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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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§3. Devant les juridictions nationales

On le sait, la Cour pénale internationale « est complémentaire des juridictions pénales nationales »138dans la répression des crimes internationaux relevant de sa compétence139. Cette répression revient donc d'abord aux juridictions nationales ; mais, dans le cas d'un Etat accréditaire ou de tout autre Etat placé dans les obligations de l'Etat accréditaire, quand bien-même partie au Statut de Rome, la poursuite d'un diplomate accusé des crimes graves est une violation « de l'immunité de la juridiction pénale de l'Etat accréditaire »140 dont jouit l'agent diplomatique. De cette immunité, on ne peut que retenir que « la personne de l'agent diplomatique est inviolable, (et que) il ne peut être soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention»141cette immunité étant absolue142. Cela est pareil pour tout Etat autre que l'Etat accréditaire « si l'agent diplomatique traverse le territoire ou se trouve sur le territoire d'un État tiers, qui lui a accordé un visa de passeport au cas où ce visa est requis, pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son poste, ou pour rentrer dans son pays, l'État tiers lui accordera l'inviolabilité et toutes autres immunités nécessaires pour permettre son passage ou son retour»143.

Mais si tel est l'état des choses dans l'Etat accréditaire ou dans un Etat tiers, qu'on retienne, par contre, que « l'immunité de juridiction d'un agent diplomatique dans l'État accréditaire ne saurait exempter cet agent de la juridiction de l'État accréditant »144. Mais cela n'exclut pas qu'un agent diplomatique puisse être couvert des immunités ou privilèges par le droit national devant les juridictions internes.

Cela étant le régime des immunités du diplomate devant les institutions de l'Etat accréditaire ou l'Etat tiers, serions-nous tenté de vouloir savoir comment se comporterait cet Etat pour répondre à son « obligation (...) de coopérer »145avec la Cour

136 Articles 2 - 5, Statut du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de 1993 ; articles 2 - 4, Statut du tribunal pénal international pour le Rwanda de 1994

137 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET, op.cit., p. 191

138 Article 31 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

139 Article 5, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

140 Article 31 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

141 Article 29, Idem

142 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p. 752

143 Article 40 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

144 Article 31 §4, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

145 Article 86, Statut de Rome de la cour pénale internationale

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pénale internationale « dans les enquêtes et les poursuites »146quand celui-ci a accepté la compétence de la Cour pénale internationale147, ou est partie au statut de Rome148.

A notre humble avis, l'immunité du diplomate, en raison du défaut de pertinence de la qualité officielle149, ne joue pas lorsque c'est la Cour pénale internationale qui poursuit le bénéficiaire d'immunité. Dans cette perspective, il peut être déduit que lorsque la Cour pénale internationale adresse une demande de coopération150 à l'Etat accréditaire, celui-ci est en devoir de coopérer « pleinement avec (elle) dans les enquêtes et poursuites »151 de l'agent diplomatique. En effet, l'Etat accréditaire n'agit pas pour son compte ou pour ses juridictions devant lesquelles le diplomate étranger jouirait des immunités. Par contre, il agit entant que main de la Cour pénale internationale qui poursuit.

Dans la même philosophie, l'Etat accréditaire « peut déférer au Procureur (de la Cour pénale internationale) une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la cour paraissent avoir été commis, et prier le procureur d'enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes».152 Malheureusement ou heureusement, cette possibilité de renvoi d'une situation à la Cour par un Etat vient être rendue impossible parce que « l'État qui procède au renvoi indique autant que possible les circonstances pertinentes de l'affaire et produit les pièces à l'appui dont il dispose »153et pourtant l'Etat accréditaire ne peut pas ouvrir une quelconque enquête s'il s'agit de la personne de l'agent diplomatique qui serait accusée. L'Etat accréditaire ne pourrait donc pas fournir ces pièces vu qu'il ne peut ouvrir aucune enquête ou aucune poursuite contre un diplomate. C'est cela qui a obligé en juin 2014, par exemple, la France à détruire les informations récoltées des enquêtes faites sur un jeune congolais de 14 ans accusé d'attouchements sexuels dès qu'elle se rendit compte que c'est un fils d'un diplomate congolais.

Revenant à parler de la coopération des Etats avec la cour pénale internationale, coopérer avec cette dernière ne semble pas être aussi aisé qu'on peut dire

146 Article 86, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

147 Articles 12 et 13, Statut de Rome de la cour pénale internationale

148 Préambule §1er, Statut de Rome de la cour pénale internationale

149 Article 27, Statut de Rome de la cour pénale internationale

150 Article 87, Statut de Rome de la cour pénale internationale

151 Article 86, Statut de Rome de la cour pénale internationale

152 Article 14 §1, Statut de Rome de la cour pénale internationale

153 Article 14 §2, Statut de Rome de la cour pénale internationale

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facilement que « les Etats coopèrent pleinement avec la Cour... »154, surtout lorsqu'il s'agit d'arrêter et remettre à la Cour un bénéficiaire de l'immunité de juridiction pénale étrangère.

On se souviendra, par exemple, qu'il avait été vociféré que les autorités de la RDC avaient « l'obligation d'arrêter le Président soudanais recherché par la CPI »155. Mais cela était avant que « le 9 avril 2014, la Chambre préliminaire II a décidé que la République démocratique du Congo n'a pas respecté son obligation de coopérer pleinement avec la Cour en ne procédant pas à l'arrestation et à la remise d'Omar Al Bashir à la Cour, lors de sa visite en RDC les 26 et 27 février 2014 »156 au sommet du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (CEMAC) »157. Dans la même affaire, un peu avant, « le 13 décembre 2011, la Chambre préliminaire I a décidé que la République du Malawi n'a pas respecté les demandes de coopération de la Cour concernant l'arrestation et la remise d'Omar Hassan Ahmad Al Bashir lors de sa visite du 14 octobre 2011 »158. La chambre préliminaire regretta avec la même douleur le comportement affiché par « la République du Tchad »159de n'avoir pas arrêté Al Bashir le 7 et 8 aout 2011. Le même comportement d'indifférence à la demande la CPI a été celui, très récemment, de l'Afrique du Sud lors du Sommet de l'Union africaine en mi-juin 2015.

A propos de « Uhuru Muigai Kenyatta »160, Président du Kenya poursuivi par la CPI, on ne saurait évoquer la question que soulèverait une quelconque immunité d'un Chef puisqu'il a répondu volontiers à l'invitation de la CPI. Aussi ne saurait-on pas dire que son propre Etat l'y a déféré, comme l'a imaginé la Chambre II de la CPI qu'un Etat pouvait remettre à la Cour ses propres protégés car voici qu'elle s'était plaint « que la République du Soudan n'a pas coopéré avec la Cour (...) aux fins de l'arrestation et de la remise d'Omar Al Bashir à la Cour »161.

154 Article 86, Statut de Rome de la cour pénale internationale

155 La Coalition pour la cour pénale internationale, La République démocratique du Congo doit arrêter el-Béchir, Communiqué pour diffusion immédiate, 25 février 2014, p. 1

156 La Cour pénale internationale, Fiche d'information sur l'affaire Situation au Darfour (Soudan), le Procureur c. Omar Hassan Al Bashir, 26 mars 2015, p. 3

157 La Coalition pour la cour pénale internationale

158 Ibidem

159 Ibidem

160 CPI, Fiche d'information sur l'affaire Situation en République du Kenya, le Procureur c. Uhuru Muigai Kenyatta, 13 mars 2015, p. 2

161 CPI, Fiche d'information sur l'affaire Situation au Darfour (Soudan), le Procureur c. Omar Hassan Al Bashir, 26 mars 2015, p. 3

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En gros, mentionnons que « les relations de la Cour pénale internationale (CPI) avec certains gouvernements africains et l'Union africaine (UA) se sont heurtées à des défis accrus »162 alors que, juridiquement, les Etats sont en devoir de coopérer avec la CPI163dans les enquêtes et poursuites contre un Chef d'Etat ou un agent diplomatique puisque « la qualité officielle »164 d'une personne ne peut « empêcher à la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne »165. Mais il faut dénoncer que cela jouerait à la faveur de « compromettre les relations amicales entre nations »166. Ce qui entraverait donc aux « buts des Nations Unies »167, voire aux « objectifs de l'Union (Africaine) »168« compatibles avec les buts et les principes des Nations Unies »169, s'il peut être osé d'imaginer l'arrestation du Président soudanais el-Béchir par un Etat africain, ou celle d'un diplomate de n'importe quel Etat par tout autre Etat. A la limite, le voudrions-nous, l'Etat du for170 peut déclarer simplement un agent de l'Etat étranger persona non grata171, au lieu de le déférer à la CPI172.

Car en effet, pas facile à se tenir entre les obligations naturelles des relations étatiques africaines et les obligations internationales juridiques de coopération avec la CPI, « la tension entre l'Union africaine (UA) et la CPI en est arrivée à un point tel que le 11 octobre 2013, les dirigeants africains se sont réunis à Addis-Abeba, en sommet extraordinaire, pour discuter d'un éventuel retrait collectif du Statut de Rome créant la CPI »173. En tout, on a impression d'être en présence d'un conflit entre l'Union Africaine et la CPI, vu que se nourrit « l'impression que la CPI ne vis(e) que les Africains »174. L'Afrique a choisi de « défendre les positions africaines communes sur les questions

162 Human Rights Watch, L'Afrique et la CPI, Memorandum for the Twelfth Session of the International Criminal Court Assembly of States Parties, Novembre 2013, p. 1

163 Article 86, Statut de Rome, op.cit.

164 Article 27 §1, op.cit.

165 Article 27 §2, Idem

166 Article 14, Charte des Nations Unies de 1945

167 Article 1er, Idem

168 Article 3, Acte constitutif de l'Union Africaine de juillet 2000

169 Article 52 §1, Charte des Nations Unies de 1945

170 Nicolas ANGELET, « le droit des relations diplomatiques et consulaires dans la pratique régente du conseil de sécurité », in Revue belge de droit international, Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 172 ; CIJ, Arrêt du 20 juillet 2012, Affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), par. 120

171 Article 9 §1, Convention de Vienne de 1961 ; article 23, Convention de Vienne de 1963 ; M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 168

172 Article 14, Statut de Rome de la cour pénale internationale de 1998

173

Jacques MBOKANI, « la cour pénale internationale : une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des victimes africaines? », in Revue québécoise de droit international, février 2013, p. 48

174

Jacques MBOKANI, op.cit., p. 49

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d'intérêt pour le continent »175 dans le but de «promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité sur le continent »176. El-Béchir pouvait bien être un diplomate, pour les mêmes raisons, rien ne fait penser que le comportement de l'Afrique pourrait être autre que celui affiché dans le cas d'un El-Béchir Chef de l'Etat.

A ce stade, on peut bien être tenté de vouloir savoir ce qui reste de l'obligation internationale juridique des Etats de coopérer177 avec le CPI pour un bénéficiaire d'immunité internationale178, si un Etat africain préfère entrer en conflit avec la CPI qu'avec un autre Etat africain, ou mieux, avec l'Union Africaine.

Des oppositions entre textes juridiques, ou entre textes et leur exécution ou leur «exécutabilité» sont souvent des problèmes de droit qui demandent des solutions aussi juridiques. Le souhait ardent est que la CPI et l'Union Africaine harmonisent pour donner effet au droit.

Les oppositions ne sont pas que rencontrées pour les seules questions de coopération des Etats avec la CPI, elles peuvent bien aussi être soulignées en parlant «des théories justificatives »179 de l'octroi des immunités à leurs bénéficiaires, si ces théories viennent à être mises en face des notions ou principes sur lesquels repose la matière du droit international pénal180 ou du droit international public. La section, ici-bas, est consacrée à cette question.

175 Article 3 d), Acte constitutif de l'Union Africaine de 2000

176 Article 3 f), Acte constitutif de l'Union Africaine de 2000

177 Article 86, Statut de Rome de la cour pénale internationale

178 Article 31, Convention de Vienne de 1961 ; CIJ, Requête, Affaire relative mandat d'arrêt du 11 avril 2000, (RDC c. Belgique), p. 2 ; CIJ, Arrêt du 4 juin 2008, Affaire relative à certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), par. 32

179 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 78

180 P. AKELE ADAU, A. SITA MUILA AKELE et Ngoy ILUNGA wa Ns T, op.cit., p. 268

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo