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Dynamique professionnelle et transformations de l'action publique. Réformer l'organisation des soins dans les prisons françaises. Les tentatives de spécialisation de la « médecine pénitentiaire » (1970-1994).

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par Eric FARGES
Université Lyon 2 - Sciences Po - THESE EN SCIENCES POLITIQUES 2013
  

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ANNEXE 38 : ENTRETIEN AVEC JEAN FAVARD

Favard Jean, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Président de la fondation d'Aguesseau. Entretien réalisé le 10 janvier 2008 au siège de la fondation d'Aguesseau (Paris). Durée : 3H00.

Ne sont cités ici que des extraits choisis.

J.F : Quand je suis arrivé au ministère en tant que conseiller technique et que je leur ai demandé les projets qu'ils avaient [l'Administration pénitentiaire] en matière de santé... Il n'y avait rien ! Et j'ai conservé le projet de note qui avait été fait par l'Administratrion... Je l'ai conservé pour l'histoire parce que... C'était nul ! Y avait rien ! Je veux dire par là que l'Administration pénitentiaire n'avait pas l'ombre d'une idée sur la question. Et vous verriez la note et celle qui fut signée par le ministre après que je l'ai corrigée... Ce sont deux choses complètement différentes ! Dans un cas, on mégotaille je ne sais pas quoi... toujours en interne ! Et dans l'autre, c'est l'ouverture complète ! C'est le processus de décloisonnement qui est entamé. Et après l'Administration a suivi mais au début il n'y avait rien. Moi, je n'avais pas non plus en tête un projet spécialement défini mais tout de même l'idée de départ c'était d'ouvrir, c'est ce qu'on a appelé le décloisonnement. Alors, médecine pénitentiaire, je n'aime pas ce terme parce qu'il n'y a pas de médecine pénitentiaire. C'est avant qu'il y avait une médecine pénitentiaire, avec des médecins pénitentiaires, avec des cours de médecine pénitentiaire. Quand on prononce ces mots, d'une certaine manière, on revient à l'autarcie d'avant. Et nous, tout ce qu'on a essayé de faire, c'est de décloisonner, décloisonner au point de vue culture, décloisonner au point de vue travail, décloisonner au point de vue médecine. C'était un bon truc pour aller chercher de l'argent dans les autres ministères. Puisqu'on nous en donnait pas autrement. Mais en même temps, un processus plus en accord avec les règles européennes qui commençaient à s'instaurer et, d'autre part, aussi, un processus de réforme qui a duré. Parce que vous voyez ça a commencé en 1982 et ça s'achève en 1994. Et donc si vous voulez, quand on regarde aujourd'hui avec un peu de recul... Je l'explique dans mon livre. C'est-à-dire que le processus on l'a commencé par la question de l'inspection. L'idée étant qu'on s'inspecte pas soi-même. Donc une inspection intérieure n'est pas une vraie inspection. C'est quelque chose qui permet de lever le voile sur plein de trucs.

E.F : Et qu'est ce qui vous a fait arriver à cette idée ?

J.F : Ben Mme Troisier justement. Parce que elle, c'était la perversion totale... elle était médecin-inspecteur [...] Elle était copine avec Mme Messmer. Elle a été imposée. C'était une politique. Si vous voulez, d'un mal il fait faire un bien et il y a quand même très très longtemps qu'il y avait des discussions sur la nécessité d'avoir une inspection interne. C'est vrai qu'un seul inspecteur pour 180 établissements pénitentiaires, plus des médecins recrutés par l'AP, plus le fait que l'Etat ne vous donnait aucun autre moyen. On vous donne des surveillants, on vous donne de quoi nourrir les détenus mais dès qu'il s'agit d'autre chose, de sport, de médecine... Quand il fallait racler les tiroirs, c'est toujours là-dessus que ça se raclait si vous voulez. Donc y avait un problème de simple financement, et même d'autarcie avec le vieillissement des médecins pénitentiaires toute leur vie. On s'était accommodé d'un système qui ne fonctionnait plus du tout [...] Et puis en 81 quand on arrive, l'idée c'est quand même de moderniser le système. On s'aperçoit qu'à Fresnes et aux Baumettes qu'au point de vue médical c'était n'importe quoi ! Quand j'arrive en 81, Troisier vient me voir [fait une légère pause] Alors ça, je vous le dis pour que vous le compreniez mais j'ai rien d'écrit. C'est parole contre parole. Je peux vous dire qu'elle est venue me voir. Elle m'a expliqué que bon... elle était gaulliste de gauche... On pouvait s'entendre en quelque sorte. Bon, moi, je suis pas politique. Si j'arrivais avec Badinter, c'est bien sûr que j'étais plutôt à gauche mais je vivais pas ce truc comme quelque chose de politique. Donc déjà, elle était décalée par rapport à ça. Moi je m'en foutais qu'elle soit gaulliste de gauche ou de droite ! Si elle faisait bien son travail, le problème n'était pas là... Et alors, au bout d'un petit moment, y avait des grévistes de la faim et elle me dit : « Qu'est ce qu'on fait avec les grévistes de la faim ? Quelle est votre politique en matière de grève de la faim ». Alors moi je lui réponds qu'il y a l'article 390 qui dit que dans ils sont en danger, le médecin décide. « Oui d'accord, mais qu'est ce qu'on fait ? On fait comme pour les irlandais, on les laisse mourir ? ». J'étais horrifié ! « Mais Mme Troisier, c'est une question médicale, c'est au médecin de trancher ». « Oui mais vous, qu'est ce que vous en pensez ? ». Inutile de dire que je ne me sentais pas de lui donner une instruction pour lui dire vous les laissez mourir ou pas... Pour moi il existait le Code qu'elle n'avait qu'à appliquer ! C'est pour dire la distance abyssale qui nous séparait ! Donc ça a amené une réflexion sur l'urgence de résoudre la question de l'inspection et puis finalement, sans besoin de réfléchir beaucoup on s'est dit il y a une inspection pour les hôpitaux, l'IGAS... Pourquoi on se faisait pas inspecter par l'IGAS ? Alors évidemment, ça postulait qu'on fasse disparaître le poste de Médecin-inspecteur de Mme Troisier. Du coup, ça réglait aussi ce problème. Mais on ne l'a pas fait pour ça ! C'était, si vous voulez, d'une pierre deux coups. On n'avait plus besoin de médecin inspecteur. Alors elle, elle a interprété ça comme elle a voulu : « Pourquoi on me vire ? » [...] On vivait sur un système où on n'inspectait rien. C'était couvert par le médecin inspecteur qui disait tout va bien ! [...] Elle est devenue professeur par un décret du 12 mai 81 malgré l'opposition du ministre de l'époque car elle bénéficiait d'une protection... Ce qui lui avait permis d'avoir une chaire de médecine pénitentiaire. D'abord ça lui faisait double traitement. Et puis elle touchait deux indemnités de résidence. Je lui ai enlevé sa deuxième indemnité et elle l'a pris très mal. Elle travaillait à temps plein pour l'administration et elle était en même temps professeur. Alors là, ça n'allait pas ! Je suis allé la voir et elle m'a dit qu'elle avait une convention en béton... Vous savez, je suis juriste et même les conventions en béton... D'ailleurs même le béton, ça peut sauter ! J'ai regardé la convention, elle pouvait être dénoncée dans un délai de truc et voilà ! Mais si vous voulez, on ne l'aurait pas fait que pour ça, parce que sinon... L'idée c'était quand même qu'on n'avait pas d'inspection, que c'était trop dangereux pour un seul et c'était l'idée d'aller vers le système hospitalier. C'était une mesure courageuse qui n'a pas été critiquée parce que quand vous êtes votre propre inspecteur, vous ne trouvez rien... Tous les vieux sommiers qui sont dans votre jardin, si vous ne les toucher pas, vous ne voyez que les tulipes ! Vous, vous arrivez après... Et c'est là qu'on a eu des ennuis ! Vous arrivez après et vous dites : « Vous pouvez tout fouiller ! ». Alors là, on trouve tout ! Non seulement ce que vous avez mis mais également ce que les autres y ont mis avant. Et tout le monde dit : « Regardez comme c'est le bordel avec eux, avec nous c'était pas comme ça ! ». Donc, nous, on a dû subir ça...

E.F : Ça n'est pas quelque chose qui faisait peur à l'Administration pénitentiaire ?

J.F : Ah ben si, si forcément ! Mais on a assumé. Vous avez des coups on en a reçus. Ça n'était pas commode, surtout au début. Après entre 83 et 86, ça s'est arrangé... Mais au début, vous aviez ceux de droite qui trouvaient que le monde s'écroulait... l'horreur, le laxisme, le rousseauisme, c'est le bazar. Et la gauche qui trouve que vous ne faites rien. On n'avait aucun allié ! Rien du tout ! Donc là il y avait deux choses. On va confier l'inspection à l'IGAS.. Elle va trouver pleins de trucs mais bon tant pis on va essayer de... Et on va coller à tout ce qu'elle nous dit comme du papier à musique. Et puis on va lui demander de mener une réflexion pour nous définir les voies et moyens du décloisonnement. Ce sont les termes de la lettre de saisine. L'IGAS nous a proposé la disparition des Baumettes et la transformation de Fresnes comme hôpital. C'était terminé au début 85. Et on a lancé un peu l'idée qu'il fallait des conventions avec l'hôpital proche de la prison.

E.F : À cette époque là, il n'était pas question de transférer toute la santé ?

J.F : Mais au début on pouvait pas. Tout ça c'était nouveau. C'était le décloisonnement. On a laissé les murs mais on a transformé complètement l'intérieur. C'est ce qu'on a appelé le décloisonnement... appliqué aussi en terme de culture, de santé. C'est un truc qu'on a déroulé et comme on est resté suffisamment longtemps pour bien l'installer [...] On s'est habitué à plutôt employer ce terme de décloisonnement. De là à vous dire après qu'on a théorisé tout ça... Je ne sais pas d'où vient ce terme mais c'est celui qui nous a paru le plus apte à faire comprendre ce qu'on voulait. C'est-à-dire la culture, la santé, le sport ne s'arrêtent pas à la porte des prisons... C'est à dire au lieu d'avoir une prison autarcique, on fait rentrer la société en disant : « Tous les ministères, culture, sport, santé, éducation, doivent renter en prison parce qu'ils ont une responsabilité ». Parce que la société ne s'arrête pas à la porte des prisons. C'est ça, qu'on appelle le décloisonnement. Il y a deux parties en cause : moi, je gère les détenus. C'est une dialectique entre celui qui gère et celui dont c'est la responsabilité. Alors quelque fois, certains m'ont dit : « Vous avez trouvé un truc pour fouiller dans la poche des autres. Pour piquer l'argent des autres ». Alors, c'est assez vrai. Mais je répondais toujours : « Les autres ont une responsabilité. Leur politique ne doit pas s'arrêter là. On avait tort avant de ne pas leur demander ». Et puis la collaboration est fructueuse.

E.F : Vous pensez que les différents ministères étaient aussi responsables de la prise en charge des détenus ?

J.F : Alors ce qui est sûr, c'est qu'au début ils n'étaient pas demandeurs ! Ils n'étaient pas demandeurs ! Pour eux ça représentait des difficultés supplémentaires. Mais ils ne pouvaient pas refuser. Ils ne pouvaient pas dire : « Je suis désolé, ça n'est pas dans mon secteur ! ». Vous êtes ministre des sports. Je viens vous dire : « Il y a du sport en prison ». Donc je suppose que vous avez une politique du sport... C'était imparable ! Ils étaient obligés de dire oui... Bon avec plus ou moins de... Lang, par exemple, il était à fond donc ça allait plus vite qu'avec d'autres. Mais c'était finalement imparable comme argument. On a mis plus ou moins de temps pour signer des conventions mais ça a fini par se faire [...] Mais à notre époque, les psys n'entraient pas en prison. Ils vous disaient : « Moi je ne peux pas traiter quelqu'un en prison ». Ça n'était pas dans leur culture de venir en prison. Les CMPR c'était quand même des petites structures. Et ils n'étaient pas bien intégrés dans la prison. C'était un personnage étranger. Ils étaient très faibles. Et il y avait très peu de psy. C'étaient surtout des infirmiers. Après la suppression de l'inspection, on a mis en place sur proposition de l'IGAS, ce système aux Baumettes et à Fresnes. On a mis en place tout ce que nous a demandé l'IGAS et on leur a été très reconnaissant car ça a été très utile quand il y a eu les premiers affolements avec l'histoire du sida. Ça a commencé vers août 85. On ne savait rien. Moi j'avais une culture pénitentiaire mais le sida... personne ne savait ce que c'était. On parlait beaucoup à ce moment là de porteurs sains. Alors porteurs sains, c'était un peu rassurant. Et puis après on vous disait : « Il y en a 7 à 10% qui seront malades ». Personnellement, je ne savais pas quoi répondre. C'était pas très affolant dit comme ça... Il y avait des surveillants qui voulaient des masques. Heureusement qu'on avait déjà des liens avec l'IGAS qui nous a dit : « Attention, pas de panique. Il faut faire ça, etc. ». On a même demandé à l'IGAS d'aller expliquer dans les structures ce qu'il en était. Parce que si nous, on avait dit : « Circulez, y a rien... », ça aurait été un peu suspect. Moi je pensais qu'il fallait dire la vérité et il était hors de question de mentir sur ces sujets parce que si c'était la mort contagieuse, ça aurait été une bombe. Du coup heureusement, l'IGAS était là. Ils sont venus expliquer dans les différentes prisons ce que c'était. Donc on a eu le bénéfice immédiat du décloisonnement. Sinon, on ne s'en serait pas sorti. Le Dr Espinoza nous a alerté assez rapidement là dessus. Comme il était dans la structure pénitentiaire, on a dit : « Il vaut mieux qu'il y ait des envoyés spéciaux de l'hôpital ».

[...] C'était horrible ! Horrible ! Vous savez, les grâces par exemple. Il y avait des grâces avant qu'on arrive et pourtant personne n'a jamais critiqué les grâces avant qu'on arrive. Et dès qu'on est arrivé, on a fait une grâce un peu plus large... Et là, c'était horrible ! Et dès qu'on arrêtait quelqu'un c'était un "Badinter" comme on les appelait. On n'a jamais dit les "Giscard". Et pourtant après une petit grâce de Giscard, y en a un qui est sorti et qui est allé tuer sa femme. Personne n'a dit c'est un "Giscard" ! Donc la presse de gauche trouvait qu'on n'en faisait pas assez et la presse de droite nous cartonnait à fond. Donc fallait qu'on prenne toutes les précautions. On n'avait pas le droit à l'erreur. Avec les syndicats, c'était l'horreur ! Pour vous dire, la CGT était présidé par quelqu'un qui appelait à voter Giscard d'Estaing. Parce que les centrales syndicales ne s'intéressaient pas au problème des prisons... J'ai donc pris des contacts pour que les syndicats correspondent à quelque chose. Avec le risque, ce qui est arrivé, que la CGT vraie et nouvelle commence à nous cartonner. Mais ça, c'est le jeu ! Je préférais ça à un faux syndicat. Moi qui étais syndiqué à la magistrature, j'étais horrifié de voir ce syndicalisme qui se faisait acheter. Ceci dit c'est vrai que pour avoir la paix, il y avait une tradition de l'AP... C'est plus tranquille d'avoir des syndicats qui n'en font pas trop. D'ailleurs, ils ont fait une grève le 10 mai 1982 et moi je me suis dit qu'ils faisaient une connerie car ils ne pouvaient pas mieux monter que c'était une grève politique. A partir de 83, j'avais emmené dans le magma la vraie CGT qui nous cartonnait mais qui les cartonnait aussi et puis, en plus, j'avais repris la main sur les commissions paritaires où il y avait toujours un consensus... C'était toujours 100%. Donc ils viraient ceux qui ne leur plaisaient pas et officiellement c'était le garde des Sceaux qui prenait la décision. Et un jour, une décision m'a semblée assez injuste et j'ai dit au directeur de l'Administration pénitentiaire : « Non là, il ne faut pas révoquer ce type ! ». Il me dit : « Ah mais les syndicats... ». Les syndicats ont râlé et ont dit qu'ils ne siégeraient pas la fois suivante et je leur ai répondu que s'ils ne venaient pas on déciderait sans eux. Après ça a commencé à se tasser... Après entre 83 et 86, c'était moins dur...

E.F : Par rapport à ce rapport de force, l'arrivée de la COSYPE ?

J.F : Ah mais la COSYPE, c'est antérieur. Ils avaient mené une réflexion avant. J'avais vu leur brochure que je trouvais très bien. Moi, j'étais au syndicat de la magistrature et ça correspondait aux réflexions de l'époque. Sauf que les magistrats qui étaient au Syndicat à l'époque et qui travaillaient au sein de l'Administration pénitentiaire étaient plus... tenaient plus compte... On était quelque fois en discordance... Parce que la COSYPE c'était plus politique que raisonnablement gestionnaire [...] Y avaient beaucoup de choses avec lesquelles j'étais d'accord. Personne ne nous demandait de supprimer l'inspection. Ce système auquel on était habitué. Il existait une inspection pour la santé. Je crois que c'est moi qui avais trouvé le texte. L'IGAS qui inspecte tous les hôpitaux. C'était très simple comme solution. Du coup on avait plus besoin de Mme Troisier. Je me rappelle avoir trouvé ce texte qui parlait de l'IGAS

[Interruption]

E.F : Et le premier directeur, Yvan Zakine, qu'est ce qu'il en pensait de ce décloisonnement ?

J.F : Avec Zakine, et c'est après... Il a sauté parce qu'après la réforme de 83, le ministre souhaitait qu'on continue de progresser. Il voulait qu'on renouvelle. A l'époque la question c'était posé. Il avait été question de me nommer mais mon analyse était la suivante. Ils me connaissaient et à peine je serai assis dans le fauteuil, les syndicats, ils me manqueraient pas ! Donc je n'aurai pas eu le temps d'agir. Alors qu'un autre directeur, ils ne le connaissaient pas et disons qu'il a dix mois environ pour s'imposer. A fortiori si c'est une femme. Dans un endroit macho... Ça les a déstabilisés encore un peu plus. Donc je lui ai dit que s'il me nommait la bataille commencerait à l'instant même. Je me sentais plus utile à ses côtés.

E.F : Et Myriam Ezratty, c'est quelqu'un qui était plus proche de cette idée de décloisonnement ?

J.F : Ah oui ! Et puis elle avait cette culture de santé ! L'inspection était supprimée. Elle était très engagée à ce niveau là.

E.F : Quand avez-vous adhéré au Syndicat de magistrature ?

J.F : Dès le début. En 68. J'ai adhéré en 68 Lors de la création. J'étais un des tous premiers. Dans la première vague. Je suis très individualiste. Je n'ai jamais appartenu à un parti et je n'aime pas être embrigadé mais là, pour le Syndicat de la magistrature... J'étais jeune magistrat et je ressentais la nécessité d'avoir une structure de défense. C'était une hiérarchie très lourde. C'était extrêmement pesant... Tout en gardant mon quant à moi. Pour moi, c'est par parce que je suis dans un syndicat qui par exemple décide un mouvement de grève avec le quel je ne suis pas d'accord... J'ai toujours fait passer mes fonctions de magistrat avant. L'appareil... Je ne veux pas savoir... Et l'appareil là dessus ne peut pas s'imposer. Mais en revanche, j'avais bien mesuré déjà à l'époque que l'individu tout seul ne peut rien faire. Et puis le Syndicat était quand même à l'époque plus exaltant qu'il ne l'est aujourd'hui. Enfin, aujourd'hui je me suis retiré. A l'époque, il n'y avait que des coups à recevoir. C'était bien avant 81 et on était qualifié de juge rouge. Je peux vous dire que c'était pas bon pour les notes ! [Rires] Et d'ailleurs quand j'ai écrit mon premier livre, Le labyrinthe pénitentiaire, y avait Peyrefitte encore... Y'avait marqué sur la bande [de couverture] « Sécurité, liberté, point d'interrogation ». Le livre est sorti le 2 février 81. Je n'avais pas la moindre idée de ce qui allait m'arriver par la suite. Parce que quand il est sorti, Giscard était donné comme gagnant. Voilà ! Donc c'était un truc où j'égratignais, je critiquais.... C'était pas un pamphlet mais bon... Donc, c'était pas bon pour ma future carrière. Et puis dans les deux mois qui ont suivi, on a commencé à dire : « Ah mais Giscard, c'est pas sûr ! Ça sera peut-être Mitterrand... ». C'était tout à fait inattendu. Et je pensais encore moins devenir conseiller technique. Sans ce livre, je ne serai sûrement pas devenu conseiller technique. Je ne connaissais pas Badinter mais quelqu'un lui a dit : « Il connaît les prisons » et lui a parlé de mon livre. Et Badinter m'a dit : « Ben, vous savez ce qu'il faut faire ! ». J'avais un état de réflexion qui faisait que je pouvais aider. Par ailleurs, je connaissais très bien les personnels, les détails... [...] Moi je pouvais l'alerter : « On peut faire ci, on peut faire ça ». Et on était en parfaite symbiose.

E.F : Lors de votre adhésion au Syndicat de la magistrature, vous occupiez quelle fonction ?

J.F : J'étais juge à Saverne. Je n'ai pas pu être présent lors de la création car c'était le jour de la naissance de ma fille... Mais après j'ai milité pendant presque toute ma vie professionnelle. Ça a été une époque... mais là j'étais dans une catégorie particulière... Je n'étais pas le seul, nous étions quelques uns... qui travaillions à l'Administration pénitentiaire et nous étions un peu suspects d'être un peu des jaunes, un peu complaisants avec l'Administration pénitentiaire. On était dedans, on connaissait quelles étaient les difficultés et donc nous n'étions pas toujours d'accord dans les débats. On trouvait qu'ils exagéraient un peu. Des motions un peu trop infondées, etc. Et du coup, on était dans une position très inconfortable puisque vis-à-vis de la direction on était des rouges et vis-à-vis des rouges on était des jaunes ! [Rires] Donc ce ne sont pas des couleurs très agréables à porter. Moi de tout façon, même si c'est mes amis, je refuse de rentrer dans un système doctrinaire. La vérité c'est plus important que le pouvoir. Si mon ami dit quelque chose qui n'est pas exact, je dis : « Désolé mais ce n'est pas exact ! ».

E.F : Qu'est ce que avait pu vous choquer...

J.F : Par exemple pour les permissions de sortie. Y avait Bloch, Etienne Bloch. Il était juge d'application des peines. Je trouvais qu'il y avait des choses... On était d'accord sur la plupart des choses. Mais lui, par exemple, lui, il considérait qu'il fallait détruire la prison, qu'il fallait... Et ho ! Il n'examinait même pas les dossiers et ses avis pour les libérations conditionnelles étaient systématiques. Je trouvais ça exagéré. Quand on doit libérer Lucien Léger, j'estime qu'on y regarde à deux fois, même si je suis au Syndicat. Et puis c'est facile de mettre l'avis favorable tout le temps. D'abord, ça choquait énormément les Pénitentiaires. Ils se disaient qu'est ce que c'est que ça un juge qui regarde pas le dossier ? Et puis c'est beaucoup plus crevant de pas regarder le dossier. C'est beaucoup plus crevant de vous taper tout le dossier et de se demander : « Alors, qu'est ce que je fais ? Est-ce que c'est une menace pour l'ordre public ? ». Donc on avait des discordances ! Et c'était pareil pour les permissions de sortie. Il voulait faire voter une motion au Syndicat disant que le directeur avait donné des ordres au juge d'application des peines. Et ho ! C'était quand même pas ça. Bon, il y avait des nuances à apporter. Moi, je me suis levé, j'ai dit que c'était pas comme ça que ça c'était passé. J'ai donné mon témoignage. Parfois, on s'est disputé sur des questions de ce genre. On s'est jamais battu ! D'une certaine manière en 81, quand les choses sont arrivées, on a eu tendance à prendre des jaunes plutôt que des rouges. Ça dépend. On a pris aussi des rouges. Mais après ceux qui étaient jaunes étaient pas si mauvais. Et beaucoup de rouges sont devenus roses. Moi j'ai le sentiment que je n'ai pas changé à travers les siècles, si je puis dire, et ce que j'étais avant je le suis toujours. Je suis quelqu'un d'individualiste mais je comprenais tout à fait. J'adhérais complètement à la nécessité de mettre de l'air dans... D'ailleurs 68, j'avais 34 ans, j'étais plus un gamin mais heureusement qu'il y a eu 68. Avec tous les excès qu'il y a pu avoir. « On interdit d'interdire ». C'était en même temps n'importe quoi mais il fallait voir comme c'était avant. Les filles ne pouvaient pas aller voir les garçons dans les dortoirs. Donc 68, quand ça débouche sur n'importe quoi, sur le désordre, je suis pas d'accord parce que je suis un homme d'ordre. Et par contre, heureusement qu'il y a eu ça, parce qu'on étouffait. C'était un monde absolument étouffant...

E.F : Au niveau de la magistrature aussi ?

J.F : Ah ben oui. Alors, là ! Ça a fait du bien ! Ah, oui. C'était trop conventionnel, fermé. C'était irrespirable, irrespirable ! Alors dire que tout a été arrangé... Non et puis certains sont devenus des caciques. N'empêche que moi, je pense que ça a été une étape cruciale mais après on peut pas rester dans un état anarchique. Il faut tout faire sauter mais il faut reconstruire quelque chose. Y a des moments où ça devient tellement irrespirable que vous n'avez pas d'autres solutions. Il faut que ça saute. Comme un bouchon de champagne. Mais il ne faut pas faire que ça. Moi je suis pour arracher les arbres, surtout s'ils sont morts, mais si on arrache les arbres il faut en planter deux ou trois tout de suite.

E.F : Etienne Bloch, il était juge d'application des peines et donc il connaissait quand même la prison de l'intérieur...

J.F : Oui, oui. Mais si vous voulez, moi je trouvais qu'il radicalisait trop les positions et c'était pas bon pour finalement faire comprendre... Je parle de lui dans le Labyrinthe [son livre] pour regretter qu'il ait été évincé par le directeur de l'époque. Là, j'étais pas d'accord ! Je l'ai soutenu là ! Mais, si vous voulez, moi je trouve qu'une attitude trop sectaire, qui n'était pas celle des magistrats, était vouée à l'échec. Car une institution ne pourra jamais accepter... On peut choisir de ne plus accepter l'institution mais dans ce cas là on n'a plus aucune influence. Moi je trouvais qu'il était un peu radical en donnant un avis positif systématique parce que c'était quand même un peu irresponsable. Et puis finalement, le résultat de tout cela, c'est que l'Administration... Ils sont pas fous ! Dans ces moments là, soit ils vous virent... Parce qu'à ce moment là, c'était l'Administration pénitentiaire qui donnait son accord pour qu'un juge d'application des peines soit nommé pour trois ans et donc y avait la possibilité... Et je me rappelle très bien voir M. Lecorno revenir en disant... Parce qu'au Conseil supérieur de la magistrature, à l'époque, il n'y avait même pas d'élus [du SM]... Rien du tout ! Je me rappelle de son expression. Il est arrivé en disant : « C'est passé comme une lettre à la poste ! ». On expédie un juge comme ça. Mais c'est passé comme une lettre à la poste d'autant plus facilement que Bloch avait cette attitude. D'autre part, si on voulait pas libérer un bonhomme, c'était très simple. Il était à Poissy, et bien on l'envoyait à Clairvaux ou ailleurs et c'était un autre juge. Donc, si vous voulez, en termes de résultats... Bloch pouvait dire ce qu'il voulait ! Et alors ?

E.F : Et sa position était plutôt minoritaire ou majoritaire ?

J.F : Il était pas majoritaire parce que justement il est allé un peu trop loin... Mais quand même, il était écouté ! Quand il y avait des motions. D'abord, il écrivait bien ! Il était intelligent. Il avait de l'influence. Les gens l'aiment bien. Il avait une personnalité. C'était amusant parce que dans Le labyrinthe je cite un passage d'un article qu'il avait écrit et qui venait à l'appui. Et voilà que je reçois une lettre de lui : « C'est scandaleux ! Je n'ai jamais écrit une lettre pareille ! Je vais saisir les instances syndicales ! ». Mais moi, quand j'écris quelque chose, je le vérifie dix fois. Donc je lui ai envoyé une photocopie de l'article et il m'a envoyé une lettre gentille pour s'excuser. En fait, il ne s'en souvenait pas.

E.F : Et au sein du Syndicat de la magistrature, est ce que beaucoup de magistrats se sentaient impliqués sur la question des prisons ?

J.F : Oui, il y a eu beaucoup d'intérêt sur les prisons. Les premiers congrès, il y avait toujours des motions sur les prisons. C'était une période agitée aussi. Nous, nous vivions au milieu de tout ça. Je dis nous, Mme Petit, Jean Pierre Dinthillac, Philippe Chemithe et moi. Nous, nous étions tous dans la fournaise, si vous voulez. Mais beaucoup d'autres magistrats s'intéressaient à la question des prisons. Ça a peut être commencé à déraper. Il y a eu un intérêt jusqu'à... Après 81, c'était un peu différent. Parce que beaucoup de syndiqués, ou jaunes ou rouges, sont rentrés dans les cabinets. Ça a affaibli un peu le syndicat qui avait une attitude moins critique. Des dérapages y en avaient eu un peu avant. Soit vous êtes extérieur et vous critiquez tout d'une manière extrêmement virulente, soit vous êtes à l'intérieur et vous essayez de comprendre et d'être un peu plus objectif. [Passage sur l'OIP]. Je n'aime pas le discours de connivence ni le discours trop critique qui ne tient pas compte de la réalité. Et au Syndicat, c'est un peu ce qu'il s'est passé.

E.F : Est-ce que je peux savoir les conditions dans lesquelles vous êtes arrivé en poste à l'Administration pénitentiaire ?

J.F : Par hasard. J'étais à Saverne. Petit ville de 6000 habitants. Ben au bout de cinq ans vous avez vu pratiquement défiler tous les gens en divorce, en conflit... C'est quelque chose qui finit par être pesant. Donc il venait d'y avoir une réforme qui faisait de moi un juge à la suite, c'est-à-dire sans poste réel. Je me suis dit que c'était une bonne occasion pour pouvoir partir et j'ai fait une demande et avec mon épouse nous avons demandé tout un tas de poste Marseille, Nice, Aix en Provence... Y avait dix postes comme ça. Il me restait un poste à mettre. Je savais plus trop quoi mettre et nous avons mis Versailles que je pensais n'avoir aucune chance d'avoir. Et un matin au Journal officiel, j'ai vu que j'étais désigné pour deux ans délégué au ministère central de la Justice. J'étais furieux. Donc je me suis rendu à l'Administration centrale pour savoir quel allait être mon sort. Et on m'a dit : « Vous avez mis Versailles et cela a été interprété comme un désir de venir à Paris ». Et on m'a dit que j'étais affecté à la Direction des affaires criminelles et des grâces avec Arpaillange. Très bien. On me montre mon bureau. C'était en décembre 69. Il y avait les congés de Noël. Quand je reviens le 5 ou 6 janvier : « N'allez pas dans votre bureau ! Attendez, il s'est passé quelque chose ». Et qu'est ce qu'il s'était passé ? Il s'était passé que le Directeur de l'Administration pénitentiaire de l'époque, qui s'appelait Monsieur Le Corno, qui était un préfet, avait râlé auprès du Conseil d'administration de l'administration centrale. Soit disant, on lui donnait pas les bons magistrats. C'est comme ça qu'on a été une fournée à arriver à l'Administration pénitentiaire. Je ne connaissais pas du tout le monde des prisons et dès 1971, on s'est retrouvé dans le bateau ivre. C'est le hasard qui m'y a conduit mais un hasard heureux ! Et puis après ça m'a intéressé.

E.F : Et votre appartenance au Syndicat de la magistrature n'a pas été gênante ?

J.F : Ben, ils nous ont pris quand même mais ça a été... Ils nous ont pris quand même ! On nous a pris mais on se méfiait un peu de nous. J'étais au Bureau de la détention, c'est-à-dire qu'on affectait les détenus. On s'occupait des affectations, des transfèrements. Je suis resté jusqu'en 75 mais vers la fin de 73, le chef du bureau qui était magistrat, j'étais son adjoint... Et d'ailleurs c'est pour vous montrer... Il n'était pas question que je sois désigné chef de Bureau... Louche ! Donc on a été cherché quelqu'un pour être chef de Bureau. On aurait pu en trouver plein qui étaient aussi bons que moi... Mais celui-là, il était nul ! Et il a fallu que je lui apprenne le boulot. Un an plus tard il est parti car il était décidément incapable et c'est à ce moment là que le directeur de l'Administration pénitentiaire qui venait de changer... C'était Maigret. Et là, il m'a proposé de devenir chef de Bureau et je lui ai dit que si on me l'avait proposé avant, je l'aurai accepté, mais là, ça n'était pas contre lui... Pour les réformes, je voulais bien rester une année mais seulement faire fonction. Il s'est accommodé de la situation et il ne voulait plus me laisser partir. Et au bout d'un an, j'ai demandé à partir. Un samedi matin, j'ai vu au JO que j'étais nommé juge au tribunal de Paris. J'ai fait mes classes de 75 à 81. C'est là où j'ai écrit mon bouquin. Mes fonctions de juge étaient pour moi... Juge au siège. Je n'ai jamais été au parquet sauf en Algérie, mais là c'était très spécial, où j'étais substitut du procureur. Juge au siège pour moi c'était très important. Mais je n'avais d'ailleurs pas envisagé de revenir à l'Administration pénitentiaire.

E.F : Vous parliez des mouvements dans les prisons...Qu'est ce que vous en pensiez ?

J.F : C'était comme un bateau qui coulait. Mais vous savez quand vous êtes au milieu de la tempête... C'était terrifiant ! L'affaire de Clairvaux. Même Le Corno qui était quelqu'un toujours... « Qu'ils y viennent ! On verra ! ». Je l'ai revu au petit matin de Clairvaux quand il est rentré... Il avait vécu des moments terribles ! Je suis allé voir la Maison centrale de Nîmes après une mutinerie, on aurait dit un bombardement. Un détenu s'était jeté dans les flammes... C'était quand même des choses vraiment... Jusqu'au milieu 74, c'était explosions, volcans et tout. C'est seulement en 75 que c'est devenu un peu moins... [...]

E.F : Le discours de Le Corno était de dire qu'il y avait des éléments subversifs extérieurs qui attisent les révoltes...

J.F : Oui bien sûr et il était farouchement opposé à l'entrée de la presse. Alors la presse par exemple, quand elle rentrait, on découpait les articles. Et après coup, je me suis rendu compte que c'était complètement idiot parce que ça alimentait l'imaginaire des détenus. Parce que plus on découpait de choses dans la presse et plus ils pensaient qu'il se déroulait. Vous vous rendez compte on a assassiné ! Le feu prend quand tout est inflammable... Et c'est inflammable pour toutes sortes d'autres causes. Le Corno il ne pensait qu'à une chose, c'était ajouter des grilles partout... Moyennant quoi, Clairvaux on s'était rendu compte que toutes les gilles n'étaient pas fermées ou que même fleur pouvait exploser. S'ils veulent tout faire sauter, ils peuvent toujours. Lui, il avait la pensée classique d'un préfet : « On va rétablir l'ordre ! ». Moi, j'en avais conclu qu'il valait mieux satisfaire ce qu'on pouvait satisfaire. Et qu'il ne fallait pas tarder d'intervenir. Il ne fallait même pas les laisser monter sur la toiture.

E.F : À cette époque là, vous avez découvert les conditions de détention ?

J.F : Y avait des cages à poule encore... C'étaient des dortoirs... C'est des machins grillagés. C'était quand même des conditions de détention... C'était la vieille taule. On se rendait compte quand même qu'il y avait des conditions de détention effroyables. C'étaient souvent des taudis [...]

E.F : Et c'est à ce moment que des associations comme le GIP interviennent. Vous en pensiez quoi ?

J.F : Ben c'était un peu comme le Syndicat. De ce que je savais c'était souvent tourné... vers l'excessif. J'étais plutôt tourné dans leur sens mais je pensais que c'était un peu excessif et pas assez proche de la réalité. C'était trop polémique pour moi. Mais en même temps, j'étais plutôt de ce côté. Mais mes réflexions ont toujours été strictement individuelles. J'ai souvent rencontré Lazarus que j'aime bien. Mais il y a des choses que je n'aimais pas et que je n'apprécie toujours pas aujourd'hui. Par exemple, je n'aime pas qu'on dise : « CRS, SS ». Parce que quand j'ai été gamin, j'ai connu la guerre. Bon, j'aime pas les CRS mais ce ne sont pas des SS. J'aime bien qu'on fasse les distinctions. Et par exemple, Lazarus, qui est un homme charmant et délicieux, véhiculait par exemple la notion de torture blanche. Et pour moi c'est pareil. C'est comme « CRS, SS ». Ça finit par être linéaire. Alors que j'étais tout aussi opposé que lui à cela... Mais ça finit par banaliser la vraie torture ! [...]

E.F : Et la phrase de Giscard, « La peine c'est la détention », c'est quelque chose qui était important pour vous ?

J.F : Oui ça c'était un geste courageux ça ! Moi j'ai trouvé que c'était un geste courageux et ça m'a bien plu ça. Et pourtant, j'étais pas Giscardien ! Ceci dit, la suite, parce que j'étais là, les réformes, c'était pas le serrage de main...

E.F : Et Hélène Dorlhac de Borne, c'était quelque chose d'important pour vous ?

J.F : C'était bien quand même qu'il y avait un secrétaire d'Etat à la condition pénitentiaire car ça reconnaissait la condition pénitentiaire... Elle avait son style. Des robes un peu grandes pour aller visiter des prisons de mecs. Après on a fait dans la mixité mais à l'époque, c'était pas ça... C'était bien ça ! Elle est pas restée jusqu'au bout. Ça a été liquidé dans la deuxième partie du septennat. La fin était moins glorieuse. Cette poignée de main, je lui ai vraiment mis à son [Giscard] crédit.

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