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L'effectivité du droit des investissements direct étranger au Cameroun


par Loïc MESSELA
Université Catholique d''Afrique Centrale - Master 2 en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2018
  

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Paragraphe 2 : La corruption endémique au sein de l'administration camerounaise

Historiquement, la corruption émerge au Cameroun au lendemain des indépendances africaines. Le Cameroun durant cette période a bénéficié des crédits complaisants et excessifs favorisés par l'existence de diverses rentes en produits agricoles et matières premières241. Dans les années 1980/1990, la crise économique a frappé le Cameroun. Ce qui a eu pour conséquences la mise en place d'un environnement administratif dysfonctionnel et marqué par le favoritisme, le népotisme et la patrimonialisation des biens publics242.

240 Celle de la zone industrielle d'Ombe au Cameroun plus précisément.

241 DJOKO (C), Comprendre la corruption au Cameroun, 2010, https://www.legrandsoir.info, consulté le 14 novembre 2018 à 11 heures 15

242 Ibid

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Cette notion a bien des définitions suivant la discipline dans laquelle on se trouve. Que ce soit en matière pénale, en science politique ou encore en économie. La corruption est réprimée aux articles 134, 161 et 312 du code pénal camerounais. Ce même code la dispose à cet effet : « (...) tout fonctionnaire ou agent public qui pour lui-même ou pour un tiers sollicite agrée ou reçoit des offres, promesses, dons ou présents pour faire, s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa fonction. »

Toutefois nous retiendrons la définition suivante de la corruption : « Une fourniture directe ou indirecte de toute somme d'argent, bien, avantage ou protection à une personne investie d'un pouvoir de décision publique ou privée en vue d'obtenir de la part de cette dernière qu'elle adopte un certain type de décision de comportement ou d'abstention »243. D'après nous, cette définition est plus globale et embrasse mieux le concept pour notre étude.

Il convient donc d'évoquer la corruption dans les administrations publiques qui interagissent directement avec les investisseurs directs étrangers. Il s'agit de l'autorité des marchés publics, l'autorité qui attribue les autorisations d'investissements/les incitations aux investissements et enfin les autorités judiciaires car intervenant pour régler d'éventuels contentieux244. Comme nous l'avons vu plus haut, en cas de survenance d'un litige, il est impossible pour l'investisseur de passer outre l'imperium du juge.

C'est l'une des raisons pour lesquelles, l'Etat camerounais a créé de nombreuses institutions et promulguer de nombreuses lois pour lutter contre la corruption (B). Il convient tout de même de présenter les formes de corruption que l'on retrouve au Cameroun (A).

A) La prééminence de la corruption dans l'environnement économique camerounais

Avant de s'appesantir sur les causes de la corruption (2), il serait intéressant d'évoquer la typologie (1).

1) Les types de corruption au Cameroun

La corruption se manifeste de diverses manières. D'après Giorgio BLUNDO et Olivier de SARDAN il y a cinq variantes au Cameroun245 :

243 SALMON (J), Dictionnaire de droit international public, Bruylant, Auf, Bruxelles 2001,P. 275-276

244 Les autorités judiciaires ici comprennent à la fois le juge judiciaire et le juge administratif

245 Auteurs cités par DJOKO (C), Comprendre la corruption au Cameroun, 2010, https://www.legrandsoir.info, consulté le 14 novembre 2018 à 11 heures 15

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? La commission : L'usager paie une somme d'argent en échange d'un bénéfice, une exemption ou à une remise illicite. Le fonctionnaire bénéficie d'une partie des gains illicites qu'il a fait obtenir à l'usager par son intervention. La commission est donc liée à la transaction en question. Ex la « règle des 10% » que tout bénéficiaire d'un contrat public est censé verser aux fonctionnaires grâce à qui il a obtenu le contrat. Ce type de corruption est répandu dans les contrats de marchés publics.

? La gratification : Elle correspond à la somme d'argent versée au fonctionnaire en contrepartie d'un travail ou d'un service qu'il a rendu à un usager.

? Le piston : Il s'agit ici d'un échange généralisé de faveurs.

? Le tribut ou péage : Ici il s'agit d'un paiement intervenant sans qu'un service préalable n'ai été fourni. Ex : la somme d'argent que les chauffeurs de taxi ou de « clandos » payent aux policiers en raison de la surcharge dont leur véhicule fait l'objet.

? La perruque. Elle consiste à utiliser à des fins personnelles, le matériel appartenant à l'administration publique.

La corruption au Cameroun se manifeste par :

- Le manque de transparence d'une activité ou transaction ;

- L'abus de fonction ;

- L'acquisition illicite d'une chose à laquelle on n'a pas droit ;

- La recherche illégitime d'un avantage personnel ;

- Le chantage/népotisme.

De plus, la corruption n'implique pas nécessairement un échange. Il peut juste s'agir

d'un enrichissement illicite246. C'est le cas du détournement de fonds publics.

Dans le même sens, il convient de faire une distinction entre la corruption-transitive et la corruption-extorsion. Tandis que la première implique un simple échange entre deux parties en l'occurrence le corrupteur et le corrompu, la seconde elle repose sur une différence dans le

246 Dans ce cas d'espèce, elle vise un intérêt égoïste. Cette forme est également très présente dans l'environnement administratif au Cameroun et est celle qui cause le plus de dégât en termes de manque à gagner fiscal.

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rapport de force entre les partis247. Il est difficile de quantifier la corruption d'un pays à un autre248.

La corruption devient néfaste lorsqu'elle est présente dans tous les secteurs d'activité d'une administration de sorte qu'il devient impossible de passer outre. Une fréquence élevée de corruption est qualifiée de systémique249. En effet en présence d'une corruption systémique, il devient impossible pour l'investisseur direct étranger d'obtenir un marché sans avoir à verser un pot de vin à l'autorité administrative. Lorsque la corruption est systémique, elle est banalisée. La corruption épidémique est celle qui est très répandue sans toutefois être pratiquée fréquemment. L'on peut s'en passer mais y recourir facilite les transactions économiques.

Il ressort des chiffres d'une enquête menée sur 1052 entreprises par le GICAM en 2008, que 76% des chefs d'entreprises affirment que la corruption a eu un impact négatif sur leurs activités en 2007, contre 73% en 2006. 49% des chefs d'entreprises avouent avoir versé des pots-de-vin aux agents du fisc. 36% avouent avoir versé entre 1 et 5% de leurs chiffres d'affaire pour obtenir des services. 63% des hommes d'affaires avouent ne plus avoir confiance au système judiciaire camerounais, et enfin 48% des responsables critiquent le cadre juridique qui n'est pas favorable aux activités économiques. L'on se rend donc compte de la prééminence de ce fléau dans l'environnement économique camerounais.

La fonction publique est garante de l'intégrité d'un pays. Une administration gangrénée par ce fléau ne peut être que de nature à refreiner l'investisseur dans sa volonté de s'implanter dans un pays ou même de le faire dans la durée.

2) Les causes de la corruption

Au rang des causes, on retrouve la paupérisation des magistrats. Les magistrats au Cameroun sont mal payés250 de ce fait, la décision rendue par eux est à la merci du justiciable

247 Distinction faite par ATALAS, cité par MEDARD (J.F), « L'évaluation de la corruption approches et problèmes », in BARE (JF), L'évaluation des politiques de développement approches pluridisciplinaires, Paris L'Harmattan, 2001, P. 53 et suivants.C'est le cas où l'agent de l'Etat soumet l'obtention d'un service au paiement préalable d'une somme d'argent ou d'une faveur. Il use ainsi de sa position pour contraindre l'usager ou l'investisseur à lui verser une somme d'argent.

248 Cependant, il y est des ONG comme Transparency International qui chaque année établissent des classements des pays les plus corrompus. Classement dans lequel le Cameroun est toujours mal représenté

249 MEDARD (JF), Op cit

250 Ils perçoivent un salaire qui, en plus d'être inférieur à leur rang social ne leur permet pas de subvenir à toutes leurs charges sociales. Comme un auteur l'affirmait, il ne serait pas concevable pour un juge de prendre le même autobus qu'un justiciable qu'il vient de condamner.

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le plus offrant. Outre cela, la séparation des pouvoirs au Cameroun n'est que textuelle. Dans les faits comme dans le statut de la magistrature, le juge est soumis au pouvoir judiciaire notamment au Président de la République qui nomme, affecte et sanctionne les magistrats. Constitutionnellement, le président de la République du Cameroun est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire251. L'on se rend donc compte qu'il serait difficile voiremême impossible pour un juge de rendre une décision aux torts de l'administration voire du Président de la République252.

La crise économique qui a frappé le Cameroun dans les années 80-90 en est pour beaucoup. Elle a eue pour conséquence la baisse des salaires des agents de la fonction publique. Les agents de la fonction publique ont vu réduire leurs salaires de près de 70% de leur valeur initiale.

B) Les mesures de lutte contre la corruption

Le Cameroun est arrivé à deux reprises en tête du classement des pays les plus corrompus au monde. Classement établi par l'ONG Transparency International253. C'est pourquoi, le gouvernement camerounais s'est trouvé dans l'obligation de se doter d'une politique efficace tant sur le plan préventif que répressif. A cet effet, l'Etat camerounais a créé des structures de lutte contre la corruption (1). Les juridictions jouent également un rôle dans la lutte contre la corruption (2). Toutefois, ces institutions se heurtent à certaines difficultés (3).

1) Les institutions de lutte contre la corruption

L'Etat camerounais a créé un certain nombre d'institutions à cet effet. Il s'agit de la Commission Nationale de lutte contre la Corruption (CONAC)254, l'Agence Nationale d'Investigation Financière (ANIF)255, l'Agence de Régulation des Marchés publics

(ARMP)256,

251 Cf. art 37 alinéa 3 de la constitution camerounaise de 1996

252 FALL (A.B), Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique, Afrilex n°3 de juin 2003, http://afrilex.u-bordeaux4.fr/le-juge-le-justiciable-et-les.html,

253 Il s'agit des classements de 1998 et 1999

254 Décret n°2006/088 du 11 mars 2006 portant création, organisation et fonctionnement de la commission nationale anti-corruption

255 Créée par le décret n°2005/187 du 31 mai 2005. Elle est au service du renseignement financier.

256 Décret n°2001/048 du 23 février 2001 portant création de l'Agence de Régulation des Marchés Publics. Modifié et complété par le décret n°2012/074 du 8 mars 2012

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? La CONAC est un organisme public indépendant. Il est placé sous l'autorité de la présidence de la république et est chargé de lutter contre la corruption. Il a trois principales missions qui sont : le suivi et l'évaluation de l'application effective du plan gouvernemental de lutte contre la corruption ; le fait de centraliser et d'exploiter les dénonciations dont elle est saisie des pratiques, des faits ou actes de corruption ou infractions assimilées ; De mener toute étude ou investigation et de proposer toutes mesures de nature à prévenir la corruption ; de procéder au contrôle physique de l'exécution des projets, ainsi qu'à l'évaluation des conditions de passation des marchés publics ; Enfin, elle identifie les causes de la corruption et propose des mesures pour y faire face257.

? L'ANIF a pour principale mission de lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Dans l'accomplissement de ses missions, elle transmet tous les renseignements financiers aux autorités judiciaires. Ceci afin de leur permettre d'établir l'origine des sommes litigieuses258.

? En ce qui concerne l'ARMP, ses missions sont contenues à l'article 3 du décret de n°2001/048 du 23 février 2001 portant création de l'Agence de Régulation des Marchés Publics. Elle est en outre chargée de réguler le système de passation des marchés publics et des conventions de délégation des services publics.

Ces institutions, dans l'accomplissement de leurs tâches quotidiennes ne parviennent

pas à mettre un terme ou même à freiner ce phénomène. Ceci est en partie dû au fait qu'elles ne prononcent pas de sanctions à l'encontre des acteurs de la corruption. La corruption et le détournement de deniers publics n'a donc pas réduit de leur fait. C'est pourquoi, le législateur camerounais a en 2011 créé une juridiction d'exception compétente matériellement pour connaître des infractions de détournements de deniers publics et des délits connexes.

L'une des causes de la corruption est la réduction des salaires des fonctionnaires survenue en 1993, ainsi que la suppression de nombreux avantages sont autant de facteurs qui ont contribué à la paupérisation des fonctionnaires et par ricochet à l'expansion de la corruption.

La corruption, déjà bien implémentée dans l'administration camerounaise, est devenue difficile de s'en défaire. Il résulte même de l'aveu du président Camerounais : « C'est la

257 DJEUKAM MBOUNDJEU (G), Les structures de lutte contre la corruption, https://www.camerlex.com/les-

structures-de-lutte-contre-la-corruption-8775/, consulté le 21 novembre 2018 à 14 heures 02

258 Ibidem

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corruption qui, pour une large part, compromet la réussite de nos efforts. C'est elle qui pervertit la morale publique. »259

2) Les limites : la persistance de la corruption dans l'environnement économique au Cameroun

Malgré les multiples organismes de lutte contre ce fléau, on a du mal tout de même à percevoir un véritable recul de cette pratique. Le paiement des pots-de-vin pour obtenir des faveurs de l'administration notamment lors de l'adjudication des marchés publiques persiste. L'une des causes est le fait que les programmes de lutte contre la corruption sont des manoeuvres pour neutraliser l'opposition ou les ennemis politiques. Ou encore pour satisfaire les donneurs d'aide/bailleurs de fonds internationaux260. De plus, les opérations de lutte contre la corruption s'apparentent davantage à des chasses aux opposants politiques du régime. Les sympathisants du régime sont maintenus en fonction en dépits des manoeuvres de corruption à répétition dont ils sont coupables. Cet état de fait décourage les IDE.

En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, un auteur affirme : « Aucun remède à la corruption ne peut être sérieusement envisagé alors que la pénurie des juges professionnels au demeurant mal payés est criarde, toujours au nom de l'ajustement structurel »261.

Il est essentiel pour les gouvernants d'adopter une autre approche pour freiner ce fléau qui nuit à l'essor des IDE et à l'attractivité économique du Cameroun, cause des pertes en recettes fiscales à l'Etat, détruit le jeu de libre concurrence entre les acteurs économique (les investisseurs notamment). Pour y remédier, il serait nécessaire, de combattre le mal à la racine. Il s'agit d'identifier les causes réelles de la corruption au Cameroun. Le gouvernement pourrait par exemple faire bénéficier les juges de plus d'indépendance en les soustrayant à la tutelle ou au contrôle permanent du pouvoir judiciaire. Augmenter le salaire et les avantages sociaux des juges afin de réduire les penchants pour les pots-de-vin et tout autre forme d'avantages que pourrait lui accorder un justiciable.

Toutes ces mesures demeurent infructueuses. Ceci dû au fait que de nombreux dirigeants sont corrompus et empêchent chaque initiative de prospérer. Les programmes entamés servent parfois comme prétexte pour se débarrasser d'adversaires politiques.

259 Communication spéciale de M. Paul Biya, Président de la République du Cameroun à l'occasion du Conseil Ministériel du 12 septembre 2007.

260 J.F MEDARD, op cit. p. 60

261 Préface du Pr GLELE AHANHANZO Maurice dans R. CHARVIN, L'investissement international et le droit au développement, Paris, L'Harmattan, 2002, p.16

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SECTION II: Les facteurs socio-économiques constituant un frein à l'effectivité des investissements directs au Cameroun

La part des IDE du Cameroun a considérablement diminué ces dernières années. Au 9 janvier 2018, le directeur général du trésor français a affirmé que depuis 2014, on dénote une régression dans le stock des IDE au Cameroun. Ce dernier n'est que de 23% contre 289,5% en République du Congo, 100,5% en Guinée équatoriale et enfin 56% au Tchad.

Nous aborderons le problème que revêt l'insuffisance d'infrastructure (PARAGRAPHE 1), suivi de la limite que constituent les faibles indicateurs économiques du Cameroun (PARAGRAPHE 2).

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery