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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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CHAPITRE II. LA REPRESSION DES CRIMES GRAVES ET L'IMMUNITE
DIPLOMATIQUE

Dans ce second chapitre de notre travail, l'objet d'étude se veut être la rencontre de certaines notions et principes qui entourent la matière qui organise la réglementation ou la répression des crimes internationaux les plus graves de la compétence de la CPI273, et certains principes et théories qui, de quelque manière, justifient, expliquent ou soutiennent la reconnaissance des immunités diplomatiques.274

Cette gymnastique de confronter les crimes graves aux immunités diplomatiques, restant dans le périmètre de notre travail, a été incitée par des questions que soulève la répression, par l'Etat accréditaire, des crimes graves commis par un agent diplomatique accrédité auprès de cet Etat. En effet, on peut déjà le réaliser, l'Etat accréditaire se trouve entre l'obligation de ne pas laisser impunis les crimes graves275, et l'obligation de ne pas soumettre un diplomate « à aucune forme de détention ou d'arrestation ».276

Ici, nous partons de l'hypothèse que les juridictions de l'Etat accréditaire sont compétentes à réprimer les crimes graves en ce sens que la CPI leur est complémentaire277. Et donc, sans nous atteler sur les conditions de la compétence des juridictions nationales pour les crimes graves, il importe ou suffit, ici, que l'Etat accréditaire soit partie au Statut de Rome278 ou qu'il ait accepté la compétence de la CPI279s'il n'est pas partie au Statut de Rome. Aussi faut-il que cet Etat soit partie à la convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques, sinon qu'il reconnaisse, par la coutume internationale, les immunités aux représentants d'autres Etats.

C'est dans ce contexte que nous opposerons le principe de la compétence universelle280 au principe par in parem non habet juridictionem281 (SECTION I) qui entend qu'un Etat ne pourrait être jugé par un autre Etat ; et opposer la nécessité de réprimer les crimes graves aux intérêts nationaux et ceux des relations internationales (SECTION II).

273 Article 5, Statut de Rome de la cour pénale internationale

274 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22

275 Préambule §4, Statut de Rome de la cour pénale internationale

276 Article 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

277 Article 1er, Statut de Rome de la cour pénale internationale

278 Article 12 §1, Statut de Rome de la cour pénale internationale

279 Article 12 §3, Statut de Rome de la cour pénale internationale

280 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 105 ; Marc de Montpellier, op.cit., p. 71

281 Marc de Montpellier, op.cit., p. 46

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SECTION I. Le principe de la compétence universelle face au principe par in parem
non habet juridictionem

Le principe de la compétence universelle et celui de par in parem non habet juridictionem fonctionnent tous devant les juridictions nationales de l'Etat accréditaire, pourtant ils se repoussent mutuellement. Pour le premier, on part de l'idée qu' « à travers les personnes qui sont victimes (des crimes internationaux), c'est toute l'humanité et toute la communauté internationale qui sont atteintes »282. D'où, tout Etat peut connaitre de ces infractions même s'elles sont commises (par des étrangers) en dehors de son territoire, et sur des non-ressortissants de cet Etat283. Mais, lorsqu'il s'agit de punir les infractions internationales commises par un diplomate, il est juridiquement prudent de confronter ce principe au second principe qui veut, par contre, qu'« un Etat ne saurait être jugé par un autre Etat ».284 En effet, si l'agent diplomatique est couvert d'immunité de juridiction de l'Etat accréditaire c'est parce qu'étant le représentant de l'Etat accréditant285, le soumettre aux juridictions de l'Etat accréditaire serait leur soumettre aussi l'Etat accréditant. Cette opposition a convoité notre attention à y réserver une réflexion. Comprenons donc d'abord la portée de la compétence universelle (§1) et celle du principe par in parem non habet juridictionem (§2) avant de confronter les deux principes (§3).

§1. Le principe de la compétence universelle

Le principe de la compétence universelle donne « à la fois compétence au tribunal du lieu de commission du délit et à celui du lieu d'arrestation du coupable »286« de poursuivre toute personne soupçonnée des crimes particulièrement graves en l'absence du critère traditionnel de rattachement territorial, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes»287.

Les infractions internationales restent « soumises au principe de la compétence ou de la répression universelle »288. Et plusieurs théories sont nées de ce principe dont celle du forum delicti commissi qui entend que sont compétents « les

282 NYABIRUNGU Mwene SONGA, op.cit., p. 248

283 Ibidem

284 Marc de Montpellier, op.cit., p. 46

285 Article 3 §1, Convention de Vienne de 1961

286 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA, L'exercice de la compétence universelle en droit pénal international comme alternative aux limites inhérentes dans le système de la cour pénale internationale, Mémoire de Maitrise en droit international, Université du Québec à Montréal, Octobre 2008, p. 43

287 Idem, p. 45

288 P. AKELE ADAU et A. SITA MUILA AKELE, Les crimes contre l'humanité en droit congolais, Kinshasa, CEPAS, 1999, p. 23

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tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel l'acte a été commis ».289 Par opposition à cela tout en complétant, il est aussi un autre principe qui se formule ubi te invenero, ibi te judicato 290, du latin, qui se traduit littéralement par « où je te trouverai, là je te jugerai »291. C'est alors que l'Etat qui viendrait à détenir l'auteur présumé des crimes graves est soumis à un autre principe, celui de aut dedere aut judicare qui fait assoir une obligation internationale « d'extrader ou de juger »292. Cette obligation des Etats a encré sa marque dans plusieurs accords internationaux pour « faire en sorte que l'impunité du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité ainsi que des violations du droit international humanitaire et des violations graves du droit des droits de l'homme ne soit pas tolérée, et que ces violations fassent l'objet d'enquêtes sérieuses et de sanctions appropriées, notamment en veillant à ce que les auteurs de ces crimes ou violations soient traduits en justice selon la procédure prévue par le droit interne ou, s'il y a lieu, selon un mécanisme régional ou international, dans le respect du droit international...»293.

On a vu ainsi s'instaurer « l'obligation de coopérer pour combattre cette impunité dans de nombreuses conventions, notamment au moyen de l'obligation d'extrader ou de poursuivre »294. De ces traités internationaux, mentionnons la Convention internationale pour la répression du faux monnayage de 1929295, et les quatre Conventions de Genève de 1949 et leur Protocole additionnel I296 qui prévoient que chaque Partie contractante a l'obligation de rechercher les personnes prévenues d'avoir commis ou d'avoir ordonné de commettre des infractions graves, et qu'elle devra les déférer à ses propres tribunaux, quelle que soit leur nationalité. Elle peut aussi, si elle le préfère, et selon les conditions prévues par sa propre législation, les remettre pour jugement à une autre Partie contractante intéressée à la poursuite, pour autant que cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges suffisantes297. Citons aussi « la Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs (Convention de La Haye de

289 P. AKELE ADAU et A. SITA MUILA AKELE, Les crimes contre l'humanité en droit congolais, Kinshasa, CEPAS, 1999, p. 23

290 Idem, p. 24

291 Ibidem

292 CDI, Obligation d'extrader ou de poursuivre, Rapport final, Annuaire de la CDI, Vol. II, 2014, p. 2

293 Résolution 67/1 de l'Assemblée Générale de l'ONU du 24 septembre 2012, par. 22

294 Ibidem

295 Idem, par. 7

296 Konrad Adenauer Stiftung, Armée et Etat de droit en République démocratique du Congo, 2e éd., Kinshasa, Novembre 2014, p. 129

297 Articles 49, 50, 129 et 146, respectivement, des première, deuxième, troisième et quatrième Conventions de Genève de 1949

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1970) »298qui dispose que l'État « contractant sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire ... à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale»299.

é »302.

L'expression aut dedere aut judicare a eu comme précurseur l'expression aut dedere aut punire300. Mais du temps que le principe de la présomption d'innocence301, pour toute personne poursuivie ou à poursuivre, doit être respecté en procédure pénale, le verbe punire ne devait que laisser place au verbe judicare dans « la terminologie moderne (qui) remplace «punir» par «poursuivre» comme deuxième branche de l'alternative par rapport à l'extradition, pour mieux intégrer la possibilité qu'un suspect soit disculp

Mais même aussi le mot «judicare» (...) n'est pas véritablement l'équivalent de «poursuivre»303. Sur cette question de terminologie, la Commission de droit international « a décidé de se baser sur l'idée que la question du caractère prioritaire de l'obligation, soit d'«extrader» soit de «poursuivre» dépend du contexte et du régime juridique applicable dans chaque cas particulier»304.

A côté de ces questions de terminologie, pour le principe de la compétence universelle, « la multiplication des bases possibles de compétences, ouvrant à un grand nombre d'Etats le droit de juger les suspects, est le principal (obstacle) ayant empêché un règlement rapide de l'affaire de Lockerbie, (par exemple). L'application du principe aut dedere aut judicare -extrader ou juger- pouvait être vue comme une solution à ce conflit de compétences, tant du point de vue juridique que matériel, puisqu'il permettrait d'accorder la priorité à l'Etat sur le territoire duquel les suspects se trouvent réfugiés et dont le droit national ne permettait pas l'extradition de ces individus »305.

En effet, l'affaire de Lockerbie qui oppose La Libye aux Etats-Unis d'Amérique repose sur la convention de Montréal de 1971 qui prévoit que « tout Etat contractant prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions dans »306 cette convention, et que « l'Etat contractant sur le territoire duquel

298 CDI, op.cit., par. 10

299 Article 7, Convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs de 1970

300 CDI, op.cit., par. 2

301 Valérie LADEGAILLERIE, op.cit., p. 179

302 CDI, op.cit.

303 Idem, par. 4

304 Ibidem

305 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 12

306 Article 5 §1, Convention de Montréal de 1971 sur la répression des actes illicites commis contre l'aviation civile

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l'auteur présumé de l'une des infractions est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son territoire, a ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale ».307 Ainsi dans l'affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, « dans sa requête introductive d'instance, la Belgique a demandé à la Cour de dire et de juger que le Sénégal a l'obligation de poursuivre pénalement M. Habré et, à défaut, de l'extrader vers la Belgique »308conformément à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants309.

Mais quoique tout cela soit, dirait-on, assez clair, « dans l'affaire de Lockerbie, cette indéniable volonté de chaque Etat concerné de vouloir juger lui-même les deux suspects (a été la cause) de l'imbroglio juridique que fut la tentative de détermination de la juridiction compétente pour ce procès ; et c'est également le désir des gouvernements britanniques et américains de ne pas faire de concessions quant aux droits de leurs juridictions pénales qui a (...) engendré la saisine du Conseil de sécurité des Nations Unies et la réorientation du différend vers un terrain politique »310. Car, contre ce que prévoyait la convention de Montréal, décida « le Conseil de sécurité aux termes des résolutions 731 (1992), 748 (1992) et 883 (1993): a) déterminant que le défaut, de la part de la Libye, de répondre pleinement et efficacement aux requêtes lui demandant de livrer les deux accusés, en vue de leur jugement aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, constitue une menace contre la paix et la sécurité internationales ; b) décidant que le Gouvernement libyen doit se conformer ces requêtes »311.

Heureusement pour la Libye, et pour la convention de Montréal, la CIJ fut d'avis que « les résolutions 748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité ne sauraient être prises en considération à cet égard dès lorsqu'elles ont été adoptées à une date ultérieure » à la saisine de la CIJ par la Libye312. Sinon, la Libye serait, peut-être, obligée d'extrader ses nationaux au lieu d'avoir librement le choix entre extrader et juger, et la CIJ

307 Article 7, Convention de Montréal de 1971 sur la répression des actes illicites commis contre l'aviation civile

308 CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, Affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), par. 71

309 Article 6, conformément à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984

310 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 11

311 CIJ, Exceptions préliminaires, Affaire relative aux questions d'interprétation et d'application de la convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident aérien de Lockerbie (JAMAHIRYA ARABE LBYENNE c. ETATS-UNIS D'AMERIQUE), 27 février 1998, par. 40

312 CIJ, op.cit., par. 43

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se verrait peut-être obligée à ne pas se saisir de l'affaire. Mais on le saurait pas le dire tout haut puisque, comme la Charte de l'ONU interdit à l'Assemblée générale de faire une recommandation au sujet d'un différend à l'égard duquel le Conseil de sécurité remplit ses fonctions313, « ni la Charte ni le Statut n'apportent de restriction semblable à l'exercice des fonctions de la Cour »314.

Le principe de compétence universelle peut bien souffrir, ou souffre, de certains problèmes, comme illustré ci-haut, alors que bien d'autres questions restent à soulever si, en vertu de ce principe, l'Etat accréditaire est devant le cas de la commission des crimes graves par un diplomate, celui-ci bénéficiant des immunités315parce que représentant de l'Etat accréditant316. Il parait que poursuivre un diplomate serait synonyme de poursuivre l'Etat qu'il représente317. Or on le sait, par in parem non habet juridictionem.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote