Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).( Télécharger le fichier original )par Eric FARGES Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013 |
Section 3 - Les médecins face à l'Administration pénitentiaire : loyauté, apathie, protestation et défectionGeorges Fully : « Nous [les médecins pénitentiaires] souhaitons, je crois que c'est un désir général qui s'exprime lors de ses journées, être intégrés au système pénitentiaire, être considérés comme faisant partie du système qui régit l'institution. Qu'on ne s'adresse plus seulement à nous comme des techniciens mais qu'on nous demande de participer vraiment, non seulement pour donner des avis techniques mais également pour étudier certains aspects, certaines évolutions, certaines améliorations qui concernent l'institution elle-même »331(*). Les médecins pénitentiaires acquièrent soudainement au début des années soixante-dix une plus grande visibilité au sein de l'espace médiatique. Certains événements placent ces derniers en première ligne de l'actualité. Le « drame de Clairvaux », au cours duquel est décédée une infirmière, contribue par exemple à souligner le danger encouru par les personnels médicaux en détention332(*), notamment après que des faits similaires aient eu lieu à Marseille333(*). A la suite de ce « Clairvaux à l'envers » (le détenu fut abattu sans avoir pu s'en prendre à l'infirmière), un journaliste remarque avec ironie qu'« il ne fait pas bon être infirmière dans une prison » (L'Aurore, 15/10/1971). Mais c'est surtout la forte remise en cause dont est l'objet le personnel sanitaire qui est à l'origine de sa progressive prise en considération. A partir de l'« affaire Buffet » s'engage par exemple un débat sur les conditions de l'expertise psychiatrique des détenus, l'Administration pénitentiaire étant accusée d'avoir sous-estimé la dangerosité des deux criminels, qui amène un journaliste à se demandant si « les prisons n'ont ni médecins ni psychologues ? » (LM, 23/09/1971). Parfois certains praticiens sont nommément mis en cause par la presse ou les militants de la cause carcérale. Ces critiques ne sont pas sans effets sur les médecins en question. C'est par exemple le cas du Dr Pivert de la M.A de Dijon déjà évoqué auparavant334(*). A la suite de la publication de plusieurs articles le mettant « gravement en cause »335(*), ce médecin, offusqué, demande à ce qu'« une lettre émanant de la plus haute autorité de l'administration pénitentiaire le mettant hors de cause soit adressé à la presse avant qu'il ne reprenne ses fonctions »336(*). Une mise au point est publié dans le journal local Les dépêches le 29 août 1972 tandis que le Directeur de l'Administration pénitentiaire (DAP), Henri Le Corno, atteste dans une lettre au Conseil départemental de Ordre des médecins que ce praticien « depuis sa nomination le 1er avril 1965, s'est toujours acquitté de ses fonctions avec compétence, dévouement et humanité, dans le respect des règles déontologiques de la profession médicale »337(*). Malgré cela, le praticien refuse de reprendre ses fonctions tant que « l'enquête est en cours », mettant en avant « le préjudice moral et professionnel indiscutable » subi : « Il n'y a pas de jour au cours de mes visites ou consultations où mes patients, ayant tous lu ces articles diffamatoires, ne me posent des questions. Malheureusement cette campagne de presse diffamatoire continue »338(*). Henri Le Corno fait alors valoir à ce praticien que « l'Administration pénitentiaire comme vous le savez n'est pas épargnée par la diffamation voire même par l'injure depuis plusieurs mois et à travers votre personne c'est elle qui est visée »339(*). Outre les attaques dont ils sont l'objet au sein de l'espace public, les praticiens travaillant en institution carcérale sont confrontés depuis la fin des années soixante à des conditions de travail difficiles. Dans la logique du paradigme utilitariste, Albert Hirschman a démontré que face à une situation d'insatisfaction les individus peuvent exprimer leur mécontentement sous deux formes : la défection (exit) qui consiste à s'extraire de la relation et la prise de parole (voice), c'est-à-dire la contestation de l'organisation. Cette prise de parole est définie de façon extensive puisqu'elle inclut la protestation par voie interne ainsi que le recours à l'espace public340(*). Il existerait ainsi trois manières de contester une institution : l'abandon silencieux, la « voice interne » et la « voice externe »341(*). Les « contraintes structurelles » expliquent selon Hirschman la forme de protestation adoptée : la capacité de s'extraire de l'institution ou la possibilité de peser sur les décisions qui y sont prises conditionnent le comportement des individus. Ainsi, plus la défection est aisée et plus la prise de parole interne est rare. Le faible lien de dépendance structurel des médecins à l'égard de l'Administration (ils sont presque tous vacataires) favorise la défection et limite la probabilité d'une contestation au sein de l'institution. Il semblerait que plusieurs personnels sanitaires aient fait le choix de s'extraire de cette situation d'insatisfaction plutôt que de la contester comme le confirme le nombre d'infirmières démissionnaires. Huit infirmières démissionnent en 1973, dix-huit en 1975, seize en 1976342(*). Ce phénomène, observable pour d'autres catégories de personnels pénitentiaires343(*), semble avoir concerné peu de médecins. En dépit de la démarche de spécialisation entreprise par Georges Fully, les praticiens ne semblent pas réagir en tant que profession organisée. Leur syndicat n'adopte aucune prise de position344(*). Les rares témoignages de médecins exerçant en milieu carcéral publiés au début des années soixante-dix sont peu critiques sur la tutelle exercée par l'Administration pénitentiaire345(*). Mal rémunérés, confrontés à de nombreuses difficultés matérielles et éthiques, les médecins pénitentiaires sont pourtant insatisfaits de leurs conditions de travail346(*). Albert Hirschman a démontré que des individus peuvent demeurer fidèles à une institution malgré le mécontentement éprouvé347(*). Ce phénomène de loyauté (loyalty) est fréquemment observé dans les partis politiques, syndicats où priment les arguments idéologiques. Il apparaît en revanche peu pertinent pour les médecins intervenant en prison pour lesquels, d'une part, l'intérêt économique est faible et où, d'autre part, le sentiment d'appartenance à l'institution est moindre. La lettre de démission de ce praticien exerçant à la M.A de Vannes depuis 1953 relativise pourtant en partie cette idée puisqu'elle atteste d'un phénomène de loyauté : « Je suis en désaccord complet avec les "orientations" actuelles du système pénitentiaire dans lequel les détenus sont considérés comme des victimes dignes de tous les égard et les membres du personnel comme des tortionnaires. La "répression" est un terme à ne plus employer sous peine de passer pour un dangereux fasciste »348(*). En proposant sa démission à un moment où la politique pénitentiaire se libéralise, ce médecin entend témoigner de sa loyauté à l'égard d'une certaine conception de l'institution carcérale. Le ministre de l'Intérieur intervient en personne auprès du garde des Sceaux et du médecin en question pour lui demander de reconsidérer sa démission, décrite comme « symptomatique d'un certain état d'esprit à l'égard des orientations de la politique pénitentiaire »349(*). Exemplaire de l'identification idéologique que certains praticiens éprouvent à l'égard de leur tâche, ce cas d'extrême loyauté ne peut cependant être généralisé. En effet, l'essentiel des médecins exerçant en institution carcérale privilégient une attitude de retrait. Cette absence de réaction peut s'expliquer par le phénomène d'« apathie » décrit par Guy Bajoit350(*). La fidélité d'un individu à une institution peut résulter selon lui d'un calcul gains/coût au terme duquel le maintien passif apparaît préférable à toute mobilisation jugée trop coûteuse. Afin d'éviter tout risque de poursuite pénale ou déontologique, certains médecins sont enclins à taire certaines pratiques et à adopter ainsi une démarche de mise en retrait. Outre un certain de degré de loyauté à l'égard de l'Administration, la non-remise en cause de l'instrumentalisation des psychotropes dans le maintien du calme en détention, fortement dénoncée dans l'espace public, durant l'été 1974 peut ainsi s'expliquer par la volonté de ne pas s'exposer personnellement (Cf. Encadré). LES MÉDECINS PÉNITENTIAIRES, ENTRE LOYAUTÉ ET APATHIE : L'EXEMPLE DE LA « SURPRESCRIPTION » DE PSYCHOTROPES La réaction de certains médecins au moment des révoltes de l'été 1974 permet de comprendre le mélange de loyauté et d'apathie parfois adopté à l'égard de l'Administration pénitentiaire. Cette dernière incite les généralistes à surdoser les psychotropes afin de prévenir toute contestation. Tandis que certains praticiens dénoncent cette « camisole chimique », d'autres consentent à cet usage répressif de la médecine. En atteste le compte-rendu de réunion de la Commission de surveillance de la M.A de Tours réunie en 1974 suite à plusieurs tentatives de suicides par ingestion de médicaments351(*). Le secrétaire général de la préfecture présidant la Commission rappelle en début de séance que « le calme a régné dans la Maison d'Arrêt lors des mutineries du mois de Juillet dernier » tandis que « le Procureur approuve fermement la ligne de conduite actuellement suivie, qui permet d'avoir affaire à des détenus calmes ». Les deux médecins de l'établissement présents à la commission n'effectuent aucune plainte ou réclamation. Le premier praticien constate que « l'origine du problème se trouve dans le régime horaire auquel sont soumis les détenus. En effet, le nombre d'heures de sommeil imposé à ceux-ci est très élevé, pratiquement douze heures ». Il justifie, d'autre part, l'importance des prescriptions, à propos desquelles aucun chiffre ne figure, par le fait « qu'un grand nombre d'entre eux avaient commencé avant l'incarcération à prendre de ces barbituriques ou tranquillisants et que la suppression de tels médicaments provoque généralement de graves perturbations chez les intéressés ». Enfin le médecin « déclare formellement que l'usage des barbituriques et tranquillisants pendant la détention ne crée aucune accoutumance ». « Etant assuré qu'aucune accoutumance n'est à craindre dans l'emploi des barbituriques et tranquillisants », le président de la Commission « confirme le docteur [...] dans sa ligne de conduite ». L'autre praticien de l'établissement « rejoint le point de vue de son confrère, en signalant que le problème que pose l'utilisation des barbituriques et tranquillisants est identique en milieu extérieur et qu'il lui semble être beaucoup plus philosophique que médical ». L'attitude de ces médecins à l'égard des autorités judiciaires peut certes s'expliquer par leur loyauté à l'égard de l'institution pénitentiaire. Mais elle peut également être interprétée comme une position de repli traduisant la volonté de ne pas s'exposer à des poursuites judiciaires. En entérinant l'avis de l'Administration, les médecins s'assurent que leur responsabilité personnelle ne peut être engagée dans des décisions qui sont considérées comme ne relevant pas de leur initiative. Suite à la mort à la M.A de Quimper en août 1974 d'un détenu ayant ingurgité des barbituriques, une plainte est déposée pour homicide par imprudence. Dans son rapport, le Médecin-inspecteur, Solange Troisier, absout le médecin de toute responsabilité après avoir remarqué que celui-ci lui « a avoué qu'éventuellement il déposerait une plainte au Conseil de l'Ordre si nous [la DAP] envisagions de l'attaquer » : « Je n'ai relevé aucune faute professionnelle [...] En tant que Médecin responsable j'affirme qu'il ne s'agit pas d'un problème de médicament mais malheureusement d'un état de fait qui existe dans beaucoup de nos petites Maisons d'arrêt »352(*). Dans une autre lettre adressée à un magistrat de la DAP, elle dissuade de le licencier : « Nous aurons certainement des problèmes avec le Conseil de l'Ordre car il y a quelques mois une plainte devait être déposée contre lui et lorsque je me suis rendue sur place envoyée par M. Beljean, il m'avait avoué qu'il pensait saisir le Conseil »353(*). Même si toute loyauté à l'institution n'est pas à exclure, l'absence de protestation publique ou interne des médecins pénitentiaires répond par conséquent à un phénomène d'apathie dont on peut rendre compte par la volonté de se prémunir contre toute complication. A l'encontre de cette apathie figure une exception lyonnaise. Depuis les années soixante, des soignants tentent d'opérer collectivement de petites transformations afin de rendre l'institution carcérale moins criminogène354(*). C'est ainsi que sont institués au début des années soixante des groupes de paroles permettant aux détenus de décharger leur agressivité. Le fait pour ces médecins d'opérer simultanément dans plusieurs lieux de travail, notamment en milieu hospitalier, leur aurait conféré davantage d'autonomie, leur permettant ainsi d'oeuvrer pour une meilleur délimitation entre le médical et le pénitentiaire. C'est ainsi que deux praticiens lyonnais protestent auprès du directeur des prisons de Lyon suite aux conditions dans lesquelles ce dernier aurait demandé communication du dossier médical d'un détenu « L'infirmière craignant en obéissant de contrevenir à la règle du secret médical en référa par téléphone au médecin-chef des Prisons, qui s'opposa à la remise de ce document médical, à des personnes non liées par le même secret. Vous avez alors produit un acte de réquisition émanant du Parquet ; devant cette situation inhabituelle et impressionnante, l'infirmière, sur votre ordre pressant, s'est crue obligée de remettre l'ensemble du dossier »355(*). L'équipe lyonnaise se heurte cependant à des difficultés croissantes en lien notamment avec le climat de tension généré par les révoltes de détenus, comme le rappelle une psychologue du groupe : « Les plus anciens de notre équipe travaillent dans les prisons depuis dix-sept ans [...] Après une période relativement constructive, ils ont constaté depuis quelques années une détérioration constante du système [...] Nous avons constaté des entraves institutionnelles à l'application des méthodes les plus traditionnelles et les plus admises, telle que les soins médicaux [...] Depuis quelques temps, les détenus "crient sur les toits", et nous, crions nous dans le désert ? »356(*). Relatant son « sentiment d'insatisfaction » dans sa pratique professionnel, un interne de la M.A de Lyon observe que « plusieurs membres de l'équipe criminologique lyonnaise exprimaient, lors d'une réunion générale, leur lassitude et leur épuisement moral »357(*). Ces difficultés croissantes, mais peut-être aussi la remise en cause des prisons qui a alors lieu, amène ces soignants à témoigner. Tout d'abord dans des revues spécialisées. Le Pr Marcel Colin, responsable de l'équipe médicale, évoque ainsi la difficile acceptation par l'Administration pénitentiaire des groupes de psychothérapie : « Essayez de faire venir des psychologues ou des psychothérapeutes en prison ! [...] L'administration a toujours [...] accumulé des difficultés et les instructions systématiques au développement de ces techniques qui allaient contre certains impératifs de sécurité, et finalement contre l'idéologie profonde de l'institution qui ne doit pas être faite pour soigner mais pour punir »358(*). Dans un article du Monde, le responsable de l'équipe lyonnaise tient des propos également très critiques : « Le médecin de prison a conscience, non sans malaise, d'appliquer une sous-médecine rurale passablement anachronique et de couvrir de sa responsabilité les carences sanitaires et l'indigence des équipements »359(*). Alors que les prisons sont au centre de l'actualité, cette lassitude et l'envie de transformer la prison sont à l'origine de la publication d'un livre à succès critique sur le monde carcéral par la psychologue qui anime ces groupes de parole360(*). Le découragement de l'équipe lyonnaise est, d'autre part, à l'origine de la démission, en 1972, d'un médecin de la M.A de Lyon qui se heurtait souvent à la tutelle pénitentiaire du fait de son « franc parler » d'après un autre praticien de l'équipe lyonnaise : « C'est-à-dire qu'il commentait parfois les placements en quartier disciplinaire, sur la durée ou la légitimité de la sanction infligée »361(*). Ce praticien accepte notamment de témoigner des conditions de vie en détention lors du procès intenté par le ministère de la Justice contre le journal satirique Guignol, comme le rapporte un journaliste : « Il a déclaré qu'il avait "vu en dix ans se dégrader la situation à tous les niveaux et se dégrader du coup l'institution elle-même". Interrogé sur le rôle répressif des surveillants, il constate qu'"à l'occasion d'une certaine agitation dans mon infirmerie, il m'est arrivé de demander aux surveillants qui avaient déjà sorti les matraques de se retirer et, seul, j'ai ramené le calme" » (LM, 2/05/1972). « Nous ne pouvons pas nous contenter de travailler en milieu fermé ; l'information permanente, et dans les périodes de crise, le témoignage sont une part importante de notre travail et nous ne pouvons-nous y dérober », déclare Simone Buffard lors d'une table ronde réunissant à l'initiative du Concours médical cinq professionnels travaillant dans les établissements de Lyon362(*). Les spécificités lyonnaises, où les médecins disposent d'une inscription collective dans le secteur hospitalo-universitaire, confirment en partie l'hypothèse d'Hirschman du rôle des contraintes structurelles dans la réaction des individus. Pourtant un autre facteur doit être intégré à l'analyse. L'attitude différenciée des soignants lyonnais ne peut être comprise sans leur rattachement à la psychiatrie363(*). Ainsi, outre les spécificités locales et individuelles, la culture du secteur professionnel d'origine apparaît comme un facteur explicatif fondamental dans la réaction des praticiens intervenant en détention. La propension des psychiatres pénitentiaires à prendre la parole publiquement s'explique ainsi par la culture critique qui s'est progressivement développée dans le secteur de la psychiatrie au cours des années soixante (1). De même l'engagement des internes traduit l'émergence d'une nouvelle culture professionnelle parmi les praticiens, davantage politisés durant les « années 68 ». Le regard critique que ces internes apportent sur leurs conditions de travail favorise l'émergence d'un segment protestataire qui traverse les médecins pénitentiaires (2). 1. De la remise en cause de la psychiatrie asilaire à la dénonciation de la psychiatre pénitentiaire : l'émergence d'un regard critique sur la tutelle administrativeEdith Rose, psychiatre de Toul : « Mes prescriptions étaient exécutées de la manière la plus fantaisiste » Journaliste : « C'est à dire que vos ordonnances n'étaient pas suivies? Les détenus ne recevaient pas les médicaments que vous leur prescriviez ? » Edith Rose : « Non, en particulier les médicaments qui étaient prescrits pour le soir, parce qu'ils n'y avait personne pour leur distribuer ces médicaments » Journaliste : « On raconte que vous auriez vu des détenus attachés sur le lit de contention ? » Edith Rose : « Je n'y ai vu qu'une seule fois par hasard un homme attaché parce que je me suis glissée dans une porte entrebâillée de ma propre initiative; sans qu'on m'y ait appelée, je le précise. L'infirmière se plaignait à moi de ces contentions fort longues. D'autre part, les surveillants m'ont dit plusieurs fois qu'il leur était absolument insupportable d'aller nourrir à la cuillère un homme attaché depuis une semaine qui était dans ses excréments »364(*) Le travail des psychiatres pénitentiaires au début des années soixante-dix se limite le plus souvent à une consultation hebdomadaire de quelques heures au cours de laquelle se pressent plusieurs dizaines de patients. L'essentiel de leur tâche se résume alors à remédier aux angoisses des détenus et à leurs manifestations (insomnies, suicides, ingestion de corps étrangers) par la prescription à fortes doses de psychotropes, sans qu'il leur soit possible d'amorcer une réelle approche thérapeutique. Ces psychiatres s'organisent collectivement. Le Dr Paul Hivert, médecin-chef de l'Annexe de la Santé, crée un syndicat des psychiatres pénitentiaires365(*). Ces derniers dénoncent la contradiction de cette situation avec leur rôle soignant lors des congrès de criminologie, où ils sont largement représentés, comme lors du 10ème congrès français de criminologie réuni à Lyon en 1969 : « La situation qui a prévalu est, nous semble t-il, un sentiment de désarroi ; le mot ne nous semble pas trop fort ici car il correspond bien à cette conscience aigüe des spécialistes du traitement de se heurter en milieu carcéral à une impasse, à leur impression d'être floués, de servir d'alibi pour la bonne conscience de l'administration et de la société »366(*). Au cours des débats, certains proposent de « dépsychiatriser » les soins aux détenus. Le fait que les psychiatres pénitentiaires, bien que confrontés à des difficultés similaires, voire moindres, que les généralistes367(*), soient les premiers à se désolidariser de l'Administration pénitentiaire atteste de leur progressive autonomisation. C'est ce que confirme la démission au début des années soixante-dix de cet interne en psychiatrie refusant le rôle qui lui était imparti au sein de l'institution carcérale : « On ne faisait pas de psychiatrie à l'époque. C'était clair. On était des pacificateurs. C'est à dire qu'on servait à lisser les vagues et les conséquences des troubles psychiques liés à l'incarcération, aux conditions de détention, à la longueur de l'instruction... Donc on distribuait des médicaments. On ne faisait que ça ! Il n'était pas question de faire une psychothérapie. On n'aurait pas eu le temps. Mais, c'était pas du tout ce qu'on nous demandait ! J'avais deux vacations. On avait à peu près dix minutes par nouveau dossier et cinq minutes par dossier qu'on avait déjà vu [...] A l'époque il y avait une juge d'application des peines qui était très pertinente et très efficace. Donc la seule psychiatre, c'était la juge d'application des peines. Parce qu'elle avait un pouvoir [...] Je le répète, on n'était pas dans les conditions pour faire de la psychiatrie. On était là pour calmer les détenus »368(*). L'autonomisation de la psychiatrie pénitentiaire se traduit sous la forme de prises de parole au sein de l'espace public. En février 1971, à l'occasion de la seconde grève de la faim des détenus gauchistes, douze psychiatres et psychologues du CMPR de la M.A de La Santé affirment dans un communiqué leur « entière solidarité avec le mouvement actuel de revendication d'amélioration urgente des conditions de vie en milieu pénitentiaire » (LM, 9/02/1971). En soutenant la revendication des grévistes, l'équipe du Dr Hivert accrédite la gravité de la situation ce qui tranche avec le repli qu'adopte alors la Chancellerie. Cette autonomisation se confirme lors des événements de Toul à travers le témoignage du psychiatre de l'établissement, Mme Rose, qui contribue à donner à cette mutinerie une forte ampleur médiatique. Pour la première fois, la condamnation précise des conditions de détention n'est plus seulement le fait d'anciens détenus ou de militants gauchistes mais l'oeuvre d'une professionnelle exerçant en prison. La Cause du peuple, premier journal à relater l'événement, publie la déposition faite par la psychiatre de Toul à l'inspecteur général de l'Administration pénitentiaire et qu'elle fit parvenir au président de la République, au garde des Sceaux ainsi qu'au président du Conseil de l'Ordre des médecins369(*). La spécificité de son discours n'est pas de s'inscrire, comme elle le fait, dans un courant humaniste, en prenant par exemple la défense des détenus au nom de l'« humanité »370(*), mais d'intervenir en tant que professionnelle de santé. Afin d'attester ses propos, Edith Rose recourt ainsi à la légitimité que lui confère son statut de médecin (l'expression « Je puis affirmer sous la foi du serment » figure à six reprises dans son discours). Elle ne consacre cependant pas sa déposition aux soins médicaux mais aux conditions de vie et aux mauvais traitements dont auraient souffert les détenus depuis plusieurs années371(*). Elle décrit notamment de façon précise la pratique de la contention accréditant ainsi les propos des détenus : « Mais la chose qui m'a le plus écoeurée et le plus fait de peine, c'est d'avoir vu les gens attachés pendant une semaine et plus. Je puis affirmer sous la foi du serment qu'on ne les détachait pas pour manger. J'entendais de mon bureau l'infirmière appeler un surveillant pour les nourrir à la cuillère [...] Certains témoignages disent même qu'on les laissait dans leurs excréments, je ne l'ai pas vu. J'ai bien souvent exprimé devant Madame l'infirmière mon horreur de telles méthodes et mon désir de voir détacher ces gens. Et quand je m'exprimais ainsi, on me répondait invariablement qu'il s'agissait d'un règlement administratif s'appliquant aux hommes qui avaient fait des tentatives de suicides ou d'automutilations [...] Personnellement, je suis allée, un jour, de ma propre autorité, sans qu'on me le demande, dans une cellule où un homme était attaché [...] Je puis affirmer sous la foi du serment qu'il ne présentait aucun état d'agitation ou de démence nécessitant cette contention ». Le témoignage d'Edith Rose a bénéficié d'importants échos dans les journaux. Le Monde (19-20/12/1971), Combat372(*) ou Le Nouvel Observateur373(*) en publient de larges extraits. L'Est Républicain lui consacre une pleine page sous le titre : « Un choc au carrefour des consciences » (19/12/1971). Plusieurs interviews du Dr Rose sont diffusées à la télévision et à la radio374(*). Un sondage de la Sofres réalisé fin décembre indique que 57% des personnes interrogées approuvent l'action du Dr Rose375(*). Si son témoignage bénéficie de tels échos dans les médias, c'est non seulement parce qu'il « semble peu suspect d'interprétations partisanes » (Combat, 21/12/1971), mais aussi parce qu'il fut soutenu et amplifié par les militants de la question carcérale, et notamment Michel Foucault qui fut le premier à rendre public le document lors d'une conférence de presse et qui le fit publier à titre publicitaire dans Le Monde376(*). Si le « discours de Toul », à partir duquel il établit la distinction entre le modèle de l'intellectuel « universaliste » et celui de l'intellectuel « spécifique »377(*), constitue à ses yeux « un événement si important dans l'histoire de l'institution pénitentiaire et psychiatrique », ce n'est non pas tant par les problèmes qu'il soulève que par la façon dont cela est fait, non pas de façon floue et imprécise mais à partir d'un récit singulier où Mme Rose met au premier plan son expérience de la prison : « Voilà que la psychiatre de Toul a parlé. Elle a bousculé le jeu et franchi le grand tabou. Elle qui était dans un système de pouvoir, au lieu d'en critiquer le fonctionnement, elle a dénoncé ce qui s'y passait »378(*). L'intervention d'Edith Rose est présentée dans la presse comme un geste de résistance exercé non pas seulement du fait de sa profession, très peu notant qu'elle est psychiatre, mais en raison de la position qu'elle occupe au sein de l'institution carcérale. Tout en état une professionnelle de la prison, le Dr Rose est décrite comme « extérieure » à l'Administration pénitentiaire du fait de son statut de médecin379(*). Le Nouvel Observateur remarque ainsi que les trois témoignages critiques, le pasteur et l'abbé de l'établissement prirent également position en faveur des détenus, provenaient tous de « personnes étrangères à l'administration » (20/12/1971). Apparaît ainsi dans l'espace public la figure de professionnels se situant au sein de l'institution carcérale, du fait de leur présence, et pourtant extérieurs à elle car capables de tenir un discours critique. La mise à pied de ces trois personnes, accusées d'avoir pris une part active dans la révolte, accrédita l'idée que seuls des individus extérieurs à l'Administration, c'est-à-dire n'étant pas identifiés à elle, bénéficiaient d'une liberté de parole380(*). Beaucoup établirent d'ailleurs un parallèle avec une assistante sociale de la Croix-Rouge, Mme d'Escrivan, intervenant à Fresnes qui fut licenciée au même moment pour avoir révélé les mauvais traitements subis par un détenu (Politique Hebdo, 23/12/1971)381(*). Pourtant si la déclaration du Dr Rose peut être vue comme la désolidarisation d'une professionnelle extérieure au ministère de la Justice, ce n'est pas en raison de son statut mais de son secteur professionnel d'origine, comme on en fait l'hypothèse. Il est en effet possible de réinscrire cette prise de position dans le cadre des transformations qui affectent plus largement le secteur de la psychiatrie382(*). Si les psychiatres sont les plus enclins à dénoncer certaines pratiques, c'est parce qu'ils font écho au mouvement de remise en cause qui affecte alors l'institution asilaire. Les témoignages de soutien que reçut le Dr Rose des professionnels de la santé mentale traduisent cette affinité entre les problématiques des psychiatries pénitentiaire et asilaire. Les courriers publiés dans la revue professionnelle Psychiatrie d'aujourd'hui présentent ainsi « les psychiatres dans la prison » et « la prison chez les psychiatres » comme deux dimensions complémentaires du rôle « répressif » que la psychiatrie est appelée à exercer en situation d'enfermement : « L'ambiguïté du rôle des "psy-" dans l'enceinte carcéral éclate alors : sous couvert de présence scientifiquement fondée s'agit-il d'autre chose que d'adapter le détenu aux conditions de sa peine ? Qu'il s'agisse du dépistage des troubles mentaux ou du traitement des décompensations caractérielles, l'intervention du psychiatre semble avant tout destinée à contribuer au maintien de l'ordre intérieur : asepsie psychique [...] Les manipulateurs du psychisme ont pu, dès leur apparition, paraître des auxiliaires précieux pour ce dessin : le licenciement guette ceux qui tendraient à sortir d'un tel rôle » 383(*) « L'Hôpital psychiatrique, quant à lui, reste bien souvent un lieu de ségrégation et d'oppression, et toute tentative thérapeutique y est illusoire. Le Médecin-chef, par la position qu'il occupe, sert de garant à cet état de choses. Son premier travail ne consisterait il pas à dénoncer publiquement cette situation et à en rechercher les causes ? ». « Mais surtout il règne à l'asile un "ordre moral" tout aussi contraignant que la camisole de force [...] Nous pensons que ce survol rapide du psychiatre met l'accent d'une part, sur son ambiguïté : mi-soignant mi-magistrat (il délivre les certificats), d'autre part, sur la caution que son seul titre apporte à des pratiques tout à fait scandaleuses. Il doit "soigner" sans s'interroger sur l'origine de la demande, et quelle position alors il occupe. Suffit-il qu'un psychiatre se révolte contre l'injustice de la société, sa dureté ? Nous pensons que cela ne suffit pas et qu'il doit dénoncer les conditions de sa propre pratique au moyen - comme Mme Rose l'a fait - de documents, de témoignages, d'enquêtes personnelles, dénoncer le rôle d'écran que joue son personnage - au nom des soins médicaux- pour couvrir des pratiques dignes de celles de la prison de Toul » (Témoignage d'un psychiatre hospitalier, LM, 31/12/1971) La déclaration du Dr Rose atteste ainsi aussi bien du courant critique qui secoue alors l'ensemble du secteur psychiatrique que de l'autonomisation croissante des psychiatres à l'égard de l'Administration pénitentiaire. Apparaît alors pour la première fois l'idée que les professionnels de santé exerçant dans l'institution carcérale occupent une position privilégiée leur permettant d'exercer un rôle de vigilance, comme le suggère Gilles Deleuze, membre du GIP : « Un mouvement se dessine actuellement, du côté de certains représentants du ministère, et de certains dirigeants de syndicats pénitentiaires, pour éliminer de la prison les psychologues et les psychiatres comme autant de témoins éventuellement gênants. Il importe au contraire que les témoins gênants se multiplient, et que les psychiatres qui, même hors des prisons, se trouvent confrontés aux conséquences psychologiques de l'incarcération, participent de plus en plus à la condamnation du régime pénitentiaire en France »384(*). Après le Dr Rose, d'autres psychiatres pénitentiaires enfreindront le devoir de réserve, le plus souvent de façon anonyme, afin de dénoncer l'ambiguïté de leur fonction : « En raison même de leur présence, les psychiatres sont perçus comme ceux qui doivent prendre en charge des sujets manifestant leur intolérance à un mode de vie qui leur est imposé. Ainsi, l'intervention du psychiatre tend partiellement à se substituer aux méthodes répressives »385(*). Si certains font l'éloge de ce rôle de veille des personnels soignants en prison, d'autres soulignent à l'inverse l'ambigüité de leur position. Car le psychiatre ou le généraliste n'en sont pas moins des membres à part entière de l'Administration pénitentiaire à l'égard de laquelle un devoir de réserve s'impose. Certes, désormais « le docteur Rose, comme beaucoup d'autres médecins, n'est plus décidée à se taire » (Témoignage chrétien, 10/02/1972). Au témoignage de la psychiatre, les journalistes opposent cependant le silence de son confrère généraliste de la Centrale de Toul qui au nom du secret médical refusa d'évoquer les bons de contention qu'il avait signés et antidatés386(*) (L'Express, 20-26/12/1971). Le silence adopté par l'essentiel du corps médical intervenant en institution carcérale est interprété par certains journalistes comme un aveu de culpabilité : « Les 240 médecins de la Pénitentiaire sont mal à l'aise. Et ils ont mauvaise conscience. Ils savaient à peu près tout, car ils sont les seuls à recevoir les confidences des détenus. Ils n'ont rien dit [...] Qu'ont fait ces médecins ? Ils ont gardé leur secret »387(*). La non-dénonciation par les professionnels de santé de leurs conditions de travail est présentée comme une approbation implicite du « régime pénitentiaire », comme en atteste la façon dont les propos de l'infirmière de Toul sont restitués par ce journaliste : « A Toul, il y a une tentative de suicide ou d'automutilation par semaine. "Je n'appelle pas suicide la tentative d'un détenu qui se taillade les poignets quand passe le gardien", constate paisiblement Mme [...], unique infirmière de 600 prisonniers. Elle ne se plaint pas d'un surcroît de travail : "On dépense 80.000 à 100.000 francs par an pour les médicaments. Je suis bien secondée par les gardiens, dit-elle. Il faut parfois six hommes pour maîtriser un prisonnier en état de crise, alors la contention est bien nécessaire..." ». (L'Express, 20-26/12/1971, souligné par nous) Même le Dr Rose ayant dénoncé les pratiques de Toul n'est pas sans faire l'objet de critiques car « si Mme Edith Rose a sonné l'alarme, après coup, elle n'a pas plus songé que son confrère généraliste à alerter le Conseil de l'Ordre » (L'Express, 17/01/1972). Cette condamnation trop tardive fut également reprochée par le rapport Schmelck à Edith Rose, seul le Comité Vérité Toul, créé par Robert Linhart, ayant pris sa défense (LM, 11/01/1972). Certains militants du CVT jetèrent toutefois un regard critique sur le rapport du Dr Rose qui, en déclarant que « les détenus sont bien soignés sur le plan médical strict », justifia une définition trop étroite selon eux du soin médical : « Le "plan médical strict", c'est la médecine de l'analyse, des appareils de mesure, des statistiques, etc. Quant aux rapports humains avec le détenu... »388(*). Si les psychiatres ont été les premiers professionnels de santé à se démarquer de l'Administration pénitentiaire en prenant la parole publiquement, c'est non seulement parce que la psychiatrie carcérale accède alors à une première forme d'autonomie389(*) mais surtout parce que ce secteur disciplinaire fut très tôt confronté aux enjeux éthiques liés aux institutions fermées. Dès les années soixante, dans le cadre de l'antipsychiatrie, est apparu un courant de réflexion quant au positionnement du praticien à l'égard de l'institution, dont sont largement restés à l'écart les généralistes. Outre les « contraintes structurelles », c'est-à-dire la capacité à faire défection, la réaction des individus s'explique par conséquent en partie par la culture du secteur professionnel dans lequel ils s'inscrivent. La mobilisation des internes en médecine confirme ce poids des normes culturelles dans la réaction de professionnels face une situation d'insatisfaction. Leur contestation ne peut ainsi se comprendre sans faire référence à la politisation des étudiants de médecine survenue après Mai 68. * 331 « Les journées de médecine pénitentiaire, à Strasbourg », France Inter, JT 19H, 02/12/1972, Archives INA. * 332 Cf. Chapitre 1 - Section 1-2 : « Prisons et journalisme : les conditions de détention au centre des regards. * 333 « Affaire otage Baumettes », JT 20H, 14/10/1971, 2ème chaîne, archives de l'INA. * 334 Cf. Annexe 8 : « Le discrédit comme répertoire d'action d'un directeur pénitentiaire à l'encontre d'un praticien récalcitrant ». * 335 Lettre du DAP, Henri le Corno, au DRSP de Dijon datée du 16/09/1972 (CAC. 19830701. Art.483). * 336 Lettre de Georges Beljean, DAP, à l'avocat du Dr Pivert datée du 7/06/1973 (CAC. 19830701. Art.483). * 337 Lettre du DAP, Henri le Corno, au Conseil départemental de l'Ordre des médecins de la Côte-d'Or datée du 16/09/1972 (CAC. 19830701. Art.483). * 338 Lettre du Dr Pivert au DRSP de Dijon datée du 6/11/1972 (CAC. 19830701. Art.483). * 339 Lettre du DAP, Henri le Corno, au Dr Pivert datée du 22/10/1973(CAC. 19830701. Art.483). * 340 « Répond donc à la définition de la prise de parole toute tentative visant à modifier un état de fait jugé insatisfaisant que ce soit en adressant des pétitions individuelles ou collectives à la direction en place, en faisant appel à une instance supérieure ayant barre sur la direction ou en ayant recours à divers types d'actions, notamment ceux qui ont pour but de mobiliser l'opinion publique » (HIRSCHAMN Albert, Défection et prise de parole. Théorie et applications, Paris, Fayard, 1995. p.54). * 341 CARDON Dominique, HEURTIN Jean-Philippe, LEMIEUX Cyril, « Vertus et limites de la prise de parole en public. Entretien avec Albert Hirschman », Politix, 1995, vol. 8, n° 31, pp. 20-29. * 342 On renvoie ici aux rapports d'activités annuels de la DAP consultés à la bibliothèque de la DAP. * 343 Les deux tiers de la promotion de surveillants de l'année 1971 auraient démissionné en janvier 1972 (DESLAURIERS, « Fleury-Mérogis. Un nouvel univers carcéral ? », Psychiatrie aujourd'hui, 01/02/1972, p.42.) * 344 On sait qu'un syndicat des médecins pénitentiaires a été créé dans les années soixante dans le cadre de la spécialisation entrepris par Georges Fully. Aucune archive n'a cependant été trouvée à ce sujet. * 345 Cf. MEGARD Marc, « La médecine pénitentiaire (à partir de l'expérience d'un médecin de prison) », Revue d'Hygiène et de Médecine Sociale, 1969, t.17, n°7, pp.543-546. * 346 Cf. Introduction Première Partie : « La "médecine pénitentiaire" : les tentatives de spécialisation...». * 347 HIRSCHMAN Albert, Défection et prise de parole. Théorie et applications, op.cit. * 348 Lettre du médecin-chef de la M.A de Vannes au ministre de la Justice datée du 10/10/1973 (CAC. 19830701. Art.481). * 349 Lettre de Raymond Marcellin à Jean Taittinger datée du 22/10/1973 (CAC. 19830701. Art.481). * 350 BAJOIT Guy, « Exit, voice, loyalty... and apathy. Les réactions individuelles au mécontentement », Revue française de sociologie, 1988, XXIX, pp.325-345. * 351 Compte rendu de la réunion du 14/11/1974 de la Commission de surveillance de la M.A de Tours remis au Bureau de l'application des peines de la DAP par le directeur de la M.A. Document dactylographié de 4 pages (CAC. 19960279. Art. 120. M. 322 : distribution des médicaments). * 352 Rapport d'inspection de Solange Troisier relatif à la mort d'un détenu en août 1974 à la M.A de Quimper, 5/09/1974. Document dactylographié (CAC. 19960279. Art. 120. M. 322). * 353 Note de Solange Troisier adressée à M. Erbès datée du 21.02/1975 (CAC. 19830701. Art.482). * 354 Cf. Encadré : « L'intégration de la psychiatrie pénitentiaire dans le secteur hospitalo-universitaire : l'exemple lyonnais ». * 355 Lettre des docteurs Mégard et Gonin au directeur des prisons de Lyon datée du 15/11/1966. CAC. 19960136, art. 112 (E4580). M110. Secret médical * 356 BUFFARD Simone, « Le système pénitentiaire en question », Instantanés criminologiques, n°16, 1972, p.3-5. * 357 DELAMARE Nicole, L'interne en psychiatrie et la prison, mémoire de CES en psychiatrie, université de Lyon, faculté de médecine, 1974, p.24. * 358 COLIN Marcel, « Le clinicien dans le système pénitentiaire », Instantanés criminologiques, n°17, 1972, p.4. * 359 THEOLLLEYRE Jean-Marc, « Il faut mettre fin au mystère que l'administration entretient sur ce qui se passe dans les prisons », Le Monde, 30/03/1972. * 360 Cf. Annexe 8 : « Le discrédit comme répertoire d'action d'un directeur pénitentiaire à l'encontre d'un praticien récalcitrant ». * 361 Pierre Barlet, médecin aux M.A de Lyon depuis 1966 puis responsable du service des détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Entretiens réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008. Durées: 2H15 et 2H00. * 362 SAINT PLANCAT C., « La médecine dans les prisons », Le concours médical, 29/01/1972, p.860. * 363 Bien que beaucoup aient exercé en tant que généraliste, la plupart des soignants lyonnais ayant travaillé en prison disposent d'une formation de psychiatre. Cela s'explique par le poids de Marcel Colin, lui-même psychiatre, ainsi que de Louis Roche, Professeur de médecine légale proche de ce premier et des milieux psychiatriques, qui ont favorisé tous deux un rapprochement entre la prison, la criminologie, la médecine légale et les urgences. La psychiatrie était à chaque reprise une dimension forte de la prise en charge des patients (Cf. Conclusion du Chapitre 5 : « Les spécificités carcérales à l'épreuve du décloisonnement »). * 364 « Publication du rapport de la commission d'enquête », France Inter, JT 13H, 09/01/1972, Archives de l'INA. * 365 Cf. Annexe 7 : « La création des CMPR en 1967 : un début de reconnaissance de la psychiatrie pénitentiaire ». * 366 VERIN Jacques, « Le Xème congrès français de criminologie », RPDP, n°4, 1969, p.989. * 367 Les généralistes ont en effet un rôle administratif beaucoup plus important, comme par exemple à l'occasion de la rédaction de certificats médicaux ou de l'hospitalisation de détenus, des situations souvent problématiques. * 368 Cyril, interne en psychiatrie aux Baumettes de 1971 à 1973. Entretien réalisé le 23/02/2006, 2H00. * 369 On trouvera la déclaration reproduite dans l'ouvrage suivant : ARTIERES Philippe et alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit., pp.164-165. * 370 Elle déclare ainsi : « Ne trouvez vous pas inhumain que des garçons de 18 ans soient enfermés toute la journée seuls dans une cellule de 3m×2m, occupés à des travaux dérisoires ? » ou précise encore : « Je n'ai aucune tendance politique ni aucune opinion religieuse, mais de la bonne volonté ». * 371 Elle dénonce notamment le régime imposé par le directeur Richard Galiana : les détenus n'avaient pas le droit de pratiquer le sport, si ce n'est après une année de "bonne conduite", ils ne pouvaient avoir dans leur cellule qu'un nombre restreint de photographies. Elle déclara d'ailleurs avoir traité un jeune homme pour "troubles mentaux" après que les surveillants lui eurent retiré la photo de son petit frère que sa mère lui avait envoyée. * 372 « Toul : le témoignage du médecin psychiatre », Combat, 21/12/1971. * 373 « Je puis affirmer... », Le Nouvel Observateur, 27/12/1971. * 374 « Réactions rapport prison de Toul », JT 20H, 1ère chaîne, 09/01/1972, archives de l'INA ; « Publication du rapport de la commission d'enquête », France Inter, JT 13H, 09/01/1972, Archives de l'INA * 375 COMITE VERITE TOUL, La révolte de la centrale Ney, op.cit, p.336. * 376 « Je somme tous ceux qui me liront, je les prie de ne pas rester indifférents... de s'engager », Le Monde, 26-27/12/1971. * 377 ARTIERES Philippe, « 1972 : naissance de l'intellectuel spécifique », Plein Droit, n°53-54, mars 2002. * 378 FOUCAULT Michel, « Le discours de Toul », Le Nouvel Observateur, n°372, 27/12/1971. Repris dans Dits et écrits, Paris, Quarto, Gallimard, Tome 1, pp.1104-1106. * 379 Rappelons que les psychiatres, tout comme les généralistes, relèvent pourtant à l'époque statutairement du ministère de la Justice. * 380 « Après la mutinerie de Toul. Trois limogeages scandaleux », Témoignage chrétien, 10/02/1972. * 381 Bien qu'elle fut le plus souvent présentée par la presse come assistante sociale, Mme d'Escrivan était également infirmière de la Croix-Rouge à Fresnes. Son témoignage fut publié par le GIP et par Esprit en avril 1972 qui établirent le parallèle avec le Dr Edith Rose. * 382 Cf. Annexe 10 : « Les mouvement de remise en cause de la psychiatrie institutionnelle depuis la Libération ». * 383 Les deux premières citations sont issues de l'article suivant : « Asiles-prisons, même combat. Quelques lettres de psychiatres à Mme Rose », Psychiatrie d'aujourd'hui, numéro spécial « Psychiatrie et univers pénitentiaire », 01-02/1972, n°7, p.30. * 384 DELEUZE Gilles, « A propos des psychiatres dans les prisons », communiqué, 5/01/1972 (Fonds GIP/IMEC). Cité dans ARTIERES Philippe et alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit., p.156. * 385 Anonyme, « La psychiatrie en prison », Politique aujourd'hui, 04-05/1972, p.63. * 386 Alors que la contention ne pouvait s'exercer que sur prescription médicale, la Commission d'enquête Schmelck avait relevé que les certificats médicaux n'avaient parfois été signés que plusieurs jours après, la mise sous contention ayant été ainsi décidée par le seul personnel pénitentiaire. * 387 « Prisons. Les médecins témoignent », L'Express, 24/01/1972. * 388 COMITE VERITE TOUL, La révolte de la centrale Ney, op.cit., p.93. * 389 Elle est intégrée à l'organisation départementale de lutte contre les maladies mentales en 1977. Cf. Chapitre 2- section 2-3 : « La contestation de la psychiatrie pénitentiaire et son intégration au dispositif de santé mentale ». |
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