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L'effectivité du droit des investissements direct étranger au Cameroun


par Loïc MESSELA
Université Catholique d''Afrique Centrale - Master 2 en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2018
  

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Paragraphe 2: le principe de la libre concurrence

Au Cameroun, le législateur a opté pour le libre-échange et une économie de marché. A cet effet l'article 2 de la charte des investissements dispose : « Dans sa volonté de bâtir une économie compétitive et prospère par le développement des investissements et de l'épargne, et en exécution des objectifs de son action économique et sociale, la République du Cameroun se fixe les orientations ci-après : la réaffirmation du choix de l'économie de marché comme mode d'organisation économie privilégié ». Ainsi le législateur camerounais a choisi le libéralisme comme modèle économique. Les prix sont librement fixés par le marché de l'offre et de la demande.

La concurrence économique est essentielle pour un pays qui souhaite développer son marché économique. La concurrence est définie « comme une compétition économique, offre par plusieurs entreprises distinctes et rivales, de produits ou de services qui tendent à satisfaire des besoins équivalents avec, pour les entreprises une chance réciproque de gagner ou de perdre les faveurs de la clientèle »51. Autrefois l'Etat intervenait directement dans l'économie. Désormais, il ne joue qu'un rôle de régulateur et le droit est un moyen de discipliner l'économie. Le droit de la concurrence a une double finalité. Il s'agit tout d'abord

47 Loi n°2016/017 du 14 décembre 2016 portant code minier

48 Loi n°909 du 2 avril 2012 portant code gazier

49 Loi n°99-013 du 22 décembre 1999 portant code pétrolier du Cameroun

50 G. CORNU, Op cit.

51 Idem p. 225

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de préserver la libre concurrence (A) et de protéger les entreprises contre les pratiques anticoncurrentielles (B)52.

A) La consécration du principe de la libre concurrence en droit camerounais.

La concurrence est adossée au système d'économie de marché. Le législateur camerounais l'a prévue à l'article 2 de la charte sur les investissements de 200253. L'économie de marché appelle la libre concurrence54. Dans sa mise en oeuvre, la libre concurrence stimule les entreprises et favorise la croissance. La libre concurrence est définie comme une « compétition sur le marché dont la structure et le fonctionnement répondent aux conditions du jeu de la loi de l'offre et de la demande, d'une part entre offrants, d'autres part entre utilisateurs ou consommateurs de produits ou de services qui y ont libre accès et dont les décisions ne sont pas déterminées par des contraintes ou des avantages juridiques particuliers. ». Une concurrence totalement libre à de nombreux effets pervers sur les acteurs du marché, les petites entreprises, les consommateurs entre autre.

B) Les limites à la libre concurrence : La lutte contre les pratiques anticoncurrentielles

Les pratiques anti-concurrentielles concurrentielles sont réprimées par les institutions notamment la commission nationale de la concurrence (2), au niveau législatif également par les lois et règlements nationaux et communautaires (1), enfin l'intervention du juge étatique (3).

1) Les pratiques anticoncurrentielles réprimées par la législation.

Le législateur a identifié certaines pratiques de nature à fausser le jeu de la concurrence. A l'origine le droit de la concurrence se résumait à la sanction de la concurrence déloyale sur la base de l'article 1382 du code civil. Dans une économie de marché, les entreprises disposent d'une grande latitude dans leurs opérations. Pour prévenir toutes formes d'abus et dans le but de protéger le consommateur et les entreprises dans le marché, le législateur camerounais a prévu un ensemble de dispositions visant à sanctionner des

52 D. LEGAIS, « Droit commercial et des affaires », 23ème édition, Dalloz, Paris, 2017, p. 634, pp 335-391

53 « Dans sa volonté de bâtir une économie compétitive et prospère par le développement des investissements et de l'épargne, et en exécution des objectifs de son action économique et sociale, la République du Cameroun se fixe les orientations ci-après :

? la réaffirmation du choix de l'économie de marché comme mode d'organisation économie privilégié »

54 L. NICOLAS-VULLIERME, « Droit de la concurrence », 2ème édition, Vuibert, Paris, 2011, pp 333, p5 et ss

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pratiques d'entreprises qualifiées d'anticoncurrentielles. Il s'agit des ententes entre entreprises, l'abus de position dominante et les fusions-acquisitions55.

Les ententes sont « des accords et ententes ayant pour effet d'éliminer ou de restreindre sensiblement la concurrence sur le marché, soit en entravant l'accès sur le marché, soit en répartissant de quelque façon que ce soit, des acheteurs ou sources d'approvisionnement dans un marché »56. L'entente peut résulter de la conclusion d'accords contractuels, de la mise en place de structures communes. La concertation faite par ces entreprises doit avoir un effet négatif sur la concurrence. Enfin l'effet restrictif de l'entente doit être prouvé. L'alinéa 1 de l'article 5 précité énumère un certain nombre d'ententes prohibées. Il s'agit de celles qui conduisent à la fixation des prix, ou qui concourent à limiter les capacités de production et enfin de fixer conjointement les conditions de soumission à un appel d'offres sans informer l'auteur de l'appel d'offre. Toute entreprise doit déterminer ses conditions de façon autonome en fonction de ses coûts internes, de l'offre et la demande du marché57. Toutefois dans certains cas, l'entente peut favoriser le jeu de la concurrence. Des exemptions au principe de l'interdiction de l'entente sont contenues à l'article 6 de la loi n°98 précité58. Il convient également de préciser que l'entente suppose une concertation entre entreprises disposant d'une autonomie de décision. De ce fait il ne peut avoir entente entre filiales d'un même groupe, ou en cas de fusion entre deux entreprises.

L'abus de position dominante occupe également une place de choix parmi les pratiques anticoncurrentielles illicites contenues dans la loi de 1998. Il s'agit d'une « pratique illicite consistant dans l'utilisation, par une entreprise, de sa position dominante pour se procurer un avantage que le jeu normal de la concurrence ne lui aurait pas permis d'obtenir »59. Elle est réprimée aux articles 10 à 13 de la loi de 1998. La position dominante existe lorsque l'entreprise est en situation de monopole économique. En l'absence de monopole, la position dominante s'entend comme le pouvoir de faire obstacle à une concurrence effective.

Cette infraction se manifeste de différentes manières, en :

55 Ces pratiques sont contenues dans la loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence.

56 Article 5 alinéa 1 de la loi de 1998

57 L. NICOLAS-VULLIERME, Droit de la concurrence. P167 et suivants

58 D'après l'article 6, il s'agit des cas où l'entente apporte une contribution à l'efficience économique à travers : - La réduction du prix du bien ou service, objet de l'entente ou de l'accord ;

- L'amélioration sensible de la qualité dudit bien ou service ;

- Le gain d'efficience dans la production ou la distribution de ce bien ou service.

59 G. CORNU, Op.cit., p. 778

·

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adoptant des mesures ayant pour effet d'empêcher une entreprise concurrente de s'établir dans le marché, soit d'évincer un concurrent ;

· exerçant des pressions sur les distributeurs à l'effet d'empêcher l'écoulement des produits de ses concurrents ;

· posant des actions ayant pour effet l'augmentation des coûts de production des concurrents60

Pour l'application de cette pratique, il faudrait que soit constatée une position dominante sur le marché, devant conduire à éliminer le concurrent du marché secondaire. Toutefois comme la précédente, une dérogation est admise à cette infraction. Il s'agit du cas où la pratique d'une entreprise a pour effet d'améliorer l'efficience économique par la réduction des coûts de productions ou de distribution. Ce même si dans le processus cela a pour conséquence l'élimination des concurrents ou la réduction des possibilités d'entrée de nouvelles entreprises dans le marché61. L'on se rend compte que le législateur camerounais privilégie fondamentalement l'évolution de l'économie au détriment des entreprises installées. Le droit ici remplit sa fonction première qui est d'améliorer l'existence.

Autre pratique répréhensible est la fusion et acquisition d'entreprises. Plus précisément lorsqu'elles ont pour but d'éliminer la concurrence dans un secteur donné. Elle est réalisée lorsque deux entreprises antérieurement indépendantes fusionnent, ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises acquièrent directement le contrôle de l'autre par la prise de participation dans son capital ou par l'achat d'éléments d'actifs. Trois facteurs sont pris en compte pour apprécier le caractère anticoncurrentiel d'une fusion ou d'une acquisition.

· « Les entraves à l'entrée de nouveaux concurrents dans le marché. Via notamment des barrières tarifaires à l'entrée des importations ,
·

· Le degré de concurrence entre les centres autonomes de décision existant dans le marché ,
·

· L'éventualité de disparition du marché d'une entreprise partie prenante à la fusion, ou à l'acquisition, ou aux actifs faisant l'objet du transfert. »62

Ces atteintes peuvent être exemptées de sanctions dans l'hypothèse où la fusion est ou sera de nature à augmenter les gains d'efficience à l'économie réelle, l'économie dépassant les effets préjudiciables qu'à cette concurrence sur le marché.

60 Article 11 alinéa 2 de la loi de 1998

61 Article 12 de la loi de 1998

62 Article 16 de la loi de 1998 précitée.

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2) Les sanctions des pratiques anticoncurrentielles illicites

L'Etat a institué un organe de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. Il s'agit de la commission nationale de lutte contre la concurrence (CNC). Cette dernière est compétente pour constater lesdites infractions. Les sanctions sont contenues au titre 4 de la loi de 1998.

Les constatations d'infractions se font par procès-verbal. Ils procèdent à des enquêtes et investigations consécutives d'une plainte à eux adressée par une personne physique ou morale.

Les sanctions sont de plusieurs ordres. Il peut s'agir d'amendes, d'injonctions de mettre fin aux pratiques, d'astreintes et enfin du paiement de dommages et intérêts. Les amendes s'élèvent à 50% ou à 20% du chiffre d'affaire réalisé par l'entreprise en question sur le marché camerounais. Amende qui peut doubler en cas de récidive de la part de l'entreprise coupable des faits litigieux. En cas de non-respect d'une des sanctions ci-dessus énoncées, la CNC peut prononcer la fermeture temporaire de la chaîne de production des produits mis en cause.

Le juge étatique intervient également dans la préservation du libre jeu de la

concurrence.

3) Le rôle du juge dans la prévention des pratiques anticoncurrentielles

Outre l'administration et le législateur, le juge étatique intervient également pour préserver le libre jeu de la concurrence au Cameroun. Il le fait sur le fondement de l'article 1382 du code civil. Les comportements déloyaux résultent de l'appréciation du juge. Leur fondement est essentiellement jurisprudentiel. Quoique le législateur camerounais les a énuméré dans l'ordonnance n°72/18 du 30 juin 1972 portant régime général des prix.

La déloyauté se caractérise par des comportements qui mettent en péril la concurrence mais qui n'entrainent pas nécessairement un déplacement de client entre opérateurs économiques. L'on retrouve : le dénigrement, la confusion, la désorganisation interne du concurrent, la désorganisation du marché et enfin le parasitisme63. Il convient de préciser que cette liste n'est pas exhaustive. Le juge peut qualifier de déloyaux des faits qui sont de nature à fausser le jeu de la concurrence. Les pratiques déloyales sont sanctionnées par la

63 D. LEGAIS, Op.cit., p. 337-345

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responsabilité délictuelle. De ce fait, le demandeur doit apporter la preuve d'une faute, du préjudice qu'il a subi et établir le lien de causalité entre les deux.

La faute peut résulter d'une imprudence ou d'une négligence. La faute résulte de la « violation des devoirs dans l'exercice de la liberté de la concurrence qui traduiraient pour certains des impératifs d'utilité sociale, n'étant pas exclu qu'il puisse y avoir éventuellement contradiction entre ces divers intérêts »64. Ainsi la faute est tout acte contraire aux usages du commerce traduisant un excès dans l'utilisation de la liberté de commerce et de l'industrie. Il ne suffit pas pour un investisseur de constater qu'il y a une perte de clientèle pour que le juge condamne le concurrent qui est à l'origine de ce déplacement de clientèle. Ainsi le demandeur doit prouver la faute commise par son concurrent. Concernant le préjudice, il doit être certain. Le dommage subit par le demandeur doit être direct. Enfin, le lien de causalité doit exister entre le fait fautif du concurrent et le dommage subit par le demandeur. Il convient de noter toutefois que l'action en concurrence déloyale ne peut être cumulée avec l'action en contrefaçon sauf si les deux actions se fondent sur différents éléments65.

Les principes des investissements consacrés au plan national établis à travers la présentation des principes de la liberté de commerce et d'industrie et du principe de la libre concurrence, intéressons-nous aux principes consacrés au plan communautaire.

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