Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).( Télécharger le fichier original )par Eric FARGES Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013 |
Section 2 - Une entreprise de spécialisation entravée : la non-institutionnalisation de la médecine pénitentiaireJournaliste : « Vous, médecin, est ce que vous n'avez pas l'impression de temps en temps de vous trouver, sans le vouloir, du côte des gens disons qui répriment, alors que votre rôle à vous c'est d'aider et soigner ? » Interne de Fresnes : « Oui, c'est le fait de la complicité. Je crois qu'il faut en être conscient. On est aussi complice que le psychiatre qui soigne quelqu'un à la demande du préfet... » Journaliste : « Vous sentez ça ? Vous le vivez ? » Interne (en souriant) : « Ben... heureusement pour moi, oui ! » Journaliste : « Vous l'assumez ? » Interne : « Oui. Il y a, je crois, beaucoup de choses qu'on peut faire en prison. Les médecins ont un rôle, spécialement à l'Hôpital de Fresnes très, très important. Et je crois que c'est une chose qui existe telle qu'elle est... Ça m'apparaîtrait un peu bête de travailler ici sans en être conscient !»928(*). En dépit de sa progressive reconnaissance au sein du secteur médical, la médecine pénitentiaire peine à s'organiser en tant que groupe professionnel homogène. La pratique en milieu carcéral demeure tout d'abord une activité marginale pour les médecins qui y consacrent le plus souvent quelques heures par semaine. Or, la première condition de professionnalisation est selon H. Wilensky l'exercice à plein temps de cette activité929(*). La spécialisation de la médecine pénitentiaire apparaît d'autre part limitée par la fragilité des attributs fonctionnels dont se dotent les praticiens travaillant en prison. La notion de pathologie carcérale, sur laquelle repose la spécificité de la médecine pénitentiaire, est contestée, notamment eu égard à la simulation. En dépit du Serment d'Athènes, les médecins pratiquant en institution carcérale sont, d'autre part, partagés quant à la conduite à tenir en cas de grève de la faim et font souvent l'objet de virulentes critiques. L'appellation de médecine pénitentiaire, au final, apparaît davantage stigmatisante que qualifiante pour ceux qui l'exercent. Le rapprochement avec la notion de semi-profession développée par Nina Toren souligne le caractère inachevé de la dynamique de spécialisation de l'organisation des soins en prison930(*). Deux obstacles majeurs rendent difficile l'identification des praticiens avec leur activité pénitentiaire. Du fait de l'autorité hiérarchique à laquelle ils sont soumis, ces médecins sont en premier lieu dotés de nombreuses attributions pénitentiaires vécues comme allant à l'encontre de leur vocation soignante. Tiraillés dans leur pratique quotidienne entre leur rôle de médecin traitant et de médecin vacataire de l'Administration, ces professionnels peinent à s'organiser autour d'une identité commune (1). Leur regroupement autour d'une même appellation est d'autant plus difficile que la médecine pénitentiaire est l'objet pendant les années soixante-dix de virulentes critiques. La personnification de ce secteur d'activité dans son Médecin-inspecteur, fortement politisé et contesté, tend à amplifier cette critique (2). 1. Les exigences contradictoires du métier de médecin pénitentiaire entre Thémis et Asclépios : une identité professionnelle contrariéeJournaliste : « Les difficultés du médecin de prison sont celles que connaît le médecin du travail. Il a un patron qui le paye et qu'il le veuille ou non, il doit se soumettre à ses exigences. Même s'il estime qu'il existe une contradiction entre la fonction de punir et celle de soigner »931(*). Le rôle non-médical attribué aux médecins pénitentiaires ne peut être compris que s'il est analysé au regard des nombreuses attributions dont ils ont bénéficié au cours des années soixante et soixante-dix, et ce grâce aux revendications de certains praticiens. Bien que l'importance des médecins en prison a été affirmée dès la Libération, ces derniers ont été néanmoins considérés pendant longtemps par le ministère de la Justice comme des intervenants extérieurs mus par une idéologie humaniste et philanthropique, à qui il convenait de rappeler le règlement932(*). Toute tentative de la part des généralistes d'outrepasser leur vocation soignante se heurtait alors, comme le souligne un praticien lyonnais de manière rétrospective, à la méfiance de l'Administration pénitentiaire : « Les certificats d'orientation pour l'exécution de la peine étaient égarés presque systématiquement, si le médecin ne se contentait pas de remplir la case avec les seules notations de la pathologie somatique mais débordait en considérations psychologiques ou sociales : "Ce n'est pas ce que l'on vous demande, docteur : laissez l'aspect social aux assistantes sociales" »933(*). Cette méfiance contraste avec le rôle attribué aux praticiens en détention. Le Code de procédure pénale leur confère en effet en 1958 de nombreuses prérogatives, sous la forme notamment de certificats, délivrés aux détenus dans plusieurs situations non strictement médicales. Pour bénéficier d'une douche supplémentaire ou d'un travail pénal, pour pouvoir rester allongé durant la journée, pour garder les cheveux longs, le médecin apparaît à chaque reprise comme l'interlocuteur incontournable du détenu. L'écart croissant entre la fonction réelle des praticiens et leur faible reconnaissance explique que certains médecins, désireux de ne plus être cantonnés à un rôle technique, revendiquent à partir du début des années soixante une plus grande considération, ce dont témoigne le voeu formulé lors des Journées de 1963. Le cas des grèves de la faim illustre cette volonté des praticiens d'endosser un rôle plus large dans le fonctionnement de la détention. Se limitant jusque-là au traitement des symptômes de la grève (bilans biologiques et perfusions)934(*), il s'agit désormais pour eux, comme le préconise Georges Fully durant ses cours, d'être reconnus en tant que médiateur entre le détenu et l'Administration: « Il faut qu'il pense [le médecin] à traiter la cause de la grève. Ce traitement n'appartient pas toujours au médecin mais il faut dire que c'est souvent lui qui peut le plus, car il est l'interlocuteur de confiance [...] S'il s'agit d'une question d'ordre pénitentiaire, il est bien rare qu'après une discussion avec le directeur de l'établissement ou avec le surveillant-chef on ne trouve pas un moyen termes qui permette aussi bien au détenu qu'au personnel pénitentiaire de donner l'impression de ne pas céder [...] La simple expectative, la simple attitude neutre qui consiste à ne pas s'occuper du conflit lui-même et à attendre que le gréviste de la faim tombe dans le coma pour intervenir me paraît un peu succincte »935(*). Cette revendication professionnelle reçoit un accueil favorable de l'Administration pénitentiaire, désireuse, tel qu'en rend compte le rapport d'activité de 1964, d'impliquer davantage les praticiens dans le fonctionnement de l'établissement : « Le point de vue du médecin est d'ailleurs très souvent sollicité, aussi bien pour des questions d'ordre strictement médical que pour des problèmes plus éloignés de la médecine »936(*). Longtemps cantonné à un rôle de soin et de prévention des maladies, le corps médical pénitentiaire devrait ainsi « être intégré à la vie de l'établissement et participer à toutes les formes du traitement pénitentiaire »937(*). Cette intégration des praticiens au fonctionnement de l'établissement s'avère toutefois problématique au début des années soixante-dix, à mesure que la question carcérale se politise. « Nous sommes inquiets de voir que depuis quelques temps le personnel sanitaire est mis de plus en plus "sur la touche" », observe Simone Buffard à Lyon en 1972938(*). Est notamment refusée toute intervention du médecin dans un domaine où son action n'aurait pas été sollicitée, comme par exemple en matière de médecine du travail939(*). Certains praticiens demandent alors, par la voix de leur Médecin-inspecteur, comme ici lors du congrès de 1970, une contrepartie à la légitimité que leur présence en prison confère au ministère de la Justice : « Ils ne désirent plus seulement être considérés comme les techniciens d'une partie des problèmes et être tenus éloignés d'une manière plus ou moins réelle des autres problèmes. Ils appliquent leur caution à l'application de la peine et ils souhaitent que ce ne soit plus seulement une caution mais une collaboration sincère et efficace avec les responsabilités des systèmes pénal et pénitentiaire »940(*). En dépit des craintes, l'Administration semble alors accepter cette plus grande prise en compte des médecins dans le fonctionnement des établissements, permettant ainsi de les responsabiliser davantage : « Il semble donc nécessaire de reconsidérer la place des médecins dans le système pénitentiaire et de les faire participer à son organisation. Alors seulement ils pourront pleinement répondre sur le plan médical des conséquences de ce système »941(*). Le rôle du médecin pénitentiaire est consacré lors des années soixante-dix. Outre la reconnaissance d'un statut en 1972942(*), les praticiens sont alors dotés d'une fonction criminologique les incitant à appréhender les grands ressorts de la criminalité. L'idée que le médecin serait, au même titre que l'assistant social ou l'éducateur, en mesure de conseiller l'Administration dans le reclassement du détenu, se traduit par l'intégration des psychiatres et des généralistes de l'établissement à la Commission d'application des peines (CAP) en 1972943(*). La participation du médecin à la CAP est d'ailleurs décrite par un sous-directeur pénitentiaire comme « l'occasion, pour lui, de faire vraiment partie de l'Administration Pénitentiaire »944(*). Cette intégration représente pour beaucoup de praticiens la possibilité d'instaurer un rapport de coopération avec le personnel de l'établissement945(*). Un psychiatre, le Dr Jacques Laurens, voit dans la participation du médecin à la CAP un premier pas dans l'intégration des praticiens au système pénitentiaire au terme de laquelle les médecins pourraient, selon lui, formuler des avis non pas seulement sur des détenus mais sur les « orientations de la politique pénitentiaire »946(*). Cette prise en compte croissante est cependant vécue par certains praticiens, tel le Dr Daniel Gonin de Lyon, comme une tentative de « récupération » de la part de l'institution carcérale : « Aussi cherche-t-on à assimiler le médecin à l'ensemble de l'administration pénitentiaire, à le "récupérer", selon la terminologie en vogue actuellement »947(*). Alors même que la profession médicale est l'objet d'une plus grande considération au sein de l'Administration pénitentiaire, certains praticiens semblent, en effet, accepter de plus en plus difficilement certaines fonctions. Contrairement aux psychiatres, plus prompts à endosser cette mission criminologique948(*), les généralistes soulèvent les possibles atteintes au secret médical que leur participation à la CAP implique : « Nous en sommes heureux car c'est un premier pas vers une véritable "équipe pénitentiaire" [...] Mais, pour être formulé de façon valable, son avis doit nécessairement évoquer un diagnostic ? L'ambiguïté de sa position n'échappera à personne »949(*). Le compte-rendu d'une commission tenue lors des Journées de 1975 restitue les divergences d'opinion entre praticiens. A l'encontre de ceux qui estiment que le médecin ne devrait intervenir au sein de la CAP que pour les seuls problèmes médicaux, d'autres jugent qu'« il doit s'intégrer à part entière à cette commission, dans sa mission de resocialisation, sans se limiter à l'aspect strictement médical »950(*). Si la question de la participation à la Commission d'application des peines soulève tant d'interrogations chez les praticiens pénitentiaires, c'est parce qu'elle soulève la question de savoir au bénéfice de qui travaillent ces derniers. Sont-ils les médecins traitant au service des détenus, ceux-ci ayant droit au secret médical ? Ou sont-ils des praticiens salariés de l'institution qui les rémunère et à laquelle le secret ne peut être opposé s'il bénéficie à son fonctionnement ? C'est cette seconde conception que tendent à privilégier les psychiatres, tels ici les docteurs Hivert et Pottiez : « Le médecin pénitentiaire est médecin-traitant, certes ! Mais, encore, il est investi par la société d'une fonction institutionnelle qu'il accepte, ipso facto, en devenant médecin en prison »951(*). Un second exemple de cette tension à laquelle sont confrontés les praticiens travaillant en prison sont les certificats médicaux dont les usages sont variés. Le généraliste de la M.A de Besançon y voit une substitution du médecin à l'autorité pénitentiaire. C'est ce que relève cet interne dans sa thèse de criminologie consacrée à cet établissement : « Le médecin déplore une telle situation où il "récupère" des problèmes qui devraient pouvoir se traiter par un dialogue entre les détenus et l'administration et qui ne sont pas de son ressort »952(*). Les praticiens de Lyon relèvent d'une façon similaire l'importance du pouvoir qu'ils sont en mesure d'exercer et l'ambiguïté de leur position : « Cet aspect de distributeur de faveurs, mais surtout de recours contre la dureté de la vie carcérale, donne au médecin un pouvoir bien supérieur à celui de son confrère de l'extérieur [...] N'est-il pas alors tenté, dans un monde clos sans loi et sans contrôle, de se saisir de ce pouvoir et de promouvoir une sorte d'ordre médical ? »953(*). Ces mêmes praticiens s'alarment de voir le rôle qui leur est accordé mis au service de l'Administration, les cantonnant ainsi dans un rôle de garant de la détention : « Vis-à-vis de l'administration en effet, le médecin est souvent perçu de façon ambiguë : d'une part, il est désiré car il lui donne bonne conscience. Il est le vivant témoignage que "l'on fait vraiment tout ce que l'on peut pour le détenu"... Il résout les problèmes difficiles où l'autorité seule échoue. Tout va bien tant qu'il fait preuve d'une certaine "bonne volonté", qu'il adopte les vues conformistes de l'institution, qu'il s'adapte à tous ses aspects plus ou moins répugnants. Mais dès qu'apparaissent contestations (même discrètes), divergences ou affrontements, il n'est plus qu'un élément gênant : même par exemple lorsqu'il contrecarre l'application des sanctions [...] S'il cherche à sortir de ce ghetto, il se heurte à de multiples résistances : suspecté d'une idéologie humanitaire peu réaliste tendant à irresponsabiliser tous les délinquants, méconnaissant les simulateurs, et finalement essayant de prendre le pouvoir dans l'établissement »954(*). Parmi les différents certificats, celui dit d'« aptitude à la détention », attestant qu'un détenu est en mesure de supporter le placement en quartier disciplinaire, illustre au mieux l'ambiguïté à laquelle sont confrontés les médecins pénitentiaires955(*). L'obligation faite aux praticiens de certifier que l'état de santé du condamné est « compatible » ou « apte » avec le maintien au « mitard », où les conditions de vie sont souvent exécrables, leur confère un rôle que dénoncent les opposants à la prison956(*). Outre le fait que cette demande, consistant à faire « un pronostic sur la pathologie éventuellement provoquée »957(*), va à l'encontre de la démarche médicale traditionnelle, elle place le praticien dans une situation difficile comme le souligne le Dr Gonin : « Il pourrait lui sembler qu'il prend le pas sur les décisions disciplinaires, alors qu'en fait c'est son regard demandé qui permet, sans risque de responsabilité, l'application de la sanction »958(*). L'équivocité de cette sollicitation du regard médical est d'autant plus grande que le médecin est confronté à des situations parfois difficiles pouvant aller à l'encontre de l'éthique médicale. En rendent compte ces deux praticiens interviewés : « J'ai vu des horreurs monsieur ! [...] Moi, un soir j'ai vu aux petites Baumettes un gamin qui était dans une cellule [interruption] Ce gamin... Cette cellule... Y avait pas d'ouverture ! C'était une cage en béton... Il était à poil et attaché à une chaîne, à un anneau, qui était au milieu de la pièce. Et on vous demande l'autorisation de le laisser là... [...] C'étaient eux [l'Administration pénitentiaire] qui prenaient la décision mais il fallait qu'on les cautionne ! C'était le médecin qui devait dire s'il était d'accord [...] J'avais l'impression d'assurer la discipline... »959(*). « C'était la couverture médicale de l'Administration. On les casse, on les fait vivre dans des situations pas possibles mais il faut une couverture médicale. Si par hasard il arrive qu'un détenu se pende au mitard et que ça se sait... Là du point de vue de l'Administration, ça pouvait être grave. Donc pour eux, le fait que j'aille au mitard, c'était la caution ! »960(*). Cette contradiction à laquelle sont soumis les praticiens est accrue lorsque sont instaurés les Quartiers de haute sécurité (QHS) en 1975. Destinés à empêcher l'apparition de mouvements collectifs de protestation, les QHS imposent un régime de détention très strict et fortement contesté961(*). Les propos de ces interviewés retranscrivent le malaise ressenti face à ces conditions de détention : « C'était épouvantable ! [...] C'était le fait de cette espèce de privation sensorielle. Tous les angles étaient arrondis. C'était une couleur uniforme. Tous les murs. Vous n'aviez pas d'angle. Vous n'aviez pas de tabouret. Vous aviez un plateau qui servait de table et le tabouret c'était un bloc de ciment scellé au sol ! Pendant un certain temps, mais ça n'a pas duré très longtemps, la lumière était allumée en permanence »962(*). « Il y a quelque chose qui m'avait choqué au début, c'était les Quartiers de haute sécurité [...] Je me rappellerai toujours le premier qui était enchaîné... C'est toujours choquant pour un jeune médecin. Moi, je ne connaissais pas encore la Maison d'arrêt. Je ne savais pas ce qu'il avait fait. Enfin mon rôle était de dire s'il était apte à .... à... pouvoir rester en quartier de haute sécurité sur le plan médical. Sur le reste, je n'avais rien à dire ! »963(*). Le fait que le second interviewé précise son étonnement « au début » permet de soulever l'hypothèse d'une certaine « accoutumance » des praticiens à exercer ce rôle n'appartenant pas à leur identité professionnelle de soignant. Malgré la désapprobation fréquente à l'égard de la condition dans laquelle les détenus sont placés, les praticiens ont d'ailleurs rarement recours à la « suspension de peine » leur permettant de faire cesser la punition pour des raisons médicales. Interrogé sur cette possibilité, un généraliste ayant travaillé aux Baumettes estime que cette mesure se justifiait rarement : « Non ça ne m'est jamais arrivé ! De toute façon, il y a rarement des excès... »964(*). Un autre médecin ayant exercé à Pontoise partage cette idée : « Ça m'est arrivé une fois ou deux de les faire sortir, mais il faut reconnaître que ceux qui y étaient en principe étaient des balaises et il y avait pas de raison médicale pour les soustraire à la punition »965(*). Outre la capacité réelle ou supposée des détenus à faire face à l'isolement, ces suspensions de peine placent le médecin dans un rapport de force avec l'Administration pénitentiaire. Les surveillants vivant, souligne Antoine Lazarus, la décision médicale comme un désaveu de la sanction adoptée à l'encontre d'un détenu récalcitrant, le praticien se trouve placé entre deux demandes inconciliables : « Dans ce genre de situation, le médecin n'apparaît plus comme le personnage de la neutralité mais comme un pouvoir concurrentiel qui mesure sa force à celle de la décision administrative. Ce combat est toujours suivi avec beaucoup d'attention par les autres détenus. D'une certaine manière on est mis ici dans l'obligation de choisir un camp »966(*). Un interne, pourtant bien rompu aux règles carcérales car fils d'un directeur d'établissement pénitentiaire, déclare que même s'il n'hésitait pas en cas de besoin à faire sortir un malade cela lui a valu des « rancoeurs » de la part de certains surveillants : « C'étaient des petites choses mais on vous demande de vous déplacer à trois heures du matin pour une bricole. Bon... »967(*). Ces enjeux propres au système carcéral expliquent qu'il soit difficile pour le médecin, notamment dans les petits établissements où il est isolé, d'imposer sa décision. Ce fut le cas de ce praticien de la M.A de Besançon : « Et il me semble que, souvent, j'ai pas voulu signer le certificat médical. J'ai dû m'opposer en voulant faire ma forte tête.... Ça n'a pas dû plaire... J'ai dû réussir quelques fois à en faire sortir en alléguant des raisons médicales. Mais pas beaucoup [...] Ça m'est arrivé de dire : "Vous prenez un risque et puis est ce que le jeu en vaut vraiment la chandelle ?". Mais je me faisais vite remballer : "Vous, vous êtes là pour soigner et moi j'assure la discipline !" »968(*). Cette ambiguïté entre le rôle administratif et le rôle soignant est exacerbée au sujet de l'obligation faite au médecin pénitentiaire d'assister aux exécutions capitales afin d'assurer son bon déroulement. C'est ce que dénonce cet ancien interne de La Santé : « L'intervention de l'administration dans la fonction médicale peut prendre une forme plus outrancière, quand elle appelle l'interne pour une exécution capitale, où elle lui dictera des gestes thérapeutiques dans des circonstances où l'agent pathogène risque d'être jugé fort différemment par le médecin et le bourreau »969(*). La réaction du médecin-chef de l'Hôpital de Fresnes, interrogé dans un documentaire télé sur ce rôle, traduit la manière dont cette obligation est vécue par plusieurs praticiens : « Oui il m'est arrivé deux fois... Vous m'excuserez d'être bref, de ne pas m'appesantir. Ce que je puis dire, c'est que les deux fois j'ai conservé de ces deux hommes une image de courage extraordinaire. Il est toujours douloureux pour un chirurgien qui essaye tous les jours de sauver des vies humaines d'être obligé d'accompagner les condamnés à mort. C'est tout ce que je puis vous dire »970(*). Si le Dr Petit interviewé témoigne tant d'émotion, c'est parce qu'il fut l'un des rares à avoir assisté en tant que médecin à des exécutions capitales à cette époque971(*). Pourtant même si le nombre d'exécutions capitales est très faible (six entre 1969 et 1981), demeure néanmoins l'angoisse de devoir « participer » à cette mise à mort. C'est l'une des raisons qui aurait conduit cet interne alors en poste à La Santé à démissionner en 1978 : « Je pense que l'une de concrétisations de cette violence institutionnelle, ça a été la visite obligatoire aux condamnés à mort. Il n'y avait plus d'exécutions mais la peine de mort était toujours d'actualité. Ça sûrement été l'une des situations les plus difficiles à vivre. Le fait d'aller visiter ces détenus, ça faisait partie de ma mission. J'étais obligé, quand j'étais de garde, en tant que médecin d'aller visiter untel, dont je me souviens le nom... Il devait être en bonne santé de façon à ce que si on l'exécute le lendemain matin, ça se passe dans les conditions réglementaires... C'est absolument intenable ! Enfin, pour moi, c'était absolument intenable comme position. C'est sûrement une des raisons qui m'a fait arrêter... à ce moment là ! Ça... ça a été quelque chose d'extrêmement violent. Je pense que je n'aurai pas pu participer. Parce que je pense qu'assister, c'est participer. Je m'y refusais compétemment. Ça, c'était absolument exclu de toute façon. Ce n'était pas possible. Donc quand on vit avec ça en tant que professionnel, en se disant : "Ça peut être n'importe quel jour...". C'était un peu pesant ! »972(*). Ces différents exemples soulèvent une même question, à savoir si le praticien peut traiter le détenu comme l'égal de ses autres patients. « Il s'agit en effet de savoir si le médecin de prison doit être considéré comme le médecin traitant du détenu, auquel cas celui-ci a droit au secret, ou bien si le médecin de prison est uniquement un employé de l'administration à laquelle il doit un compte rendu exact et fidèle de toutes les constatations qu'il pourra bien faire au cours de ses fonctions », soulignait déjà le Dr Debarge lors des premières journées de médecine pénitentiaire973(*). Qui de la relation hiérarchique ou de la relation thérapeutique l'emporte ? Cette question apparaît très tôt au sujet de la relation entre le praticien pénitentiaire et le médecin expert : le médecin de prison peut-il, malgré l'interdiction du Code de déontologie, être désigné comme expert ou peut-il communiquer à ce dernier des informations protégées par le secret médical ?974(*) « Les avis sont très partagés », souligne le bilan d'un groupe de travail réuni lors du premier congrès en 1963 : « Pour certains, la réponse est affirmative et cela sans problème car le médecin pénitentiaire est, avant tout, médecin de l'administration, et il doit lui apporter son concours sans restriction. Pour d'autres, certes le médecin est engagé par l'administration pour soigner les détenus mais il devient alors le véritable médecin traitant des prisonniers »975(*). Faute de consensus, une autre commission interrogée sur le même problème conclut que « c'est là une affaire de conscience professionnelle et personnelle »976(*). Un groupe de travail aboutit lors des Journées de 1970 à une conclusion sensiblement différente : « Il n'est pas possible d'assimiler totalement un médecin pénitentiaire à un médecin traitant librement choisi et libre également totalement de ses décisions. Le médecin pénitentiaire a dans ses obligations de répondre aux questions concernant l'état de santé du détenu sous forme d'avis médical »977(*). En pratique, il semblerait que le statut de « médecin traitant » soit fréquemment dénié par les autorités judiciaires et pénitentiaires aux praticiens pratiquant en prison. Un médecin de la M.A de Strasbourg rapporte ainsi la réaction d'un juge d'instruction face à son refus d'autopsier le cadavre d'un homme mort suite à des coups portés par son fils, lequel était détenu : « Mais non, vous n'êtes pas le médecin traitant, au sens où l'entend le Code [de déontologie], puisque vous n'êtes pas choisi !»978(*). Outre un enjeu identitaire, ne pas être considéré comme un « agent spécialisé de l'administration »979(*), la revendication du statut de médecin traitant traduit la volonté de ne pas exercer certaines tâches jugées illégitimes. Un interne regrette ainsi que les certificats médicaux censés permettre à un détenu de bénéficier d'un traitement non explicitement prévu par le règlement soient transformés par l'Administration pénitentiaire en autant d'interdiction. Manteau de fourrure, lunettes de soleil, tisanes, crèmes ou shampoings spéciaux sont « réprimés » par le corps médical : « Grâce à la médecine, tout désir qui émerge et ne peut être "couvert" par un règlement administratif est réprimé [...] La médecine est présente pour veiller à ce qu'aucun désir ne dépasse »980(*). Les certificats pour coups et blessures sont un second exemple d'une tâche considérée comme illégitime par certains praticiens exerçant en détention. Ces derniers sont, en effet, dans l'obligation de fournir des attestations lorsqu'un surveillant est agressé. Outre qu'il leur était interdit, jusqu'en 1983, d'en donner un double au détenu ou à sa famille, ces attestations étaient l'occasion de mettre à l'épreuve l'identité du praticien, et ce d'autant plus que du délai de l'incapacité de travail fixé par le médecin découlait la qualification de l'infraction981(*) : « Toute la stratégie de l'institution consistait à faire pression sur le praticien pour l'amener à la qualification souhaitée pour l'agresseur »982(*). Comme en témoignent les différents exemples traités, à mesure que se professionnalisent les services de soin aux détenus, les médecins pénitentiaires s'interrogent sur leur identité professionnelle. Les congrès sont des moments particuliers qui rendent visible la relation entre les praticiens, désireux de pouvoir exercer une médecine non-entravée, et l'Administration, craignant leur trop forte autonomisation. Un débat sur le thème de la responsabilité médicale est par exemple l'objet de vifs échanges, lors du congrès de 1970, entre les médecins et le ministère de la Justice. Ces débats, absents des actes du colloque, sont rapportés par un médecin ayant assisté à la scène : « Le médecin porte la responsabilité morale de la santé des détenus, mais, pour endosser la première, il faut qu'il puisse avoir une action non entravée sur la seconde. Suit une discussion portant principalement sur les différents biais utilisés par les médecins pour arriver à soigner les détenus. Le syndicat des médecins rappelle le manque énorme de moyens (infirmières, internes) et conclut que sa responsabilité est engagée chaque jour par manque de moyens. M. Le Corno répond alors que ces mises en parallèle de médecins pénitentiaires avec ceux du dehors, de contrats de soins, de malades incarcérés ou non sont impossibles. La preuve en est, selon lui, qu'un détenu malade est fondamentalement différent d'un malade normal, et que, de plus, l'incarcéré ne veut pas toujours se faire soigner. Le point de vue juridique est donné par le procureur général : on ne peut assimiler l'exercice de la médecine pénitentiaire [à l'exercice courant] où il n'y pas de contrat ».983(*) La violence des échanges entre médecins et Administration s'accroît à mesure que ces rencontres professionnelles se médiatisent. La tentative des internes, lors du congrès de 1972, d'aborder certains sujets se heurte à une fin de non-recevoir de l'Administration pénitentiaire984(*). En rend compte un médecin ayant assisté à la scène : « Il était impossible qu'il n'y ait pas sur les points chauds des affrontements entre administration et médecins, ou entre les médecins eux-mêmes : ce fut le cas lorsque l'on parla des suicides et des tentatives de suicide, de la collaboration dans l'équipe pénitentiaire, de la prison comme agent pathogène, et lorsqu'on essaya - tentative bloquée- de parler de la peine de mort »985(*). Au cours de son allocution, un médecin s'interroge, au sujet du mitard, pour savoir s'il est possible d'y « faire un examen médical valable, à moins qu'il ne s'agisse d'y déterminer la cause d'un décès ?»986(*). Au-delà des différents problèmes soulevés, il semble, si on en croit le compte-rendu fait par le médecin-chef des Baumettes, que l'identité professionnelle des médecins pénitentiaires est au centre des interrogations : « Il a été souligné au cours des débats que l'administration pénitentiaire a tendance à considérer les médecins de prisons comme faisant partie de son personnel et, en partant de là, à leur demander de participer aux tâches qu'elle doit assurer en matière de sécurité et de discipline ; les médecins, eux, estiment qu'ils sont avant tout MEDECINS et qu'ils doivent agir en tant que tels, y compris en milieu carcéral, même s'il en résulte des perturbations dans l'organisation intérieure des établissements »987(*). Le congrès s'achève par la rédaction par les médecins présents d'une motion commune demandant à ce que leur « rôle nouveau soit reconnu et encouragé » notamment en matière sociale et à ce que leur autonomie soit respectée988(*). Afin d'éviter l'apparition d'un nouveau mouvement de contestation, le ministère de la Justice modifie alors les règles régissant ces congrès. Les séances plénières prennent le pas sur les groupes de travail, les comptes-rendus des rares commissions étant désormais placés sous la direction de magistrats. La réflexion déontologique sur l'identité des médecins de prison décline progressivement au profit de descriptions techniques sur la pathologie carcérale ou de bilans sur les moyens dont disposent les praticiens. Tout questionnement déontologique disparaît. Les débats sont rares, seuls quelques intervenants soigneusement choisis par le Médecin-inspecteur étant autorisés à s'exprimer à la tribune. Enfin, les sujets les plus polémiques, comme par exemple la consommation de psychotropes, sont évités ou traités de manière superficielle (Cf. Encadré). Ces stratégies d'évitement sont dénoncées par quelques militants de la cause carcérale. « Les internes sont devenus des gêneurs [...] La médecine pénitentiaire [...] est devenue tout à fait obéissante », remarque la revue Actes au sujet des congrès médicaux989(*), tandis que le Dr Lazarus accuse l'Administration pénitentiaire d'avoir empêché toute contestation : « Les représentants de l'administration à la différence du congrès précédent jouèrent un rôle de surveillance méticuleuse des commissions et la plus importante des motions sur "Médecine et Justice" fut rédigée au nom des médecins par un magistrat de l'administration centrale, sans indiquer la présence des pénitentiaires dans la composition de la commission et du congrès ».990(*) LA PRESCRIPTION DES MÉDICAMENTS PSYCHOTROPES : UN SUJET TABOU DES CONGRES DE MEDECINE PENITENTIAIRE La place accordée à la question des prescriptions de psychotropes au sein des congrès illustre le contrôle que l'Administration pénitentiaire tente d'instaurer progressivement sur les débats. Alors que le thème de la « camisole chimique » se diffuse dans les médias sous l'action des militants de la question carcérale, les médecins pointent du doigt pour la première fois l'importance des prescriptions lors du congrès de décembre 1972 : « Cette question des médicaments trouble fort les praticiens. Ils ont presque tous dénoncé cette "camisole chimique" dans laquelle ils sont réduits à enfermer leur malade [...] Les médecins pénitentiaires ne veulent pas, en tous cas, rester cantonnés dans ce rôle de distributeurs de médicaments, de calmeurs diplômés » (LF, 4/12/1972). Le ministère de la Justice met fin de façon autoritaire à la discussion, si l'on en croit un interne ayant assisté à la scène : « Ce problème particulier avait été soulevé au congrès de la médecine pénitentiaire à Strasbourg, mais il fut très vite "escamoté" par les "éminentes personnalités" en place »991(*). Tandis que cette question figurait au programme des deux précédents congrès, elle est absente des Deuxièmes journées européennes de médecine pénitentiaire qui ont lieu en 1975, contraignant quelques représentants du syndicat des internes des prisons et quelques psychiatres à se réunir en marge du congrès pour évoquer ce problème (LM, 24/12/1975). Toutefois au cours d'une communication en séance plénière un interne de Fleury-Mérogis soulève la responsabilité des médecins dans cette inflation de psychotropes : « D'où vient cette consommation et pourquoi prescrivons-nous à des gens qui ne sont pas directement malades tous ces médicaments ? [...] On s'aperçoit que cette inflation médicamenteuse qui est effectivement une espèce d'alchimie, a remplacé la ceinture de contention [...] Nous sommes tous de gros prescripteurs de psychotropes parce que c'est une solution facile, au lieu de nous interroger sur les raisons de cette situation et sur la façon dont nous pourrions tenter de l'améliorer ». Intervient alors, comme le rapportent les actes du colloque, un magistrat de l'Administration pénitentiaire, qui remarque que cette intervention « ne semble pas se placer tout à fait dans le programme », après quoi Solange Troisier précise qu'il est « temps de changer de sujet »992(*). Un médecin pénitentiaire anciennement ami de Georges Fully et ayant organisé le congrès de 1972, Robert Durand de Bousingen, intervient à son tour pour préciser que la consommation médicale constitue un « problème important » demandant à être débattu davantage. Le Médecin-inspecteur promet alors que ce problème sera mis à l'ordre du jour des prochaines rencontres. Conformément à cette promesse, une session d'une demi-journée est consacrée à la question de « la consommation médicale en milieu pénitentiaire » lors du Congrès mondial de médecine pénitentiaire en 1978. Afin de limiter les risques de contestation, le ministère de la Justice semble avoir tenté, plutôt que d'encadrer les discours, de « diluer » au mieux les différentes interventions, et ce, par plusieurs procédés. Le thème fut tout d'abord élargi à la prescription médicamenteuse en général, la question des psychotropes étant ainsi peu abordée. Tous les intervenants furent, d'autre part, choisis par le Médecin-inspecteur. Aucun interne ne pu ainsi s'exprimer sur la question993(*). La plupart des communications semblent d'ailleurs avoir été improvisées, beaucoup de congressistes déclarant ainsi en préambule être venus « uniquement pour écouter » et s'être vus demander une intervention la veille. La profusion de discours, souvent très vagues et rarement en relation avec le sujet, explique la pauvreté des échanges de cette session : sur les quarante-six interventions faites durant la matinée (alors que dix étaient prévues), seuls six abordent le sujet de la consommation des psychotropes. Un médecin regretta d'ailleurs en conclusion qu'il n'y ait pas eu « davantage de discussions »994(*). Deux interventions soulignèrent néanmoins la place des médicaments psychotropes dans le fonctionnement des établissements carcéraux. Ce fut particulièrement le cas de l'étude de la pharmacienne de l'Hôpital de Fresnes, Marie-Thérèse Decaudin, largement reprise par la presse, qui compara la consommation de psychotropes entre 1975 et 1977. Outre « l'augmentation globale des unités pharmaceutiques », elle souligna l'évolution du dosage, « tel tranquillisant présenté au début dosé à 5 ou 10 mg l'est maintenant à 50 mg », avant de conclure : « La population pénale devenant calme et sereine, le problème du maintien de l'ordre se trouve alors théoriquement résolu, ce qui ne saurait déplaire à l'administration »995(*). « Le problème de tranquillisation de la médecine pénitentiaire » soulevé par le Dr Decaudin, selon l'expression d'un médecin de Fresnes, semble d'ailleurs largement avoir été présent dans les esprits des participants, si l'on en croit Le Monde, contrastant ainsi avec les propos tenus de façon générale à la tribune : « Ces craintes - ne pas être celui qui normalise et rend la prison à bon compte supportable - se sont fortement exprimées à Dijon à propos de la consommation de drogues psychotropes en milieu pénitentiaire »996(*). Ainsi, initialement conçus comme des lieux d'expression voire de revendication, les congrès de médecine pénitentiaire sont progressivement devenus des moments solennels où les questions délicates sont soigneusement évitées, les préoccupations des médecins s'exprimant dès lors de manière plus détournée. L'ambiguïté à laquelle sont confrontés les praticiens exerçant en milieu carcéral est accentuée au cours des années soixante-dix par la définition que promeut Solange Troisier du médecin pénitentiaire. Tout en défendant l'attachement aux grands principes de l'éthique médicale, le Médecin-inspecteur rappelle les contraintes pénitentiaires auxquelles les praticiens sont soumis en tant qu'« auxiliaire de Justice » : « Indépendance du médecin, déontologie toujours présente, éthique difficilement compatible avec certaines contraintes administratives, secret qu'il faut préserver par tous les moyens, respect du Code de procédure pénale, de ses obligations, de ses restrictions et de sa rigueur. Car le médecin de prison est aussi un auxiliaire de Justice, il ne doit pas l'oublier »997(*). Cette définition du médecin avait déjà était défendue par Georges Fully mais dans un tout autre sens. Faire reconnaître les praticiens en tant qu'« auxiliaires de justice » signifiait pour lui mieux les intégrer au fonctionnement des établissements pénitentiaires, afin de leur conférer davantage de considération : « Les médecins pénitentiaires, en effet, en plus de leur rôle de médecin soignant, sont également appelés à devenir des auxiliaires de la Justice, dans la mesure où ils participent effectivement à l'action de rééducation dont l'aboutissement est la réinsertion sociale du délinquant »998(*). Solange Troisier privilégie à l'inverse, à travers cette définition, une plus grande prise en compte des impératifs pénitentiaires par le corps médical. Selon elle, le praticien doit tenir compte du milieu dans lequel il intervient et ne peut donc appliquer une médecine identique à celle exercée en ville. En atteste cette phrase fréquemment utilisée aussi bien par le Médecin-inspecteur que par l'Administration pénitentiaire : « Il [le médecin] n'est pas seulement comme à l'extérieur, celui qui prescrit, mais il est également aux yeux du détenu celui qui dispense des faveurs (dispenses diverses pour raisons médicales, avantages divers...), celui qui agit comme médiateur ou celui qui sanctionne »999(*). Le mariage entre la Justice et la Médecine défendu par Solange Troisier aboutirait ainsi à faire reconnaître une médecine devenue, presque par consanguinité, pénitentiaire : « Très souvent les médecins pénitentiaires ignorent complètement ce qu'est la Justice, ce qu'est une libération conditionnelle, quelles sont les relations que le médecin peut avoir avec le magistrat... [...] D'autre part, le magistrat ignore lui aussi beaucoup de choses de la médecine. Il ne sait pas, par exemple, comment doit se passer une dialyse rénale [...] Il faut que tout magistrat ait une approche médicale de l'incarcération, qu'il sache le caractère inéluctable de certaines maladies [...] Il faut enseigner au médecin la Justice, au magistrat la médecine, c'est-à-dire marier Thémis et Asclépios »1000(*). La définition du médecin en tant qu'« auxiliaire de justice » prend le contre-pied du travail d'autonomisation entrepris par le segment des internes protestataires au début des années soixante-dix qui entendaient défendre leur indépendance. Cette vision d'une médecine soucieuse des contraintes pénitentiaires est également défendue par le ministère de la Justice. En témoignent les propos d'Alain Peyrefitte lors des Journées de 1978 : « Si la médecine doit rester indépendante dans les prisons, elle ne doit pas se soustraire à leurs impératifs administratifs » (QDM, 24/11/1978). Les annotations apportées par le ministre à son projet de discours sont encore plus explicites. L'expression « indépendance de la médecine en milieu pénitentiaire » figurant en conclusion y est rayée avec l'annotation suivante : « Non ! Un fonctionnaire n'est pas indépendant ! »1001(*). Est ajouté : « Déontologie du médecin face aux grèves de la faim. Jamais laisser mourir mais faire vivre. Serment d'Hippocrate ». Cette représentation du praticien en tant qu'agent de Justice est promue par Solange Troisier durant la seconde moitié des années soixante-dix par le biais de ses cours ou des thèses qu'elle dirige. L'attestation d'études relatives à la médecine pénitentiaire, qu'elle tente de rendre obligatoire pour tout nouveau candidat à un poste de praticien, est l'occasion tout d'abord de sensibiliser les médecins aux contraintes pénitentiaires. M. Jacomet, magistrat en poste à la DAP, rappelle ainsi dans son intervention consacré au « rôle du médecin pénitentiaire » que le médecin ne peut délivrer de certificat aux détenus ou à leur famille1002(*) avant de regretter que des praticiens soient réticents à délivrer certaines informations pourtant jugées nécessaires à l'Administration : « Il faut rappeler également que le médecin a un rôle important, celui de donner à l'autorité judiciaire ou à l'autorité pénitentiaire des renseignements chaque fois qu'elles le lui demandent, renseignements qui sont faits le plus souvent par le biais d'un certificat médical. Sur ce point, au niveau de l'Administration Centrale très souvent nous nous trouvons un peu confrontés aux problèmes du secret professionnel des médecins qui éprouvent une certaine réticence à donner trop de détails sur l'état de santé d'un détenu malade, ce que je comprends mais ceci à de graves inconvénients pour nous dans un certain nombre de cas car cela ne nous permet pas d'apprécier en toute connaissance de cause la décision que nous allons prendre. Si on me dit par exemple qu'il faut diriger tel détenu sur tel établissement sans nous donner aucune raison précise et que personnellement, compte tenu de la situation pénale de l'intéressé je ne peux l'affecter dans tel ou tel établissement, soit pour une raison de sa situation pénale, soit en raison de l'encombrement de l'établissement, je suis quelque peu paralysé. Je dois dire également qu'on constate de temps en temps des appréciations telles que celles-là : "doit être, pour des raisons médicales rapproché d'untelle". Cela ne me parait pas souvent très médical et je crois qu'il est souhaitable que tout se passe cartes sur table et que l'intérêt de l'Administration n'est jamais de contrecarrer les décisions médicales. Elle a besoin d'être informée pour pouvoir adapter sa décision »1003(*). Le Médecin-inspecteur diffuse également ses idées par le biais des thèses dont elle a la direction. Un interne de La Santé présente par exemple dans sa thèse la vision quelque peu idéalisée d'une médecine capable de satisfaire les exigences pénitentiaires tout en demeurant indépendante : « Coopération mais non-soumission pourrait être son attitude vis-à-vis de l'administration. Dans la pratique, l'indépendance médicale est tout à fait respectée et les médecins évitent d'entraver le fonctionnement de l'administration »1004(*). Bien que plus récente, une thèse consacrée à La grève de la faim en milieu carcéral justifie enfin une attitude très interventionniste du médecin proche de celle appliquée par Solange Troisier1005(*). Considérant que « l'administration a de légitimes raisons de redouter le non-interventionnisme », son auteur justifie la suppression des aliments et de l'eau permettant d'éliminer « bon nombre de pseudo-grèves »1006(*). Il considère, d'autre part, que la dimension « pathologique » issue du jeûne rend possible l'intervention du médecin1007(*) : « Les conséquences physiologiques du jeûne peuvent entraîner des dégradations physiques et intellectuelles, modifiant la personnalité propre du gréviste. Celui-ci peut alors présenter une personnalité psychiatrique et laisser évoluer sa grève de la faim vers le suicide [...] D'autre part une névrose phobique peut se développer. Devant le non-aboutissement de sa grève, le gréviste continue et se bat non plus pour les motifs de sa grève mais contre l'aspect symbolique de sa défaite. Ainsi, notre gréviste devient pathologique et s'exclut de notre définition de la grève de la faim »1008(*). Solange Troisier réussit à la fin des années soixante-dix, période marquée par un durcissement de la politique pénale, à diffuser sa conception de la médecine pénitentiaire en s'appuyant sur un corps d'internes acquis à ses idées tout autant par conviction que par opportunisme1009(*). L'homogénéisation des façons de penser la médecine pénitentiaire est facilitée par la gestion patrimoniale que le Médecin-inspecteur a du corps médical. Bien que n'étant pas chargée du choix des médecins, lequel relève du Bureau des personnels, cette dernière bénéficie d'un ascendant considérable qu'elle met à profit afin de favoriser les praticiens qui lui sont proches et notamment ceux ayant suivi ses enseignements. Lors du départ du médecin-chef de la M.A de Rennes, elle privilégie ainsi la candidature d'un de ses élèves : « Ce praticien a suivi mon enseignement tout au long de cette année universitaire et ses épreuves d'examen ont été d'un très haut niveau. Vous savez d'ailleurs que je tiens à ce que tous les médecins exerçant en prison soient titulaires de l'attestation de Médecine pénitentiaire »1010(*). Suite à la création d'un poste de chirurgien dentiste aux Baumettes, Solange Troisier oppose à la candidature proposée par le DRSP, il s'agit du fils du pharmacien gérant de l'établissement, un autre candidat. Elle demande à M. Besson « que cette candidature soit reconnue. Je vous le demande à tire personnel »1011(*). Pour arriver à ses fins, Solange Troisier n'hésite pas à déstabiliser certains praticiens en place en exigeant leur départ. En 1975, elle propose par exemple le remplacement du médecin-chef de la M.A de Nice, en poste depuis 1959, au motif qu'« il y a beaucoup trop d'hospitalisations en milieu ouvert pour des petites interventions qui pourraient très bien avoir lieu à la Maison d'arrêt qui est particulièrement valable et pas assez d'hospitalisations à la prison hôpital des Baumettes qui n'est cependant pas très éloignée »1012(*). Pourtant curieusement, un an et demi auparavant, le directeur de l'établissement se félicitait que « les hospitalisations d'urgence se passent très bien car le Dr Lunel, médecin-chef de l'établissement est chef de service à l'hôpital de Nice et sur un simple coup de téléphone de sa part les détenus sont hospitalisés »1013(*). Si le Médecin-inspecteur souhaite se démettre de ce praticien, dont il est mis fin aux fonctions en août 1975, c'est avant tout pour y placer un autre praticien qui lui fut recommandé par l'un de ses anciens internes1014(*). Seul médecin à la DAP, Solange Troisier dispose d'une légitimité lui permettant de mettre fin aux fonctions de praticiens de manière purement discrétionnaire. Au sujet d'un praticien exerçant depuis de nombreuses années à la M.A de Quimper, elle se contente de faire remarquer, sans autres explications, « qu'il convient de s'en séparer, dès que nous aurons un remplaçant. Il faudra, alors, lui envoyer une lettre gentille »1015(*). Les visites effectuées par Solange Troisier en tant que Médecin-inspecteur sont l'occasion pour elle de mieux connaître les praticiens en place. C'est pourquoi ses rapports semblent assez peu techniques, comme le souligne un magistrat chargé après son départ des questions sanitaires : « Ça restait un peu superficiel. Vous savez, ça restait comme ça... Ça faisait un peu conversation de salon quand même ! "Ah oui, j'ai vu le Dr Machin qui m'a parlé et m'a donné quelques statistiques !". Mais enfin... ça n'était pas un vrai travail de toute façon [...] Ça faisait un peu visite au coin du feu. "Docteur untel est très bien !". S'il était très bien, c'est peut-être parce qu'il l'avait bien reçue, qu'elle lui plaisait... »1016(*). Les deux rapports trouvés dans les archives confirment la légèreté des inspections qu'effectuait le Médecin-inspecteur1017(*). Faisant respectivement quatre et cinq pages, ces deux rapports sont tout d'abord extrêmement lacunaires. Ils n'apportent aucunes données chiffrées, notamment quant aux médicaments. Solange Troisier note l'absence de personnel infirmier ou médical sans s'en émouvoir fortement. Ces rapports sont essentiellement constitués de jugements de valeurs, rarement négatifs, (« superbes », « bien », « magnifique », « remarquablement moderne ») portés sur les équipements de l'établissement ou encore le personnel en place. Elle insiste avant tout sur les problèmes de la direction pénitentiaire, notamment en matière d'hospitalisations. Ces visites sont surtout pour le Médecin-inspecteur l'occasion de rencontrer les différents praticiens qu'elle tente de sensibiliser à la spécialité médicale dont elle se veut l'apôtre : Rapport de la M.A de Bonneville : « Le dépistage de la tuberculose n'est fait qu'une fois par an ce qui me semble très insuffisant [....] Les hospitalisations sont très difficiles car il y a de gros problèmes avec la gendarmerie [...] Le dentiste est bien, les détenus sont satisfaits car il est honnête et fait bien son travail. Les prothèses se font à Fresnes. Le cabinet dentaire est magnifique [....] La nourriture est bonne. Il y a beaucoup de fruits et de légumes. Les tranquillisants sont prescrits en très grandes quantités malheureusement. Ils sont donnés dilués. Dans la détention, non loin de l'infirmerie, il y a une salle d'hospitalisation qui serait très bien. Malheureusement, il n'y a pas d'infirmier ni de surveillant qualifié pour surveiller les petits malades hospitalisés et c'est dommage dans une aussi belle Maison d'arrêt, d'autant plus que l'hospitalisation est particulièrement difficile. J'ai visité en détail la détention. Les cellules sont superbes. La cuisine est remarquablement moderne. La buanderie, les douches, ainsi que la détention des femmes sont parfaites. Il y a la radio dans toutes les cellules. Il y a également une magnifique chapelle et une salle de télévision. Le mitard est bien, spacieux mais peut-être pas assez aéré. Les cours de promenade sont bien [....] Le médecin m'a paru "déroutant", un peu sournois et peu enthousiaste de la Médecine Pénitentiaire. J'ai essayé de le stimuler et de lui apporter de bonnes paroles mais c'est un terrain difficile »1018(*). Rapport de la M.C de Clairveaux : « Il n'y pas d'ophtalmo ni d'ORL. Un cardiologue vient de Chaumont en cas de besoin. Il n'y a pas de psychiatre. Les hospitalisations se font à Troyes. Il n'y a pas d'infirmier. Il n'y a pas de médecine du travail, elle est faite par le [médecin généraliste de l'établissement] mais il y a peu d'accident du travail car il n'y pas de manipulations de produits toxiques [...] Je voudrais savoir quelle est la position de l'Administration quand il y a mort par suite d'accident du travail, ou mutilation [...] La nourriture est bonne. Le prix de journée est de 5 Francs. Il y a peu de suicide, il y a eu une pendaison il y a quelque temps [...] Les détenus demandent beaucoup à être isolés. J'ai visité les 17 cellules ; elles sont bien, avenantes, claires, propres. Les détenus y travaillent. Le sport est bien fait. J'ai visité les cuisines, les ateliers et l'infirmerie. J'ai reçu un accueil chaleureux du personnel, du directeur et du sous-directeur. J'ai déjeuné à la cantine avec les médecins et nous avons achevé note tour d'horizon complet. Les surveillants sont de bonne qualité. C'est une prison qui marche bien »1019(*). Ainsi les contrôles effectués par Solange Troisier en tant que Médecin-inspecteur visaient davantage à mettre à l'épreuve l'attachement des médecins pénitentiaires à sa stratégie de spécialisation, et aux représentations des rôles médicaux que cela implique, plutôt qu'à vérifier les conditions de soins. Cette gestion patrimoniale et discrétionnaire du « corps » de médecins que tente d'exercer Solange Troisier se heurte cependant à l'autorité hiérarchique de Yvonne Lalle, chef du Bureau des personnels. Au retour de l'une de ses visites d'inspection, Solange Troisier propose « d'augmenter [l]es vacations » du nouveau médecin de la M.A de Pau, qui lui « a paru très bien »1020(*). Dans sa réponse Melle Lalle remarque qu'il « n'est pas possible d'augmenter le nombre des vacations attribuées au médecin généraliste de la Maison d'arrêt de Pau puisqu'il en a 23 de trop »1021(*). Cette opposition devient plus vive au sujet d'un interne de la M.C de Poissy dont Solange Troisier demande avec véhémence le remplacement. Rapportant les accusations formulées par le médecin-chef de l'établissement à son encontre, le Médecin-inspecteur demande « une sanction disciplinaire immédiate à l'endroit de l'interne de Poissy » avant d'ajouter : « Le [médecin-chef] est un excellent praticien que j'aime beaucoup et que je connais bien, vient régulièrement, fait bien son travail, et, comme vous le constaterez me dit que ce sera l'interne ou lui. Je peux vous dire qu'il a actuellement un assistant qui ferait remarquablement les fonctions d'interne. Il a déjà chez nous un dossier, il n'y aurait plus qu'une question de nomination »1022(*). Yvonne Lalle demande en avril au directeur de la M.C de Poissy une enquête sur cet interne. Peu de temps après, Solange Troisier déclare à celle qui dirige le Bureau des personnels regretter qu'aucune mesure disciplinaire n'ait été prise : « J'ai ainsi été alertée sur son attitude extrêmement regrettable dans la ville de Poissy : en état d'ébriété, il évoquait son rôle capital en tant que médecin pénitentiaire au sein de la centrale, ébruitant les conversations des détenus. Un des attachés du cabinet de Mme Veil m'en a parlé et m'a demandé d'une façon insistante que nous le licencions. Je pense que ces éléments sont suffisants pour que nous prenions une décision. Je m'étonne de la lenteur administrative pour un cas aussi sérieux d'autant plus que le [médecin-chef] a un interne pour le remplacer qui est un garçon que je connais et qui est tout à fait remarquable »1023(*). Quelques mois plus tard, Yvonne Lalle notifie à Mme Troisier que le médecin arrêté pour ivresse publique n'était pas l'interne en question et que le médecin-chef aurait « essayé d'imputer cet accident [à cet] interne »1024(*). La magistrate demande, en conclusion, à « amener le [médecin-chef] à faire cesser ses critiques qui ne paraissent en réalité, guère fondées à l'encontre du docteur ». Incriminant jusque-là cet interne, le Médecin-inspecteur concède que la personne arrêtée est « un des associés du [médecin-chef] qui ne vient à la centrale qu'une fois par semaine, le lundi matin. C'est en effet un vieil alcoolique qu'il garde à titre social et qui en fait est un bon médecin »1025(*). Solange Troisier n'en demande pas moins la révocation de cet interne en s'adressant cette fois au supérieur hiérarchique de Melle Lalle, Jean-Marc Erbès, sous-directeur de la DAP. Il est alors mis fin à ses fonctions d'interne. La gestion discrétionnaire que fait le Médecin-inspecteur du corps des médecins pénitentiaires, pouvant aller jusqu'à la calomnie, favorise probablement, comme on en fait l'hypothèse, une homogénéisation et une fidélisation des praticiens exerçant en détention aux conceptions défendues par Solange Troisier. Ainsi, au-delà de sa seule personne, c'est tout un segment de médecins pénitentiaires qui incarne, peut-être parfois plus par intérêt que par réelle conviction, une vision de l'exercice médical en prison où les impératifs sécuritaires seraient premiers. L'identité professionnelle des médecins pénitentiaires a beaucoup évolué entre le début des années soixante et la fin des années soixante-dix. De « parasite », le praticien est apparu comme un membre à part entière de la Pénitentiaire1026(*). Le rôle carcéral reconnu aux praticiens exerçant en prison a permis de légitimer de nombreuses tâches non médicales1027(*). Cette évolution traduit la fragile ligne de crête sur laquelle les praticiens exerçant en prison évoluent. Désireux d'être davantage pris en compte, les médecins ont fait valoir leur statut pénitentiaire. Passant d'une logique d'exclusion à une logique d'assimilation, le ministère de la Justice a tenté de faire prévaloir progressivement leur identité pénitentiaire sur celle de membre du corps médical, comme en atteste la création d'une déontologie spécifique. Les praticiens travaillant en milieu carcéral sont dès lors confrontés à un dilemme : faire prévaloir leur identité de médecin, au risque de voir leurs décisions écartées, ou bien s'identifier à leur rôle pénitentiaire, au risque de contrevenir au serment d'Hippocrate. C'est la fragilité de ce positionnement qu'exprime la thèse d'un ancien interne de Fresnes partisan d'une « collaboration sans soumission »1028(*). Les annotations qu'il effectue à un cours d'un sous-directeur d'établissement consacré au rôle du praticien en prison permettent de saisir la délicate conciliation entre les impératifs médicaux et pénitentiaires1029(*) : « A priori, le personnel va ainsi être tenté de considérer le médecin comme un corps étranger à l'Administration [...] Certes, le médecin en prison est dans une situation personnelle qui n'est pas comparable à celle des personnels qu'il côtoie. C'est celle d'un vacataire ayant d'autres préoccupations alors que les agents pénitentiaires sont des fonctionnaires à temps complet, mais, comme eux, il est en prison un agent public qui coopère au fonctionnement d'un service public [...] Comme le personnel pénitentiaire, il a donc une place à l'intérieur de l'institution [...] Son rôle est très polyvalent. D'un côté il contrôle la santé de la population pénale et se pose ainsi en censeur, de l'autre il constitue un soutien du chef de l'établissement (A). [...] Dans cette mission de médecin traitant et de médecin de contrôle, le médecin doit savoir concilier les nécessités de l'Administration Pénitentiaire et les besoins du malade (B). Dans la prison, en effet, il est déjà dérogé à l'une des règles de la charte médicale à laquelle le corps médical est profondément attaché : le choix du médecin. Une autre, celle du secret professionnel constitue souvent une gêne pour l'Administration qui est liée, par des motifs juridiques, pénitentiaires, médicaux. Lorsque dans une Maison d'arrêt le médecin fait hospitaliser un détenu, le chef d'établissement doit en référer au Directeur régional et doit lui expliquer les motifs de cette hospitalisation (D) [...] Ce n'est pas de la méfiance vis-à-vis du médecin mais vis-à-vis du détenu qui, s'il est très dangereux et s'il s'évade va troubler profondément l'ordre public. Il faut donc que le médecin motive cette hospitalisation. Il y a là une sujétion différente de celle de sa profession libérale et il doit l'accepter (F). (A) Dans certains cas, sans doute, mais pas systématiquement : lorsque les désirs du chef d'établissement vont à l'encontre du bien du malade le médecin ne peut soutenir le directeur. (B) Il est vrai que, dans toute la mesure du possible, le médecin doit essayer de concilier les nécessités de l'Administration pénitentiaire et les besoins du malade, mais, toutes les difficultés de compréhension mutuelles viennent justement du fait que le médecin fait passer les besoins du malade en premier alors que l'administration voit avant tout les nécessités de service (Le pire est qu'ils ont sans doute chacun raison de leur côté...). (D) Le chef d'établissement demande au médecin le motif de l'hospitalisation. Là encore, le motif est évident : si un médecin demande une hospitalisation c'est qu'elle est nécessaire [...] Aucun texte de loi ne demande au médecin de fournir un diagnostic. (F) Rappelons que le mot "sujétion" signifie : dépendance, contrainte, état de celui qui est soumis à un pouvoir à une domination (Larousse). Or, le médecin, dans le cadre de sa profession, ne dépend de personne ». Pris entre un désir de reconnaissance et la fidélité aux principes de la déontologie médicale, les praticiens travaillant en milieu carcéral peinent à ériger une identité professionnelle stable. Plusieurs s'interrogent sur le rôle qui leur est conféré. Tandis que de très rares individus, le plus souvent des internes, adoptent une stratégie d'« exit » en mettant fin à leur fonction1030(*), d'autres choisissent de conserver leur poste en dépit des contradictions. C'est notamment le cas de l'équipe lyonnaise qui initie une démarche collective, impossible dans la plupart des petits établissements, sous une forme associative (le GMQP) mais aussi par le biais de publications et de congrès scientifiques1031(*). Envisageant les différentes réactions « qui protégeraient les soignants de toute complicité ou de méthodes qui leur paraîtraient illégitimes et dangereuses », Daniel Gonin et Simone Buffard écartent le choix de la démission, qu'ils considèrent être la solution « la plus simple évidemment ». S'ils jugent préférable le maintien dans l'institution, c'est, disent-ils, au nom de la culture médicale qui caractérisent les soignants, « par formation plus attentifs à la souffrance de l'individu qu'à cette sorte d'abstraction que représentent parfois les droits de l'homme »1032(*). C'est ainsi qu'ils justifient par exemple leur présence au sein des QHS. Conscients « que le travail dans la détention [...] comporte une part de compromission », ils refusent pourtant de laisser à chacun « le choix selon les personnalités entre la démission, la coopération, la recherche d'une négociation avec l'autorité administrative » et proposent une troisième possibilité plaçant le collectif au coeur de leur démarche : « En témoignant de ce que nous savons, mais aussi de nos doutes, nous ne faisons pas seulement un geste d'ouverture vis-à-vis d'un groupe, ici scientifique, mais qui dans d'autres lieux peut être non spécialisé, nous exigeons du groupe auquel nous nous adressons une aide, une réponse »1033(*). Bien que peu de médecins aient la possibilité d'une telle réflexion collective, ces propos illustrent les interrogations qui parcourent alors les praticiens exerçant en prison. On comprend dès lors qu'il soit pour eux difficile d'accéder à une identité professionnelle homogène. Mal définie, soumise à de nombreuses ambiguïtés, la figure du médecin pénitentiaire est d'autre part fortement contestée au sein de l'espace public, rendant d'autant plus difficile la stabilisation d'une identité professionnelle et ainsi d'une spécialité médicale reconnue. * 928 « Médecins des prisons : 1ère partie », 1ère chaîne, 17/03/1976, 55 minutes, Archives INA. * 929 WILENSKY Harold, « The professionalisation of everyone », art.cit. * 930 Une semi-profession se définit comme un groupe présentant les critères distinctifs d'une profession de façon dégradée ou incomplète : une courte période de formation ; l'absence de monopole sur les critères de leur recrutement ; l'existence d'un code d'éthique mais vague et inconsistant ; des associations professionnelles inefficaces ou sans pouvoir (TOREN Nina, « Semi-professionalism and Social Work. A theoretical perspective » dans ETZIONI Amitai, The semi-professions and their organization : Teachers, Nurses, Social Workers, New York, Free Press, 1969, pp. 141-195) * 931 « Dijon, capitale de la médecine pénitentiaire », JT 20H, Antenne 2, 24/11/1978, Archives INA. * 932 PINATEL Jean, « La crise pénitentiaire », art.cit, p.14. * 933 GONIN Daniel, La santé incarcérée, op.cit., p.75. * 934 Annexe 20 : « Asclépios au service de Thémis ou la position controversée de Solange Troisier en matière de grèves de la faim ». * 935 FULLY Georges, « La grève de la faim en milieu carcéral », Cours de médecine pénitentiaire à la Faculté de médecine de Paris, cours n°29, 1968-1969, 10 pages (CAC. 19960136. Art.99 (Extraits). Dossier K 362). * 936 DAP, « Rapport général pour l'année 1964 », RPDP, 10-12 1965, p.521. * 937 DAP, « Rapport général pour l'année 1965 », RPDP, 10-12 1966, p.695. * 938 Cité dans SAINT PLANCAT C., « La médecine dans les prisons », Le concours médical, 29/01/1972, p.859. * 939 Cf. ARNAUD Claude, Organisation de la médecine pénitentiaire en France, thèse de médecine, Université de Lyon, 1976, p.30. * 940 DAP, Journées nationales de médecine pénitentiaire, op.cit, pp.5-6. * 941 « Rapport de l'Administration pénitentiaire pour l'année 1972 », RPDP, 10-12/1973, pp.645 et suiv. * 942 Cf. Encadré : « Un statut des médecins comme réponse à leur responsabilité médicale ». * 943 Pour répondre à la critique d'un morcellement des interventions qui ont lieu en détention, un décret du 12/09/1972 crée les Commissions d'application des peines qui réunissent une fois par semaine directeur, assistants sociaux, généralistes et psychiatres sous la présidence du Juge d'application des peines. Une loi du 29/09/1972 confère à ce dernier le pouvoir d'accorder la libération conditionnelle à tous les condamnés à une peine privative de liberté jusqu'à trois ans. * 944 ALOZY, « Attestation d'études relatives à la médecine pénitentiaire », art.cit., p.195. * 945 En effet plusieurs médecins semblent soucieux des relations établies avec le personnel de surveillance. Dans une thèse consacrée à la connaissance des surveillants de prison, un interne observe à partir d'entretiens conduits avec des gardiens de la M.A de Lyon l'« hostilité défensive » et le « complexe d'infériorité » ressenti à l'égard des personnels médico-sociaux. Afin que la prise en charge des détenus soit l'oeuvre d'une « équipe thérapeutique », il suggère la mise en place d'« un dialogue entre les divers personnels » ainsi que la valorisation du métier de surveillant (GROUZY Jean, Contribution à la connaissance de la surveillance des prisons. « Le complexe de la Pénitentiaire », thèse de médecine, Université de Lyon, 1971). * 946 DAP, Journées européennes de médecine pénitentiaire, op.cit., pp.66. * 947 GONIN Daniel, « L'exercice de la médecine en milieu pénitentiaire », art.cit., p.25 * 948 Il est néanmoins ressorti des entretiens une différence entre les psychiatres travaillant depuis les années soixante ou soixante-dix en prison, qui considèrent normal de participer à la CAP, et ceux ayant initié à partir des années quatre-vingt, plus réfractaires à cette mission car plus attachés à la notion de secret médical. * 949 SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.318. * 950 DAP, Deuxièmes journées européennes de médecine pénitentiaire, op.cit., p.82. * 951 POTTIEZ Serge, HIVERT Paul, « Le médecin pénitentiaire le secret professionnel », RPDP, 04/1977, p.218. * 952 LAURENT Geneviève, La Maison d'Arrêt de Besançon : son organisation, ses différents quartiers, thèse de criminologie, Paris 2, 1978, p.130. * 953 BUFFARD Simone, BARRAL DO Jean-Pierre, GONIN Daniel, « Le médecin en institution pénitentiaire », Médecine et hygiène, 42, 1559, 11/04/1984, pp.1198-1200. * 954 BUFFARD Simone, BROUSSOLE M., COLIN Marcel, COTTREAUX Jean, DUCOTTET François, GONIN Daniel, « L'équipe médico-psychologique en milieu pénitentiaire », art.cit, p.2399. * 955 « Les détenus punis doivent être visités par le médecin, si possible dès leur mise en cellule et en tous cas deux fois par semaine au moins. La punition est suspendue si le médecin constate que sa continuation est de nature à compromettre la santé du détenu » (Article D.168 du Code de procédure pénale). * 956 Un ancien détenu dénonce ainsi le rôle des médecins : « Pour subir ce régime particulier, il faut une soit-disant assistance médicale. Dans la réalité, c'est avec grande complaisance que le toubib déclare le détenu tout à fait apte à subir sa punition » (AGRET Roland, Et si vous saviez ! : la prison au quotidien, Paris, Plon, 1987, p.72). * 957 GONIN dans DAP, Premier congrès mondial de médecine pénitentiaire, op.cit., p.125. * 958 Ibidem. * 959 Bernard, médecin aux Baumettes de 1975 à 1985. Entretien réalisé le 22/02/2006, 2H20. * 960 Bruno, généraliste à la M.A de Besançon de 1969 à 1980. Entretien réalisé le 17/01/2006, 2H. * 961 « Les quartiers de haute sécurité fabriquent des fauves », Le Monde, 12/11/1977 ; « Grève de la faim de 685 détenus le 9 janvier contre le régime des quartiers haute sécurité », Le Monde, 11/01/1978 ; « Une remise en question des quartiers de sécurité renforcée (Q.S.R) », Le Monde, 10/05/1978 ; « Des femmes détenues à Fleury-Mérogis entament, le 7 Août, une grève de la faim pour protester contre les Q.S.R », Le Monde, 9/08/1978. * 962 Gilles, psychiatre à Fresnes de 1975 à 2002. Entretien réalisé le 20/01/2006, 2H40. * 963 Claude, généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991. Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10. * 964 Jérôme, généraliste puis médecin-chef aux Baumettes de 1979 à 1983. Entretien réalisé le 24/02/2006, 1H50. * 965 Claude, généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991. Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10. * 966 LAZARUS Antoine, « Le médecin pénitentiaire entre deux demandes », art.cit., p.70. * 967 Julien, infirmier à Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La Santé de 1977 à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de 1981 à 1987. Entretien réalisé le 16/01/2008. Durée : 3H. * 968 Bruno, généraliste à la M.A de Besançon de 1969 à 1980. Entretien réalisé le 17/01/2006, 2H. * 969 DEJOURS Christophe, « Réflexions sur les rôles respectifs de l'administration et de la médecine dans l'institution pénitentiaire », art.cit., p.18. * 970 « La médecine pénitentiaire », documentaire, 04/11/1965, ORTF, 68 minutes, archives de l'INA. * 971 Pierre Bellemare raconte dans Complots. Ils s'entendent pour tuer comment le Dr Petit a assisté le 11 mars 1963 à l'exécution de Bastin-Thiry, connu pour avoir dirigé l'attentat du Petit-Clamart en 1962. * 972 Julien, infirmier à Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La Santé de 1977 à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de 1981 à 1987. Entretien réalisé le 16/01/2008. Durée : 3H. * 973 DAP, Le service médical en milieu pénitentiaire, op.cit., p.57. * 974 L'article 85 du Code de déontologie médical stipule que « nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant pour un même malade ». * 975 DAP, Le service médical en milieu pénitentiaire, op.cit., p.43. * 976 Ibidem, p.31. * 977 DAP, Journées nationales de médecine pénitentiaire, op.cit., p.23. * 978 Ibidem, op.cit., p.46. * 979 DAP, Le service médical en milieu pénitentiaire, op.cit., p.43. * 980 BETHEMONT Vincent, L'exercice de la médecine générale à la maison d'arrêt Saint-Paul, thèse de médecine, université de Lyon, 1979, p.65. * 981 Une incapacité inférieure ou égale à huit jours détermine une contravention et envoie le détenu au tribunal de police, tandis qu'une durée supérieure classe l'infraction en délit et saisit la chambre correctionnelle. * 982 GONIN Daniel, La santé incarcérée, op.cit., p.74. * 983 « Journées de médecine pénitentiaire de Marseille », Instantanés criminologiques, n°12, 1971, p.41. * 984 Cf. Encadré : « Une prise de parole interne difficile : l'exemple des congrès médicaux ». * 985 « Journées européennes de médecine pénitentiaire », Instantanés criminologiques, n°18, 1972, p.20. * 986 DAP, Journées européennes de médecine pénitentiaire, op.cit., p.26. * 987 SPES, Bulletin d'information et de liaison, n°5, 02/1973, p.12-13. * 988 DAP, Journées européennes de médecine pénitentiaire, op.cit., p.69. * 989 « La médecine pénitentiaire : une démission complice », Actes, n°13-14, printemps 1977, pp.34-35. * 990 Cité dans LIVROZET Serge, Aujourd'hui, la prison, op.cit., pp.161-162. * 991 « Prisons. Une répression nouvelle : la camisole chimique », Libération, 6/02/1974. * 992 DAP, Deuxièmes journées européennes de médecine pénitentiaire, op.cit., p.102. * 993 Le programme prévoyait ainsi les interventions suivantes (avec les durées indiquées entre parenthèses) : le médecin-chef (5), le directeur (5) et la pharmacienne (35) de Fresnes, un criminologue (15), une gynécologue (15), une sage femme (10), un cardiologue (10), un odontologiste (15 min), le médecin-chef de Muret (15), le médecin-chef de La Santé (10 min). (Programme officiel du congrès de médecine pénitentiaire. CAC. 200010085. Art. 118 : archives d'Alain Peyrefitte, ministre de la Justice : Groupes de travail, séminaires, conseil supérieur de la magistrature, notes aux membres du cabinet, budget, audience, 1977-1981). * 994 DAP, Premier congrès mondial de médecine pénitentiaire, op.cit., p.286. , * 995 Ibidem, p.174. * 996 « Les psychiatres pénitentiaires s'interrogent sur les risques d'une normalisation "excessive" des détenus », Le Monde, 28/11/1978. * 997 TROISIER Solange, J'étais médecin des prisons. L'affaire des grâces médicales, op.cit., p.54. * 998 FULLY Georges, « La médecine pénitentiaire », art.cit., p.1992. * 999 GEUDET Bernard, « Le service médical en milieu pénitentiaire », RSCDPC, 177, n°1, p.144. * 1000 « Réussir le mariage de Thémis et d'Asclépios », Le Quotidien du Médecin, 26/11/1981. * 1001 Projet de discours du ministre pour le congrès de médecine pénitentiaire du 23/11/1978 annoté : trois pages. CAC. 200010085. Art. 111 : archives d'Alain Peyrefitte, ministre de la Justice). * 1002 Il fut reproché à des praticiens de délivrer des certificats de coups et blessures à des détenus ou leurs familles. * 1003 JACOMET, « Le rôle du Médecin Pénitentiaire vu par un magistrat », Attestation d'études relatives à la médecine pénitentiaire, année universitaire 1979-1980, faculté de médecine Lariboisière Saint-Louis, document ronéotype, 6 pages. * 1004 LALONDRELLE Joël, Travail de l'interne à la maison d'arrêt de la Santé, op.cit., p.46. * 1005 Cf. Annexe 20 : « Asclépios au service de Thémis ou la position controversée de Solange Troisier en matière de grèves de la faim ». * 1006 PONS MOUREOU Jean-Michel, La grève de la faim en milieu carcéral, thèse de médecine, sous la direction de Solange Troisier, Lariboisière saint Louis, 1988. * 1007 Un long débat divise la médecine pour savoir dans quelle mesure une grève de la faim peut-être considérée comme « pathologique », assimilable ainsi à une tentative de suicide. Tout en considérant qu'il s'agit à l'origine d'une attitude rationnelle à l'origine, thèse largement admise depuis les années soixante-dix, ce médecin en souligne les évolutions pathologiques possibles. * 1008 Ibidem., pp.51-52. * 1009 Cf. Annexe 21 : « Entre opportunisme et adhésion idéologique, la justification de la médecine pénitentiaire par un interne ». * 1010 Note du Médecin-inspecteur au Bureau des personnels datée du 29/07/1982 (CAC. 19940511. Art. 96). * 1011 Note de Solange Troisier à Monsieur Besson datée du 11/10/1982 (CAC.19940511. Art 87). * 1012 Lettre de Solange Troisier au DAP au sujet du médecin-chef de la M.A de Nice datée du 4/03/1975 (CAC. 19830701. Art.481). * 1013 Rapport du directeur de la M.A de Nice au DAP datée du 30/10/1973 (CAC. 19830701. Art.481). * 1014 Lettre de Solange Troisier au DAP datée du 19/02/1974 (CAC. 19830701. Art.481). * 1015 Lettre de Solange Troisier à Melle Lalle, chef du Bureau des personnels, datée du 18/12/1975 (CAC. 19830701. Art.481). * 1016 Jacques, magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30. * 1017 Bien que toutes les archives du service de l'inspection médicale aient disparues à notre connaissance, deux rapports de visite ont été retrouvés dans les dossiers de carrière des médecins officiant dans ces établissements. * 1018 Compte rendu de visite de Solange Troisier de la M.A de Bonneville daté du 17/05/1974, 4 pages (CAC. 19940511. Art.92). * 1019 Compte rendu de visite de Solange Troisier de la M.C de Clairvaux daté du 17/12/1973, 5 pages (CAC. 19940511. Art.97). * 1020 Lettre de Solange Troisier à M. Bonny datée du 25/12/1974 (CAC. 19830701. Art.481). * 1021 Lettre de Yvonne Lalle à Solange Troisier datée du 29/01/1975 (CAC. 19830701. Art.481). * 1022 Lettre de Solange Troisier à Yvonne Lalle datée du 9/03/1976 (CAC.19830701. Art.481) * 1023 Lettre de Solange Troisier à Yvonne Lalle datée du 9/05/1976 (CAC.19830701. Art.481) * 1024 Lettre de Yvonne Lalle à Solange Troisier datée du 13/08/1976 (CAC.19830701. Art.481) * 1025 Lettre de Solange Troisier à M. Erbes datée du 22/09/1976 (CAC.19830701. Art.481). * 1026 En témoigne l'assimilation des médecins, faite par Solange Troisier, à la « grande famille pénitentiaire » ou l'expression fréquemment utilisée par elle de « nous, Administration pénitentiaire ». * 1027 Un directeur d'établissement pénitentiaire demande par exemple à un praticien de constituer « des dossiers de personnalité pour les détenus », ces derniers présentant selon lui une « grande valeur » « notamment pour la commission d'application des peines ou en cas de crise grave (j'ai personnellement vécu une prise d'otage où grâce à l'analyse antérieure du médecin, des décisions graves ont pu être prises) » (Lettre du 21/11/1983 du directeur au médecin généraliste d'un Centre de détention. CAC. 19950511. Art.89). * 1028 SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.320. * 1029 Le cours du sous-directeur pénitentiaire est cité en premier tandis que les lettres renvoient aux annotations de l'interne (Ibidem, p.93 et suiv.). * 1030 Cf. Annexe 22 : « De la curiosité à la révolte, parcours d'un interne lyonnais ». * 1031 Cf. Chapitre 1 - Section 1-2 : « De la revendication du droit à la mobilisation des professionnels de la prison ». * 1032 BUFFARD Simone, BARRAL DO Jean-Pierre, GONIN Daniel, « Le médecin en institution pénitentiaire », Médecine et hygiène, 42, 1559, 11/04/1984, p.1202. * 1033 GONIN Daniel, BUFFARD Simone, « Aptitude à la détention », texte remis par Simone Buffard, pp.150-151. |
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