Paragraphe 2: le principe de la libre concurrence
Au Cameroun, le législateur a opté pour le
libre-échange et une économie de marché. A cet effet
l'article 2 de la charte des investissements dispose : « Dans sa
volonté de bâtir une économie compétitive et
prospère par le développement des investissements et de
l'épargne, et en exécution des objectifs de son action
économique et sociale, la République du Cameroun se fixe les
orientations ci-après : la réaffirmation du choix de
l'économie de marché comme mode d'organisation économie
privilégié ». Ainsi le législateur camerounais a
choisi le libéralisme comme modèle économique. Les prix
sont librement fixés par le marché de l'offre et de la
demande.
La concurrence économique est essentielle pour un pays
qui souhaite développer son marché économique. La
concurrence est définie « comme une compétition
économique, offre par plusieurs entreprises distinctes et rivales, de
produits ou de services qui tendent à satisfaire des besoins
équivalents avec, pour les entreprises une chance réciproque de
gagner ou de perdre les faveurs de la clientèle »51.
Autrefois l'Etat intervenait directement dans l'économie.
Désormais, il ne joue qu'un rôle de régulateur et le droit
est un moyen de discipliner l'économie. Le droit de la concurrence a une
double finalité. Il s'agit tout d'abord
47 Loi n°2016/017 du 14 décembre 2016
portant code minier
48 Loi n°909 du 2 avril 2012 portant code
gazier
49 Loi n°99-013 du 22 décembre 1999
portant code pétrolier du Cameroun
50 G. CORNU, Op cit.
51 Idem p. 225
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de préserver la libre concurrence (A) et de
protéger les entreprises contre les pratiques anticoncurrentielles
(B)52.
A) La consécration du principe de la libre
concurrence en droit camerounais.
La concurrence est adossée au système
d'économie de marché. Le législateur camerounais l'a
prévue à l'article 2 de la charte sur les investissements de
200253. L'économie de marché appelle la libre
concurrence54. Dans sa mise en oeuvre, la libre concurrence stimule
les entreprises et favorise la croissance. La libre concurrence est
définie comme une « compétition sur le marché
dont la structure et le fonctionnement répondent aux conditions du jeu
de la loi de l'offre et de la demande, d'une part entre offrants, d'autres part
entre utilisateurs ou consommateurs de produits ou de services qui y ont libre
accès et dont les décisions ne sont pas déterminées
par des contraintes ou des avantages juridiques particuliers. ». Une
concurrence totalement libre à de nombreux effets pervers sur les
acteurs du marché, les petites entreprises, les consommateurs entre
autre.
B) Les limites à la libre concurrence : La
lutte contre les pratiques anticoncurrentielles
Les pratiques anti-concurrentielles concurrentielles sont
réprimées par les institutions notamment la commission nationale
de la concurrence (2), au niveau législatif également par les
lois et règlements nationaux et communautaires (1), enfin l'intervention
du juge étatique (3).
1) Les pratiques anticoncurrentielles
réprimées par la législation.
Le législateur a identifié certaines pratiques
de nature à fausser le jeu de la concurrence. A l'origine le droit de la
concurrence se résumait à la sanction de la concurrence
déloyale sur la base de l'article 1382 du code civil. Dans une
économie de marché, les entreprises disposent d'une grande
latitude dans leurs opérations. Pour prévenir toutes formes
d'abus et dans le but de protéger le consommateur et les entreprises
dans le marché, le législateur camerounais a prévu un
ensemble de dispositions visant à sanctionner des
52 D. LEGAIS, « Droit commercial et des
affaires », 23ème édition, Dalloz, Paris, 2017, p. 634,
pp 335-391
53 « Dans sa volonté de bâtir une
économie compétitive et prospère par le
développement des investissements et de l'épargne, et en
exécution des objectifs de son action économique et sociale, la
République du Cameroun se fixe les orientations ci-après
:
? la réaffirmation du choix de
l'économie de marché comme mode d'organisation économie
privilégié »
54 L. NICOLAS-VULLIERME, « Droit de la
concurrence », 2ème édition, Vuibert, Paris,
2011, pp 333, p5 et ss
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pratiques d'entreprises qualifiées
d'anticoncurrentielles. Il s'agit des ententes entre entreprises, l'abus de
position dominante et les fusions-acquisitions55.
Les ententes sont « des accords et ententes ayant
pour effet d'éliminer ou de restreindre sensiblement la concurrence sur
le marché, soit en entravant l'accès sur le marché, soit
en répartissant de quelque façon que ce soit, des acheteurs ou
sources d'approvisionnement dans un marché »56.
L'entente peut résulter de la conclusion d'accords contractuels, de la
mise en place de structures communes. La concertation faite par ces entreprises
doit avoir un effet négatif sur la concurrence. Enfin l'effet restrictif
de l'entente doit être prouvé. L'alinéa 1 de l'article 5
précité énumère un certain nombre d'ententes
prohibées. Il s'agit de celles qui conduisent à la fixation des
prix, ou qui concourent à limiter les capacités de production et
enfin de fixer conjointement les conditions de soumission à un appel
d'offres sans informer l'auteur de l'appel d'offre. Toute entreprise doit
déterminer ses conditions de façon autonome en fonction de ses
coûts internes, de l'offre et la demande du marché57.
Toutefois dans certains cas, l'entente peut favoriser le jeu de la concurrence.
Des exemptions au principe de l'interdiction de l'entente sont contenues
à l'article 6 de la loi n°98 précité58. Il
convient également de préciser que l'entente suppose une
concertation entre entreprises disposant d'une autonomie de décision. De
ce fait il ne peut avoir entente entre filiales d'un même groupe, ou en
cas de fusion entre deux entreprises.
L'abus de position dominante occupe également une place
de choix parmi les pratiques anticoncurrentielles illicites contenues dans la
loi de 1998. Il s'agit d'une « pratique illicite consistant dans
l'utilisation, par une entreprise, de sa position dominante pour se procurer un
avantage que le jeu normal de la concurrence ne lui aurait pas permis d'obtenir
»59. Elle est réprimée aux articles 10
à 13 de la loi de 1998. La position dominante existe lorsque
l'entreprise est en situation de monopole économique. En l'absence de
monopole, la position dominante s'entend comme le pouvoir de faire obstacle
à une concurrence effective.
Cette infraction se manifeste de différentes
manières, en :
55 Ces pratiques sont contenues dans la loi
n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence.
56 Article 5 alinéa 1 de la loi de 1998
57 L. NICOLAS-VULLIERME, Droit de la
concurrence. P167 et suivants
58 D'après l'article 6, il s'agit des cas
où l'entente apporte une contribution à l'efficience
économique à travers : - La réduction du prix du bien ou
service, objet de l'entente ou de l'accord ;
- L'amélioration sensible de la qualité dudit bien
ou service ;
- Le gain d'efficience dans la production ou la distribution de
ce bien ou service.
59 G. CORNU, Op.cit., p. 778
·
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adoptant des mesures ayant pour effet d'empêcher une
entreprise concurrente de s'établir dans le marché, soit
d'évincer un concurrent ;
· exerçant des pressions sur les distributeurs
à l'effet d'empêcher l'écoulement des produits de ses
concurrents ;
· posant des actions ayant pour effet l'augmentation des
coûts de production des concurrents60
Pour l'application de cette pratique, il faudrait que soit
constatée une position dominante sur le marché, devant conduire
à éliminer le concurrent du marché secondaire. Toutefois
comme la précédente, une dérogation est admise à
cette infraction. Il s'agit du cas où la pratique d'une entreprise a
pour effet d'améliorer l'efficience économique par la
réduction des coûts de productions ou de distribution. Ce
même si dans le processus cela a pour conséquence
l'élimination des concurrents ou la réduction des
possibilités d'entrée de nouvelles entreprises dans le
marché61. L'on se rend compte que le législateur
camerounais privilégie fondamentalement l'évolution de
l'économie au détriment des entreprises installées. Le
droit ici remplit sa fonction première qui est d'améliorer
l'existence.
Autre pratique répréhensible est la fusion et
acquisition d'entreprises. Plus précisément lorsqu'elles ont pour
but d'éliminer la concurrence dans un secteur donné. Elle est
réalisée lorsque deux entreprises antérieurement
indépendantes fusionnent, ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises
acquièrent directement le contrôle de l'autre par la prise de
participation dans son capital ou par l'achat d'éléments
d'actifs. Trois facteurs sont pris en compte pour apprécier le
caractère anticoncurrentiel d'une fusion ou d'une acquisition.
· « Les entraves à l'entrée de
nouveaux concurrents dans le marché. Via notamment des barrières
tarifaires à l'entrée des importations , ·
· Le degré de concurrence entre les centres
autonomes de décision existant dans le marché , ·
· L'éventualité de disparition du
marché d'une entreprise partie prenante à la fusion, ou à
l'acquisition, ou aux actifs faisant l'objet du transfert. »62
Ces atteintes peuvent être exemptées de sanctions
dans l'hypothèse où la fusion est ou sera de nature à
augmenter les gains d'efficience à l'économie réelle,
l'économie dépassant les effets préjudiciables qu'à
cette concurrence sur le marché.
60 Article 11 alinéa 2 de la loi de 1998
61 Article 12 de la loi de 1998
62 Article 16 de la loi de 1998
précitée.
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2) Les sanctions des pratiques anticoncurrentielles
illicites
L'Etat a institué un organe de lutte contre les
pratiques anticoncurrentielles. Il s'agit de la commission nationale de lutte
contre la concurrence (CNC). Cette dernière est compétente pour
constater lesdites infractions. Les sanctions sont contenues au titre 4 de la
loi de 1998.
Les constatations d'infractions se font par
procès-verbal. Ils procèdent à des enquêtes et
investigations consécutives d'une plainte à eux adressée
par une personne physique ou morale.
Les sanctions sont de plusieurs ordres. Il peut s'agir
d'amendes, d'injonctions de mettre fin aux pratiques, d'astreintes et enfin du
paiement de dommages et intérêts. Les amendes
s'élèvent à 50% ou à 20% du chiffre d'affaire
réalisé par l'entreprise en question sur le marché
camerounais. Amende qui peut doubler en cas de récidive de la part de
l'entreprise coupable des faits litigieux. En cas de non-respect d'une des
sanctions ci-dessus énoncées, la CNC peut prononcer la fermeture
temporaire de la chaîne de production des produits mis en cause.
Le juge étatique intervient également dans la
préservation du libre jeu de la
concurrence.
3) Le rôle du juge dans la prévention des
pratiques anticoncurrentielles
Outre l'administration et le législateur, le juge
étatique intervient également pour préserver le libre jeu
de la concurrence au Cameroun. Il le fait sur le fondement de l'article 1382 du
code civil. Les comportements déloyaux résultent de
l'appréciation du juge. Leur fondement est essentiellement
jurisprudentiel. Quoique le législateur camerounais les a
énuméré dans l'ordonnance n°72/18 du 30 juin 1972
portant régime général des prix.
La déloyauté se caractérise par des
comportements qui mettent en péril la concurrence mais qui n'entrainent
pas nécessairement un déplacement de client entre
opérateurs économiques. L'on retrouve : le dénigrement, la
confusion, la désorganisation interne du concurrent, la
désorganisation du marché et enfin le parasitisme63.
Il convient de préciser que cette liste n'est pas exhaustive. Le juge
peut qualifier de déloyaux des faits qui sont de nature à fausser
le jeu de la concurrence. Les pratiques déloyales sont
sanctionnées par la
63 D. LEGAIS, Op.cit., p. 337-345
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responsabilité délictuelle. De ce fait, le
demandeur doit apporter la preuve d'une faute, du préjudice qu'il a subi
et établir le lien de causalité entre les deux.
La faute peut résulter d'une imprudence ou d'une
négligence. La faute résulte de la « violation des devoirs
dans l'exercice de la liberté de la concurrence qui traduiraient pour
certains des impératifs d'utilité sociale, n'étant pas
exclu qu'il puisse y avoir éventuellement contradiction entre ces divers
intérêts »64. Ainsi la faute est tout acte
contraire aux usages du commerce traduisant un excès dans l'utilisation
de la liberté de commerce et de l'industrie. Il ne suffit pas pour un
investisseur de constater qu'il y a une perte de clientèle pour que le
juge condamne le concurrent qui est à l'origine de ce déplacement
de clientèle. Ainsi le demandeur doit prouver la faute commise par son
concurrent. Concernant le préjudice, il doit être certain. Le
dommage subit par le demandeur doit être direct. Enfin, le lien de
causalité doit exister entre le fait fautif du concurrent et le dommage
subit par le demandeur. Il convient de noter toutefois que l'action en
concurrence déloyale ne peut être cumulée avec l'action en
contrefaçon sauf si les deux actions se fondent sur différents
éléments65.
Les principes des investissements consacrés au plan
national établis à travers la présentation des principes
de la liberté de commerce et d'industrie et du principe de la libre
concurrence, intéressons-nous aux principes consacrés au plan
communautaire.
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