CHAPITRE I. CONFRONTATION DU DROIT DIPLOMATIQUE AU
DROIT INTERNATIONAL PENAL
Traiter de l'immunité de juridiction pénale
étrangère d'un diplomate en cas de commission des crimes graves
revient en la confrontation du droit diplomatique au droit international
pénal voire au droit pénal international, ne pouvant faire fi de
la rencontre opposée de deux « principes de droit
»90international , par exemple, le défaut de pertinence
de qualité officielle en matière des crimes graves91
consacré dans bien des textes internationaux, et l'immunité de
juridiction pénale étrangère92 d'un diplomate
qui suppose son inviolabilité93 comme une dimension de son
statut privilégié94 lui reconnue par la Convention de
Vienne de 1961, et par la jurisprudence internationale95.
Pour la Convention de Vienne ci-haut citée, «
l'agent diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction pénale
»96, le Statut de Rome, par contre, annihile toute
prétention du genre car voici qu'il établit que « les
immunités (...) qui peuvent s'attacher à la qualité
officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas à la Cour (pénale internationale) d'exercer
sa compétence à l'égard de cette
personne»97.
On réalise, à la lecture de ce qui
précède, qu'un texte protège la qualité officielle
du diplomate, alors qu'un autre la défie. Ce qui inspire que cette
opposition ait une place dans notre réflexion dans un quelconque but de
voir comment ces immunités se comportent selon que le diplomate
présumé98 auteur des crimes graves est devant la Cour
pénale internationale, devant « les tribunaux pénaux
internationaux ad hoc »99 ou devant les juridictions
nationales100.
90 Article 38 §3, Statut de la
Cour internationale de justice
91 Article 27, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
92 M. GIONATA P. BUZZINI,
op.cit., p. 55
93 Article 29, Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
94 Article 11, Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948
95 CIJ, arrêt du 24 mai
1980, affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis
à Téhéran, par. 95 ; CIJ, arrêt du 14 février
2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 60 ; CIJ,
arrêt du 4 juin 2008, affaire relative à certaines questions
concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c.
France), par. 160
96 Article 31, Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
97 Article 27, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
98 Article 11 §1,
Déclaration universelle des droits de l'homme
99 Marc de Montpellier,
Introduction au droit international public, Exposés au
Collège universitaire français d'Etat de Moscou, mars 2012, p.
70
100 Article 1er, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
12
La question est ici montée sur la pépie de
savoir, en interrogeant « le droit positif »101en cette
matière, si, oui ou non, la qualité du diplomate est vue du
même regard par les juges à ces différents stades de
juridictions en cas des crimes graves. Cela inspire, avant tout, de parler de
la qualité du diplomate en présence du principe du défaut
de la pertinence de la qualité officielle.
SECTION I. La qualité de l'agent diplomatique et
le défaut de pertinence de la qualité officielle
Sans nous répéter sur la sacralisation, d'un
côté, et la désacralisation, d'un autre, de la
qualité officielle de « l'agent diplomatique »102,
il n'est plus qu'à nous intéresser au degré d'application
des immunités du diplomate ou, parallèlement, du défaut de
pertinence de la qualité officielle devant la Cour pénale
internationale (§1), devant les tribunaux pénaux internationaux ad
hoc (§2), et devant les juridictions nationales (§3).
§1. Devant la Cour pénale internationale
Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ne
laisse pas d'ambiguïté sur la question du défaut de
pertinence de la qualité officielle d'un accusé des « crimes
relevant de la compétence de (cette) Cour »103. A
propos, on lit que « les immunités ou règles de
procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la
qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit
international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence
à l'égard de cette personne »104. On retiendrait
tout simplement que la Cour « n'épargne pas les gouvernants (aussi
les représentants de l'Etat) que (leur) qualité officielle ne met
plus à l'abri des poursuites »105 judiciaires.
En défiant même les immunités qu'aurait
instituées un texte international, ici la Convention de Vienne de 1961,
on ne saurait tout de même pas penser que le Statut de Rome a
abrogé cette dernière, ou lui a dérogé, mais
plutôt, il vient juste écarter toute éventuelle fausse
analogie qui tenterait d'opposer à la Cour pénale internationale
les immunités de juridiction pénale du diplomate.
En fait, il serait bien scientifique et logique de garder
à l'esprit que la Convention de Vienne, dont il est question, est trop
circonscrite en précisant que « l'agent
101 Paul AMSELEK, op.cit., p. 4
102 Article 1er, e), Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
103 Article 5, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale de 1998
104 Article 27 §2, Idem
105 E. Hervé ASCENCIO et Alain PELLET, op.cit.,
p. 85
13
diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction
pénale de l'État accréditaire »106. Ici,
qu'on s'aperçoive que les autres juridictions ne sont pas visées,
mais bien, on comprendrait qu'il s'agit, de quelque manière, de «
l'immunité de juridiction d'un Etat (...) devant les tribunaux d'un
autre Etat».107 Clairement dit, le Statut de Rome ne s'est pas
levé contre la Convention sus-citée puisqu' en effet le Statut de
Rome n'a pas posé le principe de défaut de
pertinence108 de la qualité officielle de l'accusé
devant les juridictions nationales auxquelles, plutôt, la Cour est
complémentaire109, et devant laquelle personne ne jouit
d'immunité voire ses propres juges, procureur110...
Quoiqu'il y en ait encore beaucoup à savoir qui demande
une certaine réflexion nourrie, retenons, sans trop méditer, que
la qualité officielle de l'accusé ne peut empêcher à
la Cour d'exercer sa compétence111, et qu'il n'est pas tout
aussi à oublier que, la CPI, ne possédant de force publique
propre, peut « adresser des demandes de coopération aux
États Parties »112 qui, en principe, «
coopèrent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites
qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence
»113. A ce propos, on serait peut-être tenté de
s'interroger sur le comportement les Etats dans la coopération avec la
Cour pour arrêter un diplomate qui « ne peut être soumis
à aucune forme d'arrestation ou de détention
»114dans l'Etat accréditaire et dans tout autre
Etat115 se trouvant dans les circonstances fixées par la
convention de Vienne de 1961.
Avant que nous plongions dans le vif de cette question, il
faut d'abord savoir comment jouent les immunités du diplomate devant les
juridictions dont la compétence ratione personae116
n'est pas concernée par le défaut de pertinence de la
qualité officielle prévu dans le Statut de Rome dans lequel seule
la « Cour »117 pénale internationale est
visée. Qu'en est-il donc premièrement des tribunaux pénaux
internationaux, et, deuxièmement, des juridictions nationales ?
106 Article 31 §1, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
107 Article 1er, Convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005
108 Article 27, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
109 Préambule §10, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
110 Article 48, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
111 Article 27 §2, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
112 Article 87 §1, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
113 Article 86, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
114 Article 29, Convention de vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
115 Article 40, Convention de vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
116 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
3
117 Article 27 §2, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
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