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L'immunité de juridiction pénale étrangère 'un agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.

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par Fabrice MASHAURI
Université de Goma - Licence 2014
  

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SECTION II. Nécessité de réprimer face aux intérêts nationaux et des relations

internationales

« L'immunité diplomatique est accordée sur un fondement fonctionnel pour permettre aux diplomates de remplir leurs fonctions lorsqu'ils sont en poste à l'étranger sans la menace d'être poursuivis ou arrêtés dans le pays hôte »390. L'immunité diplomatique protège ainsi les intérêts nationaux de l'Etat accréditant391. Aussi, « les relations internationales (...) sont également citées comme raisons (...) pour accorder l'immunité des Etats »392 et leurs représentants comme « l'immunité a généralement pour objet de préserver la stabilité des relations internationales »393. En effet, il s'établit un lien « entre l'immunité des Etats et l'égalité souveraine entre Etats (...) ou la souveraineté

384 Article 29, Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

385 Article 9, 1), Idem

386 CIJ, arrêt du 4 juin 2008, Affaire relative à certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), par. 191

387 Article 3, 1) b), Convention de Vienne de 1961

388 Préambule §3, Idem

389 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

390 LORNA McGregor, op.cit., p. 9

391 Article 3, 1) b), Convention de Vienne sur les relations internationales de 1961

392 LORNA McGregor, op.cit., p. 11

393 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 74

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étatique (qui) form(e) la base du droit international et des relations internationales »394 en ce sens que l'immunité contribuerait à l'harmonisation des pratiques des relations entre Etats395.

Cette position n'est pas unanime, ni inchangeable, car voici qu'on trouve des avis pour lesquels « la répression effective des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité est un élément important de la prévention de ces crimes, de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, propre à encourager la confiance, à stimuler la coopération entre les peuples et à favoriser la paix et la sécurité internationales »396. Comme ça, la communauté internationale a toujours manifesté l'intérêt et la nécessité de réprimer les crimes graves397 ou les infractions, en général, à travers plusieurs textes juridiques internationaux398.

On se trouve alors dans une sorte d'opposition entre « l'immunité (d'un diplomate) et l'accès à la justice »399 contre un diplomate. Ce qui nous fait tomber dans une confrontation de ces deux matières : les intérêts nationaux et ceux des relations internationales face à la nécessité de réprimer les crimes graves.

§1. Confrontation de ces notions

De ce qui précède, on peut constater, « l'immunité (...) est nécessairement incompatible avec l'accès à la justice, et l'un doit donc prévaloir sur l'autre »400. Le but ici n'est pas de savoir lequel prime sur l'autre, plutôt chercher à savoir si, considérant l'immunité diplomatique comme principe l'accès à la justice pour violations des droits humains, par exemple, peut constituer une exception ; ou si, en considérant la répression des crimes graves comme principe, l'immunité diplomatique peut en constituer une exception. Cette démarche rencontre la position de la Cour internationale de justice dans l'affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat selon laquelle « les exceptions à l'immunité de l'Etat constituent une dérogation au principe de l'Egalite souveraine. (Et

394 LORNA McGregor, op.cit., p. 11

395 Préambule §5, Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005; Préambule §4, Convention de Vienne sur les relations internationales de 1961

396 Préambule §5, Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité de 1968

397 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour pénale internationale

398 Article 6, Convention européenne des droits de l'homme de 1950 ; article 14, Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, et aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ; article 5, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984

399 LORNA McGregor, op.cit., p. 41

400 Ibidem

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que) l'immunité peut constituer une dérogation au principe de la souveraineté (...) et au pouvoir de juridiction qui en découle»401.

Aussi, dans l'affaire Al-Adsani c. Royaume Uni, la Cour européenne des droits de l'homme « a expliqué (...) que le droit d'accès à la justice n'était pas absolu mais objet d'une marge d'appréciation. Toute limitation au droit d'accès à la justice doit tendre à un but légitime et, (...) elle a considéré que l'immunité des Etats poursuivait le but légitime de la courtoisie et des relations internationales grâce au respect de la souveraineté d'un autre Etat »402. Mais les tribunaux, comme la CEDH, « se contentent d'admettre que l'application de l'immunité des Etats aux affaires de torture et autres graves crimes internationaux correspond au but légitime d'observer le droit international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre Etats grâce au respect de la souveraineté d'un autre Etat sans expliquer pourquoi »403.

Contrairement, les «droits-de-l'hommistes» trouveraient que « l'immunité (...) peut aboutir à l'impunité »404en ce sens que « l'impunité se définit par l'absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilité pénale des auteurs de violations, ainsi que de leur responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu'ils échappent à toute enquête tendant à permettre leur mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s'ils sont reconnus coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y compris à réparer le préjudice subi par leurs victimes »405.

Malgré cette définition, la Cour internationale de justice souligne que l'immunité de juridiction ne signifie pas qu'il bénéficie d'une impunité406 en ce sens que « immunité de juridiction pénale et responsabilité pénale individuelle sont des concepts nettement distincts »407. L'immunité dont bénéficie une personne, en droit international, ne constitue pas un « obstacle à ce que sa responsabilité pénale peut être recherchée dans certaines circonstances »408. Nous le verrons, ici-bas, quand nous parlerons des contours à l'immunité de juridiction pénale d'un agent diplomatique.

401 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 57

402 LORNA McGregor, op.cit., p. 42

403 Idem, p. 47

404 Ibidem

405 LORNA McGregor, op.cit., p. 47

406 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 60

407 Ibidem

408 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61

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On l'a vu, l'immunité trouve son fondement dans le principe de souveraineté des Etats409qui « ne reconnaissent pas d'autorité au-dessus d'eux »410. Cela explique pourquoi l'agent diplomatique jouit de l'immunité devant les juridictions de l'Etat accréditaire411, ou pourquoi un Etat en jouit412. En effet, on évite qu'un Etat semble être supérieur à un autre Etat en le soumettant à sa justice.

Aussi, la reconnaissance de la souveraineté sous-tend l'indépendance d'un Etat. D'où, le principe de la non-ingérence dans les affaires internes d'un Etat413. Mais « en droit international, les graves crimes internationaux ne sont pas considérés comme relevant du domaine interne d'un Etat, mais de la préoccupation et de la responsabilité de la communauté internationale dans son ensemble »414. Ce qui amena la Cour internationale de justice, dans l'affaire Barcelona Traction, à « considérer que les Etats étaient débiteurs de certaines obligations envers la communauté internationale dans son ensemble, telles que les droits de l'homme. Ces obligations sont qualifiées de erga omnes et reflètent souvent des règles ayant valeur de jus cogens, comme l'interdiction de la torture. Les obligations erga omnes tempèrent les principes de la souveraineté étatique et de la non-intervention car les Etats ne peuvent se cacher derrière ces principes lorsqu'une action est intentée à leur encontre sur la base de la violation d'une obligation»415.

Dans la même percée, dans l'affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat, l'Italie soutint que « le droit international n'accorde pas l'immunité à un Etat ayant commis des violations graves du droit des conflits armés (ou droit international humanitaire) »416.

Dans cette affaire, la Cour internationale de justice démontra que la jouissance ou non de l'immunité ne dépend pas de la gravité des crimes puisque « l'immunité revêt (...) nécessairement un caractère préliminaire »417qui doit être examinée, par un tribunal national, avant que les faits viennent à être établis et jugés

409 Marc de Montpellier, op.cit., p. 12 ; article 2, §1, Charte des Nations Unies de 1945 ; CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 57

410 Marc de Montpellier, op.cit.

411 Article 31, 1), Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961

412 Article 5, Convention des Nations Unies sur les privilèges et immunités des Etats et de leurs biens de 2005

413 LORNA McGregor, op.cit., p.52

414 Idem, p. 53

415 LORNA McGregor, op.cit., p.53

416 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 81

417 Idem, par. 82

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constitutifs de violations graves418. Cela est logique puisque les questions de compétence, dont l'immunité, sont un préalable pour qu'une juridiction vienne à examiner le fond. Car en effet, « le droit à l'immunité n'est pas fonction de la gravite de l'acte dont l'Etat est accusé ou du caractère impératif de la règle qu'il aurait violée est en outre fort importante »419. Et tranchant la question de la relation entre le jus cogens, (à considérant que la répression des crimes graves relève du jus cogens), et la règle de l'immunité, la Cour continue et affirme que les deux règles ne peuvent entrer même pas en conflit du fait que la première peut interdire un comportement internationalement illicite, mais la seconde est de « nature procédurale et se borne à déterminer si les tribunaux d'un Etat sont fondés à exercer leur juridiction »420sans revenir sur la question de la licéité ou l'illicéité du comportement, ni sur celle de responsabilité. Et d'ailleurs, la CIJ a toujours considéré que les obligations des Etats en matière d'immunité internationale ne sont pas que des obligations contractuelles mais bien « aussi des obligations imposées par le droit international en général.»421

Dix ans avant, la même Cour disait que même « si diverses conventions internationales tendant à la prévention et à la répression de certains crimes graves ont mis à la charge des Etats des obligations de poursuite ou d'extradition, et leur ont fait par suite obligation d'étendre leur compétence juridictionnelle, cette extension de compétence ne porte en rien atteinte aux immunités résultant du droit international »422, après que longtemps elle affirmait qu'« il n'est pas d'exigence plus fondamentale que celle de l'inviolabilité des diplomates et des ambassades »423.

Comment pourrait-on alors dire que l'immunité ne signifie pas l'impunité si la procédure judiciaire en est bloquée ? Pour y répondre anticipativement, dirions-nous que la justice n'est pas impossible pour réprimer les crimes graves commis par un agent diplomatique, car, voici ici-bas, il sera étudié les contours aux immunités, leurs destructions, ou leurs exceptions.

418 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 82

419 Idem, par. 84

420 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant), par. 93

421 CIJ, arrêt du 24 mai 1980, affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), par. 62

422 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 59

423 CIJ, arrêt 24 mai 1980, affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), par. 91

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery