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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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2. Des « épidémies » de suicides ? Entre accusés et témoins, les médecins de prison en première ligne de l'actualité

Georges Fully : « S'il y avait un Nuremberg des prisons je plaiderai coupable. Mais y a-t-il un procès des médecins à faire ?»306(*).

A l'autonome 1972 la presse rend largement compte d'une recrudescence des suicides en détention : douze durant l'été, trois dans la semaine du 25 septembre au 3 octobre. L'Association de défense des droits des détenus (ADDD) annonce qu'elle se porte partie civile au côté des familles pour tous ces suicides. Une polémique émerge alors entre le GIP et l'Administration pénitentiaire, qui s'affrontent de manière interposée au sein des journaux, au sujet du nombre de suicides. Le ministère de la Justice est accusé d'en sous-estimer volontairement le chiffre307(*). La presse prend une nouvelle fois le parti des militants de la cause carcérale. France Soir écrit : « Bien entendu, il ne s'agit là que des suicides effectifs (à l'exclusion des tentatives manquées infiniment plus nombreuses) et officiellement reconnus par l'Administration pénitentiaire. Celle-ci s'efforce, en général, de minimiser ces incidents et déclare volontiers qu'il n'y pas davantage de suicides dans les prisons qu'à l'extérieur. Il apparaît très clairement que cette affirmation, difficilement acceptable pour les années précédentes, ne le sera pas du tout pour l'année 1972 » (27/10/1972).

Outre cette querelle de chiffres, l'enjeu des débats est de déterminer la cause de cet accroissement du nombre de suicides308(*). Plusieurs journaux interprètent ce phénomène comme le fruit d'une « vague de déceptions » relative à la réforme des prisons et « un climat psychologique favorable aux gestes de désespoir » (France Soir, 27/10/1972). Les opposants au « régime pénitentiaire » attribuent en revanche une signification explicitement politique à ces suicides en les comparant, comme ici Me de Felice, président du MAJ309(*) et membre du GIP, aux récentes émeutes : « Le suicide des prisonniers, comme la révolte de l'an dernier nous interpelle ; le suicide est une parole, une accusation, un appel »310(*). Le GIP interprète ces morts comme des « actes de résistance » face à la manière dont les détenus sont traités : « Beaucoup des suicides actuels s'inscrivent dans la vie de la prison même et expriment la lutte contre le système pénitentiaire [...] C'est un autre aspect de l'intolérance collective des détenus et de l'appel à l'opinion »311(*). En publiant les lettres envoyées à leur famille par les détenus s'étant suicidés, le GIP entend souligner la responsabilité de l'Administration pénitentiaire dans ces morts : « Ces suicides ne se sont pas seulement passés en prison, le régime et l'administration pénitentiaires, le système pénal y ont une part directe. Ce sont des suicides DE prison »312(*).

Au cours de cette polémique, les praticiens pénitentiaires sont pris à partie par les journalistes en tant que témoins de cette réalité méconnue : « Le nombre de suicides augmente chaque année dans les prisons françaises. Les médecins savent pourquoi et le disent. Qui les écoute ? », titre Le Nouvel Observateur (30/10/1972). Les praticiens pénitentiaires hauts placés adoptent alors une position proche du ministère de la Justice en relativisant l'importance du nombre de décès. Le Dr Hivert, médecin-chef du Centre médico-psychologique de La Santé et du Centre National d'Observation de Fresnes, n'observe pas « une augmentation très importante par rapport aux dernières années » avant de conclure que si les suicides semblent plus nombreux, c'est surtout parce qu'« on en parle davantage » (LF, 2/11/1972). Le Médecin-inspecteur, Georges Fully, relativise également l'ampleur du phénomène en considérant que « ces suicides ne sont pas significatifs » (Le Nouvel Observateur, 30/10/1972). Lors du congrès de médecine pénitentiaire de décembre 1972, où la question est vivement débattue, il remarque que si l'on compare le nombre de suicides moyens sur la période 1955-1965 (18,3 par an) avec la population générale, le taux de suicide dans la population carcérale serait même inférieur à celui de la population générale313(*).

Ces mêmes médecins hauts-placés contestent, d'autre part, toute signification politique à ces suicides en les considérant comme « une agression détournée et une auto-agressivité » à l'image des ingestions de « corps étrangers »314(*), phénomène fréquent en détention. Le Dr Fully refuse ainsi de voir dans ces morts une réponse aux annonces faites par le ministre de la Justice : « Peut-on lier cela à la réforme ? Un détenu vient de se pendre en apprenant sa libération conditionnelle. Non, c'est l'intolérance à la prison qui augmente [...] C'est une relative période de calme après Clairvaux, Toul. Alors il n'y avait pas de suicides. Le ministre me disait : "Je ne peux quand même pas leur organiser des séances sur les toits !" ». L'augmentation du nombre de suicides est décrite par le Dr Hivert, qui regrette qu'on ait « tendance à faire de l'administration un bouc-émissaire », comme l'effet d'« une sorte de "contagion mentale", un phénomène que l'on observe de tout temps et que l'on s'explique mal » (LF, 2/11/1972).

Cette explication psychosociologique, reprise par certains journalistes315(*), en termes de « vague d'imitation », proche des analyses de Gabriel Tarde, est réfutée par Gilles Deleuze, membre de l'ADDD, qui voit dans chaque suicide « un acte désespéré de résistance » de la part des détenus « qui prennent une sorte de conscience politique de leur situation et qui n'ont que leur corps pour lutter »316(*). Les médecins pénitentiaires haut-placés apparaissent ainsi au sein de l'espace public comme porteurs d'une représentation non politisée de ces morts que contestent détenus et militants. Dans un reportage télévisé, aux propos du Dr Hivert, qui interprète le suicide comme un « problème de communication », le journaliste oppose le discours d'un ancien détenu qui voit dans ces suicides « une forme de révolte »317(*).

Car au-delà d'un rôle de témoin privilégié, les praticiens travaillant en milieu carcéral sont présentés dans la presse comme les complices de l'Administration pénitentiaire : « Le médecin constate et se tait », remarque Le Nouvel Observateur (30/10/1972). Les déclarations des praticiens les plus hauts placés s'accompagnent le plus souvent de remarques désapprobatrices de la part des journalistes. En contrepoint des déclarations des Dr Fully et Hivert sont cités les propos d'autres praticiens allant à l'encontre du ministère de la Justice. Un médecin témoignant de façon anonyme apporte ainsi un regard critique sur les récents suicides : « Les tentatives de suicide - beaucoup plus nombreuses qu'on ne l'avoue officiellement - ont des motivations extrêmement diverses. Bien entendu, toutes ne signifient pas que le prisonnier veuille vraiment mourir : il peut seulement chercher à attirer l'attention sur son cas, voir le médecin, avoir une communication avec une personne qui ne fasse pas partie de l'administration, se faire hospitaliser » (Le Point, 12/11/1972).

Le témoignage de Charles Dayant, ancien « interne »318(*) à la M.A de La Santé venant de publier un ouvrage sur son expérience en prison, est reproduit à l'occasion dans de nombreux journaux. Déjà en décembre 1971, ce médecin avait attiré l'attention sur le nombre de tentatives de suicides dans la presse, s'attirant la colère de René Pleven auquel il avait répondu en retour319(*). De nouveau en 1972, « le docteur Dayant évoque des exemples précis avec toute l'indignation qu'une telle situation peut inspirer à un médecin » (France-Soir, 27/10/1972)320(*). Il dément les chiffres du ministère : « "Une tentative par jour", affirme le Dr Charles Dayant, ancien médecin à la santé. Mme Edith Rose, ancienne psychiatre à la prison de Toul321(*), confirme son témoignage » (L'Express, 30/10/1972). Notant que l'Administration ne compte « que » cent huit tentatives de suicide en 1970, un journaliste observe que « le docteur Dayant, qui était médecin à la Santé en 1969, fait état de plusieurs tentatives de suicides par jour dans cette prison » (France Soir, 3/11/1972).

Au cours de différentes interviews, cet interne démissionnaire, présenté comme « ayant "duré" quatorze mois », « dénonce l'insuffisance des moyens médicaux » (L'Aurore, 3/11/1972) mais surtout le rôle ambigu des praticiens en prison : « Les médecins cousent et recousent plusieurs fois le même type et ne demandent jamais d'explications [...] On n'est pas là pour soigner mais pour que l'administration puisse dire en cas d'accident : il y avait un médecin » (Le Nouvel Observateur, 30/10/1972). « Dans la cellule de force, on ne reste en moyenne que vingt-quatre heures : à la Santé, dit le Dr Dayant, le détenu y est attaché sur une table en marbre ; on n'y mange pas ; le médecin vient toutes les cinq heures faire des piqûres calmantes » (L'Express, 12-18/04/1971). Mais plus que leur compromission, c'est l'impuissance des personnels sanitaires dont atteste ce praticien :

« Les tentatives de se donner la mort étant punies de cachot, le médecin s'efforce dans la mesure du possible de ne pas les déclarer officiellement. "De toute façon, ajoute le docteur Dayant, quand le praticien est appelé à intervenir, il dispose de moyens si faibles que son action est vouée à l'échec. Dans un certain nombre de cas la mort aurait pu facilement être évitée si j'avais disposé seulement d'un peu de sang et de plasma" »322(*).

Dans une tribune publiée dans Le Monde, Charles Dayant atteste la « sincérité » des actes suicidaires considérés par la Chancellerie comme des simulations323(*) : « Des plaies artérielles déchiquetées où se trouvaient encore des morceaux de lames de rasoirs rouillés, des estomacs que je devais siphonner et qui étaient bourrés de barbituriques, des cordes de pendus que je devais couper, d'abominables douleurs, des perforations intestinales dues à l'absorption de 200 ou 300 gr de ferraille, auraient pu me faire croire que ces "sous-hommes" étaient assez convaincants dans leur sincérité » (LM, 8/11/1972). Aux déclarations des médecins hauts-placés de l'Administration présentées comme peu crédibles, les journalistes opposent le témoignage du Dr Dayant : « "Il est très rare qu'un drogué se suicide", dit le docteur Georges Fully, Médecin-inspecteur général de la santé. Mais beaucoup de médecins de prisons ne sont pas du même avis [...] "C'est parmi les drogués ou les ex-drogués que les tentatives de suicides sont les plus nombreuses", affirme le Dr Dayant » (L'Express, 30/10/1972). Le même article présente une photo du Dr Fully avec une légende commentant sans ambiguïtés la liberté de parole dont disposerait le Médecin-inspecteur : « L'Administration serre le bâillon ».

Les journalistes prennent ainsi le parti des praticiens contestataires, présentant ainsi la médecine pénitentiaire comme un instrument de répression au service de l'Etat. Les associations de contestation de la prison participent à cette mise en cause des praticiens pénitentiaires. Au sujet d'un détenu s'étant pendu alors qu'il était placé à l'isolement pour homosexualité, le GIP remarque qu'« il aurait pu en être autrement, si la médecine pénitentiaire n'était pas un simple prolongement de la fliquerie »324(*).

Quelque soit la teneur de leurs propos, l'intervention des personnels sanitaires dans les médias est un phénomène nouveau participant à l'émergence de la figure du médecin pénitentiaire au sein de l'espace public. Cette prise de parole peut être interprétée comme une stratégie de défense face aux accusations portées à l'encontre des praticiens exerçant en prison. Mis en cause, les médecins pénitentiaires répondent. Au cours d'une interview télévisée avec le Médecin-inspecteur, l'ADDD met en cause la responsabilité d'un psychiatre dans la mort d'un détenu. A la question « qui est responsable ? », Georges Fully répond : « C'est le système carcéral qui est responsable », avant d'ajouter : « S'il y avait un Nuremberg des prisons je plaiderai coupable. Mais y a-t-il un procès des médecins à faire ?»325(*). A cette question, un membre du GIP, le journaliste Philippe Meyer, répond affirmativement dans une tribune du Monde, mettant en cause le rôle du Médecin-inspecteur :

« Devant une telle juridiction M. Fully pourrait être à la fois accusé et témoin. Il a d'ailleurs l'habitude de ces doubles fonctions, puisqu'il était membre de la commission Schmelck dont le but était de découvrir, à Toul, les négligences que le même docteur Fully avait à charge d'éviter. C'est aux côtés de M. Henri Le Corno [DAP] que le docteur Fully devrait s'assoir au banc des accusés » (« Etouffer et couvrir », Le Monde, 6/12/1972).

Longtemps réduits à de courtes brèves dans les journaux, les suicides de détenus acquièrent à partir de 1972 davantage de visibilité. En attestent les variations autour d'un même fait. En 1969, le suicide d'un détenu considéré comme simulateur n'avait ainsi pas été rapporté par les journaux. En mars 1972, la presse relate la condamnation de l'Administration à indemniser le fils de la victime (LM, 24/03/1972). Fin 1973, la revue Actes publie, à l'occasion du jugement du Conseil d'Etat confirmant le tribunal administratif, l'intégralité de l'arrêt326(*). L'importance accordée à un même événement s'accroît ainsi au fur et à mesure que la question carcérale se politise. Désormais les suicides de détenus sont interprétés par la presse, notamment de gauche, comme autant de remises en cause du ministère de la Justice. Le service médical est régulièrement pris à partie dans la survenue de ces morts ou dans leur « prévention » :

« On assiste actuellement dans les prisons à une tentative de récupération de la médecine par les administrations pénitentiaires, qui essayent de lui faire jouer un rôle de "répression en douceur". Les gardiens appellent de plus en plus les internes chargés de la santé des détenus pour qu'ils viennent "calmer" les prisonniers "un peu remuants" en leur administrant des somnifères et des piqûres » (Libération, 25/06/1973).

Le fait que quelques médecins, pour la plupart démissionnaires, acceptent de témoigner en 1972 sur les suicides survenus en détention, ne doit pas cependant faire oublier que la plupart préfèrent rester en retrait de cette polémique. Une équipe ayant effectuée une étude en 1972, présentant des conclusions critiques pour l'Administration, ne publie ainsi ses résultats qu'en 1977 dans une revue médicale327(*). Plus qu'un signe de compromission, cette attitude traduit peut-être surtout une certaine prudence de la part de professionnels qui refusent d'être instrumentalisés dans la polémique qui oppose Administration pénitentiaire et militants de la cause carcérale328(*). Elle soulève la question du délicat positionnement devant être adoptée par les soignants travaillant en prison.

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La dimension sanitaire du traitement carcéral accède à une plus grande visibilité au début des années soixante-dix du fait des critiques qui lui sont adressées. Face à ces multiples accusations, l'Administration pénitentiaire choisit de se retrancher dans le silence afin de ne pas leur prêter davantage d'audience. En réponse à un tract du GIP mettant en cause en juillet 1971 le médecin d'une M.A, Chevalier de l'ordre national du mérite, le garde des Sceaux recommande au Procureur général de la Cour d'appel de Toulouse de ne pas porter plainte pour diffamation mais pour « délit d'injures publiques », et ce, afin de « limiter le risque de voir s'instaurer un débat sur la vérité des griefs qui sont faits au médecin »329(*). Interpellé par le médecin-chef M.A de La Santé au sujet des propos « scandaleux » tenus par le Dr Dayant sur son propre établissement, René Pleven remarque d'une façon similaire qu'il ne serait pas opportun d'intenter une action en justice à son encontre :

« Certains passages seraient susceptibles en droit strict de motiver des poursuites du chef de diffamation envers l'administration pénitentiaire, et notamment son service médical. Toutefois, fort heureusement, en particulier en ce qui vous concerne, l'ouvrage ne contient pas que des critiques. Je m'interroge donc sur l'opportunité de telles poursuites qui auraient pour conséquence de fournir aux détracteurs de l'Administration pénitentiaire la tribune qu'ils recherchent, et d'assurer au livre de M. Dayant une publicité qu'il ne mérite pas. Ce sont, je l'ajoute, ces mêmes considérations qui m'ont amené précédemment à ne pas mettre en mouvement l'action publique contre M. Marcel Diennet, auteur d'une publication consacrée à l'hôpital central des prisons de Fresnes »330(*).

La lettre d'indignation adressée au ministre de la Justice par le médecin-chef de La Santé témoigne de la réaction que certains praticiens adoptent face aux accusations dont ils sont l'objet au sein de la presse. Longtemps laissés dans l'ombre, les praticiens pénitentiaires sont en effet décrits, du fait de leur présence et surtout de leur silence, comme les complices de ces pratiques. La manière très variée dont ces derniers réagissent rend compte de la structure du secteur professionnel de la médecine pénitentiaire. Tandis que les généralistes adoptent une attitude très réservée, la réaction protestataire des psychiatres mais surtout des internes exerçant en prison témoigne d'un mouvement d'autonomisation des médecins. Bien que critiqué lui-même pour son inefficacité par les militants de la cause carcérale, Georges Fully tente de mettre à profit la mise en cause dont sont l'objet les médecins pénitentiaires. Tout en les désavouant publiquement, il s'appuie sur ce segment d'internes protestataires pour faire valoir les revendications du corps médical à l'égard du ministère de la Justice.

La contestation qui émerge au début des années soixante-dix de la prise en charge médicale des détenus constitue ainsi un moment clef de l'histoire de la médecine pénitentiaire en tant que groupe professionnel et en tant que spécialité médicale. C'est, en effet, à partir de ce moment que s'opposent un segment souhaitant faire prévaloir le Code de déontologie médicale, l'exercice en prison n'étant pas considéré comme quelque chose de spécifique, et un segment privilégiant, à l'inverse, le Code de procédure pénale, la médecine pénitentiaire étant ainsi caractérisée avant tout par la tutelle du ministère de la Justice.

* 306 GIP, Suicides de prison (1972), op.cit., pp.55-59.

* 307 Le GIP dénombre trente-deux suicides tandis que l'Administration pénitentiaire n'en reconnaît que vingt-et-un (L'Aurore, 3/11/1972). Le Monde publiera, par la suite, une liste de trente-sept noms de détenus s'étant suicidés en 1972 (5/01/1973) alors que le CERFI en compte quarante-cinq (ARMAZET André, Les prisons, op.cit., p.94).

* 308 Le nombre de suicides s'élevait en effet en 1971 à dix-sept, chiffre historiquement bas.

* 309 Créé en 1968, le MAJ est un mouvement rassemblant entre cent et deux cents « "travailleurs du droit" (avocats, magistrats, personnel des tribunaux, enseignants, étudiants, éducateurs, assistantes sociales, etc.) qui ont choisi de remettre en cause l'institution judiciaire ».

* 310 BOUCHER Philippe, « Le suicide dans les prisons : une accusation, un appel ? », Le Monde, 24/11/1972.

* 311 GIP, Suicides de prison (1972), « Intolérable 4 », Gallimard, 1973.

* 312 Ibidem.

* 313 COLIN Marcel, GONIN Daniel, DUCOTTET François, « Le suicide en prison », Psychologie médicale, 1977, 9, 1, p.166.

* 314 Les détenus ont toujours avalé toutes sortes d'objet (clous, fourchettes, etc.) en signe de mal-être ou de protestation. Il s'agit là d'une spécificité de l'exercice médical en prison qui sera mis à profit par ceux qui souhaitent légitimer une nouvelle spécialité médicale à part entière, y voyant là une « pathologie carcérale ».

* 315 « Prisons : l'épidémie de suicides continue », L'Aurore, 3/11/1972.

* 316 DELEUZE Gilles, « Suicide et prison », le Monde, 8/11/1972 ; Témoignage Chrétien, 22/02/1973.

* 317 « Suicides dans les prisons », JT 20H, 2ème chaîne, 05/11/1972, archives de l'INA.

* 318 N'ayant pas le statut hospitalier, les établissements pénitentiaires ne disposaient pas d' « internes » en tant que tels, ce qui aurait supposé que les postes soient mis au concours. Les plus grosses Maisons d'arrêt recrutaient contractuellement des Faisant fonction d'interne (FFI), le plus souvent appelés « internes ».

* 319 « Non, Monsieur le Ministre, ce ne sont pas trente-deux tentatives de suicide qui ont eu lieu en treize mois à la Santé mais, en moyenne, deux par jour. C'est chaque nuit, souvent à plusieurs reprises, que j'ai dû soigner d'urgence des hommes qui se tailladaient les veines, absorbaient des barbituriques, de la nicotine, s'enfonçaient des clous dans les poumons, avalaient des corps étrangers, se pendaient, se jetaient des étages, se mutilaient le sexe, se brûlaient le visage, se tapaient la tête contre les murs » (Le Nouvel Observateur, 13/12/1971).

* 320 Le Dr Dayant dénonce également l'augmentation des suicides au cours d'une émission radio (« Les suicides dans les prisons », France Inter, 02/11/1972, 16 min, Archives INA).

* 321 Le Dr Edith Rose a accédé à une certaine notoriété en décembre 1971 par sa dénonciation des conditions d'incarcération à la prison de Toul où eut lieu une importante révolte (Cf. Chapitre 1 - Section 3.1 : « De la remise en cause de la psychiatrie asilaire à la dénonciation de la psychiatrie pénitentiaire »).

* 322 « "Nous pourrions sauver des détenus désespérés mais nous manquons de moyens" confie un médecin des prisons », France Soir, 4/11/1972.

* 323 Beaucoup de tentatives de suicides (notamment les phlébotomies) n'étaient alors pas considérées comme telles mais comme des actes de simulation et n'étaient donc pas comptabilisées.

* 324 GIP, Suicides de prison (1972), op.cit., p.38.

* 325 (Ibidem, pp.55-59). Beaucoup ne reprirent que la première phrase, saluant ainsi le courage du Médecin-inspecteur, tel François Mitterrand dans La rose au poing publié en 1973.

* 326 Actes. Cahiers d'action juridique, n°1, 12/01/1974.

* 327 Tandis que l'Administration pénitentiaire relève 127 tentatives de suicide en 1971 et 325 en 1973, une recension des tentatives de suicide hospitalisées au seul service d'urgence d'un hôpital et dans la seule région lyonnaise en dénombre 82 en 1973. L'équipe conclut qu'il « n'est pas exagéré d'affirmer que [...] le taux de suicides et tentatives de suicides en prison est nettement supérieur à celui de la population globale » avant de reconnaître la sous-estimation volontaire de la Chancellerie (COLIN Marcel, GONIN Daniel, DUCOTTET François, « Le suicide en prison », art.cit., p.116).

* 328 Atteste de cette prudence un article paru dans la presse médicale du Dr Hivert, beaucoup plus critique que ses déclarations à l'égard de la presse dans lequel il refuse le débat sur le nombre de suicides : « Leur dénombrement systématique est l'objet d'exploitations diverses. La réalité disparaît souvent derrière des attitudes passionnées. Des chiffres sont opposés à d'autres chiffres. Cette comptabilité des morts devient dérisoire ». Regrettant que « telle automutilation jugée peu sérieuse ne sera pas prise en compte », il souligne que le suicide invite l'Administration « à s'interroger sur son fonctionnement interne » : « Plutôt que de se satisfaire de simples "précautions techniques" l'institution doit être capable d'entendre le cri du suicidant et permettre la circulation de la parole en créant, par exemple, des lieux où le discours puisse s'exprimer librement ». Le médecin-chef du CMPR de La Santé remet en cause le rôle dont sont investis le praticien et sa pharmacopée : « Le recours au médecin est d'abord vécu par l'institution comme sécurisant. Investi par son statut social d'un certain pouvoir magique, il est celui qui doit conjurer la mort [...] pourquoi cette chimiothérapie si ce n'est pour obvier à une condition carcérale mal tolérée, à une absence de dialogue, à une non-réponse à certaines demandes et à une insuffisance de l'équipement ? » (HIVERT Paul, « Le comportement suicidaire dans les prisons », Gazette médicale de France, 1974, tome 81, n°39, pp.5537-5544).

* 329 Lettre du garde des Sceaux au Procureur général de la Cour d'appel de Toulouse du 25/09/1971 (CAC. 19940511. Art.91. Dossiers de carrière des médecins ayant cessé leurs fonctions dans les années 1981-1989).

* 330 Lettre de René Pleven à Lucien Jégou, médecin-chef de La Santé, du 5/08/1972 (CAC. 19940511. Art.95).

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