1.5.2.3 LE RISQUE ALIMENTAIRE ET LA PEUR DU
CONSOMMATEUR
Cette psychose ne cesse de s'amplifier lorsque les premiers
cas apparaissent chez l'être humain en Europe. En l'an 2000, on recense
96 décès de personnes après qu'elles ont consommé
de la viande contaminée. Cette crise a une grande répercussion
sur l'économie : les cours de la viande de boeufs s'effondrent. En deux
mois seulement la baisse des ventes en France atteint 20% allant jusqu'à
35% (Williot, 2007). Cette diminution de la consommation est directement
liée à la peur du consommateur face à un danger qu'il ne
maîtrise pas. Un sondage réalisé au printemps 2000, montre
que 27% des personnes interrogées (sur un échantillon d'un
millier) considère l'ESB comme le risque alimentaire le plus
important.
L'industrialisation de l'alimentation bouleverse les
repères des consommateurs. Selon Fischler (1990) « l'acte
d'incorporation répond à des enjeux à la fois proprement
vitaux et symbolique ». L 'incorporation correspond à
l'introduction dans notre organisme d'aliments ce qui répond à un
besoins vital, mais provoque également des angoisses et des craintes
vis-à-vis des aliments, ce qui justifie l'ampleur que peut prendre une
crise sanitaire. Le mangeur se construit à travers son alimentation, il
a donc besoin d'identifier ce qu'il mange et l'industrialisation rend difficile
cette identification.
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Dans le cas de la crise de la « vache folle »,
Poulain (2002) résume bien la situation et le ressentiment du public,
« on découvre, dans la nourriture de nos vaches, des farines
animales fabriquées à partir des produits d'équarrissage ;
le choc symbolique est immense ». En réalité le risque
alimentaire dû à une intoxication alimentaire ou une pathologie
issue de l'alimentation, est très faible dans l'Union Européenne,
soit moins de 800 décès en 1998, contre 16 000 morts pour les
accidents de la route et 23 600 morts par des maladies dues à
l'alcoolisme (Rastoin et Ghersi, 2010). Un écart considérable
existe donc entre les études faites par les experts et la perception du
grand public. Cet écart se creuse par la sur-médiatisation des
scandales alimentaires, « l'alimentation passe sur le devant de la
scène médiatique. (...) les intoxications font la une des
journaux. » (Poulain, 2002).
Cet événement marquant a été
décisif dans la politique européenne, la santé animale est
devenue un enjeu de santé publique prioritaire. Il a donc
été nécessaire de créer en 1997 un Livre vert
fixant les contours et les objectifs d'une profonde réforme de la
législation communautaire. Il a été suivi en 2000 d'un
Livre blanc qui apporte des précisions sur ces axes de réforme
sous la forme du « paquet hygiène ». Cette loi
européenne pour l'alimentation est constituée de plusieurs
règlements entrés en vigueur depuis le 1er janvier 2006. La
réforme ainsi constituée vise à rationaliser la
législation alimentaire à un niveau européen, en
garantissant un niveau élevé de protection du consommateur. Cela
a conduit à la création de l'Autorité européenne de
sécurité des aliments (AESA), qui est chargé
d'évaluer les risques préalables à l'adoption des mesures
communautaires.
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