sécurité judiciaire assurée par la CCJA (B). A) La sécurité juridique des investissements directs étrangers assurée par les issues de l'OHADA L'objectif premier de l'OHADA est de secréter un droit adapté au droit des affaires78. Un auteur affirme que : « Le phénomène juridique est l'objectif majeur. On ne part plus de l'espace économique intégré pour induire quelques principes juridiques communs, on cherche l'intégration juridique pour faciliter les échanges et les investissements et garantir la sécurité juridique des activités des entreprises »79. L'OHADA promeut les investissements au Cameroun à travers la sécurisation de la vie des sociétés commerciales (1) mais joue aussi un rôle prépondérant dans le contentieux (2). 75 G. CORNU, Op.cit,p. 507 76 A. AKAM AKAM, L'OHADA et l'intégration juridique en Afrique, in Les mutations juridiques dans le système OHADA, sous la direction d'A. AKAM AKAM, L'Harmattan, 2009, p. 25 77 P. JUILLARD in Lomé III et l'investissement international. 78 P.G POUGOUE, Y. KALIEU ELONGO, « Introduction critique à l'OHADA », PUA, 2008, p. 229 79 P.G POUGOUE, « OHADA, instrument d'intégration juridique », Revue Africaine des sciences juridiques, Vol. 2, n°2, 2001, p.11 et suivants. Page 25 1) Les actes uniformes OHADA : Normes attractives pour les investissements au Cameroun Dans son dessein qui est la création d'un climat propice à l'investissement en Afrique afin de promouvoir un développement économique durable. Les promoteurs de l'OHADA ont opté pour la réussite de l'entreprise. Les dispositions contenues dans les actes uniformes OHADA favorisent la sécurité juridique et de ce fait l'attractivité des investissements à bien des égards. C'est le cas en phase de création, de vie et de la fin de l'entreprise. a) L'amélioration de la naissance et de la vie des sociétés commerciales L'acte uniforme OHADA fixe un cadre défini pour les sociétés commerciales. On retrouve quatre formes de sociétés commerciales. En l'occurrence : les SNC, SCS, SARL et enfin la SA. Le droit des sociétés commerciales recherche des objectifs de transparence et d'efficacité des mécanismes de gestion et de contrôle. L'amélioration de l'information des associés est organisée dans l'acte uniforme sur le droit de la comptabilité et de l'information financière, il impose des règles de transparence et de sincérité dans la tenue de documents comptables des entreprises80. Cet acte uniforme s'inscrit dans une optique de modernisation de la comptabilité des entreprises dans la sous-région. Les normes comptables contribuent à la transparence et à la fiabilité des comptes des entreprises dans l'espace OHADA81 .Ce faisant constituent un facteur de sécurité pour les partenaires des entreprises au Cameroun. Le renforcement des mécanismes de contrôle de la société. Tant au niveau interne qu'externe de la société. Le contrôle n'assure pas une sécurité absolue, néanmoins permet d'éviter certains abus et prévient également certains risques de difficultés des entreprises. Les principaux mécanismes ici sont l'alerte et l'expertise de gestion ainsi que le contrôle des conventions règlementées82. Les investisseurs directs étrangers réalisent des opérations d'investissements d'envergure nécessitant l'emploi de sommes importantes tant au moment de leur implantation que lors de l'exploitation. Pour pérenniser leurs investissements, ces derniers ont besoin d'instruments financiers adéquats. C'est pourquoi, le législateur OHADA a consacré deux principales catégories de valeurs mobilières : des actions et des obligations. Ces nouveaux 80 P.G POUGOUE et Y. KALIEU ELONGO, Op cit, p. 181 et ss 81POUGOUE (P.G) L'attractivité économique de l'OHADA, in Encyclopédie OHADA, Dir., Lamy, 2011, p. 383 et ss 82 Il s'agit des conventions susceptibles d'être conclues entre la société et ses dirigeants ou entre la société et les associés. Ces conventions doivent d'abord être approuvés par l'assemble générale des associé. Page 26 dispositifs ont pour but de favoriser l'avènement des marchés financiers dans les sous-régions CEMAC et UEMOA. Les valeurs mobilières ci-dessus peuvent faire l'objet d'opérations telles la cession, le nantissement mais aussi de saisie83. Le législateur a organisé les dispositions régissant l'appel public à l'épargne. Bien que cette possibilité ne soit dévolue qu'aux seules sociétés anonymes avec conseil d'administration dont le capital minimum est de cent million de Franc (FCFA 100.000.000). L'investissement suppose le crédit et ce dernier a en plus d'être assis en plus de confiance sur les garanties solides. Le législateur OHADA a rendu plus attractif le régime des garanties. Notamment les garanties personnelles avec l'ajout de la garantie autonome comme nouvelle sûreté personnelle84. L'introduction de cette garantie dans le droit OHADA était une innovation car jusque-là cette sûreté était régie par le droit international85. Cette garantie facilite les échanges en matière de commerce international. Outre celle-là, on dénote également une augmentation du champ des sûretés réelles notamment des biens susceptibles d'être nantis. L'investisseur dispose désormais de la possibilité de nantir les créances, les droits d'associés, le compte bancaire, les valeurs mobilières, le compte de titres financiers, le fonds de commerce et les propriétés intellectuelles86. 2) L'attractivité des règles de procédure des actes uniformes OHADA Nous examinerons les procédures de recouvrement des créances (a) puis le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges (b). a) Les procédures de recouvrement des créances Le législateur OHADA a prévu à travers son acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et de voies d'exécution un ensemble de mesures qui permettent d'assurer la mise en oeuvre des droits du créancier et préserve les intérêts du débiteur87. Une économie fondée sur le crédit doit disposer de bons mécanismes de recouvrement des créances de sorte à pouvoir assurer de manière efficace, transparente, rapide et peu coûteuse le remboursement des créances qu'elles soient ou non garanties. On retrouve ainsi la 83 Contenu aux articles 236 à 244 de l'AUSCGIE. Ceci concourt à faciliter les opérations sur les marchés financiers 84 Les dispositions régissant cette sûreté sont contenues aux articles 39 à 49 de l'AUS révisé de 2010 85 La garantie autonome fait son apparition dans la réforme de l'AUS adopté en 2010. 86 P.G POUGOUE, (dir.), Encyclopédie OHADA, PUA ; Elles sont prévues aux articles 125 à 178 de l'AUS révisé du 15 décembre 2010 87 S. KUATE TAMEGHE, La protection du débiteur dans les procédures individuelles d'exécution, l'Harmattan, 2004 Page 27 procédure d'injonction de payer à l'endroit des créances inférieures ou égales à dix millions de francs CFA qui se fait par simple requête adressée à la juridiction présidentielle du tribunal de première instance du lieu d'exécution du contrat. En ce qui concerne l'assiette des saisies, elle ne se limite plus aux seuls biens meubles corporels et aux immeubles mais s'étend désormais aux droits d'associés aux valeurs mobilières, aux récoltes ou encore aux rémunérations. L'investisseur créancier dispose d'une large gamme ouverte à lui afin de recouvrer ses créances en souffrance auprès de débiteurs indélicats. b) En phase contentieuse un recours accrue au MARC (Mode alternatif de résolution des litiges) Deux principaux modes sont prévus par le législateur OHADA. Il s'agit de la médiation88 et de l'arbitrage89. La médiation étant un « mode de résolution des conflits consistant pour la personne choisie par les antagonistes (en raison le plus souvent de son autorité personnelle), à proposer à ceux-ci un projet de solution, sans se borner à s'efforcer de les rapprocher, à la différence de la conciliation, mais sans être investi du pouvoir de leur imposer comme décision juridictionnelle, à la différence de l'arbitrage et de la juridiction étatique » L'arbitrage occupe une place de choix dans le monde des affaires en raison de tous les avantages qu'on lui connait. En l'occurrence la célérité, le choix du droit applicable, le choix des arbitres, et tous les autres avantages qu'on lui reconnait. L'arbitrage s'impose ainsi comme le mode préféré de règlement des litiges d'investissement. C'est pourquoi il a été promu par les initiateurs du traité constitutif de l'OHADA. L'auteur SECK90 affirme à cet effet : « Le développement de l'arbitrage sera fonction de la capacité des pays à regrouper leurs infrastructures au niveau régional pour attirer les investissements privés (...) A ce titre, l'éclosion de grands marchés régionaux constitue un facteur d'adaptation à la mondialisation de l'économie et à l'universalisation de l'arbitrage ». De plus la sentence arbitrale rendue sous l'hospice de l'arbitrage institutionnel de la CCJA comporte en elle-même l'autorité de la chose jugée. Permettant son exécution spontanée par les parties. La procédure d'exéquatur est simplifiée et encadrée. L'exéquatur délivré par la CCJA est communautaire. Aucun autre système d'arbitrage n'offre un exéquatur dont les effets dépassent le cadre territorial de l'Etat 88 Adopté en Novembre 2017. 89 Prévu dans les actes uniformes sur le droit de l'arbitrage et le règlement CCJA 90 T.A SECK, L'effectivité de la pratique arbitrale de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) et les réformes nécessaires à la mise en place d'un cadre juridique et judiciaire favorable aux investissements privés internationaux, cité par R. MASSAMBA in Encyclopédie OHADA, p. 396 Page 28 qui l'a délivré. Enfin les voies de recours sont particulières91 pour ne pas freiner l'exécution de la sentence. B) La CCJA : garante de la sécurité judiciaire des investissements dans l'espace OHADA Le principal danger qui plane et fragilise les tentatives d'intégration juridique par la législation est l'absence d'une juridiction92. Celle-ci devant réguler, orienter et unifier l'application des dispositions juridiques. C'est dans cette optique que la CCJA est née. Cette juridiction a deux principales fonctions. D'une part elle a une fonction juridictionnelle (2) en ce qu'elle est saisie par la voie du recours en cassation pour les décisions insusceptibles d'appel rendu par les tribunaux nationaux des Etats parties. De plus elle a une fonction consultative (1) dans toutes les matières qui relèvent de l'application des actes uniformes et des règlements93. 1) Fonction consultative de la CCJA La CCJA peut être consultée par d'autres organes prévus par l'acte uniforme OHADA, par un Etat parti ou par une juridiction pour émettre un avis sur l'interprétation d'une disposition contenue dans l'acte uniforme. Le secrétariat permanent de l'OHADA à cet effet joue un rôle de concepteur et de transmetteur obligatoire d'une demande d'avis sur les projets d'actes uniformes. La CCJA reçoit en l'occurrence des demandes d'avis émanant du conseil des ministres, des Etats parties ainsi que des juridictions nationales de ces Etats. Lorsque la demande émane d'un Etat parti, elle est faite sous forme de requête écrite et transmise par le greffe de la juridiction de cet Etat à d'autres Etats pour leur faire savoir quelle est ouverte à leurs observations94.pour exemple celle émanant de la présidence de la République du Mali relatif à l'article 39 de l'AUVE et la contradiction avec un projet de loi nationale. Une demande d'avis émanant de la République du Sénégal en date du 6 décembre 1999 sur la portée de l'absence du poste de vice-président dans les organes dirigeants des banques et établissements financiers (contenu à l'article 449 de l'AUSCGIE), sur la demande 91 Il s'agit des recours en : annulation, révision, tierce opposition, interprétation, prévus aux articles ... 92 KOUASSI KOUADIO, « Les atouts et les faiblesses de la réglementation uniforme de l'OHADA », Actualité juridique, Edition économique n°4, 2012, Ohadata D-13-36, www.ohada.com 93 Article 14 alinéa 2 du traité OHADA 94 Tel que contenu dans l'avis consultatif n° 002/99/ Ep rendu le 13 Octobre 1999 à la demande de la République du Mali, le Bénin avait également formulé des observations qui furent enregistrés au greffe de la cour en date du 14 septembre 1999. In encyclopédie de l'OHADA sous la direction de Paul-Gérard POUGOUE Page 29 de la République de Côte d'Ivoire en date du 11 octobre 2000 sur la portée obligatoire des actes uniformes sur le droit interne. En outre, elle a également reçu des avis consultatifs émanant des juridictions des Etats parties. Ces demandes sont formées sur la base d'une décision notifiée à la cour à la diligence de ladite juridiction. Cette décision formule de manière précise la question soulevée par le juge du fond. Cela s'est fait sur des questions diverses notamment sur le régime des nullités institué par l'AUVE95, demande initiée par le président du tribunal de première instance de Libreville. Cependant l'on ne saurait réellement dire quelle est la portée des avis émis par la CCJA. Sont-ils obligatoires ou facultatifs ?, Les sanctions en cas d'inobservations des dispositions de ces avis etc. Un auteur96 affirme qu' « il y transparaît un relent de « directive » qui prend un relief particulier dans un contexte où déjà la logique hiérarchique prime dans les relations entre la CCJA et le juge du fond avec la cassation sans renvoi». C'est cette interprétation que nous retiendrons dans le cadre de notre étude. Les avis de la CCJA ne devraient pas être remis en question. Ceci ni par les Etats partis encore moins par le conseil des ministres de sorte à conserver une seule et fidèle compréhension des dispositions des actes uniformes quelques soient l'Etat ou l'institution dans laquelle le justiciable se trouve. Préservant ainsi la sécurité juridique et judiciaire initialement recherchées par les fondateurs de l'OHADA. Intéressons-nous à la fonction contentieuse de cette juridiction 2) La fonction contentieuse de la CCJA Dans le but d'éviter les divergences de solutions retenues par les juridictions nationales des Etats parties, le législateur OHADA a dans l'alinéa 5 de l'article 14 du traité OHADA fait de la CCJA un troisième degré de juridiction. Le but recherché par les promoteurs de l'OHADA est de garantir une identité de jurisprudence97. La CCJA tranche les litiges nés quant à l'application et l'interprétation des actes uniformes. Cette juridiction est une juridiction de cassation, une juridiction de conflits et une juridiction internationale98. La principale attribution qui nous intéresse est celle relative à la cassation99. Le recours en 95 Confère avis n° 01/99/JN, 7 juillet 1999 : Ohadata J-02-01, obs. J. Issa-Sayegh ; cité dans le code vert 96 B. BOUMAKANI, « Le juge interne et le droit OHADA », Penant 2002, n°839, p.133 in code vert OHADA édition 2016 97 A. AKAM AKAM (sous la dir.), « Les mutations juridiques dans le système OHADA », L'Harmattan, Paris, 2013, P.29 98 Encyclopédie OHADA Op cit. P.592 99 Elle se prononce sur les décisions non susceptibles d'appel. Page 30 cassation est fondé sur certains moyens tels que contenus à l'article 28 bis du règlement CCJA100. La CCJA est territorialement compétente pour connaître des litiges commis dans l'ensemble des Etats partis au traité OHADA. Ces compétences matérielles quant à elles sont contenues aux alinéas 3 et 4 de l'article 14 du traité OHADA. De plus la CCJA dispose d'un pouvoir d'évocation101 qui lui permet de statuer sur le fond du litige. Elle s'est illustrée dans de multiples affaires. En l'occurrence dans une affaire102 où après avoir cassé une ordonnance de référé, elle a ordonné la mainlevée de la saisie attribution. Cependant il y a certaines matières du contentieux des actes uniformes dont cette juridiction ne peut connaître. Il s'agit des matières relevant du droit pénal OHADA. Le législateur dans les matières pénales a prévu un partage de compétences entre les juridictions nationales et les actes uniformes. A cet effet le législateur OHADA se contente de prévoir les infractions dans ces actes uniformes, et il revient à chaque Etats partis de prononcer les répressions et les sanctions pour chacune des infractions prévues par les actes uniformes. A ce jour seul 03 Etats ont promulgué des lois sur la répression des infractions contenues dans les actes uniformes. Le législateur camerounais l'a fait avec la loi n° 2003-008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains actes uniformes OHADA. Les arrêts rendus par la CCJA ont autorité de la chose jugée et force exécutoire dans tous les Etats parties. Toutefois les décisions rendues par cette juridiction peuvent faire l'objet d'une voie de recours extraordinaire103 en l'occurrence la tierce opposition et le recours en révision104. La tierce opposition est exclusivement ouverte à une personne tierce au procès qu'elle soit physique ou morale. Deux conditions cumulatives doivent être réunies par l'auteur de ce recours. Tout d'abord l'initiateur de ce recours ne doit pas avoir été appelé en instance ni même représenté, et enfin il doit subir un préjudice du fait de cette décision105. La condition essentielle de l'ouverture d'un recours en révision est la découverte d'un fait de 100 Qui dispose : « Le recours en cassation est fondé sur : la violation de la loi ; l'incompétence et l'excès de pouvoir ; la violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ; le défaut, l'insuffisance ou la contrariété des motifs ; l'omission ou le refus de répondre à des chefs de demandes ; la dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure ; le manque de base légale ; la perte de fondement juridique ; le fait de statuer sur une chose non demandée ou d'attribuer une chose au-delà de ce qui a été demandé » 101 Cf. art 14 alinéa 5 du traité OHADA 102 CCJA, arrêt n°012/2002, 18 Avril 2002 : Ohadata -02-65 103 Définition de la voie de recours : 104 Articles 47 et 49 du règlement CCJA qui définissent les conditions de recevabilité de ces voies de recours. 105 CCJA, arrêt n°037/2005 cité dans l'ouvrage de Me Jérémie WAMBO intitulé la saisine de la cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA en matière contentieuse :Guide pratique à la lumière de la jurisprudence et du règlement de procédure du 18 avril 1996 tel que modifié et complété le 30 Janvier 2014, 2ème édition Page 31 nature à exercer une influence décisive qui avant le prononcé de l'arrêt était inconnu de la cour et de la partie qui le demande. Ce recours doit être formé dans un délai de trois (03) mois à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du fait sur lequel la demande en révision est basée106. Bien que le texte ne le dise pas, l'arrêt portant sur la recevabilité du recours est une décision avant-dire droit qui fixera par la même occasion les contours de la prochaine audience sur le fond107. De par ses attributions, la CCJA garantit la bonne interprétation des actes uniformes. De la même manière elle consacre une identité jurisprudentielle au sein des Etats parties à l'OHADA. Ce faisant assure une sécurité juridique et judiciaire dans la sous-région OHADA et remplit ainsi l'un des buts fixé par le paragraphe 3 du traité OHADA qui est la garantie de la sécurité juridique et judiciaire. 106 Art 49-4 du règlement OHADA. 107 D'après Me WAMBO Op.cit. p26. Page 32 |
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