II. Hypothèses
L'agent diplomatique représentant son
Etat42, ou mieux étant un organe de l'Etat
accréditant, les juridictions de l'Etat accréditaire ne
pourraient poursuivre ses infractions puisque «par in parem non habet
juridictionem43» en vertu du principe de
l'égalité souveraine des Etats44 puisqu'il est, au
travers de ce principe, inconcevable qu'un Etat juge un autre Etat. Autrement
dit, un Etat ne peut « prétendre exercer sa juridiction à
l'égard d'un autre État »45 en « s'abstenant
d'exercer sa juridiction dans une procédure devant ses tribunaux contre
un autre État et, à cette fin, veille à ce que ses
tribunaux établissent d'office que l'immunité de cet autre
État (...) est respectée»46 donnant ainsi effet
au « respect des immunités consacré par le droit
international »47.
Par contre, devant les juridictions internationales, en
l'occurrence la CPI, puisque naissant « de la rencontre de la
volonté des Etats »48, et que pacta sunt
servanda49 (pour dire que « tout traité en vigueur
lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne
foi»50, ou simplement, on dirait que « les traités
doivent être respectés par les Etats et les organisations
internationales qui y sont parties »51), il est
clair que « les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle
d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à
l'égard de cette personne »52. On comprendrait ici que
le Statut de Rome, pour la seule CPI, et non pour les juridictions
pénales nationales, laisse entendre que « la qualité
officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un
gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent
d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité
pénale »53.
42 Article 3 §1 a), Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
43 M. GIONATA P. BUZZINI, l'immunité de
juridiction pénale étrangère des organes de
l'état, Cours régional de droit international, Addis-Abeba,
Division de la codification des affaires juridiques des Nations Unies, 2012, p.
65
44 Article 2 §1, Charte des Nations Unies de
1945
45 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22
46 Article 6, Convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des États et de leurs biens de
2005.
47 CAD, la répression des crimes
internationaux par les juridictions congolaises, Kinshasa, 2010, p.18
48 KADONY NGUWAY, op.cit., p.2
49 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit.,
p.218
50 Article 26, Convention de Vienne sur le droit
des traités entre Etats et organisations internationales ou entre
organisations internationales de 1986
51 Confédération
Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE), ABC
de la diplomatie, Berne, 2008, p. 29
52 Article 27 §2, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
53 Article 27 §1, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
6
Autrement, pour les juridictions étrangères,
« il est clairement établi en droit international que certaines
personnes occupant un rang élevé dans l'Etat, telles que le chef
de l'Etat, le chef du gouvernement ou le ministre des Affaires
étrangères, de même que les agents diplomatiques et
consulaires, jouissent dans les autres Etats d'immunités de juridiction,
tant civiles que pénales »54en raison du principe de
« l'égalité souveraine et l'indépendance de tous les
Etats »55. Qu'il soit donc encore dit, sans laisse, que des
contraintes ou des menaces sous toutes formes, un ultimatum56 par
exemple, ne doivent pas avoir comme destinataires les
bénéficiaires de l'inviolabilité puisque sous couvert de
l'immunité de contrainte57.
Pour le TPIR et le TPIY, « La qualité officielle
d'un accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit
comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité
pénale »58.
Qu'il ne puisse pas être entendu de ce qui
précède que «la qualité officielle
n'exonère pas»59 veut dire poursuivre le
bénéficiaire de l'immunité pendant qu'il est en fonction.
Non plus, il n'est pas dit expressément ni tacitement que ces deux
tribunaux pénaux internationaux verront leurs compétences
suspendues par l'exercice de la fonction du bénéficiaire de
l'immunité. Mais s'il faut rester à ce que prévoient les
deux Statuts de Tribunaux pénaux internationaux, on ne lit que « la
qualité officielle d'un accusé (...) ne l'exonère pas de
sa responsabilité pénale »60alors que le Statut
de Rome pousse plus loin en rendant, sans ambiguïté,
compétente la CPI à poursuivre les bénéficiaires
d'immunités même pendant l'exercice de leur fonction entendu que
« les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle
d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour (pénale internationale) d'exercer sa
compétence à l'égard de cette personne
»61. De cela, qu'on retienne que l'immunité du diplomate
ne pourrait donc empêcher ou suspendre la compétence de la
Cour.
Pendant que les grandes questions de droit seraient en train
d'opposer les juristes sur la compétence des juridictions nationales sur
la répression des diplomates
54 CIJ, Requête, Affaire du
mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (RDC c. la Belgique), par.1
55 Préambule §5, Convention de Vienne sur
le droit des traités de 1969
56 Charles ONANA, Ces tueurs
tutsi au coeur de la tragédie congolaise, Paris, Editions Duboiris,
2009, p.206
57 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 157
58 Article 6 §2, Statut du
tribunal pénal international pour le Rwanda de 1994 et article 7 §2
Statut du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de 1993
59 Ibidem
60 Ibidem
61 Article 27 §1, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
7
auteurs des crimes graves, en traversant des maelstroms de la
politique sur la scène internationale, les victimes des crimes graves
commis par un diplomate seront en train de penser aux réparations des
dommages subis. Sans ouvrir aucune poursuite judiciaire, une procédure
diplomatique en réparation se verrait être lancée 62.
Pour soutenir scientifiquement nos réponses provisoires
ci-haut formulées, une méthodologie est indispensable.
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