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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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§2. Théorie représentative face à la responsabilité pénale individuelle

Pour « la théorie de la représentation »220, « les diplomates représentent l'Etat auprès d'autres Etats ; en raison de leur caractère de représentants de l'Etat, (ils) ont un statut spécial (dont) découlent des immunités diplomatiques»221alors que la théorie d'extraterritorialité fonde la justification des immunités sur le fait que « les locaux d'une mission diplomatique ou les locaux temporairement occupés par un souverain dans un pays

214 Préambule §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

215 Article 1er, Idem

216 J. VERHOEVEN, op.cit., p. 53

217 Article 22 §1, Convention de Vienne sur les relations internationales de 1961

218 Confédération Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE), Op.cit., p. 19

219 J. VERHOEVEN, op.cit.

220 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 22

221 Adrien MULUMBATI NGASH, Les relations internationales, Lubumbashi, Africa, 2005, p. 73

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étranger étaient considérés comme des appendices du territoire de l'État »222 accréditant. La présente théorie est fondée sur « le caractère représentatif de l'agent diplomatique et de la mission diplomatique, l'un et l'autre représentant l'Etat accréditant et son Chef. C'est en cette qualité qu'ils bénéficient des privilèges et immunités car, en respectant leur dignité et leur indépendance, l'Etat accréditaire respecte en même temps, comme il a le devoir, la dignité, l'indépendance et la souveraineté de l'Etat accréditaire »223, « or il n'est pas nécessairement vrai que seules les personnes qui ont le caractère représentatif qui bénéficient des privilèges et immunités. En effet, l'épouse, l'enfant, les personnes vivant sous sa dépendance »224, bref, « les membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage bénéficient (également) des privilèges et immunités »225. Ce qui fragilise la pensée selon laquelle les immunités diplomatiques tirent leur justification dans le caractère représentatif de leurs bénéficiaires de l'Etat accréditant.

Mais plusieurs textes juridiques internationaux traitant, de loin ou de près, des immunités, utilisent souvent les concepts « représentants de l'Etat »226, « représenter l'Etat »227, « ... représentant un Etat »228, « représentation des Etats »229, « représentant d'un Etat »230... En effet, avant tout, un diplomate a la fonction de représenter l'Etat accréditant auprès de l'Etat accréditaire231, mais venir à en déduire que c'est ce caractère représentatif qui justifie ses immunités devant les juridictions de l'Etat accréditaire232demanderait une autre réflexion et aurait une conséquence de renier les immunités diplomatiques des « membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage »233puisqu'ils ne représentent pas l'Etat accréditant. Mais bien « un ambassadeur, loin d'être un simple particulier, représente dans sa majesté, le souverain qui

222 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22

223 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p. 749

224 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 79

225 Article 37 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

226 Article 2 §1, Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de janvier 2005 ; article 5, Convention de l'organisation de l'unité africaine sur les privilèges et immunités de l'organisation de l'unité africaine de 1965

227 Article 2 §1, Convention de Vienne sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou entre organisations internationales de 1986 ; article 17 §2, Convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963 ; Article 3 §1, Convention de Vienne de 1961.

228 Article 7, Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969

229 Préambule §5, Convention de Vienne sur la représentation des Etats dans leurs relations avec les organisations internationales de caractère universel de 1975

230 Article 27 §1, Statut de Rome de la cour pénale internationale

231 Article 3 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

232 Article 31, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

233 Article 37 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

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l'envoie, et dont les pouvoirs ne sauraient être bornés par l'exercice de la juridiction locale » ...

Et vite, certains ont eu à l'esprit que « les privilèges que le droit des gens reconnaît à un ambassadeur procèdent de ce qu'il représente la personne de son maître, qualité qui lui confère nécessairement tous les droits et privilèges dont celui-ci, en tant que souverain, jouirait dans les États d'un autre prince s'il s'y rendait en personne pour y traiter ses affaires»234.

Tel nous brossons la notion de la théorie représentative des immunités diplomatiques qui peut être encore confrontée au principe de le « responsabilité pénale individuelle »235. En fait, par représentation de l'Etat, et de la couverture de ses actes par l'immunité de juridiction puisque représentant l'Etat accréditant, on comprendrait que l'agent diplomatique agit au nom et pour le compte de l'Etat même quand il rédige une lettre d'amour à sa femme, depuis qu'on sait que, à cause de l'immunité de juridiction pénale, « aucun acte d'instruction, de poursuite, ou de contrainte ne peut intervenir à l'encontre d'une personne représentant un Etat»236. Cela signifie que « cette immunité est totale, générale et absolue en ce sens qu'elle couvre tous les actes tant officiels ou publics que privés que cette personne pourrait commettre ».237

On serait tenté, de ce qui précède, de comprendre que la théorie représentative fait incomber l'Etat accréditant la responsabilité de tous les actes de son représentant. Ce qui bloquerait la machine de la répression des crimes graves parce que l'on ne saurait pas, dans ce cas, qualifier cette responsabilité de l'Etat accréditant de « responsabilité (...) des supérieurs hiérarchiques »238, or en même temps, on ne pourrait hâtivement affirmer que la responsabilité incombe au Chef de l'Etat de l'Etat accréditant puisque tout simplement l'agent diplomatique ne représente pas le Chef de l'Etat mais l'Etat accréditant239 vu que ce ne sont plus « les Princes (qui s'envoient) des Ambassadeurs »240depuis le régime « de l'autorité étatique »241. Or on le sait, « la Cour est compétente à l'égard des personnes physiques »242 et non à l'égard des Etats. Dans ce

234 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 21

235 Article 25, Statut de Rome de la cour pénale internationale

236 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 71

237 Ibidem

238 Article 28, Statut de Rome

239 Article 3 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

240 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 78

241 Marc de Montpellier, op.cit., p. 20

242 Article 25 §1, Statut de Rome de la cour pénale internationale

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contexte, on a l'impression que « la reconnaissance de l'immunité ratione personae entraînerait un risque grave d'impunité »243 d'un diplomate auteur des crimes internationaux, et pourtant il a été du souhait ardent des Etats que « les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis ». D'où, il est à comprendre qu'on peut « privilégier la règle de l'immunité dans les cas où il n'y a pas de risque d'impunité »244.

Cette théorie de la représentation ne saurait, non plus comme celle de l'extraterritorialité, jouer devant la CPI puisque, s'il venait à être soutenu qu'un agent diplomatique aurait commis des crimes au nom et pour le compte de l'Etat accréditaire comme, dans tous ses actes, il reste représentant de ce dernier, et que, par conséquent, il est « inviolable »245, aussi si, par impossible, il peut être établi qu'il y avait, au sens du droit international pénal, des « relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés »246 entre l'Etat accréditant et l'agent diplomatique, puis démontrer que l'Etat accréditaire, qui serait l'autorité supérieure dans ce contexte, « savait que ses subordonnés, (les agent diplomatiques), commettaient ou allaient commettre ces crimes, ou a délibérément négligé de tenir compte d'informations qui l'indiquaient clairement ; (ou encore que) ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et (que) le supérieur hiérarchique n'a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête et de poursuites »247, la CPI n'aura pas compétence de poursuivre ce supérieur hiérarchique puisque c'est un Etat.

Mais même si cette théorie pouvait batailler pour que la responsabilité de la commission des crimes graves incombe à l'Etat accréditant et non à l'agent diplomatique, celui-ci ne pourrait être déchargé puisque la responsabilité internationale de l'Etat n'affecte pas celle des individus248par lesquels il aurait agi, comme à l'inverse, « la responsabilité pénale des individus n'affecte la responsabilité des États en droit international.»249 D'où, l'Etat accréditant peut engager sa responsabilité internationale, et l'agent diplomatique engager la sienne.

243 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 3

244 Idem, p. 105

245 Article 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

246 Article 28 b), Statut de Rome de la cour pénale internationale

247 Ibidem

248 Article 4 de la Commission de droit international concernant la responsabilité de l'Etat

249 Article 25 §4, Statut de Rome de la cour pénale internationale

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Et bien d'ailleurs dans la philosophie du droit de la CPI, pareil raisonnement n'est pas à tenir parce que la théorie de la représentation s'inscrit sur la ligne de justifier la reconnaissance des immunités de l'agent diplomatique, et pourtant il n'est pas à oublier que c'est un principe absolu, « le défaut de pertinence de la qualité officielle »250, devant la CPI.

Reste de parler de la théorie de la nécessité de la fonction de la mission diplomatique. §3. Théorie de la nécessité fonctionnelle

Pour la théorie de la nécessité de la fonction de la mission diplomatique, « les privilèges et immunités sont accordés non pas pour avantager les individus mais pour leur permettre d'accomplir leurs fonctions en toute indépendance par rapport à l'Etat accréditaire».251 Toutefois « toutes les personnes qui bénéficient de ces privilèges et immunités ont le devoir de respecter les lois et règlements de l'État accréditaire»252. C'est dans la même tracée qu'on aime dire que les immunités ne consacrent pas l'impunité253 car « le but desdits privilèges et immunités est non pas d'avantager des individus mais d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États ».254

Mais si le bon exercice des fonctions de la mission diplomatique était la justification de l'octroi des immunités, on aurait voulu que ce soit pour les seuls actes de l'agent diplomatique rentrant dans ses missions qu'il soit « inviolable »255. Ce qui fait penser à des actes détachables de la fonction du diplomate256. Car cette « théorie rejoint les conceptions fonctionnelles modernes des institutions juridiques. Elle est construite sur seules les nécessités de l'exercice indépendant de la fonction diplomatique. Tout en mettant l'accent sur l'intérêt de la fonction, elle ouvre la voie à la limitation de ces privilèges et immunités, et vise par-là à l'établissement d'un équilibre entre les besoins de l'Etat accréditant et les droits de l'Etat accréditaire »257. Mais comme « cette théorie justif(ie) l'octroi des (...) immunités par le fait qu'un diplomate ne peut exercer ses

250 Article 27, Statut de Rome de la cour pénale internationale

251 Confédération Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE), op.cit., p. 32

252 Article 41 §1, Convention de Vienne de 1961

253 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 60

254 Préambule §4, Convention de Vienne de 1961

255 Article 29, Idem

256 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61

257 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit., p. 749

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fonctions que s'il est indépendant de l'Etat qui le reçoit »258, le diplomate doit être mis à l'abri de toute peur de se voir happé par les institutions de l'Etat accréditaire dans le sens que « les immunités ont pour but de supprimer des entraves au bon fonctionnement des activités de l'Etat (...) du fait de l'Etat d'accueil ».259

Dans cette façon de voir, on ne saurait exclure certains des actes du diplomate de la couverture des immunités de peur que les intérêts de l'Etat accréditant, pour lequel il travaille, ne se voient empiétés par l'Etat accréditaire ; ce qui peut déclencher des différends entre Etats puisque, en effet, « les immunités diplomatiques (sont des) prérogatives reconnues aux agents diplomatiques (...) en vue de favoriser le libre exercice de leurs fonctions »260dans l'intérêt de l'Etat qui les a envoyés. C'est ce qui explique que « le but des (...) immunités (...) n'est pas d'avantager des individus »261 parce que s'ils sont accrédités auprès de l'Etat accréditaire c'est pour « représenter l'Etat accréditant »262et protéger ses intérêts263. D'où, mettre la main sur l'agent diplomatique revient à porter atteinte à « l'indépendance politique de (cet) État »264ou sa souveraineté265. A côté de cela, «engager des poursuites devant une juridiction étrangère contre tel représentant de l'État en exercice peut conduire à l'arrestation de celui-ci et avoir donc pour effet d'entamer directement son aptitude à continuer de s'acquitter de ses fonctions »266.

Dans cette perception, au lieu de courir le risque de voir les relations internationales se désintégrer entre les Etats accréditaire et accréditant, il a été institué, par prudence et prévoyance, que « l'agent diplomatique joui(sse) de l'immunité de la juridiction pénale de l'État accréditaire »267et qu'il n'y soit « soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention ».268Aussi ont-ils été inviolables les locaux de la mission diplomatique dont la pénétration par les agents de l'Etat accréditaire oblige préalablement « l'autorisation du chef de la mission diplomatique ».269

258 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 80

259 Ibidem

260 Valérie LADEGAILLERIE, Lexique de termes juridiques, Collection numérique, Anaxagora, 2005, p. 85

261 Préambule §6, Convention de Vienne de 1975 ; Préambule §4, Convention de Vienne de 1961

262 Article 3 §1 a), Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

263 Article 3 §1 b), Idem

264 Article 2, 4), Charte des Nations Unies de 1945

265 Article 2, 1), Idem

266 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 64

267 Article 31 §1, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

268 Article 29, Idem

269 Confédération Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE), op.cit., p. 31

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Pour la CPI, les choses ne sont pas à voir du même angle puisque, nous ne le dirons jamais assez, « les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne ».270 Et on ne saura dire que la CPI empiète sur les intérêts de l'Etat accréditant puisque, si la Cour est compétente à poursuivre selon les conditions des articles 5, 11, 12, 13 et autres articles du Statut de Rome relatifs à sa compétence, la Cour, en poursuivant un diplomate, respecte le droit qui la régit encore que l'Etat accréditant y aurait consenti soit en acceptant la compétence de la CPI, soit en ratifiant ou en adhérant au Statut. En fait, il est connu, le volontarisme271des Etats, selon lequel « le droit international repose nécessairement sur la volonté des Etats »272, est un grand principe en droit international.

A présent, après avoir longuement traité de la confrontation, en général, du droit diplomatique au droit international pénal, et, quelque peu, au droit international public et au droit pénal international de quelque manière, il reste à confronter des notions qui entourent les crimes graves aux immunités diplomatiques, dans l'espoir de satisfaire aux soifs intellectuelles sur la question de l'immunité de juridiction pénale étrangère d'un diplomate en cas de commission des crimes graves.

270 Article 27 §2, Statut de Rome de la cour pénale internationale

271 Marc de Montpellier, op.cit., p. 12

272 Idem, p. 13

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand