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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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§3. Confrontation de ces principes

« Le système de l'universalité de punir aurait sa modeste origine (...) dans un texte du Code de justinien qui, déterminant le ressort en matière pénale des gouverneurs de l'empire, donnait à la fois compétence au tribunal du lieu de commission du délit et à celui du lieu d'arrestation du coupable »338. Comme longtemps aussi avant, « l'École espagnole proposa que tous ces malfaiteurs dangereux puissent relever de la compétence du juge du lieu de leur arrestation »339. D'où, il revient à l'Etat, qui détient le présumé

336 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 47

337 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22

338 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA, L'exercice de la compétence universelle en droit pénal international comme alternative aux limites inhérentes dans le système de la Cour pénale internationale, Mémoire de Maitrise en droit international, Université du Québec à Montréal, octobre 2008, p. 43

339 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA, op.cit., p. 43

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coupable, d'extrader ou de poursuivre -aut dedere aut judicare-340, en reconnaissant ainsi la souveraineté de l'Etat à décider sur toute chose et toute personne qui se trouve sur son territoire, au lieu de la reconnaitre à tout autre Etat de peur que ne soient violées « l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de (l') État »341 qui détient le présumé auteur des crimes. Ce qui violerait « le principe de l'égalité souveraine »342 des Etats. Comment se comporterait-il alors lorsqu'il s'agit d'un diplomate qui est présumé auteur des crimes graves ?

« En vertu du principe de l'égalité souveraine, aucun État ne pouvait prétendre exercer sa juridiction à l'égard d'un autre État »343. Qu'on souligne en effet que, dans la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etas et de leurs biens, « le terme «Etat» désigne (aussi) (...) les représentants de l'Etat agissant à ce titre »344. Or, on le sait, « les fonctions d'une mission diplomatique consistent notamment à (...) représenter l'État accréditant auprès de l'État accréditaire ».345 Plus encore, la même convention note qu'elle « n'affecte pas les privilèges et immunités dont jouit un État en vertu du droit international en ce qui concerne l'exercice des fonctions (...) de ses missions diplomatiques, de ses postes consulaires, de ses missions spéciales, de ses missions auprès des organisations internationales, ou de ses délégations dans les organes des organisations internationales ou aux conférences internationales; et (...) des personnes qui y sont attachées »346. L'agent diplomatique se voit ainsi soustrait doublement de la compétence des juridictions de l'Etat accréditaire vu que, en général, « un État jouit, pour lui-même et pour ses biens, de l'immunité de juridiction devant les tribunaux d'un autre État »347, et que, spécifiquement, « l'agent diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction pénale de l'État accréditaire »348.

Un Etat ne peut donc se prévaloir de ses lois internes pour poursuivre un diplomate depuis que « la primauté du droit international public sur le droit interne est un principe fondamental de l'ordre juridique international. Elle est essentielle à son existence.

340 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 12

341 Article 2, 4), Charte des Nations Unies de 1945

342 Article 2, 1), Idem

343 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22

344 Article 2 1) b) iv), Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005

345 Article 3 1) a), Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

346 Article 3 1) a) et b), Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005

347 Article 5, Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005

348 Article 31 1), Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

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Rien de plus naturel dès lors si les personnes de droit international public, c'est-à-dire les Etats et les organisations internationales, jouissent d'un statut juridique qui relève d'un autre ordre que celui des personnes privées de droit interne : c'est dans cette logique que s'inscrivent les «privilèges et immunités» »349. Sur ce point, l'Etat accréditaire « ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité »350 instaurant les immunités pour le diplomate.

Avant tout, «qu'on se rassure, les règles relatives aux privilèges et immunités ne visent pas à organiser l'impunité des Etats ! Si l'Etat souverain ne peut être soumis à l'ordre juridique de chacun de ses pairs, c'est parce qu'il est entièrement soumis à l'ordre juridique international ».351 Aussi, « dans le cas d'agents publics représentant l'État dans les relations internationales, il importe que l'État étranger ne puisse entraver l'exercice de cette fonction spécifique. C'est pourquoi l'immunité est particulièrement importante lorsque le représentant de l'État se trouve à l'étranger»352en ce sens que « le but desdits privilèges et immunités est non pas d'avantager des individus mais d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États »353. « L'obligation de ne pas (poursuivre) un agent public étranger est violée dès qu'une mesure de ce type est adoptée, et non uniquement lorsque l'agent à l'encontre duquel elle est prise se trouve à l'étranger »354.

Serait-on tenté peut-être de savoir s'il existe des exceptions à la règle des immunités. « L'opinion qui prédomine est que, au moins en ce qui concerne les hauts représentants de l'État - chefs d'État, chefs de gouvernement et ministres des affaires étrangères - qui sont en exercice, l'immunité ratione personae de juridiction pénale étrangère n'est pas susceptible d'exceptions »355comme est d'avis la Cour internationale de justice356. Mais bien ici, « la question des exceptions à la règle de l'immunité se pose

349 Marc de Montpellier, op.cit.

350 Article 27, Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969

351 Marc de Montpellier, op.cit., p. 48

352 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 325

353 Préambule §4, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

354 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 326

355 Idem, p. 327

356 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 51- 54 ; CIJ, arrêt du 4 juin 2008, affaire relative à certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), par. 170 - 174

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principalement pour les représentants et anciens représentants de l'État qui jouissent de l'immunité »357.

Une opinion s'est levée selon laquelle « la règle de l'immunité ratione personae doit être susceptible d'exceptions »358. Ce fut la position de la Belgique dans l'affaire du Mandat d'arrêt359, en ce sens que, dans une certaine dimension, « il est impératif de défendre les droits de l'homme contre les violations les plus graves et massives et de lutter contre l'impunité »360. L'idée, ici, est de défendre les intérêts de la communauté internationale dans son ensemble, comme il a été reconnu que « les crimes d'une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde »361, et qu'ainsi, touchant « l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis »362. D'où, « la responsabilité pénale de ceux qui les ont commis, lesquels sont le plus souvent des représentants de l'État, doit en conséquence être mise en jeu dans tout Etat compétent »363. Ce qui justifie la nécessité que l'immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l'Etat soit susceptible d'exceptions qui sont fondées de divers arguments. On note, par exemple, que « certains sont d'avis que les actes criminels les plus graves au regard du droit international qui ont été commis par des représentants de l'État ne peuvent être considérés comme des actes accomplis à titre officiel »364et ne pouvant donc pas être couverts d'immunités.

D'autres auteurs « estiment que, étant donné qu'un crime international commis à titre officiel par un représentant de l'État est imputable non seulement à l'État concerné mais également au représentant lui-même, ce dernier n'est pas couvert par l'immunité ratione materiae dans une procédure pénale »365 vu que « la responsabilité pénale des individus n'affecte la responsabilité des États en droit international »366.

Contre ces arguments de soutien aux exceptions à la règle de l'immunité diplomatique, le droit international a consacré que « la personne de l'agent diplomatique

357 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 327

358 Idem, p. 328

359 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 56

360 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 328

361 Préambule §3, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

362 Préambule §4, Idem

363 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 329

364 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 329

365 Ibidem

366 Article 25, 4), Statut de Rome de la Cour pénale internationale

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est inviolable. Il ne peut être soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention »367, puisqu'il « jouit de l'immunité de la juridiction pénale de l'État accréditaire. Il jouit également de l'immunité de sa juridiction civile et administrative »368, sauf pour certaines actions civiles. Et la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens « n'affecte pas les privilèges et immunités dont jouit un État en vertu du droit international en ce qui concerne l'exercice des fonctions (...) de ses missions diplomatiques (...) (et) des personnes qui y sont attachées »369.

Une opinion plus ou moins modérée entre les immunités et les exceptions y relatives est celle des auteurs qui reconnaissent que « divers éléments ont été avancés à cet effet par des juges, des législateurs ou des savants. Aucun d'entre eux ne s'est révélé parfaitement convainquant. Nul ne sera partant surpris que des incertitudes demeurent. Si dérangeantes qu'elles puissent être, elles ne portent aux immunités étatiques aucun coup fatal »370. Et donc, les immunités, même si bousculées, resteraient debout.

Mais « on pourrait ici s'interroger sur la portée réelle de cette institution face à un intérêt toujours croissant accordé au respect des droits de l'homme »371 certains avis voulant « stigmatiser l'influence prépondérante du mouvement de droits de l'homme dans l'émergence de la notion des crimes de jus cogens372, encore que des auteurs soutenant les exceptions aux immunités trouvent que les immunités diplomatiques ont un fondement plus politique que juridique373.

En dépit des controverses au sujet des immunités confrontées à la compétence universelle ou aux droits de l'homme, « dans l'ensemble, l'immunité de juridiction pénale étrangère des représentants de l'État, à l'instar des États eux-mêmes, constitue la règle générale; l'absence d'immunité dans des situations particulières relève de l'exception »374, alors qu'une autre tendance interpelle le juriste à ne pas oublier que

367 Article 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

368 Article 31, 1), Idem

369 Article 3, 1), Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005

370 Murielle TCHOUWO, Les immunités de juridiction face aux violations graves des droits de l'homme, 2012, p. 10, www.google.com consulté le 5 mai 2015 à 23 h 45'

371 Ibidem

372 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA, op.cit., p. 19

373 Murielle TCHOUWO, op.cit., p. 20

374 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 356 ; article 31, 1), Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 ; articles 7, 8, 9 et 10, Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005

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l'immunité est par définition une exception à la règle générale qui veut qu'être humain soit juridiquement et moralement responsable de ses actes375.

On noterait aussi que « l'immunité ratione personae dont bénéficie un cercle étroit de hauts représentants de l'État s'étend aux actes illicites accomplis par un représentant tant à titre officiel qu'à titre privé, y compris avant son entrée en fonctions. C'est ce qu'on appelle l'immunité absolue »376. Mais cette immunité est temporaire car liée à l'exercice d'une fonction, et prend fin avec celui-ci377. C'est ce qui se lit dans l'Affaire Pinochet378opposant l'Espagne au Chili devant la Chambre des Lords en Grande-Bretagne, et c'est ce qui explique pourquoi, dans l'Affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, le Sénégal n'est plus revenu sur le fait que M. Hissene Habré « devait bénéficier de ... l'immunité de juridiction, qui, selon le Sénégal, a vocation à survivre à la cessation de fonctions du Président de la République »379, puisqu'il ne pouvait que revenir à l'esprit pour le Sénégal que « l'immunité ratione personae (...) liée à la fonction de celui-ci dans l'administration publique (...) est de nature temporaire, (et qu')elle prend effet avec l'entrée en fonctions du responsable et cesse de s'appliquer le jour où ses fonctions prennent fin »380.

Tant que l'agent diplomatique accusé des crimes graves est en fonction, l'Etat accréditaire, partie au Statut de Rome ou autres textes consacrant la compétence universelle et à la Convention de Vienne de 1961ou à tout texte ou encore reconnaissant les immunités diplomatiques, a deux obligations internationales. La première est d'extrader à défaut de juger381, la seconde est de ne porter atteinte à l'inviolabilité de l'agent diplomatique382. Puisqu'en même temps qu'il est demandé à l'Etat que « la répression (des crimes graves) doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre national »383, l'Etat accréditaire a obligation de ne pas « soum(ettre l'agent diplomatique) à

375 KAMBALE MAHUKA Pigeon, L'exploitation illicite des ressources naturelles d'un Etat étranger en cas de conflit armé. Etude sur la responsabilité des Etats et de leurs dirigeants, Thèse de doctorat, Université catholique de Louvain, 2014, p. 401

376 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 357

377 Ibidem

378 Nicole DUPLE, « L'affaire Pinochet », in Revue Maintien de la paix, Bulletin N°40, avril 1999, www.ulaval.ca/ighei

379 CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, Affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c. Sénégal), par. 29

380 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 263

381 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 8

382 Article 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

383 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

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aucune forme d'arrestation ou de détention »384. Pour s'acquitter communément de ces obligations internationales opposées sans violer aucune d'elles, « l'État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, informer l'État accréditant que le chef ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata ou que tout autre membre du personnel de la mission n'est pas acceptable. L'État accréditant rappellera alors la personne en cause ou mettra fin à ses fonctions auprès de la mission, selon le cas »385. Ainsi, l'ancien agent diplomatique, sans immunité, peut être poursuivi par toute voie de droit sans faire fi au débat sur le caractère officiel386 de certains actes posés par un représentant d'un Etat pendant la fonction.

Les immunités diplomatiques contribuant à « protéger dans l'État accréditaire les intérêts de l'État accréditant et de ses ressortissants »387, et « à favoriser les relations d'amitié entre les pays »388, n'échappent pas à se heurter à la nécessité de réprimer les crimes graves ceux-ci ne pouvant « rester impunis »389. C'est ce qui laisse place, dans la présente étude, à la confrontation de la nécessité de réprimer les crimes graves, et les intérêts nationaux de l'Etat accréditant et ceux des relations internationales que protègent les immunités diplomatiques.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore