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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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SECTION II. Des théories justificatives de l'immunité du diplomate

Restant dans la même philosophie de mettre le droit diplomatique face au droit international pénal, la présente section vient faire assoir une confrontation ou une relation entre « les fondements théoriques des immunités»181diplomatiques avec quelques principes ou notions en rapport avec la répression internationale des crimes graves.

« Trois théories principales ont été avancées pour justifier la reconnaissance des immunités »182 : la théorie d'extraterritorialité183, la théorie de la représentativité184 et la théorie de la nécessité de la fonction185. Conjointement et successivement, nous rattacherons ou nous opposerons, dans l'étude de ces théories, de la première à la dernière, la notion de la souveraineté territoriale186 d'un Etat, la notion de la responsabilité pénale individuelle187 et la notion des actes détachables de la fonction diplomatique.

§1. Théorie d'extraterritorialité face à la souveraineté territoriale de l'Etat accréditaire

Il est connu, « le territoire est l'espace géographique terrestre, maritime et aérien délimité par les frontières d'un Etat »188. En droit international, « le respect de l'intégrité territoriale constitue un grand principe »189faisant que « le territoire national, valeur souvent sacralisée, ne peut pas être violé »190. Ce qui fait que les Etats doivent s'abstenir, « dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force (...) contre l'intégrité territoriale (...) de tout Etat »191. Peu vite, on peut apercevoir que vont ensemble les notions de « la souveraineté, (de) l'intégrité territoriale et (de) l'indépendance »192 d'un Etat, puisque ce doit être en toute indépendance qu'un Etat exerce sa toute souveraineté sur tout son territoire.

Contre toute cette logique, pourtant l'Etat accréditaire « détient la souveraineté sur son propre territoire, souveraineté dont découle pour lui un pouvoir de

181 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.29

182 Ibidem

183 Ibidem

184 Article 3 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

185 Préambule §4, Idem

186 Article 2 §4, Charte des Nations Unies de 1945

187 Article 25, Statut de Rome

188 Marc de Montpellier, Introduction au droit international public, Collège universitaire français de l'université d'Etat de Moscou, mars 2012, p. 19

189 Ibidem

190 Ibidem

191 Article 2 §4, Charte des Nations Unies de 1945

192 Article 3 b), Acte constitutif de l'Union Afrique de 2000

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juridiction à l'égard des faits qui se produisent sur son sol et des personnes qui y sont présentes »193, de petits espaces peuvent être considérés comme être en dehors de la souveraineté de cet Etat, quoique se trouvant sur son territoire, car voici que « les locaux de la mission (diplomatique) sont inviolables. Il n'est pas permis aux agents de l'État accréditaire d'y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission »194. Plus encore, « l'État accréditaire a l'obligation spéciale de prendre toutes mesures appropriées afin d'empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie »195. On constate, en fait, que « la souveraineté (d'un Etat) n'est plus aperçue aujourd'hui comme un pouvoir absolu. La généralité de la compétence territoriale doit fléchir devant toutes les obligations internationales quelle qu'en soit la source »196 comme « l'immunité (se révèle) comme une exception à la compétence « totale et absolue » que l'Etat du for était en principe habilité à exercer sur son propre territoire »197.

« En vertu de la théorie de l'extraterritorialité, l'agent diplomatique est considéré comme n'ayant pas quitté le territoire de son propre Etat et comme se trouvant, en conséquence, en dehors du territoire de l'Etat accréditaire bien qu'il y exerce ses fonctions. (Et) les locaux de la mission (diplomatique) sont traités de la même façon »198. En pareille conception ou en telle perception des choses, les juridictions de l'Etat accréditaire, pour elles-mêmes, en vertu de la compétence universelle199, ou pour le compte de la CPI dans le cadre de «la coopération internationale et assistance judiciaire »200, ne sauraient intervenir pour poursuivre un diplomate qui est considéré comme se trouvant dans l'Etat accréditant.

Mais avant tout, il faut peut-être dénoncer que « la théorie d'extraterritorialité également connue sous le nom de l'exterritorialité se base sur une fiction »201 puisque, dans le concret, on ne peut pas affirmer que la superficie du territoire de l'Etat accréditaire est diminuée des espaces où sont installés les hôtels diplomatiques. Il

193 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 57

194 Article 22 §1, Convention de Vienne de 1961

195 Article 22 §2, Idem

196 KADONY NGUWAY, op.cit., p. 212

197 LORNA McGregor, Immunité c. responsabilité : Etude de la relation entre l'immunité des Etats et la responsabilité pour torture et autres graves crimes internationaux, Londres, The Redress Trust, 2005, p. 12

198 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p. 748

199 E. HERVE ASCENCIO et Alain PELLET, op.cit. p. 627

200 Article 86, Statut de Rome de 1998

201 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 79

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peut être tout simplement accepté, encore avec hésitation, que « si les représentants des Etats ne sont pas assujettis à la législation de l'Etat territorial, c'est parce qu'ils sont considérés comme se trouvant juridiquement en dehors du territoire dudit Etat ; (et) ils ne s'y trouveraient que sur le plan physique et matériel »202. Même à ce niveau, il n'est pas à dire que prétendre, territorialement parlant, que l'hôtel diplomatique ne se trouve pas sur le territoire de l'Etat accréditaire dans lequel il est installé, et où il fonctionne. Mais quoiqu'il en soit, les agents de l'Etat accréditaire ne peuvent pas pénétrer dans les locaux de la mission diplomatique sans «autorisation» du chef de la mission203même dans le but d'arrêter un présumé auteur des crimes graves. L'exception à cette «autorisation» préalable du Chef de la mission diplomatique est à trouver dans la compétence de la Cour pénale internationale dans le cadre de la coopération de l'Etat accréditaire avec cette cour.

Mais, même cette exception ne pourrait être totalement opérationnelle même si l'hôtel diplomatique est considéré comme se trouvant sur le territoire de l'Etat accréditaire car, dans cette hypothèse, c'est plutôt à ce dernier que la CPI devrait adresser une demande de coopération. En effet, tel qu'il sera considéré que l'hôtel diplomatique est sur le territoire de l'Etat accréditaire ou de l'Etat accréditant, telle sera aussi établie la compétence territoriale de la CPI car, en fait, la Cour pénale internationale peut exercer sa compétence si est partie au Statut de Rome ou a accepté la compétence de la CPI « l'État sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord d'un navire ou d'un aéronef, l'État du pavillon ou l'État d'immatriculation »204.

Comme il apparait que cette notion d'extraterritorialité semble compliquer ou rendre difficile l'ouverture des poursuites, ou les poursuites elles-mêmes, puisque la personne à poursuivre, ou le lieu où cette personne se trouve seraient couverts d'inviolabilité205 sur base de la Convention de Vienne de 1961 ou sur toute autre source de droit international ; toutes ces difficultés que poserait l'impasse dans la réflexion à propos de la fiction qu'installe la théorie d'exterritorialité ne constituent point d'obstacle pour les poursuites engagées par la CPI parce que « les immunités ou règles de procédure spéciales (...), en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence »206.

202 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 79

203 Article 22, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

204 Article 12 §2, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

205 Articles 22 et 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

206 Article 27 §2, Statut de Rome de la cour pénale internationale

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En effet, si la théorie d'extraterritorialité a pris existence c'était pour « justifier la nécessité de reconnaître des privilèges et immunités à certaines catégories de personnes »207 ; or, on le sait, toute théorie, qui s'arrogerait le culo de justifier des immunités devant la justice, est inopérante devant la CPI dans sa « mission de juger le génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre, et l'agression »208. Mais bien « l'immunité empêche ou entrave l'exercice par l'État de sa juridiction, en particulier de sa compétence judiciaire et répressive »209.

Telle se veut être la chute de notre étude, parallèlement au droit international pénal ou au droit international public, sur « la «théorie de l'extraterritorialité» (qui crée) une fiction juridique selon laquelle les locaux d'une mission diplomatique ou les locaux temporairement occupés par un souverain dans un pays étranger étaient considérés comme des appendices du territoire de l'État d'envoi »210. Mais cette fiction ne pourrait être opposable à la CPI aussi longtemps qu'elle s'inscrira dans la bataille de faire reconnaitre la non-poursuite de certains individus en vertu des immunités211, puisque, devant la CPI, le sort des privilèges et immunités est connu.

Parlant aussi de cette théorie en confrontation avec les Statuts des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, il est préalable que les compétences territoriales de ces juridictions soient connues. En fait, « le tribunal international (pour l'ex-Yougoslavie) est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 »212. Et « le tribunal international pour le Rwanda est habilité à juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 »213.

Sans vouloir nier l'existence de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques sur laquelle prend fondement juridique la théorie d'extraterritorialité, il peut

207 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 78

208 NYABIRUNGU Mwene SONGA, Droit international pénal, Kin., DES, 2013, p. 8

209 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 19

210 Idem, p. 22

211 Confédération Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE), op.cit., p. 30

212 Article 1er, Statut du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de 1993

213 Article 1er, Statut du tribunal pénal international pour le Rwanda de 1994

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être tout humblement dit que les deux tribunaux internationaux ne sont pas parties214 à cette Convention. D'où, toute théorie qui viendrait faire considérer que sont en dehors les locaux diplomatiques215, pourtant se trouvant géographiquement sur les territoires ciblés dans les statuts de ces tribunaux pénaux internationaux, est loin d'être invoquée devant ces juridictions pour soulever l'exception de leur incompétence. Sinon, ces Statuts en auraient fait mention.

A côté de cela, sans épouser cette fiction, non plus, sans renier les immunités diplomatiques, il faut peut-être souligner, en compendium, que l' « inviolabilité qui s'étend (...) à la résidence du chef de la mission et à la demeure privée des agents diplomatiques n'implique aucune extraterritorialité nonobstant l'attachement prêté par une certaine doctrine à cette fiction. En conséquence, la loi de l'Etat accréditaire est en principe pleinement applicable dans les lieux occupés par l'hôtel diplomatique, les activités qui s'y déroulent ne pouvant être réputées accomplies en territoire étranger.»216 Bref, les locaux diplomatiques restent sur le territoire de l'Etat accréditaire même s'« il n'est pas permis aux agents de l'État accréditaire d'y pénétrer »217, « à moins que le chef de mission n'ait donné son consentement»218.

D'ailleurs, il faut noter aussi que « l'inviolabilité dont jouit la mission diplomatique lui a permis d'accorder l'asile diplomatique (mais) la légalité de cette pratique est (...) contestée (...) considérant qu'elle constitue un abus de privilège »219.

Que dire aussi de la théorie représentative ?

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld