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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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2. Une spécialisation sous contraintes : la politisation de la critique de la médecine pénitentiaire et de son Inspecteur

Journaliste : « Il faut que les détenus informent massivement l'extérieur de la répression et du scandale quotidien, il faut que les familles des prisonniers s'organisent, il faut continuer le travail du GIP puis du C.A.P maintenant et en cela la presse, et Libération en particulier, a un rôle à jouer. Il faut prendre d'assaut les bastilles et soumettre chaque prison au contrôle permanent de tous »1034(*).

Tandis que la contestation de l'organisation des soins en prison était durant le début des années soixante-dix essentiellement l'oeuvre de militants de la cause carcérale, elle devient peu à peu le fait de journalistes-militants. Libération joue ici un rôle clef, publiant plusieurs témoignages de détenus1035(*). Est tout d'abord fréquemment soulignée l'insuffisance des soins dont souffriraient certains malades1036(*). C'est par exemple le cas d'un prisonnier de La Santé qui avait été passé à tabac par des surveillants pour s'être plaint d'une rage de dents1037(*). Outre une fonction de relais, le journal se fait parfois porte-parole, effectuant des revendications au nom d'un prisonnier. Zina Rouabah, l'une des fondatrices de Libération1038(*), expose par exemple le cas d'un détenu l'ayant contacté et dont le juge aurait refusé, malgré sa maladie, l'hospitalisation1039(*). Afin d'accélérer son traitement, Libération envoie plusieurs courriers aux autorités judiciaires et pénitentiaires, notamment au Médecin-inspecteur : « Malade de la colonne vertébrale, vous le laissez tous devenir infirme dans sa cellule. Pas un de vous n'a bougé, ni M. le ministre de la Justice, Taittinger, ni Troisier, directrice de la médecine pénitentiaire [...] Tout le monde parle du dévouement des infirmières dans les prisons et l'un de vos détenus du bloc B a porté plainte contre l'une d'entre elle pour incompétence et cela en présence de gradés »1040(*).

Par le biais de sa propre brochure, le C.A.P souligne, dans une enquête consacrée à la prise en charge médicale à Fleury-Mérogis, les nombreuses difficultés pour accéder à la consultation médicale, en particulier la nuit où le surveillant serait le seul interlocuteur du malade : « Le brigadier bien escorté [...] arrive dans la cellule avec un flacon de pilule que l'interne aurait prescrit de son bureau sans avoir visité le malade, sans l'avoir entendu décrire les symptômes de son mal. Le détenu n'a pas le choix. Si en raison de son mal il insiste pour voir l'interne, il n'a qu'une seule solution : s'automutiler pour l'obliger à se déplacer »1041(*). La question des soins en prison est surtout mise à l'index à l'occasion de morts jugées suspectes par les opposants à la prison ainsi que par certaines familles de détenus. Le Monde fait ainsi état des soupçons du C.A.P sur la mort d'un détenu des prisons de Lyon. Bien qu'officiellement ce décès soit lié à un arrêt cardiaque, l'association y voit une « insuffisance de soins », notamment du fait que les plaintes du détenu n'auraient pas été prises au sérieux1042(*). A l'occasion du décès d'un autre détenu dans les mêmes circonstances à Lyon, le C.A.P dénonce le rôle exagéré parfois accordé aux surveillants-auxiliaires de santé1043(*) (Journal des prisonniers, 04/1977). En mars 1976, la mort d'un prévenu suite à une grève de la faim menée par intermittence depuis dix mois fait les titres de la presse :

« Un homme est mort derrière les hauts murs, d'une mort concentrationnaire. Il est mort de la prison [...] Seule l'administration pénitentiaire savait. Chaque jour, elle recevait un rapport, sur cet homme qui mourrait un peu plus, pour vivre, pour respirer, pour avoir le droit de parler à un autre homme [...] Grandvillemain gueulait et tout le monde s'en foutait : son juge, les gardiens, les médecins qui le laissaient crever... » (« Mourir en prison », Libération, 26/03/1976).

Presque à chaque reprise, les dénonciations, notamment lorsqu'elles émanent de détenus ou d'opposants à la prison, n'épargnent pas les praticiens auxquels est reproché le manque de considération avec lequel ils traiteraient les détenus. Une femme incarcérée à Rouen incrimine ainsi dans une lettre à Libération l'« attitude hautaine » d'un médecin : « Lorsque vous entrez dans son cabinet, vous dites et c'est normal [...] "Bonjour Monsieur". Là, afin de vous faire sentir la distance entre vous et lui, ce monsieur ne daigne pas répondre, ni même lever les yeux sur votre personne et continue de converser avec l'infirmière comme si vous n'existiez pas. Par contre lors de ma première visite médicale ultra-rapide il n'a pas oublié de me demander les motifs de mon incarcération ! (aucun rapport avec la médecine, je pense) »1044(*). Le C.A.P de Fleury-Mérogis met en cause le professionnalisme du dermatologue de l'établissement accusé de « traiter les détenus comme des chiens [...] sans doute pour se distraire et libérer ses instincts vengeurs ». Le récit d'une consultation en témoignerait :

« Monsieur le dermatologue, confortablement installé derrière son bureau écoute le détenu lui expliquer qu'il perd ses cheveux et qu'il a beaucoup de pellicules Il demande au dermatologue de lui prescrire un shampoing ou une lotion permettant d'éliminer les pellicules et un traitement à base de cachets ou de piqûres pour la chute des cheveux. Ce savant spécialiste, sans bouger de son siège, sans regarder le cuir chevelu, déclare tout net : "alopécie héréditaire". Le détenu s'étonne : "Mais vous ne connaissez pas ma famille !" (à noter que sur la fiche de visite, le dermatologue remplacera héréditaire par masculine, c'est dire le sérieux des paroles de ce spécialiste). Et le dermatologue poursuit : "Vous avez suffisamment de produits en cantine extérieure pour le soin des cheveux, cela doit suffire à vous soigner1045(*)". Le détenu lui demande alors de lui donner le nom d'un de ces produits adapté à son cas. Et le dermatologue a alors cette réponse stupéfiante : "Vous vous croyez dans un institut de beauté ! Si chacun demandait son petit produit personnel, où irait-on ? » (Journal des prisonniers, n°38, 07/1976).

Cet exemple rappelle que beaucoup de praticiens sont accusés de davantage endosser un rôle pénitentiaire que médical. Un ancien détenu accuse ainsi certains médecins de punir les patients en cas de « consultation non motivée » ou de limiter certaines prescriptions, notamment de vitamine C : « Notons en prison la mise à l'index officieuse de certains médicaments considérés par l'administration comme des excitants et qu'une partie des médecins, par complaisance envers la pénitentiaire, n'hésitent pas dans de nombreux cas à écarter de leurs prescriptions »1046(*). Parfois, enfin, les personnels de santé sont décrits, notamment ici par un détenu de Fleury-Mérogis, comme les agents punitifs du système pénitentiaire, du fait des multiples brimades que leur position leur permettait d'infliger1047(*) :

« Ce service est dirigé par une infirmière qui aurait facilement trouvé du travail pendant la dernière guerre mondiale car elle aurait à coup sûr fait partie des services médicaux qui se livraient à de si nombreuses "expériences" sur des cobayes humains dans les camps de concentration nazis. Ici même, elle essaie par tous les moyens possibles et inimaginables de porter préjudice aux détenus [...] Si vous descendez en promenade, on ne vous appellera pas, et vous n'aurez pas droit aux soins (ainsi en a décidé l'infirmière). Ensuite, si vous souffrez et que vous demandez à voir le docteur, elle vous répondra oui, mais ne vous inscrira pas [...] C'est du sadisme pur et simple. Si vous avez l'audace d'écrire au docteur, elle jettera votre lettre à la poubelle comme elle fait avec 60% du courrier adressé au service médical [...] Elle s'arrangera également pour oublier de faire préparer votre traitement pendant une journée et dira ensuite que vous l'avez refusé et vous le fera supprimer » (Journal des prisonniers, 09/1977).

Outre sa connivence, voire sa complicité, avec l'Administration pénitentiaire, le personnel médical intervenant en prison est également critiqué pour son incompétence. La réputation de certains médecins à cataloguer les détenus comme simulateurs est ainsi interprétée, comme ici dans une lettre d'un détenu de la M.A de Chartes, comme un manque de professionnalisme, voire d'incompétence :

« Il y avait en ville un célèbre médecin inconnu de tous sauf à la prison 4 étoiles. Il ne devait pas avoir beaucoup de clientèle [...] Il était incapable de voir une maladie ou ne veut pas la voir ! Car il crie de partout à la simulation... Alors arriva ce que devra arriver. Un jour de l'hiver 75, je crois un jeune homme [...] a eu le toupet, le salaud, d'être malade. Une crise violente le prend en pleine nuit [...] Le docteur sans doute furieux d'être réveillé la nuit avec la gueule de bois de la veille, l'ausculte et ne trouve rien ! Il crie à qui veut l'entendre : "Ce garçon est un simulateur, il est en parfaite santé !". Le pauvre Caillau reste ainsi pendant trois longs jours à souffrir comme il n'est pas possible. Enfin, le quatrième jour, décuité sans doute, il le fait transporter en hélico à l'hôpital de Fresnes. Roger Caillau, 26 ans, en prison pour un cambriolage minable, traînant derrière lui sa misère sans famille, meurt quelques jours après sur la table d'opération... Il avait été relaxé la veille, de son affaire » (Journal des prisonniers, n°47, 06/1977).

Les erreurs médicales rapportées par des détenus alimentent l'image d'une « sous-médecine ». Un courrier envoyé par un prisonnier au sujet d'un de ses codétenus, « aux mains de la médecine de prison », fait état du manque de sérieux de la prise en charge médicale : « Le jour où il a eu la malencontreuse idée de tomber malade, après quelques hésitations, on le place en observation, sans analyse, avec seulement quelques médicaments pris au hasard dans la panoplie du parfait médecin de prison [...] D'observation en observation, mais toujours sans analyse sérieuse, [il] est finalement pris en main par un chirurgien qui, d'entrée de jeu (sans même s'être assuré au préalable d'une biopsie), l'ampute d'une testicule. Et on le renvoie prestement à Poissy, afin qu'il continue tranquillement à pisser du sang. Par la suite, l'inutilité d'une telle opération sera confirmée par le fait que son état ne cessera de se détériorer »1048(*).

Ces propos rappellent que, peut-être en raison de sa technicité mais aussi de son côté spectaculaire, la chirurgie pénitentiaire est présentée comme un symbole de l'incompétence du corps médical pénitentiaire1049(*). Prolongeant une lettre adressée par les détenus de Fresnes, Libération remarque que « les hôpitaux des prisons de Fresnes se distinguent par leurs taux considérables d'"accidents" opératoires et post-opératoires », avant d'ajouter que « ces services médicaux et chirurgicaux pratiquent sur les détenus-patients une chirurgie de "stage" (chirurgiens stagiaires), bref, une chirurgie expérimentale à la façon des "travaux pratiques" ou "travaux dirigés" universitaires ou scolaires »1050(*). Rouge présente le cas d'un membre du Front révolutionnaire internationaliste (FRI) paralysé de la main droite, suite à une opération faite à Fresnes, et ne pouvant bénéficier d'une rééducation faute de structures adéquates : « Mis au parfum par sa première opération, Bernard refuse catégoriquement que les chirurgiens de la "maison" s'occupent de lui. Comme cobaye entre les mains de stagiaires dont le Pr Petit est censé être la garantie, il a eu sa dose, et il est sans illusions sur ce qui se passerait en cas de nouveau désastre opératoire ou post-opératoire »1051(*).

Ainsi, les petites infirmeries de M.A, mal dotées en personnel, ne sont pas les seules à faire l'objet de critiques. Même les établissements à caractère médical, présentés par Solange Troisier comme le signe d'une médecine pénitentiaire moderne, sont contestés. Le Monde présente ainsi le CD de Liancourt, servant auparavant de sanatorium, comme un « mouroir » où les détenus « subissent ainsi un double renfermement et se trouvent doublement condamnés » (LM, 19/02/1977). Un ancien détenu condamne la façon dont les malades sont traités à la prison d'Haguenau spécialisée dans le traitement des pathologies psychiatriques : « Pour une prison "médicale", on y est très mal soigné quand on est malade mais, par contre, on y est systématiquement et obligatoirement gavé de barbituriques et neuroleptiques bien que la plupart des détenus n'en aient pas besoin » (Journal des prisonniers, 09/1973). L'Hôpital de Fresnes, présenté par le ministère de la Justice, comme le fleuron de la médecine pénitentiaire est au centre des critiques, notamment par le biais de détenus témoignant de leur séjour :

« Je quittais un caveau, pensant découvrir un paradis et je ne trouvais qu'une tombe. Je croyais découvrir des humains, je n'ai vu que des bêtes [...] Les pansements ? La plupart du temps vous les faites vous-même [...] Les piqûres ? Je ne sais pas où elles [les infirmières] ont appris à les faire, mais elles sont passées maître dans l'art de vous transformer en pelote d'épingles » (Journal des prisonniers, 06/1973).

« Ici, à l'hôpital central des prisons de France, elles [les infirmières] sont des complices de l'infâme machine judiciaire, insensibles au sort des prisonniers, partisanes du moindre effort mais soucieuses de toucher leur prime de fin d'année. Si un jour quelqu'un a dit que l'hôpital central était un paradis1052(*), il l'est. Mais assurément pour les blouses blanches ». (Journal des prisonniers, 12/1978).

La critique de la médecine pénitentiaire apparaît très politisée. En atteste notamment le rôle joué par Libération. Constitué à l'origine de personnes ayant parfois été elles-mêmes incarcérées, le quotidien de Serge July accorde beaucoup d'importance à la question des prisons en relayant notamment les revendications des détenus. En recourant au registre de la « scandalisation », Libération tente de transformer chaque « fait divers » en un « scandale » mettant en cause la médecine pénitentiaire, voire l'institution carcérale dans son ensemble1053(*). Toute information délivrée par l'institution pénitentiaire est traitée avec défiance, parfois sur le mode de la dérision. En atteste la description qui est faite d'un rapport sanitaire sur les prisons publié en 1977 : « Les résultats lui apparaissent "relativement satisfaisants" si ce n'est un point noir dans le graphique : les détenus ne sont en général atteints d'aucune maladie grave. Mais dans l'ensemble, il suffirait, en guise d'ouverture, de laisser aller les choses et les gangrènes de toutes sortes [...] A la lumière de ce rapport "satisfaisant", l'Administration pénitentiaire n'a plus pour résoudre ses problèmes de logement [surpopulation] qu'à fermer les portes de ses maisons closes et attendre l'élimination naturelle » (Libération, 16/08/1977).

Dans le cadre de ce travail de « scandalisation », le quotidien est parfois amené à exagérer la portée des témoignages des praticiens sollicités. Dans un article intitulé « la médecine carcérale en accusation », une journaliste présente, après avoir rappelée deux morts jugées suspectes aux Baumettes, le témoignage d'un médecin pénitentiaire démissionnaire dont les propos contrastent avec la tonalité accusatrice de l'article1054(*). Le praticien ne soulève en effet à aucun moment les défauts de l'organisation des soins mais souligne plutôt l'ampleur des « pathologies carcérales ». Signe de la spécificité d'une médecine des prisons pour le corps médical travaillant en milieu pénitentiaire, les « maladies carcérales » deviennent pour la journaliste un argument supplémentaire dans la critique des prisons, décrites comme « pathogènes ». Enfin, tandis que le titre de l'article ainsi que sa tonalité pourraient laisser croire que le départ de ce praticien est lié aux mauvaises conditions d'incarcération, on apprend dans le dernier paragraphe que c'est après avoir été pris en otage par deux détenus qu'il a décidé de démissionner.

Fortement politisé, le Médecin-inspecteur contribue à exacerber la critique de la médecine pénitentiaire qu'elle incarne. Ancienne députée gaulliste proche du pouvoir en place, Solange Troisier est fortement décriée par la gauche pour ses prises de position qualifiées de « conservatrices ». Déjà en 1971, elle signait en tant que gynécologue et présidente de l'Ordre national des sages-femmes une tribune où elle prenait position contre le projet de loi visant à légaliser l'avortement. Très critique sur la loi Neuwirth et la « libération de la femme » qu'elle était censée permettre, elle y condamnait l'idée d'avortement non-thérapeutique dont elle soulignait le « caractère meurtrier », refusant ainsi que « l'intervention du gynécologue ne devienne [...] exclusivement vétérinaire »1055(*). Peu de temps avant sa nomination, elle fit en tant que députée une intervention très critique sur l'avortement1056(*). En tant que Médecin-inspecteur, Solange Troisier endosse un rôle conservateur, en se déclarant par exemple favorable à toute privation sexuelle des détenus : « Je pense que la privation de liberté comporte encore cet ordre de châtiment. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu des délits, des viols qui ont entraîné une condamnation. Il n'est pas possible d'envisager une vie sexuelle normale pour ces sujets »1057(*). Elle est en outre opposée à la politique de libéralisation engagée par le président de la République : « En 1974, après les mutineries des prisons, on a voulu céder sur toutes les revendications des mutins [...] Le président Giscard d'Estaing et son secrétaire d'Etat [...] ont voulu tout libéraliser, l'amour, les permissions, l'application de la peine »1058(*). Solange Troisier est également très critiquée parmi les féministes pour ses propos en tant que présidente du Conseil national des femmes françaises, comme ici lors du Huitième congrès international de criminologie : « Il faut que les filles aient une attitude plus décente et moins aguichante. Et je crois qu'il y aurait alors moins de viols » (LM, 13/09/1978).

Le Médecin-inspecteur est d'autre part souvent accusé d'être du côté de l'Administration pénitentiaire, notamment du fait de sa description des prisons françaises. Lors d'un débat au Grand Orient de France, elle évoque ainsi la « qualité de nos prisons » avant d'ajouter que « les anciens détenus qui sont ici savent qu'il existe vraiment dans certaines prisons une atmosphère familiale », suscitant alors un « tollé général » dans la salle (LM, 26-27/01/1975). En 1974, le journaliste Jacques Chancel s'étonne de son déni des révoltes de détenus qui ont alors lieu en France :

J. Chancel : « Comment réagit le Médecin-inspecteur de l'Administration pénitentiaire quand, on le voit, on l'écrit même dans les journaux, il y a des révoltes, il y a des suicides ?»

S. Troisier : « Ça c'est une polémique ! C'est une polémique faite par des gens qui ne sont pas au courant... »

J. Chancel : « Mais les révoltes existent, quand même ! »

S. Troisier : « Oui les révoltes existent mais elles sont peut-être majorées, majorées par des détenus. Vous savez qu'il existe des espèces de syndicat d'anciens détenus qui essayent d'attirer l'attention des pouvoirs publics. Le problème il est très simple, si vous voulez... Il faut se dire une chose, c'est que ce sont quand même des détenus qui doivent assumer leur peine, qui doivent assumer leur détention ! Je ne veux pas qu'un truand ou qu'un grand proxénète puisse influencer la Justice ! »1059(*)

Les prises de position du Médecin-inspecteur en matière de grèves de la faim sont également fortement contestées1060(*). En 1976, Solange Troisier est accusée d'avoir hospitalisé et alimenté de force un gréviste de la faim, Rolland Agret. Ses propos provoquent la réprobation du journaliste l'interviewant :

S. Troisier : « Son état est bon. Et il n'y pas d'anomalie. Du point de vue pratique, biologiquement, il est équilibré. Cet équilibre a été maintenu grâce aux perfusions. Et je tiens tout de suite à vous rassurer. Il a accepté ses perfusions. On ne l'a absolument pas obligé de le faire... »

Journaliste [vive réaction] : « On ne peut quand même pas dire qu'après trente jours de grève de la faim, il est en pleine forme ! »

S. Troisier : « Non, il n'est absolument pas en pleine forme ! Il est extrêmement fragile ! C'est un équilibre qui est extrêmement fragile et qui peut se détériorer »1061(*)

Mais ce sont surtout les propos que Solange Troisier tint sur Patrick Henry et plus généralement sur la peine de mort qui furent l'objet d'une violente polémique1062(*). Elle aurait déclaré au cours d'une conférence de presse en novembre 1977 que Patrick Henry, condamné à perpétuité, était « un être dangereux, vicieux, diabolique [...] S'il sort de prison, il recommencera, j'en suis persuadée »1063(*). Pour justifier de l'utilité de la peine de mort, elle précisa qu'« actuellement, il est en train de se faire refaire toute la dentition aux frais de l'administration c'est-à-dire du contribuable »1064(*). Tandis que Libération lui reproche d'avoir enfreint le secret médical, un journaliste du Monde remarque que « l'assurance quant à la récidive est digne du café du Commerce, pas de la place Vendôme »1065(*). A cette occasion, un groupe de sous-directeurs de Fleury-Mérogis ainsi que de l'ENAP adressa une lettre au garde des Sceaux lui demandant de réagir face à ces propos « démagogiques et irresponsables » allant à l'encontre de l'esprit de la réforme de 19751066(*).

Perçu comme le garant de valeurs traditionnelles, le Médecin-inspecteur souffre au sein des médias, notamment de gauche, d'une mauvaise réputation : « Solange Troisier aime les croisades menées au nom de l'ordre moral : elle se bat contre l'avortement mais pour l'information sexuelle et l'éducation familiale ; elle s'oppose à l'abolition de la peine de mort et mène une lutte contre l'alcoolisme » (Le Nouvel Observateur, 26/03/1983). La politisation du Médecin-inspecteur, considérée comme proche d'Alain Peyrefitte, explique que la critique de la médecine pénitentiaire se soit fortement cristallisée autour de celle qui la personnalise. Le Journal du C.A.P publie notamment plusieurs témoignages de détenus où la dénonciation de la médecine pénitentiaire et de son Médecin-inspecteur apparaissent inextricablement liées :

« Allez vous en ! Laissez votre place à un vrai médecin, à un homme ou une femme qui se fout de la politique, que seule la mission de guérisseur des souffrances humaines compte avant toutes autres, qu'elles soient ressenties par les bourgeois et par les détenus » (n°37, 06/1976)

« Rappelez lui le serment d'Hippocrate qu'elle a prononcé avant d'être reçue docteur en médecine, demandez lui si ce qu'elle a juré alors se conforme avec l'exercice de la médecine pénitentiaire. Exigez que cela change, n'acceptez plus qu'il existe une médecine pénitentiaire différente de la médecine humaine » (n°48, 07-08/1977).

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En dépit des efforts réalisés par Solange Troisier dans la spécialisation de l'activité médicale en prison, l'identité de « médecin pénitentiaire » peine à se stabiliser. Le faible nombre de médecins faisant figurer sur leur ordonnance le certificat de médecine pénitentiaire traduit la difficile identification des praticiens à leur activité en milieu carcéral1067(*). Si le statut de « médecin pénitentiaire » demeure peu assumé, c'est probablement parce que cette activité est trop controversée pour qu'il soit possible de s'y identifier. Les protestations exprimées par plusieurs généralistes à l'égard de leur hiérarchie témoignent également de cette fragilité de la profession de médecin pénitentiaire. « Tel Saint Vincent de Paul visitant les galériens, certains médecins sont motivés, il est rare d'enregistrer une démission ou une récrimination », se félicite le Médecin-inspecteur1068(*).

Pourtant les démissions sont nombreuses. C'est le cas d'un médecin de la M.A de Brive qui témoigne au Monde de son découragement au bout de douze années de travail : « Depuis, quatre ou cinq ans, la situation dans cet établissement n'a cessé de se dégrader et je l'ai signalé à plusieurs reprises aux autorités » (LM, 12/05/1975). La difficulté pour les praticiens à contester les contraintes carcérales, qui s'exposent dans ce cas au risque de licenciement (Cf. Encadré), favorise les prises de parole externes. TF1 diffuse en 1976 un documentaire en deux parties à une heure de grande écoute abordant de façon très critique le rôle des médecins en détention. Dans le premier volet, on y voit longuement un interne de l'Hôpital de Fresnes questionnant la prescription de psychotropes ou l'ambiguïté de sa position. Dans le second figure une interview d'Antoine Lazarus, médecin à Fleury-Mérogis questionnant la raison d'être du praticien en détention :

Journaliste : « En définitive quel est le pouvoir du médecin ? »

Antoine Lazarus : « Je crois qu'il est considérable le pouvoir du médecin mais que tout dépend de ce qu'il en fait. On peut pratiquement tout interdire. Quand je dis pratiquement tout interdire... Disons on peut suspendre une punition, on peut modifier un régime, on peut faire que quelqu'un ait du travail ou qu'il soit placé seul en cellule. Dans la vie de tous les jours d'un détenu, on est relativement influent. Sur l'extérieur dans une certaine mesure également, on peut appeler le juge. C'est donc un pouvoir d'intervention. En gros, c'est un pouvoir de veto qu'on a... Sur le fait de construire quelque chose, de modifier la structure, pratiquement aucun [silence] D'ou vient ce pouvoir ? Ce pouvoir ne nous est pas donné gratuitement. Ce pouvoir nous est donné parce qu'on sert de parapluie. Dans un système où peut se passer en permanence un certain nombre d'incidents, le responsable de l'incident est quelque chose de très précieux. Dans la mesure où le médecin vient endosser ce rôle de responsable, il est évident que le médecin est très prisé. Ceci dit n'être qu'un parapluie, ça limite considérablement le pouvoir [...] On est des espèces d'intendants à empêcher de se suicider, d'intendants à faire survivre les gens. On doit en principe les rendre vivants à la sortie. On ne sert qu'à ça. Et si on essaye de faire autre chose, si on essaye de parler de l'insertion des détenus, éventuellement de l'intérêt des victimes, on n'a plus aucun pouvoir. On ne sert qu'à empêcher les détenus de mourir ! Point final »1069(*).

Ce documentaire provoque une vive colère au sein de l'Administration pénitentiaire, comme le rapporte Actes : « Cette émission n'avait pas assez donné la parole à la hiérarchie et trop aux praticiens, c'est-à-dire aux internes. Quelle ironie d'imaginer les médecins hiérarques administratifs s'installant devant le poste pour se regarder (ils avaient été interviewés) et ne se voyant pas. A la place apparaissent des interrogations sur le rôle médical, l'idée que cette fonction ne peut être naïve et qu'elle est politique »1070(*). Tandis que Solange Troisier dénonce un « manquement au code de déontologie sur le secret médical » dans une émission qui, selon elle, ne présentait aucun caractère « médical » mais seulement « politique » (QDM, 30/3/1976), le ministère de la Justice décide de révoquer, officiellement par analogie avec les hôpitaux publics, tous les internes pénitentiaires en place depuis plus de quatre ans1071(*). Ainsi, loin de constituer une profession stable et homogène, la médecine pénitentiaire apparaît divisée, contestée et fragile.

S'ADAPTER OU RÉSISTER : L'ÉVICTION D'UN PRATICIEN RÉCALCITRANT

La trajectoire de Bruno, retracée à l'aide d'un travail de thèse où il est fait mention de lui mais surtout à l'aide d'un entretien, permet de rendre compte de la façon dont certains praticiens vivent les ambiguïtés de leur mission1072(*). A son retour du Maroc, où il avait travaillé dans le cadre d'un plan de lutte contre la tuberculose, Bruno s'installe à Besançon en 1969. « Un peu idéaliste », il souhaite mettre en place un cabinet de médecine de groupe où moyens et revenus seraient partagés entre les différents praticiens. Il s'installe avec deux amis et remplace alors le médecin de la M.A partant en retraite. Il est, dès le début de son exercice, choqué par ce qu'il découvre : « J'étais jeune et plein d'idéal et ce qui me choquait le plus, c'étaient un peu les exigences du monde carcéral [...] De temps en temps, je trouvais que c'était pas trop juste ce qui leur était proposé comme punition. On faisait tout pour rester à peu près neutre et en même temps le plus humain possible quoi... J'ai pas toujours très bien su... J'étais plutôt du côté du détenu et ça n'a pas toujours facilité les choses. Ça m'a été reproché... ». Seul médecin généraliste de l'établissement, où interviennent une infirmière et une psychiatre, il souffre de l'absence de contacts malgré les enseignements du certificat de médecine pénitentiaire qu'il suit à Paris. Il se heurte fréquemment au personnel de surveillance qui le soupçonne d'« être pour les détenus... ». Il reconnaît avoir à plusieurs reprises pris le parti de prisonniers face à l'Administration : « Pour moi le détenu, c'était un peu celui qu'il fallait défendre. J'avais ce côté un peu boy-scout ! ».

Bruno est néanmoins obligé de s'adapter à certaines contraintes pénitentiaires auxquelles il est pourtant défavorable. Après avoir refusé pendant un temps, il se voit contraint de rédiger des certificats d'aptitude à l'isolement. Il développe alors une stratégie d'évitement en inscrivant sur le certificat « Vu pour information », comme le souligne un étudiant ayant effectué un stage à la M.A de Besançon dans le cadre de sa thèse de criminologie : « Mais une telle mention gêne beaucoup l'Administration. De toute façon, le médecin essaie toujours de reculer le plus possible le moment de signer. Il ne va pas voir lui-même les détenus qui sont punis de mitard ; il y envoie l'infirmière, de façon à savoir comment se porte le puni. Mais il ne veut pas que sa visite, de sa propre initiative, rende le mitard plus supportable »1073(*). Bruno vit également difficilement les demandes du personnel de placer certains détenus sous calmants, notamment en cas de crise : « Des fois, on m'appelait en urgence pour des gens comme ça... Des gens super excités qu'il fallait calmer... Comme dans le domaine de l'agitation en ville... J'ai refusé une ou deux fois de seringuer. Ça a été mal vécu ça, parce que c'était le refus du médecin d'intervenir. C'était l'occasion d'un rapport quoi ! ». Bruno vit alors mal l'ambiguïté à laquelle il se trouve confronté. Les observations réalisées en 1977 à la M.A de Besançon confirment le désarroi ressenti par ce praticien :

« Le médecin avoue se sentir pris au piège. Si un homme, poussé à bout, se tape la tête contre les murs, il ne peut le laisser faire. Tout en sachant très bien que c'est à cause de la situation carcérale que cet homme en est là, il essaie de l'empêcher de continuer... et parfois, le seul moyen d'y parvenir c'est la piqûre calmante. Evidemment, le médecin joue alors le jeu de l'Administration ; mais il n'a aucune autre solution. Chaque fois, il essaie de discuter avec le détenu avant d'en arriver à la piqûre, et il ne se fait pas accompagner de surveillants prêts à maîtriser l'homme en colère »1074(*).

Bruno tente de trouver des alternatives, en hospitalisant par exemple les détenus les plus usés afin de leur offrir une période de repos. Mais « on lui a très vite mis des bâtons dans les roues et il n'a pu continuer à demander des hospitalisations pour des causes semblables »1075(*). Les surveillants lui reprochent d'être « idéaliste » ou « crédule » et la direction, avec laquelle il entretient des rapports difficiles, espère qu'il changera d'attitude. Mais c'est l'inverse qui se produit. Au fil du temps, Bruno supporte moins bien les contraintes pénitentiaires qu'il remet toujours plus en cause : « Moi, j'ai appris ce qu'était une prison en suivant un diplôme de médecine pénitentiaire. Donc j'étais un peu endoctriné... un peu dans un moule quoi et puis après je me suis dis : "Mais attends voir ! C'est pas possible... C'est pas eux qui vont te dire ce qui est bon pour le patient !" ». Il refuse en 1975 à l'occasion d'un mouvement collectif de dissuader les grévistes de la faim comme le lui demande l'Administration1076(*). Il écrit plusieurs courriers à Solange Troisier pour protester contre les QHS qu'il considère « inadmissibles ». La pratique de la dilution qu'il acceptait jusque-là lui apparaît de plus en plus absurde et il décide d'y contrevenir1077(*) : « J'avais demandé pour certains médicaments, qu'on les laisse aux détenus pour qu'ils les prennent quand ils en ont besoin... Ça a été mal perçu. On me l'a pas mal reproché [...] C'est pour des tas de petits détails comme ça, que j'étais emmerdant ».

Mais surtout Bruno accepte de témoigner en faveur d'un détenu lors de son procès au cours duquel il décrit ses conditions de détention. Son témoignage est publié par le C.A.P : « La sécurité et la "mesrinophobie" ont amené l'administration pénitentiaire sur la pente de la négation de l'humain. Dans ce contexte, le médecin comme le visiteur a un pouvoir minime. J'ai suivi Maurice Locquin dans son séjour au quartier, et c'était bien d'une panique de régression et d'anéantissement dont il était la proie » (Journal des prisonniers, 05/1979). Bruno est alors désavoué par l'Administration et notamment par Solange Troisier :

« Dernièrement, le médecin a témoigné à propos d'un détenu que l'on avait frappé et dont il pouvait constater l'état. Le juge d'instruction chargé de l'affaire lui a demandé de bien vouloir déposer en décrivant ce qu'il avait pu constater. L'Administration n'a pas apprécié et le Directeur a refusé de laisser sortir le dossier médical du détenu. Le médecin, estimant qu'il était seul juge de l'utilisation du dossier médical du détenu, en a référé à Paris. Le médecin-chef de la Chancellerie lui a partiellement donné tort. Dans un tel cas, il serait plutôt souhaitable qu'un médecin expert soit nommé et c'est lui qui déposerait alors auprès du magistrat instructeur. C'est la solution qui a été présentée à Paris. Mais il s'agit en fait, tout simplement, d'une astuce car l'expert n'aurait pas pu constater un état passé et qui n'a pas laissé de séquelles ; il aurait été obligé de croire les dires du médecin qui avaient constaté les faits à l'époque »1078(*).

Suite à ce témoignage, le sous-directeur de la M.A envoie en octobre 1978 un rapport à sa direction qui décide en février 1979 de mettre fin aux fonctions de Bruno. Le médecin intente alors un recours contre l'Etat et obtient gain de cause pour des raisons de forme. Tout en annulant la décision, le tribunal administratif de Besançon tranche sur le fond en faveur de la DAP, en considérant que « dans un milieu aussi difficile et spécifique que le milieu carcéral, la médecine ne peut pas être exercée avec les seuls principes du code de déontologie »1079(*). En dépit d'une décision favorable, l'affaire est peu médiatisée puisque seule une brève est publiée1080(*). Cet exemple illustre le difficile positionnement d'un praticien qui, isolé, apparaît largement impuissant face à une institution dont il ne maîtrise pas les rouages. La position de résistance adoptée par ce médecin n'apparaît pas réaliste à long terme, condamnant les praticiens soit à une adaptation aux règles carcérales soit à une éviction.

L

ongtemps considérée comme une médecine de pauvres, de l'impossible ou de l'absurde, la médecine pénitentiaire aurait connu au cours des années soixante-dix « un développement spectaculaire en quelques années » jusqu'à devenir « une médecine scientifique moderne, voire une médecine de pointe »1081(*). « Vous devenez des médecins très spécialisés et l'on nous écoute de partout. Nous donnons un peu le "coup d'envoi" pour l'étranger par cet enseignement à l'Université », déclare le Médecin-inspecteur1082(*). Pays d'avant-garde, la France exporte son savoir à l'étranger, et notamment sur le continent africain où Solange Troisier est fréquemment envoyée en mission : « Il s'agit en effet de définir notre action, notre éthique, de faire approuver nos statuts de pays développés et ensuite avec l'aide de l'OMS nous implanter vers les pays en voie de développement »1083(*). Le Médecin-inspecteur est d'ailleurs chargé par le Conseil de l'Europe de rédiger le premier Manuel de médecine pénitentiaire, jamais édité. Sous l'action du Pr Troisier, les praticiens travaillant en milieu carcéral accéderaient enfin à une véritable reconnaissance de leur rôle social :

« Depuis 1972, les fonctions du médecin pénitentiaire ont été élargies [...] Avec l'individualisation des peines, il est normal que le médecin occupe, au sein du milieu carcéral où il exerce, une place privilégiée d'observateur. Ce qu'on peut attendre de lui : une participation de plus en plus active aux tâches de rééducation du délinquant et de réinsertion sociale »1084(*).

Pourtant à l'encontre de cette description triomphante, beaucoup de praticiens travaillant en prison sont confrontés à une crise morale à mesure qu'ils prennent conscience des conséquences « pathogènes » de la prison. Dans un ouvrage à succès, une psychologue de l'équipe de la M.A de Lyon décrit les effets délétères de l'incarcération sur la santé des détenus1085(*). « L'univers carcéral par les interdits qu'il impose à tous les niveaux, aboutit à un état de dépendance totale du détenu [...] Ebranlé par la carcéralité, le MOI ne peut en supporter toutes les répercussions et fait appel au corps comme support de la majeure partie des symptômes », observe un interne1086(*). A chaque reprise, comme ici dans la description que fait un psychiatre de l'un de ses patients, transparaît le sentiment d'impuissance ressenti par les praticiens, témoins du progressif amoindrissement des détenus :

« Il a vécu du premier jour aux derniers jours de son incarcération dans un "flou" permanent, ce qui rendait extrêmement difficile le contact. Il refuse et est incapable d'avoir la moindre activité à la prison. Il reste en cellule, n'allant pas en promenade [...] Il ne se plaint pas. Résigné, il accepte tout ceci [...] Il dit même, en parlant de ses symptômes, je suppose : "On en prend l'habitude, c'est une drôle d'habitude". Et trois jours avant sa sortie, je le retrouve frais et dispo. Les symptômes ont disparu. Il a quitté sa somnolence-refuge et parle avec humour. Il parle du travail qu'il va entreprendre, avec décision et fermeté. Il m'a semblé que tous ces symptômes n'étaient que réactionnels à la situation de frustration dans laquelle il se trouvait [...] Il s'est aménagé un lieu clos où personne ne pouvait entrer. Il a présenté une espèce de dissolution, de noyade, dans un halo visqueux où surnager était bien difficile »1087(*).

Cette considération du rôle pathogène de l'incarcération n'est pas sans conséquences sur la représentation que les praticiens ont de leur rôle. Marquée par la « régression orale » propre au milieu carcéral, la relation que le détenu a avec son médecin ferait de ce dernier, souligne un interne, un substitut de la « bonne mère » en opposition à l'institution pénitentiaire image de la « mère frustrante »1088(*). La recherche de médicaments, le rôle d'écoute ou de réconfort imparti aux praticiens seraient autant de signes d'une relation thérapeutique « pervertie ». Le devoir de soigner propre à la déontologie médicale s'accompagnerait de la conscience que « seule une modification des conditions carcérales sur tous les plans diminuerait la fréquence des troubles »1089(*). Ce rôle pathogène de l'incarcération ne s'exprimerait pas d'ailleurs uniquement à travers la santé des détenus. De nombreux médecins s'alarment ainsi que la prison puisse être, à l'encontre de sa mission initiale de resocialisation, une institution criminogène. « Il s'agit donc d'un système parfaitement au point, tant que le détenu purge sa peine, pour l'inciter à la récidive peu de temps après sa sortie », observe un interne1090(*). Certains praticiens exerçant en milieu carcéral s'interrogent dès lors sur le sens de l'enfermement. « La question de fond demeure : la prison pour quoi faire ? », remarquent trois médecins lyonnais en conclusion d'une étude consacrée aux suicides en prison1091(*).

Ces mêmes médecins s'interrogent quant aux injonctions de l'Administration pénitentiaire auxquelles ils sont soumis. Ils souffrent de l'image d'« auxiliaire de Justice » que réclame leur Médecin-inspecteur, ce que confirment les propos de cet interne : « Le médecin de prison devrait donc collaborer avec la Justice et l'Administration pénitentiaire, mais il est et doit rester un collaborateur libre et non comme certains le voudraient, un subalterne aux ordres de l'Administration »1092(*). Coincés entre leur responsabilité hiérarchique et la déontologie médicale, beaucoup de praticiens pénitentiaires semblent mal à l'aise. En atteste l'attitude de cet interne interrogé dans un documentaire télévisé sur la prescription de psychotropes :

Journaliste : « Est ce que l'un de vos grands rôles, pas le plus glorieux, au quotidien ce n'est pas celui de distributeur de médicaments ? »

[Silence]

Interne : « Non je crois que... [Silence] c'est le rôle de tous les médecins. Ce n'est pas spécial à la prison de distribuer puisque... ». Le médecin s'arrête et sourit : « Ça c'est répondre un peu à côté ». Il reprend : « Disons que nous avons une surconsommation médicale qui a tendance à diminuer au fur et a mesure qu'il y a plus de médecins ».

Journaliste : « De toutes façon les calmants, les somnifères ne sont t-ils pas liés à la privation de liberté en elle-même ? »

Interne : « Ils le sont et il le sont d'autant plus que ce sont des gens qui sont quand même assez vigoureux et qui ont l'habitude de décharger leur agressivité. Et dans une maison d'arrêt, ils passent une majorité de temps en cellule, c'est à dire 23 heures sur 24, ils ont une heure de promenade et ces gens là n'ont pratiquement aucun moyen de décharger leur agressivité »1093(*).

L'hésitation et la réponse initiale de cet interne à la question du journaliste traduisent la difficulté pour certains praticiens à assumer des pratiques auxquelles ils participent, comme ici la prescription médicamenteuse, tout en les désapprouvant. Convaincus que leur statut « pénitentiaire » nuit à la relation thérapeutique avec le malade, quelques médecins regrettent l'opinion que les détenus ont du service médical. « Au niveau de quelques enquêtes rapides réalisées dans quelques prisons, la revendication contre le corps médical vient pratiquement avant la revendication sur la question de la nourriture », affirme Antoine Lazarus dans une interview télévisée1094(*).

D'autres, à l'inverse, alimentent de manière peu crédible l'image d'une médecine indépendante et respectée. Dans une thèse dirigée par Solange Troisier, un interne de La Santé observe au terme d'une enquête par questionnaire que 90% des détenus interrogés « reconnaissent aux médecins "pénitentiaires" une "situation particulière le différenciant nettement de l'Administration pénitentiaire elle-même" »1095(*). Les 10% restant s'expliquent selon lui par l'origine étrangère de nombreux détenus, « les problèmes de communication [étant] en partie responsables de cette manière de voir ». Il illustre son propos en citant les « bonnes réponses »1096(*) (« Je pense qu'ils font un travail qui fait honneur à leur profession » ou « Compte tenu des obstacles qu'ils rencontrent, leur vie est un véritable sacerdoce ») et les « moins bonnes » (« La médecine pénitentiaire, action nécessaire à la sécurité de l'établissement, pour que les peines s'y exercent bien et que les détenus puissent souffrir pour payer leur dette sociale, mais en bonne santé physique apparente »). Sans cesse malmené au sein de l'espace public, le costume de médecin pénitentiaire apparaît trop disqualifiant pour pouvoir être endossé durablement. L'exercice médical en prison ne peut ainsi donner lieu à une spécialité médicale reconnue.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

Le mouvement de remise en cause de l'institution carcérale qui a lieu au début des années soixante accélère le mouvement de spécialisation de l'activité médicale en prison initié par Georges Fully. Pour lui, la reconnaissance d'une médecine pénitentiaire spécifique est indissociable de son autonomisation. En dépit de ses efforts, les impératifs sécuritaires l'emportent parfois sur les exigences médicales comme en témoigne l'usage de la contention. C'est précisément cette soumission de la médecine à l'autorité pénitentiaire que condamnent les militants de la cause carcérale. En réponse à ces accusations, des soignants prennent pour la première fois la parole, d'abord à titre individuel puis de façon collective, au sein de l'espace public, que ce soit pour confirmer ou réfuter ces griefs. Emerge, dans la continuité de la politisation des « années 68 », un segment d'internes pénitentiaires désireux de faire prévaloir les règles de la déontologie sur celles du Code de procédure pénale.

La remise en cause de l'institution pénitentiaire et de sa médecine n'est ainsi pas sans conséquences sur les professionnels exerçant en prison. Tandis que certains font le choix de s'extraire de la relation de subordination qui les lie au ministère de la Justice en démissionnant, d'autres tentent de se mobiliser afin d'assurer le respect de leur autonomie professionnelle. Georges Fully tente d'utiliser cette contestation comme une ressource supplémentaire dans sa stratégie d'autonomisation et de reconnaissance des médecins pénitentiaires. Cette dynamique culmine lors du congrès de décembre 1972 avec la remise au garde des Sceaux d'une motion affirmant le respect de la déontologie médicale. Il prend un terme en 1973 avec la nomination de Solange Troisier en tant que Médecin-inspecteur.

Proche du pouvoir politique, cette dernière tente de limiter l'apparition de toute contestation parmi les praticiens, notamment à l'occasion des congrès médicaux. Partisane d'une médecine conçue comme « auxiliaire de Justice », elle tente de légitimer une meilleure prise en compte des contraintes pénitentiaires dans l'exercice médical. Elle formalise pour cela une médecine qui se distinguerait de la pratique médicale courante du fait des nombreuses spécificités carcérales (simulations, automutilations, grèves de la faim, etc.). Tant par ambition personnelle que par désir de relégitimer un secteur d'action publique discrédité, Solange Troisier favorise l'apparition d'une nouvelle spécialité médicale dont elle prendrait la tête. Elle revalorise pour cela la rémunération des infirmières et des médecins. Elle promeut les congrès au cours desquels est célébrée cette spécialité en voie de constitution. Elle développe l'enseignement de la médecine pénitentiaire. Enfin, elle réussit du fait de ses nombreuses ressources à faire reconnaître par certains de ses pairs cette activité. En témoigne la création d'une chaire d'université en 1977 ou encore le soutien apporté par certains représentants du secteur médical à son action. Le doyen de la faculté de médecine de Lariboisière Saint-Louis se félicite ainsi au cours d'un congrès du développement de cette spécialité : « Si on considère la médecine pénitentiaire non pas seulement comme une médecine de soins, mais comme une médecine de toute la personne, et bien, il est certain qu'en France et dans tous les pays du monde, il doit y avoir alors une demande assez considérable »1097(*).

La spécialisation de la médecine apparait ainsi comme un phénomène complexe. Elle ne peut tout d'abord se réduire à une logique purement médicale. Certes, il s'agit de sa dimension la plus visible : c'est par la mise en évidence d'une pathologie carcérale, par l'organisation de congrès et par des publications médicales que la médecine pénitentiaire s'affirme en tant que discipline. Pourtant cette dimension ne prend son sens que par les rapports qui s'instaurent entre ces professionnels et ceux de la prison. Tout d'abord, les efforts entrepris par ces médecins n'auraient tout d'abord pas été possible sans le soutien de certains magistrats occupant des postes décisionnels au ministère de la Justice1098(*). Georges Fully puis Solange Troisier ont, en second lieu, recourt à d'autres acteurs médicaux extérieurs à la médecine pénitentiaire. Notons ici le rôle central de la médecine légale à laquelle s'adosse la médecine pénitentiaire dans sa tentative de spécialisation. Enfin, et surtout, l'enjeu de la spécialisation de la médecine pénitentiaire est une lutte pour la définition légitime du rôle de médecin pénitentiaire, et notamment en matière d'articulation entre les exigences médicales et carcérales. Le principal enjeu de la spécialisation de cette activité est ainsi moins médical que carcéral : de la définition de la médecine pénitentiaire découlent de nombreuses conséquences directes sur la régulation d'un établissement carcéral : peut-on procéder à une injection de sérum glucosé ou à la pose d'une sonde gastrique à un gréviste de la faim contre sa volonté ? qui décide en dernier recours de l'hospitalisation d'un détenu ? De quel pouvoir le directeur d'établissement dispose-t-il à l'égard des praticiens ? Le dossier médical doit-il être partagé avec le magistrat et plus largement quel usage le praticien doit-il faire des informations qu'il est amenées à connaître? Ce dernier est-il au service du détenu, dont il serait le médecin traitant, ou de l'Administration pénitentiaire qui le rémunère ? Toutes ces questions relèvent ainsi tout autant de la médecine que de la politique carcérale.

Souligner les enjeux « non-médicaux » de la spécialisation de la médecine pénitentiaire et de sa reconnaissance en tant que discipline amène une seconde remarque. Si la spécialisation est bien une stratégie de la définition légitime du métier de praticien pénitentiaire, et des obligations qui lui sont liées, cette spécialisation ne peut dès lors plus être appréhendée comme un phénomène univoque d'autonomisation. Elle est l'objet d'usages différenciés qui varient selon les stratégies personnelles de ceux qui en sont à l'origine. Le rôle surdimensionné conféré au Médecin-inspecteur, représentant le plus légitime de la spécialité en question, explique les deux usages aussi divergents qu'on a pu distinguer. Ancien résistant, marqué par l'expérience de la déportation, Georges Fully témoigne d'une représentation militante de son rôle de Médecin-inspecteur. Au service des détenus, il tente d'assurer aux praticiens dont il a la responsabilité les conditions de leur autonomie professionnelle. A l'inverse, auparavant dotée d'importantes responsabilités politiques et fortement inscrite dans des jeux de pouvoir, Solange Troisier assume une vision plus politisée de son rôle de Médecin-inspecteur. Certes son action vise également à défendre l'idée d'une médecine pénitentiaire spécifique ainsi qu'à revaloriser les conditions de travail des professionnels de santé travaillant en prison. Sa démarche a cependant un sens spécifique au regard de la démarche de Georges Fully, et ce pour deux raisons.

Tout d'abord, le second Médecin-inspecteur vise moins à autonomiser l'action des soignants de l'Administration pénitentiaire que du ministère de la Santé. En rappelant à chaque reprise que le praticien évolue dans un milieu spécifique auquel il doit être attentif, Solange Troisier fait prévaloir les exigences pénitentiaires sur celles de nature déontologique. Elle place ainsi son action au service du ministère de la Justice dont le médecin n'est selon elle qu'un auxiliaire. Le Médecin-inspecteur écarte les praticiens trop revendicatifs et qui sont rétifs à sa conception de la médecine pénitentiaire. La délimitation d'une discipline médicale vise davantage à ses yeux à conserver la main sur un champ d'action publique qui demeure alors à l'écart du contrôle du ministère de la Santé. Les règles qui régissent l'action des soignants échappent presque totalement au reste du système de santé1099(*). Le transfert des services médicaux sous la tutelle du ministère de la Santé imaginé dans le cadre du « décloisonnement » aurait eu pour effet de ruiner les efforts de Solange Troisier. La crainte de l'Administration pénitentiaire de perdre le contrôle du personnel médical, la volonté du Médecin-inspecteur de garder la mainmise sur son pré-carré ainsi que les réticences de la Direction de la sécurité sociale (DSS) sont à l'origine de l'échec du projet. Le transfert de la psychiatrie au ministère de la Santé, via la sectorisation hospitalière, met fin à tout projet de réforme concernant les soins somatiques.

Le second objectif de Solange Troisier dans la spécialisation de la médecine pénitentiaire est de réhabiliter un secteur pour lequel l'Administration pénitentiaire est fortement contestée. A l'encontre des accusations formulées par les militants de la cause carcérale ainsi que par la presse critique, le Médecin-inspecteur tente de faire reconnaître les progrès accomplis en matière de soin des détenus. « Quand le Dr Solange Troisier, inspecteur général de l'Administration pénitentiaire dit : "Lorsque j'ai débuté à la Roquette, j'y apportais mon spéculum et ma propre table gynéco. Aujourd'hui, Fresnes et les Baumettes sont des hôpitaux de seconde catégorie", on mesure le chemin parcouru », observe une journaliste (Figaro-Magazine, 2/02/1980). La spécialisation de la médecine pénitentiaire opérée par Solage Troisier est ainsi inséparable de la réhabilitation d'un secteur d'action publique discrédité.

Ce modèle est peut-être, comme on en fait l'hypothèse, également à l'origine de la spécialisation de la médecine pénitentiaire à l'étranger. Aux Etats-Unis, au Canada, en Espagne, en Allemagne, en Italie ou en Angleterre s'affirme au même moment une spécialité médicale conçue comme spécifique aux prisons. En témoignent les propos tenus par les représentants étrangers à l'occasion des congrès organisés par Solange Troisier. « Je crois fermement qu'il s'agit d'une branche de la médecine », déclare le Dr Ingrey-Senn, directeur du service médical des prisons de Londres1100(*). Sans établir un lien de causalité, on peut remarquer que la prise en charge des détenus est également l'objet d'une forte remise en cause dans ces pays. En atteste la publication en 1975 par un spécialiste des problèmes de politique sanitaire américain, consultant de l'OMS et de la ville de New York, d'un livre, La santé en prison. Une parodie de justice, condamnant sévèrement l'organisation des soins en milieu carcéral1101(*). Ce chercheur-militant suggère l'assimilation du médecin de prison aux autres médecins de la collectivité ainsi que le contrôle de la communauté sur les soins prodigués aux détenus. Un sociologue britannique, le Dr Roger Geary, relève de même dans un rapport remis au Conseil national pour les libertés civiles la mauvaise qualité des soins avant de recommander que le National health service soit en charge de la santé des détenus (QDM, 21/10/1980).

La première « configuration réformatrice », qui s'étend de 1970 à 1981, est par conséquent dominée par les variables professionnelles et institutionnelles. Professionnelles tout d'abord du fait de l'autonomisation croissante d'un segment au sein du secteur médical. La spécialisation de la médecine pénitentiaire, initiée sous Georges Fully, s'accentue au cours des années soixante-dix. Sous l'action du nouveau Médecin-inspecteur, cette activité médicale semble bénéficier d'une relative reconnaissance au sein du secteur médical qui culmine avec la création d'une chaire autonome de médecine pénitentiaire en 1980. Cette reconnaissance universitaire est paradoxalement un argument de poids à l'encontre d'un transfert de l'activité sanitaire au ministère de la Santé. Parce qu'elle est spécifique et qu'elle est irréductible à l'exercice médical classique (« C'est toute la médecine avec quelque chose en plus »), la médecine pénitentiaire ne peut être transférée au ministère de la Santé et doit rester sous la tutelle de la Chancellerie. L'organisation des soins aux détenus demeure ainsi durant les années soixante-dix un secteur autonome du monde médical, principalement régi par des règles pénitentiaires.

Outre cette variable professionnelle, la logique institutionnelle est le second facteur qui favorise cette autonomisation et contraint fortement les possibilités de réforme. Le rôle joué par le Médecin-inspecteur apparaît à cet égard crucial. Directement rattaché au Directeur de l'Administration pénitentiaire, celui-ci exerce, et ce dès Georges Fully, davantage un rôle de conseiller et de pilotage de la politique sanitaire en prison que de contrôle médical proprement dit. Cette dimension stratégique du poste de Médecin-inspecteur apparaît renforcée avec la nomination de Solange Troisier. Ses contrôles visent moins à s'assurer du travail exercé par les praticiens que de leur fidélité aux idées qu'elle promeut en la matière. Sa gestion patrimoniale et discrétionnaire des médecins pénitentiaires favorise la mise en place d'un segment d'internes et de praticiens faisant prévaloir les impératifs pénitentiaires sur la déontologie médicale. En outre, et ce contrairement à son prédécesseur, Solange Troisier dispose de multiples ressources, en raison de sa position « marginale-sécante » entre la médecine et la politique, qu'elle met au service de son projet consistant à «  faire de la médecine pénitentiaire une médecine à part »1102(*). Le contrôle exercé durant cette période par Solange Troisier exclut toute intervention d'un autre acteur administratif, et notamment du ministère de la Santé. L'organisation des soins en prison est à cette époque un secteur régulé exclusivement par l'Administration pénitentiaire, et principalement par son Médecin-inspecteur.

Ce système de régulation est un obstacle à toute volonté de réforme extérieure au ministère de la Justice. C'est ainsi qu'en 1975, la conseillère technique de Simone Veil pour la Justice, Myriam Ezratty, tente selon ses termes un « premier essai » de réforme mais qui se heurte au Médecin-inspecteur. Outre la mainmise exercée par Solange Troisier exercée sur l'organisation des soins en prison, cet « échec » est à mettre en lien avec le contexte institutionnel global qui caractérise les relations entre les ministères et les directions elles-mêmes. Au niveau ministériel tout d'abord, selon Myriam Ezratty, la distance qui séparait alors la Chancellerie de l'avenue de Ségur fut un obstacle à sa tentative de réformer la médecine pénitentiaire. Le peu de magistrats en poste au ministère de la Santé, à cette époque, rendait toute communication difficile avec la Chancellerie où les énarques étaient rares : « C'était plutôt de l'ignorance. Donc c'étaient pas des collègues, c'était pas... Vis-à-vis d'un autre ministère déjà les liaisons sont pas toujours commodes et pourtant ce sont des énarques qui souvent se connaissent. Tandis que là, ils n'osaient pas se téléphoner, des choses comme ça... ». Cette distance entre ministères était, en second lieu, accrue en matière carcérale du fait du quasi-monopole exercé alors par l'Administration pénitentiaire : « A l'époque au ministère de la Santé, c'était le néant [...] En tous cas, je puis assurer que pour eux [avenue de Ségur], comme pour le commun des mortels, la prison était un monde étranger dans lequel on ne pénétrait pas. C'était vraiment complètement cloisonné », observe Myriam Ezratty1103(*). L'Administration pénitentiaire était, enfin, elle-même en partie coupée du reste de la Chancellerie du fait de son fonctionnement spécifique. Ancienne chef de bureau à l'Education surveillée, Myriam Ezratty connaissait alors très peu la DAP.

Les facteurs professionnels et institutionnels apparaissent ainsi centraux durant les années soixante-dix dans l'organisation de la médecine pénitentiaire et dans la difficulté à réformer ce secteur d'action publique. C'est ce que confirme, en creux, la réforme de la psychiatrie pénitentiaire. Traversé par une dynamique de professionnalisation assez importante, ce domaine bénéficie de soutiens extérieurs au sein du secteur psychiatrique tout d'abord ainsi qu'au niveau ministériel. Tout d'abord, même s'ils sont déconsidérés dans le secteur hospitalier classique, les psychiatres pénitentiaires ont alors accès à plusieurs revues où ils publient des articles sur leurs conditions de travail, notamment du fait de problématiques connexes entre l'hôpital psychiatrique et l'institution carcérale. Des congrès ont lieu à ce sujet en dehors du contrôle opéré par Solange Troisier lors des rencontres de médecine pénitentiaire, et ce notamment avec l'aide des sociétés savantes de criminologie où la psychiatrie pénitentiaire est bien représentée. En second lieu, au niveau administratif, les psychiatres travaillant en prison auraient trouvé un allié en la personne de Marie-Rose Mamelet de la DGS. C'est ce soutien administratif qui fait alors défaut aux médecins somatiques.

A l'encontre des facteurs professionnels et institutionnels, les variables politiques et cognitives semblent en revanche durant cette première configuration réformatrice de moindre importance. Malgré la volonté des ministres de la Justice, Jean Lecanuet, et de la Santé, Simone Veil, le projet d'une réforme de l'organisation demeure alors largement « immergé » au sein du circuit administratif. C'est, on l'a vu, au sein d'une réunion de la DAP survenue le 28 novembre 1974, à laquelle n'assistent aucun membre du ministère de la Santé, qu'est mis fin à l'idée d'un transfert du personnel médical et ce, outre les difficultés budgétaires, pour des raisons sécuritaires1104(*). Aucun acteur politique ne s'empare alors de l'organisation des soins en prison, et ce notamment en raison de l'emprise exercée par Solange Troisier sur ce secteur.

La dimension cognitive apparaît également moins centrale dans cette première configuration. L'idée de « décloisonnement » remet certes en question la politique adoptée jusque-là en matière pénitentiaire. Deux obstacles limitent néanmoins sa portée. Cette notion souffre tout d'abord d'une signification très vague. Revendication professionnelle formulée par certains médecins, le décloisonnement est également un concept érigé au sein de la Société générale des prisons comme un moyen destiné à re-légitimer l'action de l'Administration pénitentiaire en sollicitant le recours aux autres ministères. C'est ce flou définitionnel qui permet par exemple au Médecin-inspecteur de présenter l'« ouverture de la prison vers l'université », que concrétise la création d'une chaire de médecine pénitentiaire, comme une forme de « décloisonnement »1105(*). La spécialisation de l'activité médicale en détention a pourtant comme objectif d'éviter le transfert de l'organisation des soins au ministère de la Santé. La promotion d'une « médecine pénitentiaire » spécifique par Solange Troisier s'inscrit ainsi à l'encontre de l'idée de décloisonnement. Second obstacle, cette notion n'est endossée par aucun acteur politique ou administratif d'envergure. Seule Hélène Dorlhac de Borne semble s'y référer. Sans grande influence, la secrétaire d'Etat à la condition pénitentiaire quitte ses fonctions en août 1976 sans être remplacée.

La première configuration de réforme de la médecine pénitentiaire est ainsi dominée par des variables professionnelles et institutionnelles dont Solange Troisier est le principal représentant. Cette période s'achève par un durcissement de la politique carcérale. Confronté à une forte opposition des gaullistes hostiles à toute « libéralisation », le gouvernement ajoute à la réforme pénitentiaire un volet plus sécuritaire sous la forme des Quartiers de haute sécurité (QHS). Pierre Aymard, directeur de l'Administration pénitentiaire depuis octobre 1976, favorable à l'idée de décloisonnement1106(*), est renvoyé suite à l'évasion de Jacques Mesrine et de François Besse du QHS de la prison de La Santé en mai 19781107(*). Pour répondre aux accusations de laxisme, Christian Dablanc, préfet décrit comme un « homme à poigne », est nommé à la tête de la Pénitentiaire (La Croix, 19/05/1978). Après la victoire de la droite aux législatives de 1978, la notion de « dangerosité » apparaît pour la première fois au coeur de la nouvelle politique pénale, aboutissant à la loi du 22 novembre 1978 qui établit les peines de sûreté et restreint les pouvoirs du juge de l'application des peines. Lors d'un voyage aux Etats-Unis, Alain Peyrefitte propose sur ce modèle de remettre en cause le sens de la peine tel qu'il avait été défini depuis la Libération :

« Le but de la prison était de réhabiliter l'homme et de le faire revenir dans la société. Or, les Américains eux-mêmes, qui avaient montré la voie, sont revenus sur ces idées généreuses [...] Il n'est pas possible de transformer un homme qui est en prison et qui a envie d'en sortir le plus vite possible en un homme qui sera un individu sociable »1108(*).

L'idée de décloisonnement apparaît ainsi largement à la fin des années soixante-dix reléguée au second plan au profit de la mission sécuritaire. « Les prisons ont pour rôle d'intimider et de neutraliser. Sauf cas exceptionnel, elles ne peuvent pas rééduquer », soutient un célèbre Professeur de droit membre du Conseil supérieur de la magistrature1109(*). La hausse du nombre de détenus (33.000 en 1979, 35.000 en 1980, 42.000 en 1981) se répercute sur l'ensemble des conditions de vie qui se dégradent. Le taux de chômage en détention atteint presque 35% entre 1975 et 1978 (contre 17,9% en 1970) tandis que le nombre de suicides augmente. La répartition du budget de la Justice pour l'année 1981 traduit les nouvelles priorités en consacrant deux cents postes à la surveillance contre trente-huit aux éducateurs : « Une fois de plus les nécessités de la répression l'emportent sur celles de la prévention » (LM, 23/09/1980).

La loi dite « sécurité et liberté », votée le 2 février 1981, vient clore cette période en rendant plus difficile l'octroi des permissions de sortie et la libération conditionnelle. Dans son analyse, très politisée, Marie-Pierre Le Nezet y voit une « régression » de la politique pénitentiaire : « Le choix est fait d'une politique de répression, de mise à l'écart de nombreux délinquants, le Syndicat de la magistrature accrédite le chiffre de 70.000 détenus en 1983 si le pouvoir pratique une telle politique »1110(*). Cette période sécuritaire prend un terme avec l'alternance de 1981. Les idées de décloisonnement et de droit des détenus, promues toutes deux durant les années soixante-dix, guident désormais la politique carcérale conduite par un groupe de magistrats militants issus du Syndicat de la magistrature. Devenu un paradigme de la politique carcérale, le décloisonnement ouvre la voie à une réforme de l'organisation des soins annonçant la disparition de la médecine pénitentiaire en tant que spécialité médicale.

* 1034 MILLET Gilles, « Soumettre les prisons au contrôle de tous », Libération, 13/03/1974.

* 1035 On rappelle que l'évocation des critiques adressées à la prise en charge sanitaire des détenus ne vise pas à scandaliser le lecteur mais à souligner la pression qui s'exerce sur la médecine pénitentiaire. La DAP semble d'ailleurs très attentive à ces critiques. En attestent les propos de ce praticien ayant conseillé à un détenu d'écrire à Libération concernant sa non-prise en charge médicale : « Comme c'était une grande gueule, il a écrit à Libération. Deux jours plus tard, j'étais convoqué au ministère par Troisier : "Qu'est ce que c'est ce bordel ? Vous ne vous rendez pas compte ? " [Rires] » (Julien, infirmier à Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La Santé de 1977 à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de 1981 à 1987. Entretien le 16/01/2008. Durée : 3H).

* 1036 « Lyon : un détenu galeux et cardiaque soigné par le cachot », Libération, 11-13/08/1978.

* 1037 « Pour une rage de dents à la prison de la Santé », Libération, 18/06/1976.

* 1038 Directrice de Libération de 1974 à 1981, Zina Rouabah fut secrétaire générale de l'Observatoire international des prisons (OIP) à la fin des années quatre-vingt-dix, soulignant son intérêt pour le monde carcéral.

* 1039 « Incarcéré, Antoine Lamanna risque l'infirmité à cause d'un juge d'instruction », Libération, 20/02/1974.

* 1040 « À Fleury-Mérogis, un prévenu meurt pour des raisons plus que douteuses... », Libération, 27/02/1974.

* 1041 C.A.P Fleury, « La santé à Fleury », Journal des prisonniers, n°38, 07/1976, p.8.

* 1042 « Le récent décès d'un détenu est tenu pour suspect par le Comité d'action des prisonniers », Le Monde, 29/10/1974 ; « Le procureur de la République affirme que la mort de M. Renaud est naturelle», Le Monde, 31/10/1974.

* 1043 Pour faire face à la pénurie de personnel soignant, l'article D.367 du CPP prévoyait depuis 1959 que « des surveillants spécialisés peuvent avec l'accord du médecin, assister l'infirmier(e) dans sa tâche ». Ces surveillants-infirmiers, souvent appelés « auxiliaires » étaient affectés dans l'infirmerie et portaient une blouse blanche. Certains étaient amenés à effectuer des soins (dilution des médicaments, injections, points de suture). Symbole de l'absence d'autonomie du médical par rapport au pénitentiaire, cette pratique sera largement dénoncée. L'éviction de ces surveillants lors de la mise en oeuvre de la loi du 18 janvier 1994 sera ainsi mal vécue par ces derniers obligés de revenir à un rôle de surveillance jugé nettement moins valorisant. En effet, certains exerçaient cette fonction depuis de nombreuses années et se sentaient davantage soignant que surveillants.

* 1044 « Prions Dieu pour ne pas tomber gravement malade à la prison de Rouen », Libération, 1-2/04/1978.

* 1045 La « cantine » est le service permettant aux détenus d'acheter des produits qui ne sont pas remis par la DAP.

* 1046 LIVROZET Serge, Aujourd'hui, la prison, op.cit., p.149.

* 1047 Dans certains établissements les détenus souhaitant voir le médecin devaient, en effet, nécessairement recevoir l'approbation de l'infirmière qui assure une fonction de tri des demandes. Des entretiens réalisés, il ressort en outre que certaines infirmières avaient parfois leurs « favoris » et leurs « souffre-douleurs ».

* 1048 « Lettre d'un détenu sur la médecine de prison », Libération, 29/06/1976.

* 1049 Le chirurgien de l'Hôpital de Fresnes sera au cours des années quatre-vingt au centre d'un scandale au terme duquel le bloc opératoire sera fermé et l'Hôpital sera rattaché au système hospitalier.

* 1050 « Heureusement qu'on est bien soigné en prison... », Libération, 15-16/10/1977.

* 1051 « "Soignés" en prison », Rouge, 1/09/1977.

* 1052 L'Hôpital des prisons de Fresnes était souvent comparé à un « paradis » en raison de ses bonnes conditions de détention, la DAP y plaçant des détenus particulièrement sensibles. C'est ce que confirme l'un des interviewés : « Et puis y avait une population qui n'avait pas grand-chose à voir avec le... le recrutement pour des raisons de santé. C'était une population qu'on mettait un peu au chaud, qu'on mettait un peu à l'abri. Avec des truands du type Guérini. C'était surtout pour lui éviter des soucis. Et c'était un milieu assez à part, très fermé et où il y avait très très peu de mouvements. Quand ils étaient là, ils passaient des années... C'était un peu une rente de situation pour eux » (Julien, infirmier à Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La Santé de 1977 à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de 1981 à 1987. Entretien réalisé le 16/01/2008. Durée : 3H).

* 1053 Cf. Annexe 23 : « La stratégie dénonciatrice de Libération : l'"affaire" Michel Henge »

* 1054 La liaison établie entre les deux morts suspectes et le témoignage est d'autant plus trompeuse que le médecin est présente comme ayant travaillé aux Baumettes alors qu'on apprend dans le reste de l'article qu'il intervenait à la M.A d'Aix en Provence (CHERKI Pauline, « La médecine carcérale en accusation. Prison hôpital des Baumettes : un ancien médecin de la maison d'arrêt parle », Libération, 26/01/1981).

* 1055 TROISIER Solange, « Attention, enfant ! », Le Monde, 18/02/1971.

* 1056 « Peu importe que l'embryon soit doué ou non de conscience ! Il suffit de savoir qu'il vit. Et au moment où la morale sociale se penche tellement sur le sort des animaux, on ne voit pas pourquoi, au nom de quel égoïsme, elle refuserait à l'embryon ce qu'elle accorde au chien errant » (J.O des débats de l'A.N, séance du 7/12/1972).

* 1057 « "La privation de sexualité fait partie de la peine" déclare Solange Troisier », Le Quotidien du Médecin, 21/03/1978.

* 1058 TROISIER Solange, Une sacrée bonne femme, op.cit., p.139.

* 1059 « Solange Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57 min, Archives INA.

* 1060 Cf. Annexe 20: « Asclépios au service de Thémis ou la position controversée de Solange Troisier en matière de grèves de la faim ».

* 1061 « Agret Mme Troisier », JA2 20h, 17/03/1976, 1 min 45.

* 1062 L'opinion publique, troublée par le climat de violences actuelles, ne souhaite pas cette suppression. Moi non plus. Je suis médecin, humaniste chrétienne, et je pense qu'il faut parfois le courage d'aller jusqu'au bout de ses obligations » (« Le docteur Solange Troisier, "humaniste", chrétienne et favorable à la peine de mort », Le Monde, 16/11/1977).

* 1063 « On achève bien les chevaux », Libération, 17/11/1977.

* 1064 « Patrick Henry rejugé !», Le Monde, 17/11/1977.

* 1065 « Patrick Henry rejugé !», Le Monde, 17/11/1977.

* 1066 « Des fonctionnaires pénitentiaires "s'étonnent" des propos de Mme Troisier », Le Monde, 24/11/1977.

* 1067 Parmi les nombreuses feuilles de soin trouvées dans les dossiers de carrière des médecins pénitentiaires, seules trois faisaient figurer cette mention. Citons le cas exceptionnel de ce praticien, exerçant depuis 1970 en prison, demandant lors de son départ à la retraite à « conserver le titre de médecin honoraire des prisons et pouvoir continuer d'autre part à collaborer à l'environnement pénitentiaire auquel j'étais très attaché, comme visiteur des détenus, par exemple » (Lettre du médecin de la M.A de Montpellier au DRSP de Toulouse datée du 27/02/1984. CAC. 19940511. Art. 99)

* 1068 TROISIER Solange, « La médecine pénitentiaire et les droits de l'homme », art.cit., p.609.

* 1069 « Médecins des prisons : 2ème partie », 1ère chaîne, 24/03/1976, 1 heure, Archives INA.

* 1070 « La médecine pénitentiaire : une démission complice », Actes, n°13-14, printemps 1977, pp.33.

* 1071 Ibid., p.33.

* 1072 Bruno, généraliste à la M.A de Besançon de 1969 à 1980. Entretien réalisé le 17/01/2006, 2H.

* 1073 LAURENT Geneviève, La Maison d'Arrêt de Besançon, op.cit, p.130.

* 1074 Ibidem, p.129.

* 1075 Ibidem.

* 1076 Ibidem, p.136.

* 1077 La « dilution » est une pratique du milieu carcéral qui consistait à distribuer les médicaments, notamment les psychotropes, dilués dans de l'eau et mélangés tous ensembles. La potion, parfois préparée plusieurs jours à l'avance, était distribuée au détenu en coursive et devait être bue devant le surveillant.

* 1078 LAURENT Geneviève, La Maison d'Arrêt de Besançon, op.cit, p.132.

* 1079 Je remercie Bruno pour la photocopie de la décision de justice qu'il m'a remise.

* 1080 « Un médecin bisontin obtient gain de cause contre l'administration pénitentiaire », Le Monde, 5/0/1980.

* 1081 TROISIER Solange, « La médicine pénitentiaire et les droits de l'homme », art.cit., p.609.

* 1082 TROISIER Solange, « Intervention de fin de session de l'enseignement par le Professeur Solange Troisier », Attestation d'études relatives à la médecine pénitentiaire. Année universitaire 1979-1980, Université Paris VII, Faculté de médecine de Lariboisière- Saint Louis, p.1.

* 1083 DAP, Premier congrès mondial de médecine pénitentiaire, op.cit., pp.18-19.

* 1084 « Voyage au coeur de la médecine pénitentiaire », Le Quotidien du médecin, 21/04/1982.

* 1085 BUFFARD Simone, Le froid pénitentiaire, Paris, Editions du Seuil, 1973.

* 1086 FERRERI Maurice, Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la sphère oro-digestive et des troubles du comportement alimentaire en milieu carcéral, thèse de médecine, Paris Créteil, 1973, p.103.

* 1087 STEINBACH Guy, Régression et système pénitentiaire, thèse de médecine, Nancy 1, 1977, p.5-6.

* 1088 FERRERI Maurice, Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la sphère oro-digestive, op.cit., p.104.

* 1089 Ibidem, p.105.

* 1090 BARROIS Eric, Corps étrangers intrathoraciques chez l'homme en milieu carcéral, op.cit., p.25.

* 1091 COLIN Marcel, GONIN Daniel, DUCOTTET F., « Le suicide en prison », Psychologie médicale, 1977, 9, 1, pp.115-122.

* 1092 GALTIE Dominique, La médecine en milieu carcéral. À propos d'une enquête menée dans les prisons de Limoges et de Guéret, thèse de médecine, Université de Limoges, 1981, p.325.

* 1093 « Médecins des prisons : 2ème partie », 1ère chaîne, 24/03/1976, 1 heure, Archives INA.

* 1094 « Dijon, capitale de la médecine pénitentiaire », JT 20H, Antenne 2, 24/11/1978, Archives INA.

* 1095 ROUSSEL Brice, Paroles de détenus. Enquêtes sur la Médecine avant et pendant la prison, thèse de médecine, Faculté de Paris-Sud, 1979.

* 1096 Les termes utilisés sont bien sûr de l'auteur de la thèse lui-même.

* 1097 DAP, Premier congrès mondial de médecine pénitentiaire, op.cit., p.310.

* 1098 Faute de sources, on dispose de peu d'éléments sur ces soutiens. On sait cependant que Solange Troisier a bénéficié de l'aide de Christian Dablanc, Directeur de l'Administration pénitentiaire.

* 1099 On pense par exemple ici aux règles déontologiques ou aux procédures qualité mais également à des règles plus pragmatiques qui assurent la régulation de la médecine pénitentiaire. Par exemple, celle selon laquelle les praticiens ne réalisent qu'une faible part de leur vacation (entre un dixième et la moitié selon les établissements). Celle-ci ne sera remise en cause après l'alternance et après le transfert de la mission de contrôle au ministère de la Santé (Cf. Introduction du chapitre 5 : « Les spécificités carcérales à l'épreuve du "décloisonnement" »).

* 1100 DAP, Premier congrès mondial de médecine pénitentiaire, op.cit., p.250.

* 1101 GOLDSMITH Seth B., Prison health. Travesty of justice, New York, Prodist, 1975, in RSCDPC, 1977, p.981.

* 1102 DAP, Journées européennes de médecine pénitentiaire, op.cit., p.2.

* 1103 Myriam Ezratty, magistrat et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986. Entretien le 8/02/2008, 3H30.

* 1104 On se permet de citer à nouveau le passage du compte-rendu de cette réunion faisant état de cette opposition : « Il paraît finalement difficile de concilier les deux impératifs dans le cadre du décloisonnement total qui a été envisagé, car si tous les personnels sont soumis au statut des hôpitaux publics, il est à craindre qu'il ne se développe en leur sein une autonomie qui risque de les faire échapper complètement au contrôle de l'Administration pénitentiaire » (AP, « Mémorandum de la réunion du 28 novembre 1974 au sujet de la réforme du statut de la médecine pénitentiaire ». Document dactylographié, trois pages (CAC. 19960136. Art. 112))

* 1105 « Le personnel pénitentiaire », RPDP, 04-06/1981, p.179.

* 1106 Après son départ, Pierre Aymard défend dans une tribune une plus grande implication des autres ministères, dans le sens du décloisonnement : « La prison doit être l'affaire de tous. La ville doit la prendre en charge » (LM, 15/06/1978).

* 1107 Jacques Mesrine est considéré comme « l'ennemi public numéro un » après qu'il se soit évadé, en mai 1978, et qu'il ait adressé, après s'être introduit chez un magistrat, une lettre ouverte aux journaux pour obtenir la suppression des QHS. « Des conséquences sérieuses doivent être tirées en ce qui concerne l'organisation du système pénitentiaire », déclare alors un communiqué de l'Elysée. (LETENEUR Henri, art.cit., p.193)

* 1108 « Dans les prisons U.S., j'ai pris ces idées de réforme », Paris-Match, 1979.

* 1109 SOYER Jean-Claude, « Il faut oser punir », Le Figaro, 27/09/1979.

* 1110 LE NEZET Marie Pierre, La régression de la politique pénitentiaire depuis 1975, op.cit., pp.24-25..

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