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L'effectivité du droit des investissements direct étranger au Cameroun


par Loïc MESSELA
Université Catholique d''Afrique Centrale - Master 2 en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2018
  

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Paragraphe 2: Les obstacles à l'exécution des sentences arbitrales

Etre muni d'une sentence arbitrale en sa faveur ne suffit pas pour rentrer en possession de sa créance. La partie qui a emporté doit encore exécuter cette dernière. Compte tenu du fait qu'elle l'a obtenue après un procès long et coûteux220. « L'inexécution d'une décision de justice génère pour la partie qui l'a emporté, un sentiment d'injustice d'autant plus exacerbée qu'elle n'aura parfois obtenue cette décision qu'à la suite d'un procès long et onéreux ». Un procès non encore exécuté est inachevé si la partie vainqueur ne peut obtenir l'exécution de la décision rendue.

La convention de Washington instituant le CIRDI prescrit une obligation de reconnaissance qui porte sur l'intégralité de la sentence, ainsi qu'une obligation d'exécution des obligations pécuniaires imposées par la sentence221. Cependant, le législateur camerounais au mépris de cette dernière, soumet tout de même l'exécution de la sentence à un exequatur préalable.

219 Propos d'Antoine OLIVIERA, Président de la CCJA à l'occasion du colloque de l'Association des Hautes Juridictions de cassation des pays ayant en partage l'usage du français (l'AHJUCAF) sur l'exécution des décisions de justice dans l'espace francophone du 23 mars 2012 à la Cour de cassation à Paris

220 C. HUGON, L'exécution des décisions de justice, in Libertés et droits fondamentaux, 7ème édition, Dalloz 2001, N°785, p. 612

221 A ce titre, l'article 54 alinéa 1er de la convention CIRDI dispose : « Chaque État contractant reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente Convention comme obligatoire et assure l'exécution sur son territoire des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait d'un jugement définitif d'un tribunal fonctionnant sur le territoire dudit État. »

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Les investisseurs directs étrangers ont recours aux modes alternatifs de résolution des litiges pour échapper à la partialité des juridictions de l'Etat hôte et bénéficier de la célérité et de la confidentialité. L'exécution d'une sentence arbitrale revêt donc quelques lacunes/imperfections qu'il convient de souligner. Que ce soit au niveau de la procédure d'exéquatur (A). Bien qu'ayant obtenu une suite favorable à sa procédure, l'investisseur n'est pas à l'abri d'un éventuel arbitraire du juge de l'exécution (B).

A) Les limites textuelles de la procédure d'exequatur

Comme nous l'avons souligné plus haut, le titulaire d'une sentence arbitrale doit, préalablement la soumettre à l'exequatur et enfin y faire apposer la formule exécutoire pour pouvoir l'exécuter.

Le législateur Camerounais soumet toutes les sentences étrangères à cette procédure. Dans ses dispositions textuelles, des manquements sont relevés. Tant en ce qui concerne les sentences rendues sous l'égide de l'arbitrage OHADA (1) que celles rendues sous l'égide du CIRDI (2).

1) Les limites de l'exéquatur des sentences rendues sous l'égide de l'arbitrage OHADA

Le législateur OHADA décline deux conditions pour l'exéquatur : une positive et une négative. La condition positive est l'existence de la sentence arbitrale (établie par la production de l'original) accompagnée de la convention d'arbitrage ou des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur authenticité. Tel que contenu à l'article 31 de l'AUA. La condition négative de l'exequatur est la contrariété de la sentence à l'ordre public. Le législateur impose au juge interne de se contenter de la non-violation des conceptions les plus fondamentales de la justice dans les Etats-membres de l'OHADA. Le juge peut refuser d'accorder l'exéquatur à une sentence suivant 4 conditions.

Les procédures de reconnaissance et d'exequatur sont régies par les lois de 2003/009 du 10 juillet 2003 désignant les juridictions compétentes visées à l'AUA, ainsi que celle de 2007 instituant le juge du contentieux de l'exécution.

Le juge compétent pour connaître des procédures d'exequatur est le président du tribunal de première instance du lieu où l'exécution de la sentence est poursuivie. Ce dernier devra rechercher deux conditions : Une positive traduite par la production de l'original de la sentence accompagnée de la convention d'arbitrage ou les copies de tous les documents

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réunissant les conditions requises pour leur authenticité222. La négative se traduit par la possibilité de refus d'exequatur et ceci en cas de contrariété à l'ordre public international. Toutefois le législateur communautaire ne dit pas ce qu'est l'ordre public international. De ce fait, sa détermination est soumise à l'impérium du juge qui pourrait l'interpréter de manière totalement arbitraire. Pour des raisons de célérités dans l'exécution de la sentence, le législateur a assorti la procédure d'exéquatur d'un délai de quinze (15) jours à l'expiration duquel, le silence du juge vaut acceptation. La procédure d'exéquatur est en principe simple. Le juge se contente de vérifier l'authenticité des documents produits par la partie requérante (l'original de la sentence, la convention d'arbitrage ainsi que tous les autres documents requis pour leur authenticité).

2) Les limites de la procédure d'exequatur des sentences rendues sous l'égide du CIRDI

En ce qui concerne les sentences rendues sous l'égide du CIRDI, elles emportent exécution immédiate. Ce conformément à l'article 54 de la convention de Washington.

Toutefois, en droit camerounais, le législateur a soumis l'exéquatur des sentences rendues par le CIRDI à la compétence de la cour suprême. Tel que prévue dans la loi n°75/18 du 8 décembre 1975. L'article 1er de cette loi dispose : « La Cour suprême est habilitée à reconnaître par arrêt les sentences rendues par les organes arbitraux de la Convention de Washington en date du 18 mars 1965 pour le règlement des différends entre Etats et ressortissants d'autres Etats ». Le législateur poursuit en disant : « Cette reconnaissance emporte obligation, pour le greffier en chef de la Cour suprême, d'apposer sur une sentence arbitrale reconnue la formule exécutoire ». Cependant, la loi ne précise pas suivant quelle procédure la Cour suprême accomplira cette tâche. Elle ne dit pas non plus dans quelle formation la Cour suprême doit statuer223. L'investisseur justiciable ne sait donc pas à quels saints se vouer quant à la saisine de la juridiction, quant à la durée de la procédure qui au demeurant n'est qu'une procédure de constat et n'est en principe soumis à aucun réexamen du fond.

222 Article 31 de l'AUA

223 J.M TCHAKOUA, L'exécution des sentences arbitrales dans l'espace OHADA : Regard sur une construction inachevée à partir du cadre camerounais, Op cit. p. 11

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B) Les difficultés pratiques d'exécution des sentences arbitrales étrangères.

Malgré la réforme de l'acte uniforme relatif à l'arbitrage OHADA, l'insécurité judiciaire persiste en ce qui concerne l'application de ces dispositions dans l'environnement judiciaire camerounais (1). L'investisseur justiciable peut également connaître des difficultés dans l'exécution effective de la sentence en question (2).

1) Inadéquation entre les dispositions textuelles et l'environnement judiciaire camerounais

Le fait que le législateur OHADA ait prévu un délai pour la procédure d'exequatur témoigne de sa volonté de simplifier cette dernière. Bien que cette disposition du législateur communautaire soit à saluer car figure en étroite ligne avec les objectifs de l'OHADA, elle est cependant difficile à réaliser dans l'environnement judiciaire camerounais. En effet le délai accordé par le législateur OHADA est très court. Dans de nombreux pays, il faut compter au moins un mois pour obtenir une ordonnance d'exequatur224. Le justiciable risque de se heurter aux lenteurs procédurales de l'administration. Quand bien-même le silence vaudrait acceptation, encore faudrait-il apposer la formule exécutoire sur la sentence pour pouvoir l'exécuter. Le greffier en chef de la juridiction de céans pourra-t-il apposer la formule exécutoire sur la sentence sans une présentation préalable de l'ordonnance d'exéquatur rendue par le Président de sa juridiction ? De plus le greffier en chef, officiant dans la même juridiction que le président d'un tribunal de première instance ne jouit pas d'une indépendance suffisante pour aller à l'encontre des décisions ou de la volonté de sa hiérarchie.

La possibilité d'intenter un recours en annulation contre une sentence arbitrale étrangère peut ouvrir la voie à des manoeuvres dilatoires. D'autant plus que les recours en annulation ont la réputation d'être des procédures lentes. De plus il offrira à l'adversaire la possibilité de solliciter un sursis à statuer et d'organiser son insolvabilité le temps que dure le procès.

De plus, l'acte uniforme OHADA impose un délai de trois mois (03) à la juridiction saisie d'un recours en annulation. Faute pour elle de s'exécuter, la juridiction nationale est dessaisie et le recours est porté devant la CCJA. Cette dernière (la CCJA) dispose d'un délai

224 A. BRABANT et M. DESPLATS, « Réforme de l'arbitrage au sein de l'OHADA - une célérité gage d'efficacité ? », https://business.lesechos.fr/directions-juridiques/partenaire/partenaire-1317-reforme-de-l-arbitrage-au-sein-de-l-ohada-une-celerite-gage-d-efficacite-316707.php, 2017, consulté le 14 novembre 2018 à 12 : 09

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de six (06) mois à compter de sa saisine pour rendre sa décision. Or la CCJA vide les contentieux dont elle est saisie dans une durée moyenne de deux (02) ans. En France, la cour d'appel statue sur les recours en annulation dans un délai moyen d'un an, l'on se rend donc compte que bien que louable, cette réforme pourra difficilement s'appliquer compte tenu du contexte judiciaire au Cameroun. Le justiciable à cet égard risque se trouver dans la même condition d'incertitude et d'insécurité judiciaire que par le passé. D'autant plus qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect des délais énoncés par le législateur OHADA.

La souveraineté des Etats ne doit pas constituer une atteinte aux objectifs que les Etats membres de l'OHADA se sont fixés.

En matière d'exécution des sentences rendues sous l'égide du CIRDI, la recherche de la formule exécutoire s'est parfois muée en instance d'exéquatur. Le juge de l'exécution se reconnaissant ainsi le pouvoir de contrôler la régularité de la sentence qui est produite. Cela a été le cas dans 2 célèbres arrêts. Notamment : l'exécution des sentences SOABI (Société Ouest Africaine des Bétons Industriels) dans laquelle la Cour d'appel de Paris a procédé au contrôle d'exéquatur d'une sentence CIRDI. Egalement la sentence Benvenutti et Bonfant contre Etat du Congo ou le président du TGI a contrôlé la régularité de la sentence a lui produite225.

Dans l'environnement juridique camerounais, la loi compétente pour et l'exécution des sentences rendues sous l'égide du CIRDI est la loi n°75/18 du 8 décembre 1975. La reconnaissance de la sentence est faite par la Cour suprême, la formule exécutoire est apposée par le greffier en chef de cette juridiction. Deux failles résultent de cette disposition de la loi précitée. Tout d'abord, le législateur camerounais n'a pas précisé sous quelle formation la Cour suprême doit statuer. Elle ne précise pas non plus quelle sera la procédure usitée par le justiciable à cette fin. Serait-ce une ordonnance sur requête, ou une procédure contradictoire ? De plus la cour pourrait se réunir en formation collégiale en présence d'une sentence condamnant l'Etat camerounais. Dans quel cas, la Cour pourrait statuer en assemblée plénière et procéder à un contrôle de régularité au lieu du contrôle d'authenticité prévu en matière d'exéquatur.

225 J.M TCHAKOUA, « L'exécution des sentences arbitrales dans l'espace OHADA : Regard sur une construction inachevée à partir du cadre camerounais », Op cit.

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? Cela constitue un péril dans l'hypothèse où en voulant à tout prix préserver l'intérêt de l'Etat et dans le but de se faire bien voir par le prince, certaines autorités pourraient par mauvaise foi faire tarder le rendu de la décision d'exequatur226.

Les obstacles pourraient être constitués par l'implication active du juge de l'exequatur. Au lieu de se contenter d'examiner la légalité sur le plan formel de l'acte et sa conformité à l'ordre public international et interne, le juge pourrait procéder à un réexamen de l'affaire. Cela constituerait un obstacle à la célérité de la procédure arbitrale. De plus, outre les frais déboursés en phase de procédure par l'investisseur, ce dernier devra encore perdre du temps et de l'argent pour les procédures de reconnaissance et d'exequatur.

Les délais de grâce constituent un autre tempérament à l'exécution d'une décision de justice. En droit OHADA, elle est prévue à l'article 39 alinéa 2 de l'AUVE. Elle s'étend sur une durée d'un an.

2) Les suites de la procédure d'exequatur : l'exécution en elle-même

En interprétant l'article 30 de l'AUVE, la jurisprudence camerounaise a considéré qu'à défaut d'exécution volontaire par l'Etat, les mesures d'exécution sont interdites contre les bénéficiaires de l'immunité d'exécution. Ce indépendamment de la nature de l'activité l'entité étatique exerce ou encore l'affectation des biens de cette dernière227. Un auteur a cependant souligné la possibilité pour le juge d'interpréter ce même article 30 dans le sens des objectifs visés par le traité OHADA.

En ce qui concerne les biens immatériels, ils sont également soumis à une mesure d'immunité d'exécution. Il en est ainsi des comptes bancaires des ambassades ou consulats, ainsi que les biens des banques centrales. L'article 21 de la convention des Nations Unies de 2005 considère que ces derniers ne sont pas affectés à une activité jure gestionis par conséquent, ils sont insaisissables228.

La renonciation de l'Etat ne fait pas disparaître le lien entre le bien à saisir et l'entité débitrice. Le créancier doit tout de même démontrer le lien qui existe entre l'entité débitrice et lesdits biens afin de pouvoir exercer une mesure d'exécution. Chose qui s'avère être

226 Ibid

227 Ordonnance sur requête, n°0339 rendu en date du 13 novembre 1998 par le TGI de Douala, affaire SNIF c/ ONPC, cité par LEBOULANGER (P), Op. cit.

228 Il en est de même pour les biens à caractère militaire, les biens faisant partis du patrimoine culturel, historique ou scientifique de l'Etat

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particulièrement difficile car, l'Etat peut au moyen d'une simple attestation prouve le caractère jure imperii des biens sur lesquels l'exécution est poursuivie229.

En droit français, les émanations de l'Etat constituent une exception au principe de l'immunité d'exécution de l'Etat. La théorie de l'émanation de l'Etat permet de pratiquer des mesures conservatoires sur les biens des démembrements organiques ou territoriaux de l'Etat pour recouvrer une créance contre lui. La charge de la preuve de l'existence de l'émanation de l'Etat incombe au créancier. Toutefois, le fait que la loi de l'Etat étranger confère à la personne morale de droit public une personnalité juridique indépendante ou une autonomie financière ne suffit pas à combattre l'existence d'une émanation d'Etat. D'après un auteur230, la saisie d'actifs appartenant à l'Etat ou à ses démembrements demeure une opération particulièrement délicate et coûteuse pour les litigants.

Certains juges camerounais cependant tendent à se conformer au droit et du coup à garantir la sécurité judiciaire des investisseurs. Il en est ainsi du juge de la High Court of Fako Division qui a rendu un ordonnance d'exequatur en date du 15 mai 2002231. Ce dernier n'a pas hésité à rendre une ordonnance d'exequatur qui condamnait la SONARA alors entreprise publique. Dans sa motivation, il met un accent sur le respect des conventions bilatérales d'investissement. Et soutient que le faisant, l'Etat préserve sa dignité et sa souveraineté. Il rappelle par ailleurs le rôle primordial des juges dans l'accomplissement de cette tâche.

229 LEBOULANGER (P), Op. cit.

230 LEBOULANGER (P), Op. cit.

231 « The world today is fast moving into an age of globalization. The mode of civilization has changed. The world economy is seeking for more and more protection. Nations are getting closer through conventions and agreements. Investors want to protect investments. To this end, nations are signatories to conventions and agreements. It will be nonsensical and counterproductive for any nation to sign a bilateral or multilateral convention and thereafter turn to say that it cannot be bound by it. That will be an affront to its dignity and sovereignty. For once a nation signs a convention, it must ensure that it adheres to it and where that convention must be enforced by the court, the courts must do so to protect the honour and dignity and prestige of that country. The time has come when the courts must give meaning to the conventions and treaties that we go into. This country is a civilized country with a decent reputation. To refuse to adhere to conventions, agreements and treaties it has signed as a member will be depriving itself of the pride and envy that the world has of it as a peaceful and law abiding nation». Motivation du juge dans l'ordonnance African Petroleum Consultants (APC) c/ Société nationale de Raffinage du Cameroun (SONARA)

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