B. Une obligation déterminée ou
déterminable, future ou présente44 :
L'obligation déterminable ou
déterminée
L'obligation déterminable est celle dont l'existence
peut être établie de façon claire et sans
équivoque.
Le contrat de cautionnement bancaire doit porter sur une
obligation qui existe et qui ne fait l'objet d'aucune contestation. L'AURS
n'ayant pas précisé la nature de l'obligation-garantie, il est de
principe que le cautionnement peut porter sur toutes sortes d'obligations.
Même les obligations naturelles.
Néanmoins, en pratique, le cautionnement bancaire porte
sur les loyers de baux, des paiements d'impôts, les financements de
marchés et de projet, le financement de construction, etc. pourvu
qu'elles soient déterminées ou déterminables.
Dès lors que la dette est déterminée ou
déterminable, elle peut faire l'objet d'un cautionnement bancaire.
La banque peut-elle cautionner une dette future ? Le
cautionnement bancaire des obligations futures
Le vocable déterminable donne implicitement la
position du droit ivoirien sur cette question. Cette position est
corroborée par l'article 1130 du code civil qui porte sur la
possibilité de contracter sur des choses futures. Il est dit dans cet
article que « les choses futures peuvent faire l'objet d'une
obligation ». Principe repris par le législateur OHADA dans sa
définition du cautionnement à travers l'article 13 AURS. Il
écrit :« le cautionnement est un contrat par lequel la
caution s'engage, envers le créancier qui accepte, à
exécuter une obligation présente ou future
contractée par le débiteur, si celui-ci n'y satisfait pas
lui-même (...) »
C'est dire que le cautionnement des dettes futures est
possible.
Le cautionnement bancaire peut porter sur une dette qui
n'existe pas encore au moment de la signature de la convention. Par exemple des
prêts que peut consentir une entreprise peuvent être
cautionnés par la banque.
44 Article 1129 sus cité.
26
Ce qu'il faut préciser, c'est que le cautionnement des
obligations futures a certes des avantages, mais il peut s'avérer
dangereux pour la banque. Dans un cautionnement sur dettes présentes, la
banque peut déterminer avec précision le montant de la dette
qu'elle cautionne. Ce qui lui permettra d'évaluer son obligation dans le
temps et de prendre les dispositions idoines pour l'éventuel
remboursement. Avec une obligation garantie présente, le montant
dû par la banque « est prévisible dès la conclusion du
contrat ». Ce qui n'est pas toujours le cas dans le cautionnement bancaire
des obligations futures. Dans ce cas, il arrive que la banque ne sache
même pas pour quel montant elle s'engage et la durée sur laquelle
s'étendra sa dette.
En conclusion, il faut retenir que le cautionnement bancaire
ne porte que sur des obligations valablement constituées.
Si une obligation principale n'est pas valable, elle ne peut
faire l'objet de cautionnement de la part d'une banque. Un cautionnement
bancaire portant sur une obligation principale non valable est frappé de
nullité.
« Toutefois la caution peut, à titre exceptionnel
il est vrai, être tenue d'une obligation principale nulle
»45 . Qu'en est- il ?
De la possibilité pour la banque de cautionner
une obligation nulle.
En principe la théorie de l'accessoire voudrait que le
cautionnement d'une obligation entachée de nullité soit nul. Mais
l'AURS retient le cautionnement de certaines obligations entachées de
nullité.
La seule condition de validité de cet engagement est
qu'il ait été pris de façon consciente,
c'est-à-dire que la caution connaissait la nullité qui entachait
l'obligation principale au moment de la conclusion du contrat.
C'est en cela que l'article 17 suscité énonce
qu'« il est possible de cautionner en parfaite connaissance de cause,
les engagements d'un incapable.
La confirmation46 par le
débiteur d'une obligation entachée de nullité relative
n'engage pas la caution, sauf renonciation expresse, par la caution de cette
nullité ».
45 ANOUKAHA (F), CISSE-NIANG (A), ISSA-SAYEGH (J), Op. Cit.
46 La confirmation est la manifestation unilatérale de
volonté par laquelle une personne renonce à se prévaloir
de la nullité relative d'un acte juridique.
27
L'alinéa 1 de cet article parle donc du cautionnement
des engagements pris par un incapable. Quand on sait que les engagements de
l'incapable sont nuls en raison de son incapacité. La nullité
ainsi prononcée est une nullité relative et a pour but la
protection du mineur. L'Acte Uniforme, en permettant à la banque de
cautionner les engagements du mineur, fait une faveur à ce dernier. Le
principe de la nullité des cautionnements d'obligations principales
nulles trouve ici une limite.
Cependant, la banque-caution doit connaître la cause de
la nullité au moment de la conclusion du contrat et s'engager en
connaissance de cause. « Une caution a le droit de garantir les
engagements de tous les incapables.
Le cautionnement n'est cependant valable que si la caution a
bien eu conscience d'accorder sa signature à l'un d'entre eux
»47.
La validité de l'obligation principale est une
condition sine qua non à la vie du cautionnement bancaire. L'obligation
principale étant le fondement même du cautionnement. Et la
règle de l'accessoire étant appliquée dans toute sa
rigueur, il n'y a pas de cautionnement bancaire si l'obligation
cautionnée n'existe pas. La théorie de l'accessoire voudrait
également que si l'obligation principale est nulle, le cautionnement
soit nul.
Néanmoins le droit de la sûreté offre la
possibilité de cautionner certains engagements entachés de
nullité en toute connaissance de cause. Au final, « le
cautionnement d'une obligation nulle n'est pas nul »48.
En matière de cautionnement bancaire cette règle
a très peu de chance d'être appliquée. La raison est que la
banque n'accorde de cautionnement bancaire qu'à ses clients. La relation
banque-client étant essentiellement une relation contractuelle, il est
difficile de trouver des contrats entre mineur et banque. Les chances de tomber
sur une obligation de mineur cautionnée par une banque sont très
minces.
La règle de la validité de l'obligation
principale traduit avec clarté le caractère accessoire du
cautionnement bancaire.
L'accessoire c'est ce qui suit ou accompagne le principal, ce qui
est secondaire.
47 LEGEAIS(D), Op. Cit, p.111
48 LEGEAIS(D), Op. Cit, p.107
28
Dire du cautionnement bancaire qu'il a un caractère
accessoire revient à dire qu'il est secondaire par rapport à un
engagement qualifié de principal.
Il accompagne cet engagement et lui est très
lié.
L'obligation principale en matière de cautionnement
bancaire est l'obligation qui pèse sur la tête du débiteur
principal envers le créancier et que nous venons d'étudier. C'est
l'obligation qui fait l'objet de la garantie que représente le
cautionnement.
Le caractère du cautionnement se déduit de
l'analyse de la définition même donnée par l'Acte Uniforme,
mais aussi du régime juridique du cautionnement bancaire. Dans le
cautionnement bancaire la banque s'engage à exécuter une
obligation présente ou future contractée par le débiteur.
Il existe donc déjà une obligation à laquelle vient
s'ajouter celle de la banque. Cet argument est appuyé par l'article 17
qui affirme que « le cautionnement ne peut exister que si l'obligation
garantie est valablement constituée ». « Le sort du
cautionnement est donc lié à celui de l'obligation principale
»49.
Ce caractère a, comme le caractère
unilatéral, des effets sur le régime applicable au cautionnement
bancaire. Cette situation se résume bien dans la maxime latine
« accessorum sequitur principalae », qui signifie que
l'accessoire suit le principal.
Le régime de l'engagement de la banque suit alors celui
de l'obligation du débiteur principal d'autant plus que « le
caractère accessoire exprime la dépendance de l'engagement de la
caution (ici la caution bancaire) par rapport à l'obligation principale
»50.
Ces conséquences sont perceptibles tant au niveau de la
formation du contrat qu'au niveau de ses effets.
Relativement aux conséquences sur la formation du
cautionnement bancaire :
D'abord, le législateur OHADA énonce clairement
que l'existence du cautionnement est subordonnée à la
validité de l'obligation principale.
Si l'obligation du débiteur principal ne remplit pas
toutes les conditions nécessaires de validité exigées par
le droit des obligations, l'engagement de la banque ne peut exister.
49 NOUKAHA (F), CISSE-NIANG (A),
ISSA-SAYEGH (J), op.cit.
50 LEGAIS(D), Op Cit.,59, p.51
29
Le cautionnement bancaire n'est formé que sur une
obligation principale, elle-même régulièrement
formée.
Ensuite, l'étendue de l'engagement de la
banque-caution.
Ici aussi le législateur OHADA applique avec rigueur la
théorie de l'accessoire. L'engagement de la caution ne peut être
plus étendu que celui du débiteur principal. Cela est
exprimé en ces termes : « L'engagement de la
caution ne peut être contracté à des conditions plus
onéreuses que l'obligation principale (...) ».
Contrairement au code civil, qui parle de cautionnement
indéfini51 et qui laisse ainsi la liberté aux parties
de déterminer l'étendue du cautionnement, l'AURS, lui, restreint
cette liberté de décision. Il contraint même le
débiteur principal à ne pas aggraver l'engagement de la
caution52. C'est en cela que « le cautionnement ayant un
caractère accessoire, il ne peut excéder ce qui est dû par
le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus
onéreuses »53.
Cette disposition est très avantageuse pour la caution
en ce qu'elle limite son engagement. Elle a même le droit de limiter son
engagement, en décidant par exemple de cautionner une partie seulement
des dettes du débiteur principal54.
Comment détermine-t-on alors l'étendue de
l'engagement de la caution ?
Selon l'AURS, cet engagement s'étend seulement à
l'obligation principale (dette commune de la caution et du débiteur
principal) et ce « dans la limite de la somme maximale » due, les
accessoires de la dette et les frais de recouvrement de la créance
(même ceux qui sont intervenus après la dénonciation
à la caution). Précisons qu'il y a possibilité
d'écarter les accessoires de la dette et les frais de recouvrement des
créances par convention entre le débiteur et la caution. Ces
frais seront alors mis à la charge du débiteur principal.
Les paramètres qui sont pris en compte dans la
détermination sont les dettes garanties, la durée de
l'engagement, le montant de l'engagement, le patrimoine et les revenus de la
caution.
51 En son article 2016
52 Article 17 al.4 AURS
53 LEGEAIS citant l'article 2013 al.1 du Code
Civil Français.
54 Article 18 AURS in fine
30
Le caractère déterminé et
déterminable de l'obligation principale a ici une importance majeure.
Pour connaître l'étendue de l'engagement de la caution, il faut
pouvoir déterminer l'étendue de l'engagement du débiteur
principal.
Quelle est la sanction encourue en cas d'engagement plus
onéreux de la part de la caution ?
L'article 17, alinéa 3, de l'AURS parle de «
réduction à concurrence » de
l'obligation principale. C'est dire que si l'engagement de la banque-caution
venait à être plus étendue que celui du débiteur
principal, il serait réduit à la hauteur de l'engagement
principal. L'inégalité entre les deux engagements n'est pas une
cause de nullité du cautionnement bancaire.
En conclusion, l'unicité de la dette de la
banque-caution et du débiteur principal conditionne l'étendue de
l'engagement de la caution. La dette dont cette dernière doit
s'acquitter devra être inférieure ou à tout le moins
égale au montant de la dette du débiteur principal.
Par ailleurs, concernant particulièrement le
cautionnement bancaire, ne faut-il pas revenir à la solution du code
civil qui laissait la liberté aux parties de fixer l'étendue de
l'engagement de la caution ?
Spécifiquement pour le cautionnement bancaire,
liberté devrait être accordée aux parties de notre point de
vue. La justification de cette position se trouve dans le caractère
onéreux du cautionnement bancaire. On sait qu'un engagement plus
important rapportera à la banque une commission plus importante. Dans le
but de faire un plus grand profit donc, la banque pourrait s'engager à
des conditions beaucoup plus onéreuses que le débiteur principal.
De plus, toutes les parties y trouveraient un grand profit. Il est vrai qu'un
cautionnement plus onéreux représente un risque plus accru de non
remboursement pour la banque, mais toujours est-il que cette dernière
dispose de moyens pour entrer en possession de son dû. Dans la pratique
il arrive que les banques s'engagent à des conditions plus
onéreuses.
À la lecture de l'alinéa 3
sus-énoncé, on comprend aisément le droit qu'a la caution
de refuser la prorogation de terme accordée au débiteur.
31
Et aussi que la déchéance du terme dont fait
l'objet le débiteur principal ne puisse s'étendre à la
caution. Si l'engagement de la banque est plus étendu que celui du
débiteur principal, il doit être réduit55.
Relativement aux effets du cautionnement bancaire
:
En raison du caractère accessoire du cautionnement
bancaire, la banque acquiert toutes les exceptions qui appartenaient au
débiteur principal envers le créancier.
Le caractère accessoire du cautionnement le distingue
des autres types de sûretés personnelles. Il est l'essence
même du contrat. Certains auteurs ont cru bon de relever que dans
certains cas le caractère accessoire du cautionnement était
affecté mais ils en sont toujours arrivés à admettre que
le cautionnement demeurait accessoire par nature56.
Comme le résume si bien cette citation : « De
même qu'une vente sans prix n'est pas une vente, le cautionnement dans
lequel la caution s'engage indépendamment de l'obligation principale est
inefficace, ou n'est pas un cautionnement ».
À quelles exigences doit obéir la cause du
cautionnement bancaire ?
Cette interrogation nous amène au point sur la cause du
cautionnement bancaire.
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