1.1.5.2 DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE A 2007, LA
DIMINUTION PROGRESSIVE DU PRIX DES PRODUITS AGRICOLES ET L'EFFRITEMENT DE
L'HEGEMONIE DE L'AGRICULTURE
AMERICAINE
Au cours du XXème siècle, grâce à
la maîtrise de nouvelles techniques et à ses grandes
exploitations, l'agriculture américaine est devenue la principale
pourvoyeuse de céréales et d'oléagineux (soja) sur le
marché mondial. Mais, progressivement, des concurrents apparaissent : le
Canada, l'Australie, et les pays de la Communauté Européenne.
Cette dernière, avec un système de protection tarifaire à
ses frontières et la possibilité de subventionner ses
exportations sur le marché mondial, menace l'hégémonie de
l'agriculture américaine dans le secteur des céréales.
Durant les années 1982-1984, une crise économique affecte une
partie importante des agriculteurs américains. Le système de
subvention des Etats-Unis n'est pas suffisant pour protéger le secteur
agricole américain contre la concurrence d'autres agricultures, dont
celle des pays européens. Durant les années 90 apparaît, de
manière plus nette encore, la concurrence d'autres agricultures du monde
(Argentine, Brésil, Ukraine...). Celles-ci mobilisent les mêmes
techniques agricoles qu'aux Etats-Unis et qu'en Europe. En outre, elles
bénéficient de conditions agronomiques favorables, de très
grandes structures d'exploitation et surtout d'une main d'oeuvre bon
marché. Les prix mondiaux des céréales ont tendance
à s'établir sur la base des coûts du groupe de pays ayant
les coûts de production les plus bas.
Entre 1947 et l'an 2000, sur le marché mondial, les
prix des céréales, et de manière générale de
tous les produits agricoles diminuent, sous l'effet de la modernisation
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technique dans les pays développés puis dans
certains pays émergeants. Mais il faut noter que cette concurrence se
réalise sur le marché mondial qui représente à peu
prés 10 à 12 % des produits agricoles consommés dans le
monde. Même si la quantité de produits agricoles
échangés sur ce marché mondial n'est pas
conséquente, elle joue un rôle important pour les agricultures et
les économies nationales, tout particulièrement lorsque les
marchés nationaux sont ouverts, dans la logique de
libre-échangisme.
1.1.5.3 LES ANNEES SOIXANTE DIX : REVOLUTION VERTE,
AUGMENTATION DE LA PRODUCTION AGRICOLE MONDIALE ET CRISES ALIMENTAIRES
(1972-74)
Dans les années soixante dix, de nombreux pays
protègent leurs agricultures (prélèvements variables
à l'importation) contre le marché mondial en proie à une
baisse tendancielle des prix. Certains États mettent en place des
offices des céréales pour contrôler importations et
exportations, des caisses de stabilisation pour garantir l'équilibre des
prix. Les pays décolonisés construisent leur État et
tentent de développer leur autosuffisance alimentaire.
Au cours de la période 1972-1974, la sécheresse
touche le Sahel, l'Argentine, l'Australie et l'URSS. En 1972, la production
mondiale des céréales a baissé de 42 millions de tonnes,
dont la moitié dans les pays développés et la
moitié dans les pays en développement. En août 1973,
l'annonce par la Commission Internationale du Blé de la diminution des
stocks déclenche une flambée des prix des céréales
au niveau mondial (la tonne de blé atteindra 177 dollars la tonne en
1973-74 contre 60 dollars la tonne en 1971-72). De fait, le prix des autres
céréales présentes sur le marché mondial
s'élève. La spéculation va bon train au niveau
international mais aussi au niveau local. Cette hausse du prix des vivres dans
de nombreux pays va durcir les conditions de vie des populations pauvres et
entraîner une dégradation de la nutrition. En 1973, la production
de céréales fait un bond de 100 millions de tonnes. Ceci reste
insuffisant pour faire baisser les prix. Puis, en 1974, le premier choc
pétrolier augmente considérablement le coût des facteurs de
production et d'échange : le transport et les intrants (le prix des
engrais triple en un an).
Les autorités nationales et la communauté
internationale ne sont pas préparées à affronter une crise
d'une telle ampleur. La famine au Sahel fait près de 100 000 morts comme
évoqué précédemment. En Éthiopie, entre 1972
et 1974, une grande sécheresse s'abat sur ce pays. L'aide internationale
arrive trop tard. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et
l'agriculture (la FAO) dresse le bilan humain : entre 50 000 et 200 000 morts.
On constate également une grande inégalité entre les
régions touchées au sein du pays : les produits alimentaires
disponibles et restant à des prix abordables n'ont pas circulé
(source FAO).
Mais, globalement, durant ces années 60-70, les pays en
développement accroissent de manière considérable leur
production. Sur la période 1963-1983, la production de riz des pays
émergeants augmente de 3,1 % par an, celle de blé de 5,1 %, et
celle de maïs de 3,8 %. La production augmente plus rapidement que le taux
de croissance de la
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population. Les pays asiatiques profitent mieux de la
révolution verte. Après avoir beaucoup investi dans les
infrastructures nécessaires au développement agricole dans les
années 60-70, la Chine va réformer son système agraire en
redonnant une place centrale aux exploitations familiales.
Protégée des fluctuations des marchés internationaux, la
Chine fait décoller sa production : 3% de progression par an, en
incluant les années de la révolution culturelle durant cette
décennie. (Bilan FAO 2000) En Afrique, la théorie prônant
la primauté de l'industrialisation comme base de développement
national essuie des échecs. Les États contrôlent le
développement de l'agriculture plutôt qu'ils n'accompagnent et
soutiennent les efforts des paysans et ruraux. Par ailleurs, les efforts pour
produire et vendre sur le marché international ne sont pas des garantis
de succès, notamment en raison de la diminution des prix des produits
tropicaux (arachide, café, cacao...).
Face à ces différentes crises, la
communauté internationale se mobilise. Le Comité permanent Inter
États de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) est
créé. La conférence Mondiale de l'alimentation de 1974 met
en place de nouveaux instruments et institutions pour soutenir des projets
agricoles (FIDA), pour surveiller les situations et les stocks nationaux et
mondiaux (SMIAR), pour alerter les institutions, pour créer un programme
de réserves pour les situations d'urgence.
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