§2. Devant les tribunaux pénaux internationaux
ad hoc
Les tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda dont la compétence ratione
personae est sous étude, ici, ont été
créés « par le Conseil de sécurité agissant en
vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies »118comme
il est régi que « le Conseil de sécurité (peut)
décider quelles mesures seront prises (...) pour maintenir ou
rétablir la paix et la sécurité »119 dans
le monde « afin d'empêcher la situation de
s'aggraver»120pour le climat des relations internationales.
Loin de discuter sur la compétence du Conseil de
sécurité de l'ONU à créer des tribunaux
pénaux internationaux, la question est plutôt ici posée aux
textes créant ces tribunaux pour appréhender la valeur qu'ils
réservent aux immunités du diplomate. En réponse, il
faudra lire, avant tout approfondissement, que, pour le tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie, « le Tribunal international est
habilité à juger les personnes présumées
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises
sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 »121, et pour
le Rwanda, « le Tribunal international (...) est habilité à
juger les personnes présumées responsables de violations graves
du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les
citoyens rwandais présumés responsables de telles violations
commises sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994 »122. A propos des immunités, il
faudra savoir que « la qualité officielle d'un accusé (...)
ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas
un motif de diminution de la peine »123.
Comme souligné depuis l'introduction du présent
travail, la phrase : « la qualité officielle d'un accusé
(...) ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale
»124ne doit pas être interprétée
hâtivement comme disant que cette « qualité officielle »
ne peut pas « empêcher »125 aux tribunaux
internationaux d'exercer leur compétence. Puisque, autrement que la
formulation des Statuts de ces derniers, le Statut de Rome précise que
« les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité
118 Préambules des Statuts des
tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie de 1993, et pour le Rwanda de
1994
119 Article 39, Charte des Nations Unies de
1945
120 Article 40, Charte des Nations Unies de
1945
121 Article 1er, Statut du tribunal pour
l'ex-Yougoslavie de 1993
122 Article 1er, Statut du tribunal
international pour le Rwanda de 1994
123 Article 6 §2, Statut du tribunal
international pour le Rwanda de 1994 ; article 7 §2, Statut du tribunal
international pour l'ex-Yougoslavie de 1993
124 Ibidem
125 Article 27 §2, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
15
officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du
droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa
compétence à l'égard de cette personne
»126.
Par contre, pour les tribunaux pénaux internationaux,
attendre par exemple la fin de la fonction127 du diplomate pour le
poursuivre ne pourrait être entendu comme violation de leurs Statuts
puisque cette attente ne les « exonère (toujours) pas de la
responsabilité pénale »128. En effet, les deux
Statuts ne demandent pas de poursuivre le bénéficiaire
d'immunité129pendant la période qu'il est en fonction.
Cette attitude vient échapper à consacrer, de quelque
manière, l'impunité grâce à
l'imprescriptibilité130 heureuse des crimes graves. On dirait
que l'impunité resterait toujours consacrée si, pour certains
cas, la compétence de ces tribunaux internationaux était
exclusive ; mais, loin de là, a été instituée la
complémentarité131 de la Cour qui intervient lorsque
la juridiction qui serait compétente n'a pas de volonté ou est
dans l'incapacité (de jure ou de facto) de mener (...) les
poursuites132. Dans le cas des tribunaux pénaux
internationaux, cette incapacité mériterait d'être vue
comme juridique puisque rencontrée dans la faille des textes de droit
interprétables en faveur de la non poursuite d'un diplomate encore en
fonction. Notons-le, cette complémentarité de la CPI aux
tribunaux pénaux internationaux ne découle que de
l'interprétation analogique et logique de la
complémentarité133 de cette cour aux juridictions
nationales prévue dans le Statut de Rome.
La complémentarité de la CPI ne pourra pas se
présenter comme l'exclusif remède puisqu'il ne doit pas nous
échapper que « l'agent diplomatique jouit de l'immunité de
la juridiction pénale de l'État accréditaire
»134, et il n'est pas dit qu'il en jouit devant les
juridictions internationales auprès desquelles il n'est pas
accrédité comme il l'est pour « représenter
l'État accréditant auprès de l'État
accréditaire »135. On peut enfin dire logiquement que
les immunités diplomatiques ne peuvent empêcher aux tribunaux
pénaux
126 Article 27 §2, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
127 CIJ, Arrêt du 14 février 2002,
Affaire du mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 57
128 Article 6 §2, Statut du tribunal
international pour le Rwanda, et l'article 7 §2, Statut du tribunal
international pour l'ex-Yougoslavie de 1993
129 CIJ, Arrêt du 14 février 2002,
Affaire du mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 57
130 Article 29, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
131 Préambule §10, Statut de Rome
de la cour pénale internationale; NYABIRUNGU Mwene SONGA, Droit
international pénal, Kinshasa, DES, 2013, p. 3
132 Article 17, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
133 Préambule §10, Statut de Rome de
la Cour pénale internationale
134 Article 31 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
135 Article 3 §1, a), Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
16
internationaux de poursuivre une personne
présumée auteur des crimes de leur
compétence136qu'il s'agisse « des gouvernants, des
fonctionnaires ou des particuliers »137.
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