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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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§2. Par in parem non habet juridictionem

Le droit international se fonde sur « le principe de légalité souveraine »318 des Etats ; ce qui fait qu'un « Etat ne saurait être jugé par un autre Etat ».319 Ainsi, « un État jouit, pour lui-même et pour ses biens, de l'immunité de juridiction devant les tribunaux d'un autre État »320car par in parem non habet juridictionem. Ce principe se comprend bien dans le fait que « les personnes juridiques de statut égal ne peuvent pas régler leurs litiges devant les tribunaux de l'une d'entre elles »321.

Ce statut privilégié de l'Etat souverain dans l'ordre juridique de ses pairs comporte de nombreux éléments relatifs à la personne de l'Etat lui-même, ses services, ses démembrements, ses « émanations »... à ses actes de souverain et à ses biens affectés à une activité souveraine ne relevant pas du droit privé. « Notons quelques cas remarquables à ce sujet : les banques centrales, les missions diplomatiques, les forces armées en stationnement à l'étranger selon des accords multilatéraux ou bilatéraux prévoyant

313 Article 12, Charte des Nations Unies de 1945

314 CIJ, arrêt du 24 mai 1980, affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), par. 40

315 Article 31, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

316 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22

317 Article 3 §1, Convention de Vienne de 1961

318 Article 2 §1, charte des Nations Unies de 1945

319 Marc de Montpellier, op.cit., p. 46

320 Article 5, Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de janvier 2005

321 LORNA McGregor, Immunité c. responsabilité : Etude de la relation entre l'immunité des Etats et la responsabilité pour torture et autres graves crimes internationaux, Londres, The Redress Trust, 2005, p. 10

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généralement des immunités de juridiction et d'exécution, les chefs d'Etat et ministres en exercice, selon le droit international coutumier, qui bénéficient de privilèges en tout lieu alors même qu'ils ne sont pas présents »322.

Les immunités de l'Etat jouent pour les seules « activités souveraines relevant du jure imperii c'est-à-dire des activités utilisées ou destinées à être utilisées par l'Etat à des fins de service public. (Et non) lorsque l'Etat fait du commerce relevant du jure gestionis, car ici il se comporte comme une personne de droit privé et, dans ce cas, il ne bénéficie en principe d'aucune immunité »323.

Les difficultés restent à qualifier les actes de l'Etat du jure imperii ou du jure gestionis reconnaissant « qu'il existe à ce sujet des interprétations différentes selon les pays ; certains considèrent comme une transaction commerciale ce que d'autres affirment comme relevant de la souveraineté. Il existe aussi des divergences sur la qualité des acteurs étatiques de la souveraineté: ministères, démembrements, entreprises publiques «émanations» de l'Etat et des divergences d'interprétation sur la nature de biens de l'Etat »324.

Sans nous perdre dans les interprétations opposées entre Etats des activités étatiques, ni comparer ces interprétations, nous nous arrêtons au principe de l'égalité des Etats, qui est frère au principe de la souveraineté325 des Etats. Cette égalité entend « la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance de (s) (...) Etats »326, et qu'aucun Etat ne prévale sur l'autre dans les relations internationales ou dans les décisions au sein des organisations internationales. C'est ce qui a amené l'ONU à disposer dans la Charte que « chaque membre de l'Assemblée générale dispose d'une voix »327.

Hélas ! Contre le principe d'égalité qu'elle-même reconnait, la Charte des Nations Unies reconnait et rend droit les inégalités entre Etats en faveur des Etats dits grandes puissances car voici que « le Conseil de sécurité se compose de quinze Membres de l'Organisation. La République de Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et les États-Unis

322 Marc de Montpellier, op.cit., p. 47

323 Marc de Montpellier, op.cit., p. 47 ; CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 60

324 Ibidem

325 Confédération Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE), op.cit., p. 37

326 Article 3 b), Acte constitutif de l'Union Africaine de 2000

327 Article 18 §1, Charte des Nations Unies de 1945

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d'Amérique sont membres permanents du Conseil de sécurité. Dix autres Membres de l'Organisation sont élus, à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité, par l'Assemblée générale »328. Comme pour pouvoir nous voiler les yeux, il est disposé que « chaque membre du Conseil de sécurité dispose d'une voix »329, et pourtant, on le sait, « les décisions du Conseil de sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents »330. Cela est dit droit de veto dont sont titulaires les cinq membres permanents du Conseil de sécurité.

On peut bien dire que, juridiquement, malgré la position de ces cinq puissances, la souveraineté est la même pour tous les Etats, mais bien, politiquement, la balance de souveraineté des Etats peut en être inclinée. On se souvient fraichement de « l'intervention du Conseil de sécurité et de l'abandon d'une solution purement juridique du litige »331 dans l'affaire de l'incident aérien de Lockerbie. Ici, « les échecs des tentatives négociées pour amener la Libye à revenir sur sa décision de juger elle-même ses ressortissants ont poussé les Etats-Unis et la Royaume-Uni à réorienter le coeur du problème en tenant de déplacer ce différend d'un terrain juridique à un terrain plus politique ».332En effet, d'une observation juridique, « il apparait très difficile de remettre en cause la validité du choix opéré par la Libye »333de poursuivre ses nationaux au lieu de de les extrader. Mais, avec les pouvoirs élargis du Conseil de sécurité, comme il lui revient de constater « l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et (de faire) des recommandations ou décide(r) quelles mesures seront prises (...) pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales »334, par influence d'un Etat parmi les cinq grands, il peut accuser un Etat d'être en situation de menacer la paix et la sécurité internationales, et « entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la sécurité internationales »335.

De ce qui précède, on réalise que, si juridiquement, un Etat ne peut pas juger un autre parce que les Etats sont tous égaux, politiquement il le peut via le Conseil de

328 Article 23 §1, Charte des Nations Unies de 1945

329 Article 27 §1, Charte des Nations Unies de 1945

330 Article 27 §3, Charte des Nations Unies de 1945

331 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 47

332 Ibidem

333 Ibidem

334 Article 39, Charte des Nations Unies de 1945

335 Article 42, Charte des Nations Unies de 1945

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sécurité. Comme « en matière de règlement de différends internationaux, une approche plus politique signifie que généralement le passage par le Conseil de sécurité et le chapitre VII de la Charte des Nations Unies en tant qu'il est susceptible d'imposer un mode particulier de règlements et de modifier les rapports et obligations juridiques par le biais de ses résolutions »336. Ce fut le cas dans l'affaire de Lockerbie ci-haut citée. Mais à lui seul, le droit veto, ou la position de ces cinq grandes puissances ne leur donne pouvoir de juger un autre Etat. Par contre, la question est de savoir comment un Etat accréditaire, peu importe qu'il soit ou non membre permanent du Conseil de sécurité, peut se comporter devant un cas de commission des crimes graves, qui relèvent de la compétence universelle, par un diplomate.

Là, deux opinions s'affrontent : la première qui soutient qu'un diplomate ne peut être soumis aux juridictions étrangères puisque, dans le cas contraire, c'est l'Etat accréditant qu'on aurait soumis aux juridictions d'un autre Etat. En effet, la « mission diplomatique personnifi(e) l'État d'envoi»337 qui s'incarne dans la personne de l'agent diplomatique qui est son représentant. La seconde, qui est de la compétence universelle, demande à un Etat de poursuivre des présumés coupables de crimes internationaux peu importe que ceux-là soient étrangers, que les victimes soient des étrangers, que les crimes se soient perpétrés à l'étranger, et que les présumés auteurs se trouvent à l'étranger. Qu'en est-il alors lorsqu'il s'agit d'un diplomate qui est présumé auteur des crimes internationaux ? Ici-bas, la confrontation de ces deux principes.

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